Il est question dans ce chapitre d’étudier l’environnement dans lequel évolue la cimenterie IK au cours duquel nous présentons la cimenterie IK ainsi que le produit d’étude, le ciment ; la formation de l’offre et de la demande ainsi que l’équilibre du marché général de ciment à Bukavu ; et enfin nous présentons la formation du prix de vente de la cimenterie IK laquelle est basée sur la méthode du calcul du coût de revient.
II.1. ANALYSE DE L’ENVIRONNEMENT DE LA CIMENTERIE DE KATANA
II.1.1. Présentation de la Cimenterie de Katana
II.1.1.1. Généralités
En 1950, le syndicat CIMENKI (un groupe d’étude basée en Belgique) procéda à l’étude de l’implantation d’une cimenterie dans le KIVU. Le site de KATANA fut choisi, la disposition du gisement de calcaire était favorable (proximité du lac) et les conditions d’approvisionnement en combustible également (tourbe de GISHOMA au Rwanda).
Le marché visé était le KIVU et le RWANDA. L’étude de l’emploi de la tourbe comme combustible et des moyens propres à son exploitation ainsi que les formalités demandèrent un certain temps, de sorte que la société des ciments du KIVU ne fut constituée que le 23 janvier 1956.
Le syndicat de CIMENKI fit apport de ses études à la nouvelle Société pour un montant de 12 millions de Franc Congolais compris dans le capital initial de 150 millions de Francs congolais qui fut porté à 180 millions en 1957.
L’usine a été mise en marche en septembre 1958, et les premières ventes eurent lieu en novembre de la même année.
La cimenterie, du type voie humide, devrait produire le clinker dans un four rotatif d’une capacité nominale de production de 33.000 Tonnes/An.
II.1.1.2. Marché du ciment
A sa création, la CIMENKI (KIVU), la CIMENKAT (KATANA) et CISHABA (KATANGA) ont servi le marché de toute la zone Est de la RD Congo et les consommations du ciment ont été de :
Source : Archives de la cimenterie IK
Soit une consommation annuelle moyenne de 107.000 T de ciment. Cette consommation devrait doubler toutes les 10 années.
Suite à certaines difficultés d’ordre logistique et financière, la société a connu une cessation des activités en 1988, pour ne redémarrer qu’en mai 2011 dernier.
II.1.1.3. Principales activités de la maison
La société INTERLACS a pour objet la fabrication du ciment Portland à la POUZZOLANE.
II.1.1.4. Problèmes de fonctionnement
Il y a eu deux tentatives de remise en activité de l’usine de KATANA après les années 60 ; de 1970 à 1974 et de 1982 à 1988. Mais chaque fois la reprise a été partielle c’est-à-dire que le calcaire a été exploité à KABIMBA et le clinker (calcaire préparé à 1.350° de température) a été transporté jusqu’à KATANA pour y être moulu, ensaché et vendu à Bukavu et Goma principalement.
Pour ce faire, il avait fallu augmenter la capacité de cuisson de l’usine de Kalemie (pour servir 2 usines) et réhabiliter le secteur de la mouture à KATANA. Malheureusement, la non prise en charge des travaux publics, l’amenuisement du pouvoir d’achat de la population et l’inflation galopante n’ont pas favorisé la prospérité de ces programmes ambitieux.
A signaler aussi que la CEPGL qui avait promis d’exploiter le gaz méthane du lac Kivu n’a plus réalisé sa promesse qui pouvait permettre à l’usine de KATANA de fonctionner en autonomie c’est-à-dire sur place l’exploitation de calcaire, la cuisson par le four et le mouture du clinker.
Enfin, il y a lieu de stigmatiser l’attitude de l’administration souvent sollicitée pour protéger l’industrie locale mais elle n’est jamais parvenue à endiguer l’entrée frauduleuse du ciment Zambien, Tanzanien, Ougandais et Rwandais sur le marché congolais.
La société INTER’LACS (c’est-à-dire les Usines de KABIMBA et KATANA) n’a eu aucun répit face aux attaques des groupes armés depuis 1996. Outre des véhicules et des matériels emportés ou endommagés, le fonctionnement de l’unité de KABIMBA a été soumis à rude épreuve toute la période de la guerre et jusqu’à ce jour.
Pire, la convoitise extérieure du marché congolais de ciment s’est étendue au patrimoine même de la cimenterie, qui fait actuellement face aux décisions d’expropriation de l’unité de KATANA.
A court terme et en cas de retour à meilleures conditions politiques, il est possible de procéder à un investissement moyen pour remettre en état la capacité de production de KABIMBA et la mouture de KATANA. Ce serait la réhabilitation de ce qui existe déjà en vue de la production du ciment pouzzolanique.
