I.2.4.1 Définition
Un oligopole désigne une structure de marché qui comporte un « petit nombre » des vendeurs pouvant s’identifier et tenir compte des réactions des concurrents aux différentes décisions prises par chacun d’eux.
Les modèles oligopolistiques que nous allons étudier s’intéressent aux interactions stratégiques qui apparaissent dans le secteur d’activité quand il y a un petit nombre d’entreprises. Chaque entreprise est en mesure d’identifier l’ensemble de ses concurrents et tenir compte de leur comportement pour ses propres décisions. Ayant identifié ses concurrents, l’entreprise peut adopter un comportement stratégique (agir tout en prévoyant la manière dont ses concurrents réagiront à ses propres décisions).[1]
Les situations oligopolistiques résultent généralement des barrières à l’entrée telles que :
Source : VARIAN, H.R., Op cit, p57
En fonction de ces barrières à l’entrée, les entreprises définissent des stratégies concurrentielles comme :
Cela permet à l’entreprise de satisfaire une éventuelle demande résiduelle qui attirerait des concurrents.
I.2.4.2 Les équilibres en oligopole[2]
Depuis les travaux de A. COURNOT, le duopole (marché qui comporte deux vendeurs seulement) est devenu le cadre de référence pour l’étude du comportement des entreprises en oligopole. Le cas du duopole nous permettra d’appréhender une grande partie des caractéristiques importantes des entreprises engagées dans une interaction stratégique, sans les complications en termes de notation qu’impliquent les modèles avec un nombre important d’entreprises. La concurrence peut porter sur la quantité à produire ou sur le prix à fixer et les comportements des antagonistes peuvent être coopératifs ou conflictuels (non coopératifs). Ainsi distingue – t – on :
I.2.4.2.1 Duopole coopératif en quantité[3]
1) Exposé du problème
Comme pour l’analyse relative à un monopoleur faisant face à une fonction de demande, nous supposerons que deux offreurs font face à une demande déterminée de façon concurrentielle et que de la somme de leurs offres résultera des prix sur le marché.
Si la fonction de demande est donnée par P(Q)=P (Q1+Q2), leur fonction de profit respectives seront définies par :
Où CTi(Qi),i :1 2 sont les fonctions de coût total des duopoleurs.
Le problème des duopoleurs est de fixer des quantités qui déterminent conjointement leurs profits. Par ailleurs, chacun des duopoleurs doit tenir compte de l’interdépendance implicite saisie par les relations ci-dessus. Le choix des quantités optimales, Q1*, Q2*, peut être le fruit d’une coopération implicite ou explicite entre les duopoleurs ou au contraire le résultat de deux choix séparés :
2) Duopole coopératif avec paiements latéraux[4]
Dans le cas où les deux duopoleurs acceptent la collusion avec paiements latéraux, il paraît raisonnable de retenir comme solution toute paire d’offre (Q1*, Q2*) qui réalise un profit joint égal à celui qu’aurait réalisé le monopoleur et toute distribution de ce profit qui assure à chaque duopoleur un paiement au moins égal à celui qu’il aurait pu réaliser tout seul sans collusion. Soit π(Q1), π(Q2) et π*=π (Q1, Q2) respectivement le profit que le duopoleur 1 et le duopoleur 2 peuvent atteindre sans collusion et le profit réalisable. La solution coopérative avec paiements latéraux est constituée de toute paire d’offre (Q1*, Q2*) et de toute distribution du profit joint (π1*,π2*) qui vérifie la relation suivante :
Notons que pour tout autre couple
Et
Notons par . Graphiquement l’ensemble des solutions possible se présente ainsi :
Source : VARIAN, H.R., Op cit, p60
Le domaine admissible pour le partage de profit est situé entre les points A et B.
3) Duopole coopératif sans paiements latéraux
Dans le cas où le duopoleur accepte une collusion implicite sans paiements latéraux, il est raisonnable de retenir comme solution toute paire d’offre (Q1*, Q2*) tel que : la paire d’offre (Q1*, Q2*) est issue de l’optimisation sans contrainte de la fonction :
Par ailleurs nous savons que :
Chaque duopoleur reçoit le paiement correspond à sa production effective.
