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I.2.4. LES OLIGOPOLES EN QUANTITE ET EN PRIX

I.2.4.1 Définition

Un oligopole  désigne une structure de marché qui comporte un « petit nombre »  des vendeurs pouvant s’identifier et tenir compte des réactions des concurrents aux différentes décisions prises par chacun d’eux.

Les modèles oligopolistiques que nous allons étudier s’intéressent aux interactions stratégiques  qui  apparaissent  dans  le  secteur  d’activité  quand  il  y  a  un  petit  nombre d’entreprises. Chaque entreprise est en mesure d’identifier l’ensemble de ses concurrents et tenir  compte  de  leur  comportement  pour  ses  propres  décisions.  Ayant  identifié  ses concurrents,  l’entreprise  peut  adopter  un  comportement  stratégique  (agir  tout  en prévoyant la manière dont ses concurrents réagiront à ses propres décisions).[1]

Les situations oligopolistiques résultent généralement des barrières à l’entrée telles que :

  • la différenciation  des  produits :  elle  permet  à  l’entreprise  de  couvrir  les  différents goûts des consommateurs,
  • l’existence d’économie  d’échelle :  elles  traduisent  la  diminution  du  CM  qui  résulte d’une augmentation de la quantité produite. Grâce  aux  économies  d’échelle,  une  entreprise  peut  délibérément  fixer  un  prix légèrement  supérieur  ou  égal  à  son  CM  mais  nettement  inférieur  au  CM  de  l’entrant potentiel pour l’écarter du marché.
  • l’infériorité absolue  des  coûts  des  firmes  existantes :  elle  existe  lorsque  les  firmes existantes  ont  des  CM  inférieurs  à  ceux  des  concurrents  potentiels  pour  tout niveau de production. C’est ce qu’on représente graphiquement comme suit :

Figure 10 : l’infériorité  absolue  des  coûts  des  firmes  existantes

Source : VARIAN,  H.R., Op cit, p57

En  fonction  de  ces  barrières  à  l’entrée,  les  entreprises  définissent  des  stratégies concurrentielles comme :

  • la stratégie du prix  –  limite : il s’agit d’un prix suffisamment bas que les entreprises existantes fixent pour dissuader l’entrée des concurrents potentiels sur le marché ;
  • l’innovation et  la  recherche  –  développement :  cette  stratégie  a  pour  conséquence  la multiplication des produits ou des marques et la baisse des coûts de production ;
  • l’investissement : il s’agit de l’acquisition d’une capacité de production excédentaire.

Cela  permet  à  l’entreprise  de  satisfaire  une  éventuelle  demande  résiduelle  qui attirerait des concurrents.

I.2.4.2 Les équilibres en oligopole[2]

Depuis  les  travaux  de  A.  COURNOT,  le  duopole  (marché  qui  comporte  deux vendeurs seulement) est devenu le cadre de référence pour l’étude du comportement des entreprises  en  oligopole.  Le  cas  du  duopole  nous  permettra  d’appréhender  une  grande partie  des  caractéristiques  importantes  des  entreprises  engagées  dans  une  interaction stratégique, sans les complications en termes de notation qu’impliquent les modèles avec un nombre important d’entreprises. La concurrence peut porter sur la quantité à produire ou sur  le prix à fixer et les comportements  des antagonistes peuvent être coopératifs ou conflictuels (non coopératifs). Ainsi distingue – t – on :

  • les équilibres non coopératifs en quantités
  • les équilibres coopératifs en quantités
  • les équilibres non coopératifs en prix
  • les équilibres coopératifs en prix

I.2.4.2.1 Duopole coopératif en quantité[3]

1)  Exposé du problème

Comme  pour  l’analyse  relative  à  un  monopoleur  faisant  face  à  une  fonction  de demande,  nous  supposerons  que  deux  offreurs  font  face  à  une  demande  déterminée  de façon concurrentielle et que de la somme de leurs offres  résultera des prix sur le marché.

Si la fonction de demande est donnée par P(Q)=P (Q1+Q2), leur fonction de profit respectives seront définies par :

CTi(Qi),i :1      2 sont les fonctions de coût total des duopoleurs.