A long terme, dans un environnement économique incitatif, il y a lieu de faire des gros investissements pour produire du ciment portland normal.
Nous pensons que la cimenterie d’avenir pour l’Est de la RDC est bien celle de KATANA compte tenu de l’existence du gaz méthane dans le lac Kivu (ce gaz peut aussi servir à d’autres fin tel que la conservation des forêts et la protection de l’environnement en général) et de la présence des carrières de calcaire jusque-là inexploités à KATANA.
II.1.2. Généralités sur le Ciment
Le mot ciment vient de caementum, autrement dit pierre taillée. Pour obtenir le ciment, on mélange le calcaire et l’argile dans des proportions adéquates.[1]
Il existe dans le monde 5 types de ciment :
Le ciment est produit grâce à la conjonction de trois matières : le calcaire, l’argile et le gypse, principalement. D’autres matières interviennent également pour donner au ciment certaines caractéristiques.[2]
Les différentes matières composant le ciment sont :
La cuisson à très haute température (1450 °C) des composants précédents donne du clinker, matière de base nécessaire à la fabrication des différents types de ciment.
Le clinker est mélangé au gypse (sulfate de calcium) lors d’un broyage de manière à obtenir un ciment très fin. Le gypse est une espèce minérale composée de sulfate hydraté de calcium.
Les énergies nécessaires à cette cuisson peuvent être : le charbon, le fuel, l’électricité et certains déchets (bois, caoutchouc, graisses, huiles usagées). Chaque tonne de ciment produite requiert l’équivalent de 60 à 130 kg de fuel, ou une moyenne de 110 kWh.
Il est de plus en plus courant de voir des cimenteries fonctionner sur base de carburants alternatifs çàd un mixte de carburants classiques avec des déchets industriels et même domestiques ; ces techniques de carburants alternatifs sont très développées en Europe.
Compte tenu de la variété des matières premières dont dispose le pays, trois types de ciment peuvent être produits en RDC :
Les ciments Portland sont classés en différentes catégories : 32.5, 42.5, 52.5 suivant le nombre de jours à attendre avant de pouvoir exercer une pression sur eux après séchage.
Source : Ministère de l’Industrie RDC, 2009
Il existe deux types de fabrication du ciment :
La voie humide est le procédé le plus ancien, le plus simple mais qui demande le plus d’énergie.
Dans ce procédé, le calcaire et l’argile sont mélangés et broyés finement avec l’eau de façon, à constituer une pâte assez liquide (28 à 42% d’eau).On brasse énergiquement cette pâte dans de grands bassins de 8 à 10 m de diamètre, dans lesquels tourne un manège de herses.
La pâte est ensuite stockée dans de grands bassins de plusieurs milliers de mètres cubes, où elle est continuellement malaxée et donc homogénéisée. Ce mélange est appelé le cru. Des analyses chimiques permettent de contrôler la composition de cette pâte, et d’apporter les corrections nécessaires avant sa cuisson.
La pâte est ensuite envoyée à l’entrée d’un four tournant. Ce four rotatif légèrement incliné est constitué d’un cylindre d’acier dont la longueur peut atteindre 200 mètres. On distingue à l’intérieur du four plusieurs zones, dont les 3 zones principales sont :
Les parois de la partie supérieure du four (zone de séchage - environ 20% de la longueur du four) sont garnies de chaînes marines afin d’augmenter les échanges caloriques entre la pâte et les parties chaudes du four.
Le clinker à la sortie du four, passe dans des refroidisseurs (trempe du clinker), dont il existe plusieurs types comme les refroidisseurs à grille, ou à ballonnets. La vitesse de trempe a une influence sur les propriétés du clinker (phase vitreuse).
De toute façon, quelle que soit la méthode de fabrication, à la sortie du four, on obtient un même clinker qui est encore chaud, d’environ 600 à 1 200°C. Il faut ensuite le broyer très finement et très régulièrement avec environ 5% de gypse CaSO4 afin de «régulariser» la prise.
Le broyage est une opération délicate et coûteuse, non seulement parce que le clinker est un matériau dur, mais aussi parce que même les meilleurs broyeurs ont des rendements énergétiques déplorables.
Les broyeurs à boulets sont de grands cylindres disposés presque horizontalement, remplis à moitié de boulets d’acier et que l’on fait tourner rapidement autour de leur axe (20t/mn) ; le ciment y atteint une température élevée (160°C), ce qui nécessite l’arrosage extérieur des broyeurs.
A la sortie du broyeur, le ciment, avant d’être transporté vers des silos de stockage, doit passer au refroidisseur à force centrifuge pour que sa température soit maintenue à environ 65°C.
En ce qui concerne la voie sèche, la farine (çàd le calcaire et l’argile), après avoir été finement broyée, est transportée depuis le silo d’homogénéisation jusqu’au four, soit par pompe, aéroglisseur puis par aérolift soit par élévateur à godets.