I.2.4.2.2. Duopole non coopératif en quantité
I.2.4.2.2.1 Duopole de COURNOT[5]
1) Présentation du modèle
Dans le cas où il n’est plus possible aux duopoleurs d’organiser entre eux une collusion implicite ou explicite soit en raison de leur rivalité, soit en raison d’une réglementation anti – trust, il devient nécessaire pour ceux – ci de déterminer leur quantité d’équilibre en recourant à un mécanisme nouveau. L’absence des communications se force à recourir à un autre type de rationalité dont COURNOT le premier a présenté la signification dans le cadre de l’exemple suivant.
Le modèle de COURNOT se caractérise par l’existence de deux entreprises produisant un bien homogène. Chaque entreprise cherche à maximiser son profit en considérant la production de son concurrent comme une donnée. Chaque firme anticipe donc que son concurrent maintiendra son volume de production inchangé quelle que soit la quantité qu’elle-même décide de produire.
Supposons que le premier producteur offre la quantité Q1 et le second offre la quantité Q2. Admettons de plus que la demande inverse du marché est linéaire et se présente comme suit :
Ajoutons que la fonction des coûts est la même pour les deux producteurs, soit :
La fonction de profit du duopoleur 1 est :
Graphiquement cette fonction de demande inverse peut se présenter comme suit :
Source : GLAIS M., Op cit, p48[6]
Le problème de la firme 1 devient alors :
Les équations 1 et 2 représentent les fonctions de réaction de deux firmes. Elles correspondent aux meilleures réponses de chacune de firmes aux décisions prises par l’autre :
La résolution de ces deux fonctions de réaction donne :
2) Généralisation du modèle de COURNOT
Il est intéressant de spéculer sur ce qui se passerait, dans le cadre du modèle de COURNOT, si le nombre de firmes présentes sur le marché devenait grand tout en continuant à faire face à la même demande. [7]
Supposons N firmes qui sont symétrique. Leur stratégie porte sur les quanti tés Qi à produire. Dans ce cas, la production totale du marché sera :
où Qi et Q-i représentent respectivement la quantité produite par la firme i et celles produites par toutes les autres firmes concurrentes du marché. Si la fonction de demande inverse est donnée par : P(Q)= a – b.Q et le coût de production de la firme i est : Ci(Qi)=c.Qi la fonction de profit sera de i sera :
Le problème devient :
Par symétrie,
La production totale du marché devient alors :
La fonction de demande inverse sera par conséquent :
Imaginons maintenant que le nombre d’entreprises augmente infiniment et analysons l’impact de cette situation sur le prix et la quantité d’équilibre :
, ce qui représente le coût marginal
Ainsi en Concurrence Pure et Parfaite :
A l’inverse si on retrouve avec une seule firme sur le marché, la situation changera de la manière suivante :
Ainsi en Monopole :
I.2.4.2.2.2 Approche de STACKELBERG[8]
Le modèle de Stackelberg est souvent utilisé pour décrire des secteurs d’activité dans lesquels il y a une entreprise dominante ou un leader naturel. Par exemple, IBM est souvent considéré comme une entreprise dominante dans l’industrie informatique. Dans ce secteur, on observe fréquemment que les petites entreprises se comportent de la façon suivante : elles attendent qu’IBM annonce de nouveaux produits et ensuite elles tiennent compte des choix d’IBM pour prendre leurs propres décisions de production. Dans ce cas, IBM joue le rôle de leader à la Stackelberg et les autres entreprises sont des followers à la Stackelberg.
Dans le modèle de Stackelberg, la firme dominante tire profit de sa position, produit une quantité élevée et réalise un profit considérable par rapport à la dominée. Lorsque les deux entreprises prétendent à la position dominante, il en résulte une guerre de quantité profitable aux consommateurs. Elles ont donc intérêt à s’entendre sur les quantités à produire par chacune d’elles. Lorsqu’elles coopèrent et transfèrent à une autorité collective le choix des quantités à réaliser, les entreprises constituent alors un cartel. Ce dernier se comportera alors en monopole qui vise la maximisation de la somme de profits des entreprises qui le constituent.