Le  problème  des  duopoleurs  est  de  fixer  des  quantités  qui  déterminent conjointement  leurs  profits.  Par  ailleurs,  chacun  des  duopoleurs  doit  tenir  compte  de l’interdépendance  implicite  saisie  par  les  relations  ci-dessus.  Le  choix  des  quantités optimales, Q1*, Q2*,  peut  être  le  fruit  d’une  coopération  implicite  ou  explicite  entre  les duopoleurs ou au contraire le résultat de deux choix séparés :

  • il y a coopération explicite, c’est-à-dire avec paiements latéraux quand les duopoleurs tombent d’accord sur le profit à réaliser en commun et sur la règle de partage du profit  commun  sans  que  le  profit  reçu  par  chacun  d’eux  ne  corresponde  à  celui afférant ou relatif aux quantités qu’ils ont produits. Dans ce cas, les fonctions de profit sont différentes pour les deux duopoleurs
  • Il y a coopération implicite, c’est -à-dire sans paiements latéraux quand le profit reçu par chacun des duopoleurs correspond bien à celui afférant aux quantités qu’ils ont effectivement produites mais que chaque duopoleur est prêt à modifier la quantité qu’il produit  si  la  modification  a  pour  effet  d’accroître  le  profit  de  l’autre  sans modifier le sien. Dans ce cas, le profit est joint  et a pour fonction :

2)  Duopole coopératif avec paiements latéraux[4]

Dans le cas où les deux duopoleurs acceptent la collusion avec paiements latéraux, il paraît raisonnable de retenir comme solution toute paire d’offre (Q1*, Q2*) qui réalise un profit joint  égal à celui qu’aurait réalisé le monopoleur et toute distribution de ce profit qui assure à chaque duopoleur un paiement au moins égal à celui qu’il aurait pu réaliser tout seul  sans  collusion. Soit π(Q1), π(Q2) et π*=π (Q1, Q2) respectivement  le  profit  que  le duopoleur  1  et  le  duopoleur  2  peuvent  atteindre  sans  collusion  et  le  profit  réalisable.  La solution  coopérative  avec  paiements  latéraux  est  constituée  de  toute  paire  d’offre (Q1*, Q2*) et  de  toute  distribution  du  profit  joint 1*,π2*)  qui  vérifie   la  relation suivante :

Notons que pour tout autre couple

Et

Notons par . Graphiquement  l’ensemble des solutions possible se présente ainsi :

Figure 11 : Duopole coopératif avec paiements latéraux

Source : VARIAN,  H.R., Op cit, p60

Le domaine admissible pour le partage de profit est situé entre les points A et B.

3)  Duopole coopératif sans paiements latéraux

Dans  le  cas  où  le  duopoleur  accepte  une  collusion  implicite  sans  paiements latéraux,  il  est  raisonnable  de  retenir  comme  solution  toute  paire  d’offre (Q1*, Q2*) tel que :     la paire d’offre (Q1*, Q2*) est issue de l’optimisation sans contrainte de la fonction :

 Par ailleurs nous savons que :

Chaque duopoleur reçoit le paiement correspond à sa production effective.

I.2.4.2.2. Duopole non coopératif en quantité

I.2.4.2.2.1 Duopole de COURNOT[5]

1)  Présentation du modèle

Dans  le  cas  où  il  n’est  plus  possible  aux  duopoleurs  d’organiser  entre  eux  une collusion  implicite  ou  explicite  soit  en  raison  de  leur  rivalité,  soit  en  raison  d’une réglementation anti – trust, il devient nécessaire pour ceux – ci de déterminer leur quantité d’équilibre en recourant  à un mécanisme nouveau. L’absence des communications se force à  recourir  à  un  autre  type  de  rationalité  dont  COURNOT  le  premier  a  présenté  la signification dans le cadre de l’exemple suivant.

Le modèle de COURNOT se caractérise par l’existence de deux entreprises produisant  un  bien  homogène.  Chaque  entreprise  cherche  à  maximiser  son  profit  en considérant  la production de  son concurrent comme une donnée. Chaque firme  anticipe donc que son concurrent maintiendra son volume de production inchangé quelle que  soit la quantité qu’elle-même décide de produire.