Les fours sont constitués de deux parties :
Les gaz réchauffent la farine crue qui circule dans les cyclones en sens inverse, par gravité. La farine en s’échauffant au-delà des 800°C environ, va se décarbonater (partiellement) en libérant du dioxyde de carbone (CO2) et son eau. La farine chaude pénètre ensuite dans le tronçon rotatif analogue à celui utilisé dans la voie humide, mais beaucoup plus court.
La différence fondamentale entre ces deux procédés, étant que pour la voie humide il y a une consommation supplémentaire de carburant pour sécher la matière et un four plus long ; ces surcoûts ont provoqué l’abandon progressif de ce procédé de fabrication.[4]
II.1.3. Caractéristique de l’industrie du ciment[5]
Poudre fine provenant du broyage et de la cuisson à 1 450 °C du calcaire (80%) et de l’argile (20%), le ciment est un liant hydraulique artificiel qui fait prise sous l’action de l’eau et durcit dans un laps de temps variable suivant sa qualité. Constituant de base des bétons, il permet d’agglomérer entre eux les grains de sable et les granulats.
L’industrie du ciment est une industrie lourde. Un mélange de calcaire et d’argile doit subir, depuis l’extraction de la carrière et le concassage jusqu’à l’ensachage, plusieurs opérations. Ces éléments passent en premier lieu par la pré-homogénéisation et le broyage pour l’obtention d’un mélange très fin appelé le « cru » qui représente la matière première sous forme de poudre. Cette dernière sera ensuite introduite dans un four pour subir une opération de décarbonatation à 1 450 °C, afin de libérer le CO2 contenu dans le calcaire pour prendre ensuite la forme de granules dures appelées « clinker ». Après refroidissement, le clinker est finement broyé pour conférer au ciment des propriétés hydrauliques actives sans oublier l’ajout du gypse, indispensable à la régulation de la prise du ciment. Le ciment sera en fin stocké dans des silos avant d’être livré en vrac dans des citernes ou bien conditionné dans des sacs.
À cet égard, les coûts des installations nécessaires à la production sont élevés et sont estimés à 150 millions d’euros pour la production d’un million de tonnes de ciment auxquels s’ajoutent les dépenses liées à leur maintenance au fil de leurs années d’exploitation. Ceci fait de l’industrie de ciment une industrie fortement capitalistique.
Également, l’industrie de ciment est une industrie énergivore caractérisée par une forte consommation de combustible et d’énergie mécanique. En effet, la fabrication d’une tonne de ciment nécessite 300 kg de charbon et 100 kWh pour actionner les différents appareils. Eu égard la consommation du fuel pour sa fabrication, estimée entre 60 kg à 130 kg pour chaque tonne produite et qui représente en moyenne près des deux tiers des coûts variables et environ 30% du coût total de la production de ciment.
Un autre caractère range la cimenterie parmi les industries lourdes à savoir, le coût élevé de son transport. Une tonne de ciment est grevée d’un coût de transport de l’ordre de 40% pour une distance égale à 250 km et devient équivalent au coût de production au-delà de 300 km. Une contrainte qui fait du marché du ciment un marché local.
En revanche, l’activité de ciment est distinguée par son caractère cyclique et subie en conséquence une irrégularité au niveau de sa production due à l’irrégularité de la demande. En effet, cette activité est fortement influencée par les rythmes d’activité saisonniers de ses industries clientes, notamment l’industrie des bâtiments et des travaux publics qui sont eux même tributaires de l’état de santé de l’économie du pays.
II.1.4. Diagnostic Stratégique global
Le diagnostic stratégique est une démarche qui permet à l’entreprise de se pencher sur les éléments internes et externes qui peuvent influencer son activité. A partir des constats observés, elle peut dégager :
Cette analyse, reposant sur la découverte des forces/faiblesses et des menaces/opportunités, porte le nom SWOT (Strengths, Weaknesses, Opportunities, Threats).
Le diagnostic interne a pour but de définir le potentiel stratégique de l’entreprise, c’est-à-dire les forces, les atouts sur lesquels elle pourra s’appuyer pour définir ses orientations stratégiques. Le diagnostic interne doit permettre de mettre en évidence le savoir-faire de l’entreprise, son métier, ses compétences. L’entreprise compte aussi des faiblesses, des caractéristiques sur lesquelles l’entreprise ne peut pas compter pour définir ses stratégies.
Il repose principalement sur l’inventaire des ressources disponibles au sein de l’entreprise:
Le diagnostic interne porte aussi sur la production (capacités de production, délais de production, flexibilité de l’appareil productif…), l’approvisionnement, le marketing, les capacités technologiques, la logistique,…[6]
L’entreprise est un système ouvert qui survit et se développe dans un environnement en évolution permanente, porteur de menaces et d’opportunités.