Examinons maintenant le modèle théorique de Stackelberg. Supposons que la firme 1 soit le leader et qu’elle choisisse de produire une quantité Q1. L’entreprise 2 réagit en choisissant une quantité Q2. Chaque entreprise sait que le prix d’équilibre sur le marché dépend de la quantité totale d’output produite. Nous utilisons la fonction de demande inverse P(Q) pour indiquer le prix d’équilibre en fonction de l’output du secteur Q = Q1+ Q2.
1) Le problème du follower
Le follower désire maximise son profit mais en tenant compte du choix effectué par le leader :
Le profit du follower dépend de l’output choisi par le leader, mais du point de vue du follower, l’output du leader est prédéterminé, c’est-à-dire que la production du leader a déjà été fixée et que le follower la considère comme une donnée. Il choisira un niveau d’output tel que la recette marginale soit égale au coût marginal :
Comme la quantité produite par le follower dépend du choix effectué par le leader, on peut écrire : Q2 =f2(Q1). Cette fonction est appelée la fonction de réaction puisqu’elle nous dit comment le follower réagit à l’output choisi par le leader. Si la fonction de demande inverse est linéaire, P(Q1+Q2)=a – b.(Q1+Q2), la recette marginale du follower sera : Rm2=a – b.Q1 – 2.b.Q2. La condition d’équilibre donne : Cm2= a – b.Q1 – 2.b.Q2.
Si nous supposons, par hypothèse simplificatrice, que les coûts marginaux sont nuls, la courbe de réaction de la firme dominée sera :
2) Le problème du leader
Il est vraisemblable que le leader est également au courant du fait que ses décisions influencent l’output choisi par le follower. Cette relation est synthétisée par la fonction de réaction f2(Q1). Dès lors, quand le leader choisit son output, il devrait tenir compte de l’influence qu’il exerce sur le follower.[9]
Le problème de maximisation du leader est par conséquent le suivant :
En substituant la seconde équation dans la première nous obtenons :
Si la fonction de demande inverse est linéaire et en supposant que les coûts marginaux sont toujours nuls, le profit du leader est égal à :
Mais l’output du follower dépend du choix du leader par l’intermédiaire de la fonction de réaction Q2 = f2(Q1). Le profit du leader devient alors :
Après simplification, cette équation donne :
La recette marginale correspondant à cette fonction est égale à :
En égalisant cette expression au coût marginal qui est nul dans notre cas, nous obtenons pour Q1 la solution suivante :
En substituant cette valeur dans la fonction de réaction du follower, nous avons :
Par conséquent, l’out put total du secteur est donné par :
I.2.4.3. Duopole non coopératif en prix[10]
L’analyse du duopole en prix résulte d’une critique adressée par le mathématicien français BERTRAND à l’approche suivie par COURNOT. En effet, BERTRAND considère que l’analyse de COURNOT n’est pas crédible dans la mesure où les stratégies des duopoleurs ne sont généralement pas les quantités mais les prix. Or, le résultat est sensiblement différent quand c’est cette dernière variable qui est retenue comme stratégie par le vendeur.
Supposons deux duopoleurs i et j dont le coût marginal est identique et égal à c. La fonction de demande de la firme i est donnée par :
BERTRAND fait alors les hypothèses suivantes concernant la répartition des demandes entre les deux firmes :
Sous ces hypothèses, la fonction de profit de la firme i sera
I.2.5. OLIGOPOLE AVEC DIFFERENCIATION DES PRODUITS[11]
I.2.5.1 Introduction
Cette théorie s’est développée à partir de l’instabilité constatée lorsqu’on adopte une stratégie basée sur le prix. En effet, l’hypothèse cruciale que sous - tend les modèles analysés dans le chapitre précédent est que les firmes produisent un bien homogène, ce qui implique que seule la variable prix intéresse les consommateurs. La conséquence pour les firmes est qu’aucune ne peut fixer un prix supérieur au coût marginal au risque de se faire éjecter du marché. Elles doivent de ce fait joueur sur la différence entre le coût marginal et le prix du marché pour choisir leur prix.