Supposons  que  le   premier  producteur  offre  la  quantité  Q1 et  le  second  offre  la quantité  Q2.  Admettons  de  plus  que  la  demande  inverse  du  marché  est  linéaire  et  se présente comme suit :

Ajoutons que la fonction des coûts est la même pour les deux producteurs, soit :

La fonction de profit du duopoleur 1 est :

Graphiquement cette fonction de demande inverse peut se présenter comme suit :

Figure 12 : Duopole de COURNOT

Source : GLAIS M., Op cit, p48[6]

Le problème de la firme 1 devient alors :

Les  équations  1  et  2  représentent  les  fonctions  de  réaction    de  deux  firmes.  Elles correspondent  aux  meilleures  réponses  de  chacune  de  firmes  aux  décisions  prises  par l’autre :

La résolution de ces deux fonctions de réaction donne :

2)  Généralisation du modèle de COURNOT

Il  est  intéressant  de  spéculer  sur  ce  qui  se  passerait,  dans  le  cadre  du  modèle  de COURNOT,  si  le  nombre  de  firmes  présentes  sur  le  marché  devenait  grand  tout  en continuant à faire face à la même demande. [7]

Supposons N firmes qui sont symétrique. Leur stratégie porte sur les quanti tés Qi à produire. Dans ce cas, la production totale du marché sera :

Qi et Q-i   représentent  respectivement  la  quantité  produite  par  la  firme  i  et  celles  produites  par toutes  les  autres  firmes  concurrentes  du  marché.  Si  la  fonction  de  demande  inverse  est donnée  par : P(Q)= a – b.Q et le coût de production de la firme i est : Ci(Qi)=c.Qi la fonction de profit sera de i  sera :

Le problème devient :

Par symétrie,

La production totale du marché devient alors :

La fonction de demande inverse sera par conséquent :

Imaginons  maintenant  que  le  nombre  d’entreprises  augmente  infiniment  et analysons l’impact de cette situation sur le prix et la quantité d’équilibre :

, ce qui représente le coût marginal

Ainsi en Concurrence Pure et Parfaite :

A l’inverse si on retrouve avec une seule firme sur le marché, la situation changera de la manière suivante :

Ainsi en Monopole :

I.2.4.2.2.2 Approche de STACKELBERG[8]

Le  modèle  de  Stackelberg  est  souvent  utilisé  pour  décrire  des  secteurs  d’activité dans lesquels il y a une entreprise dominante ou un leader naturel. Par exemple, IBM est souvent considéré  comme une entreprise dominante dans l’industrie informatique. Dans ce secteur, on observe fréquemment que les petites entreprises se comportent de la façon suivante : elles attendent qu’IBM annonce de nouveaux produits et ensuite elles tiennent compte des  choix d’IBM pour prendre leurs propres décisions de production. Dans ce cas, IBM joue le rôle  de  leader  à  la  Stackelberg  et  les autres entreprises  sont  des  followers  à  la Stackelberg.

Dans  le  modèle  de  Stackelberg,  la  firme  dominante  tire  profit  de  sa  position, produit  une  quantité  élevée  et  réalise  un  profit  considérable  par  rapport  à  la  dominée. Lorsque les deux entreprises prétendent à la position dominante, il en résulte une guerre de quantité  profitable  aux  consommateurs.  Elles  ont  donc  intérêt  à  s’entendre  sur  les quantités  à  produire  par  chacune  d’elles.  Lorsqu’elles  coopèrent  et  transfèrent  à  une autorité  collective  le  choix  des  quantités  à  réaliser,  les  entreprises  constituent  alors  un cartel. Ce dernier se comportera alors en monopole qui vise la  maximisation de la somme de profits des entreprises qui le constituent.

Examinons  maintenant  le  modèle  théorique  de  Stackelberg.   Supposons  que  la firme 1 soit le leader et qu’elle choisisse de produire une quantité   Q1. L’entreprise 2 réagit en choisissant une quantité Q2. Chaque entreprise sait que le prix d’équilibre sur le marché dépend  de  la  quantité  totale  d’output  produite.  Nous  utilisons  la  fonction  de  demande inverse  P(Q)  pour indiquer le prix d’équilibre en fonction de l’output du secteur  Q = Q1+ Q2.