La connaissance de l’environnement constitue donc une étape essentielle dans la démarche du diagnostic stratégique que toute équipe dirigeante effectue avant de formuler la stratégie d’ensemble pour l’entreprise.
L’environnement présente des contraintes et des menaces (transformation de l’environnement susceptible de remettre en cause les positions stratégiques et la position concurrentielle d’une firme) qui pèsent sur les choix stratégiques, mais il offre aussi des opportunités (phénomène susceptible de faciliter l’atteinte des objectifs) de développement que l’entreprise doit savoir découvrir et saisir.[7]
II.1.4.1. Matrice SWOT de la Cimenterie de KATANA
STRENGTHS : Les forces de la cimenterie de KATANA
WEAKNESSES : les faiblesses de la cimenterie de KATANA
OPPORTUNITIES : les opportunités de la cimenterie de KATANA
THREATS : les menaces de la cimenterie de KATANA
Terminons enfin cette analyse par les menaces de l’environnement externe de la cimenterie de KATANA :
Après avoir fait une analyse SWOT de la cimenterie nous allons tenter d’évaluer l’intensité concurrentielle à laquelle fait face cette entreprise.
II.1.4.2. Analyse de l’intensité concurrentielle
Le modèle de 5(+1) Forces de M. PORTER va nous permettre de faire cette analyse. Ainsi nous allons analyser six éléments qui constituent ce modèle :
- Menace des nouveaux entrants - Menace des produits de substitution - Pouvoir de négociation des clients - Pouvoir de négociation des fournisseurs |
- Rivalités entre les concurrents - Le pouvoir publique (l’Etat). |
Menace de nouveaux entrants Bien que le secteur cimentier reste difficilement accessible, à cause de l’importance des investissements nécessaires à la production, certaines multinationales peuvent le pénétrer grâce à des opportunités d’achat, de fusion ou d’alliance ou bien par la satisfaction des besoins d’une nouvelle région non encore exploitée par les cimentiers de la place. |
Pouvoir de négociation des fournisseurs Les fournisseurs du fuel, du coke de pétrole et des différents combustibles, disposent d’un pouvoir de négociation très important en raison de l’importance du coût de la facture énergétique supporté par les cimentiers. Pour y remédier, ces derniers peuvent le contrecarrer par la constitution des agglomérats ou bien par une orientation vers des énergies alternatives, notamment l’énergie éolienne ou la transformation des déchets (ménagers et industriels), visant à accroître leur part dans le processus de production. |
Intensité des rivalités inter firmes Le secteur du ciment au Bukavu connaît une concurrence de plus en plus rude entre la cimenterie de KATANA et les importateurs considérés comme une firme à part entière du fait de l’exonération de leurs produits. Chaque augmentation du prix du produit de l’un déplace la demande vers le produit de l’autre concurrent. |
Menace de produits de substitution L’existence de certains produits comme la chaux ou la terre cuite ne constitue pas une véritable menace pour le ciment bien que l’utilisation de ces produits reste récurrente dans les milieux ruraux du pays. |
Autorités publiques : l’Etat L’autorité publique intervient à travers les différentes taxes perçues sur vente des produits telles que celles perçues par l’OCC (0,55%) sur volume produite, FPI (2%), Précompte BIC (1%) et l’ICA (13%), toutes sur volume produites. Ce qui équivaut à 3$ sur le sac de 50Kg produit. |
Pouvoir de négociation des clients Les clients disposent d’un pouvoir de négociation très important du fait que la fixation du prix et des quotas n’est généralement réglementée par l’Etat. Toutefois, ce pouvoir peut se développer avec l’intensification de la concurrence par l’importation sur le marché Bukavien. |
Secteur Cimentier à Bukavu |
Source : Nos Investigations
[1] Assemblée Nationale, Rapport Relatif aux Travaux de la Cellule de Réflexion sur la Problématique de l’industrie Et du Commerce du Ciment en République Démocratique du Congo, Palais du Peuple, Kinshasa, Novembre 2008, p7
[2] Ministère de l’Industrie, Etude sur les opportunités de valorisation industrielle du ciment en République Démocratique du Congo, Contrat N° Z481/COPIREP/SE/10/2009, p41
[3] Ministère de l’Industrie, Etude sur les opportunités de valorisation industrielle du ciment en République Démocratique du Congo, Contrat N° Z481/COPIREP/SE/10/2009, p43
[4] Ministère de l’Industrie, Op cit, p45
[6] MINTZBERG H., Structure et dynamique des organisations, Editions d’Organisation, Paris, 2006, p39
[7] MINTZBERG H., Op cit, p40