Par contre, dans la réalité, le fait de fixer un prix supérieur à celui des concurrents ne conduit forcément à l’extinction du marché. En effet, certains consommateurs préfèrent acheter une marque déterminée même s’il faut pour cela payer un peu plus cher.
Sur le marché, d’une manière ou d’une autre, les produits sont toujours différenciés.
En général, on distingue deux types de différenciation :
I.2.5.2 Duopole de HOTELING[12]
HOTELING a imaginé la situation de marché suivant : supposons une plage de longueur donnée L, recouverte de façon uniforme par les baigneurs. Deux vendeurs de Coca Cola, A et B, s’installent sur la plage. Le vendeur A est à une distance a de l’extrémité gauche et B à une distance b de l’extrémité droite. On suppose que chaque baigneur achète exactement une bouteille de Coca Cola. Le coût qu’il supporte est égal au prix payé augmenté du coût de transport qui croît linéairement avec la distance parcourue pour se rendre au vendeur qu’il choisit (ainsi, s’il parcourt une distance x et paie un prix p, il supportera un coût total cx + p, où c est le coût unitaire de déplacement). D’où la figure ci - après :
Source : MONTOUSSE, M., Op cit, p104
Quant aux vendeurs, ils ont à décider séparément de l’endroit où ils vont s’installer et de leur prix de vente. Soit P1 et P2 les prix choisis par les vendeurs A et B. Nous supposerons qu’à une localisation donnée, les vendeurs choisissent leurs prix de façon non coopérative.
Suivant la distance qui sépare les deux vendeurs, on peut considérer qu’ils vendent des biens plus ou moins substituts ou carrément homogènes. Dans le cas particulier où a coïncide avec le point L – b, les deux vendeurs proposant un produit parfaitement homogène aux consommateurs, on tombe dans le cas de BERTRAND.
Supposons que les deux vendeurs se soient effectivement installés en a et L – b. Examinons d’abord comment la demande totale se répartit entre eux aux prix P1 et P2. A cet effet, examinons par exemple, la demande D1 (P1,P2) qui s’adresse au vendeur A comme fonction de son prix P1 en supposant que le vendeur B a fixé son prix au niveau P2. Quel serait le système de prix qui résulterait de la concurrence en l’absence de la 4collusion ? Où s’installeront les firmes si elles ont le choix de la localisation ?
Si , le vendeur A récoltera la totalité du marché, en d’autres termes, D1 (P1,P2) = L. En effet, pour le baigneur localisé en b, il est plus intéressant alors d’acheter a plutôt chez A que chez B (dans le premier cas, il « paie » et dans le second cas). Ce qui est vrai pour le baigneur localisé en L-b l’est aussi pour tous ceux localisés « au – delà » de L– b dans la mesure où ils doivent de toute façon se rendre en L – b. Donc si , tout le monde achète chez A. Mutatis mutandis, D1 (P1,P2) = 0 si , Dans ce cas, tout le monde a intérêt à acheter chez B. Dans le cas où le marché se partage en un point t, situé entre a et b, et déterminé par la condition que le baigneur localisé en t est indifférent entre acheter chez A et acheter chez B.[13]
Soient P1 et P2 les prix pratiqués par les deux firmes. Si nous considérons un consommateur pivot pour lequel il y a indifférence entre acheter chez la firme A et acheter chez la firme B, on aura :
En considérant ces deux relations, nous arriverons donc à déterminer la demande qui s’adresse à la firme A comme étant égale à : D1 (P1, P2) = a + X, et celle adressée à B : D2 (P1, P2) = b + Y
D’où du système (I), nous allons déduire la valeur de X et de Y pour les porter dans les différentes fonctions de demande :
Ainsi,
Avec l’hypothèse de coût de production nul, les fonctions de profit seront données par :
Dans ce modèle, les firmes ne vendent plus les mêmes biens car chacune est caractérisée par la distance qui le sépare du consommateur. Recherchons la paire de prix (Q1*, Q2*) tel qu’aucune déviation ne permette d’augmenter le profit. Ainsi,
Ainsi, le profit optimum sera donné dans le cas de chacun des duopoleurs par :
Avec les expressions de profit de deux duopoleurs, nous remarquons que le profit dans les deux cas est fonction de la localisation des duopoleurs ; d’où on pourrait modifier la notation et écrire :
Remarquons que :
Cela veut dire que pour les deux firmes, le profit est le plus élevé quand a et b deviennent très grands avec comme conséquence que les deux firmes choisissent la même localisation pour maximiser le profit. Ainsi donc, elles vont minimiser la différenciation de leurs produits et favoriser l’instauration de la guerre de prix à la BERTRAND.[14]
I.2.6. LA CONCURRENCE POTENTIELLE[15]
I.2.6.1 : Introduction
Au cours des analyses précédentes, nous avons supposé que les firmes concurrentes sur le marché tenaient compte de l’interdépendance de leurs décisions pour choisir leurs propres stratégies. Cette interdépendance ne concernait cependant que l’ensemble des firmes qui étaient effectivement actives sur le marché.
Par ailleurs, à côté de celles – ci peuvent exister aussi des firmes qui, tout en n’étant pas actuellement sur le marché, pourraient les devenir si les conditions d’entrée apparaissaient intéressantes. A côté du groupe des concurrents effectifs, il s’agit ici de la concurrence potentielle. L’interdépendance des décisions doit alors aussi prendre en compte l’influence possible de l’entrée de nouveaux concurrents sur le marché des profits des firmes existantes.
En particulier, la pratique des prix trop élevés conduisant à des profits importants peut induire les concurrents potentiels à entrer sur le marché et à baisser ex post les profits des firmes existantes par la concurrence ainsi créée.
Dans la mesure où une politique des prix adéquatement choisie par les firmes existantes peut empêcher l’entrée des concurrents potentiels, il est possible que cette politique soit finalement plus avantageuse que celle qui consisterait à maximiser le profit sans tenir compte de l’existence de la concurrence potentielle. Or, on peut s’attendre à cde qu’une telle politique des prix soit disponible lorsqu’il existe des barrières à l’entrée au bénéfice des firmes existantes, liées soit à des avantages absolus au coût de production, soit à des économies d’échelle importantes dans le secteur.
Les avantages au niveau du coût de production peuvent provenir des techniques meilleures de production pour les firmes existantes résultant de leur expérience passée ou d’un accès facile au marché des capitaux (dans la mesure où, du point de vue de prêteurs, les firmes existantes représentent un risque inférieur à celui occasionné par des firmes nouvelles).
Dans le cas d’économies d’échelle importantes, l’entrant potentiel fait face à un dilemme : ou bien il choisit de produire à petite échelle, auquel cas il encourt un désavantage des coûts par rapport aux concurrents existants ; ou bien, il choisit d’emblée de produire à grande échelle en courant le risque inévitable lié à la grande dimension, risque d’autant plus important que son entrée est susceptible de bouleverser la situation de l’industrie et donc une tendance à la guerre des prix.[16]
I.2.6.2 Théorie du Prix – limite dans le cas d’avantages absolus de coûts de production[17]
Dans le cas où il existe des avantages absolus des coûts de production, il est facile de voir comment les firmes existantes peuvent se défendre contre l’entrée de concurrents potentiels. Pour raison d’analyse, nous supposerons qu’il existe une seule firme sur le marché ou que l’ensemble des firmes existantes se sont regroupés en un cartel.
Considérons la figure suivante qui représente cette situation :
Source : KREPS, D., Op cit, p136
Soit CM1, Cm1, le coût moyen et le coût marginal de la firme existante et CM2 et le coût moyen de la firme candidate à l’entrée. CM2 domine CM1 : quelle que soit la quantité considérée, cette dernière coûte plus cher à produire pour la firme candidate à l’entrée que pour la firme existante. Si la firme existante n’avait pas de concurrent potentiel, elle pratiquerait le prix pM que choisirait un monopoleur. La firme entrante pourrait cependant faire des profits positifs à ce prix pour toutes les quantités qu’elle mettrait sur le marché dont le coût moyen serait inférieur à pM.
En revanche, si la firme existante choisit le prix pL et produit QL et que, selon le postulat de SYLOS, la firme entrante est convaincue que la firme existante maintiendra la production QL après l’entrée, il n’est plus possible à la firme entrante de réaliser un profit positif : quelle que soit la quantité Q qu’elle envisagerait de produire, le coût moyen de Q sera supérieur pour elle au prix pL. Pour le vérifier, il suffit de décaler vers la gauche en A’B’ la branche AB de la demande résiduelle après que la firme existante ait servi QL: pL est le plus haut prix que cette dernière peut annoncer tout en se garantissant qu’une production positive de l’entrant se fera nécessairement à profits non positifs (au prix pL , toute quantité coûte plus cher qu’elle ne rapporte pour l’entrant). Par définition, ce prix est appelé le prix – limite. La pratique du prix – limite conduit une firme à choisir un prix inférieur à celui qu’elle aurait choisi comme monopoleur, au cas où la menace d’entrée n’eut pas existé (pL < pM ).
I.2.6.2 Théorie du Prix – limite dans le cas d’économies d’échelle[18]
La formalisation de la théorie du prix – limite dans le cas d’économies d’échelle est tributaire des travaux de SYLOS – LABINI. Dans Oligopolio e Progresso Tecnico (1957), il a proposé l’analyse suivante. Considérons une industrie vendant un bien homogène dont la fonction de coût moyen à long terme CLT est représentée à la figure ci – dessous. Sur la même figure, soit DD’ la fonction de demande au marché. Le postulat de SYLOS suppose que les entrants potentiels s’attendent à ce que les firmes qui sont déjà opérantes dans l’industrie maintiendront le même niveau de production après l’entrée si celle – ci a lieu. Si le postulat est effectivement vérifié, seule la branche de la demande située à droite de la quantité produite par la firme existante sera disponible à l’entrant après l’entrée. Par définition, le prix – limite est le prix le plus haut qui soit praticable tout en garantissant que la branche restante de la demande soit entièrement située en dessous de la courbe de coût moyen à long terme. On peut déterminer celui – graphiquement en glissant la courbe de coût moyen et ses axes horizontalement vers la droite jusqu’à ce que la courbe de coût moyen soit située entièrement au – dessus de la demande DD’. Le prix – limite est alors fourni par l’intersection de l’axe O’P’et de DD’
Source : KREPS, D., Op cit, p138
Au prix pL, la firme existante vend OO’; en accord avec le postulat de SYLOS, cette quantité va rester inchangée après l’entrée. Si la firme rentre, elle reste avec la branche de la demande DD’. Si elle produit une quantité positive, le produit total vendu par l’industrie va augmenter et le prix descendra en dessous de pL; pourtant, par définition même de pL, à tout prix inférieur, le coût moyen de toute quantité positive est supérieur à ce prix : les profits seront négatifs, et l’entrée impossible.
[1] VARIAN, H.R., Introduction à la microéconomie (Traduction française), De Boeck,
Bruxelles, 1996, p56
[2] VARIAN, H.R., Op cit, p57
[3] VARIAN, H.R., Op cit, p59
[4] Idem, p60
[5] GLAIS M., Microéconomie : deug de sciences économiques, 1ère et 2e années, Dunod, Paris, 1994, p47
[6] GLAIS M., Op cit, p48
[7] GLAIS M., Op cit, p50
[8] VARIAN, H.R., Op cit, p67
[9] VARIAN, H.R., Op cit, p68
[10] ORY J-N., Microéconomie : Les marchés, Tome 2 Bréal, Paris, 1995, p113
[11] MONTOUSSE, M. (dir.), Microéconomie. Cours, Méthodes, Exercices corrigés, 2e édition, Collection Grand Amphi Economie, Bréal, 2007, p102
[12] MONTOUSSE, M., Op cit, p104
[13] MONTOUSSE, M., Op cit, p105
[14] MONTOUSSE, M., Op cit, p107
[15] KREPS, D., Leçons de théorie microéconomique, Presses Universitaires de France, Paris, 1998, p135
[16] KREPS, D., Op cit, p136
[17] Idem, p138
[18] KREPS, D., Op cit, p139