1)  Le problème du follower

Le follower désire maximise son profit mais en tenant compte du choix effectué par le leader :

Le profit du follower dépend de l’output choisi par le leader, mais du point de vue du  follower,  l’output  du  leader  est  prédéterminé,  c’est-à-dire  que  la  production  du leader  a  déjà  été fixée et  que  le  follower  la  considère  comme  une  donnée.  Il  choisira  un niveau  d’output  tel  que  la  recette  marginale  soit  égale  au  coût marginal :

Comme la quantité produite par le follower dépend du choix effectué par le leader, on peut écrire : Q2 =f2(Q1). Cette fonction est  appelée la fonction de réaction  puisqu’elle nous dit comment le follower réagit à l’output choisi par le leader. Si la fonction de demande inverse  est  linéaire, P(Q1+Q2)=a – b.(Q1+Q2),  la  recette  marginale  du  follower  sera :                    Rm2=a – b.Q1 – 2.b.Q2. La condition d’équilibre donne : Cm2= a – b.Q1 – 2.b.Q2.

Si  nous  supposons,  par  hypothèse  simplificatrice,  que  les  coûts  marginaux  sont nuls, la courbe de réaction de la firme dominée sera :

2)  Le problème du leader

Il est vraisemblable que le leader est également au courant du fait que ses décisions influencent l’output choisi par le follower. Cette relation est synthétisée par la fonction de réaction  f2(Q1).  Dès  lors,  quand  le  leader  choisit  son  output,  il  devrait  tenir  compte  de l’influence qu’il exerce sur le follower.[9]

Le problème de maximisation du leader est par conséquent le suivant :

En substituant la seconde équation dans la première nous obtenons :

Si  la  fonction  de  demande  inverse  est  linéaire  et  en  supposant  que  les  coûts marginaux  sont  toujours  nuls,  le  profit  du  leader  est  égal à :

Mais  l’output  du  follower  dépend  du  choix  du  leader  par  l’intermédiaire  de  la fonction de réaction Q2 = f2(Q1). Le profit du leader devient alors :

Après simplification, cette équation donne :

La recette marginale correspondant à cette fonction est égale à :

En  égalisant  cette  expression  au  coût  marginal  qui  est  nul  dans  notre  cas,  nous obtenons  pour  Q1 la  solution  suivante :

En substituant cette valeur dans la fonction de réaction du follower, nous avons :

Par conséquent, l’out put total du secteur est donné par :

I.2.4.3.  Duopole non coopératif en prix[10]

L’analyse du duopole en prix résulte d’une critique adressée par le mathématicien français  BERTRAND  à  l’approche  suivie  par  COURNOT.  En  effet,  BERTRAND considère que l’analyse de COURNOT n’est pas crédible dans la mesure où les stratégies des  duopoleurs  ne  sont  généralement  pas  les  quantités  mais  les  prix.  Or,  le  résultat  est sensiblement différent quand c’est cette dernière variable qui est retenue comme stratégie par le vendeur.

Supposons deux duopoleurs  i  et  j  dont le coût marginal est identique et égal à  c. La fonction de demande de la firme i est donnée par :

BERTRAND  fait  alors  les  hypothèses  suivantes  concernant  la  répartition  des demandes entre les deux firmes :

  • la firme qui a le prix le plus faible obtient la totalité de la demande ;
  • les prix sont identiques, elles se partagent de façon égale le marché.

Sous ces hypothèses, la fonction de profit de la firme i sera

I.2.5. OLIGOPOLE AVEC DIFFERENCIATION DES PRODUITS[11]

I.2.5.1 Introduction

Cette  théorie  s’est  développée  à  partir  de  l’instabilité  constatée  lorsqu’on  adopte une stratégie basée sur le prix. En effet, l’hypothèse cruciale que sous  -  tend les modèles analysés dans le chapitre précédent est que les firmes produisent un  bien homogène, ce qui implique que seule la variable prix intéresse les consommateurs. La conséquence pour les firmes est qu’aucune ne peut fixer un prix supérieur au coût marginal au risque de se faire éjecter du marché. Elles doivent de ce fait joueur sur la différence entre le coût marginal et le prix du marché pour choisir leur prix.

Par contre, dans la réalité, le fait de fixer un prix supérieur à celui des concurrents ne conduit forcément à l’extinction du marché. En effet, certains consommateurs préfèrent acheter une marque déterminée même s’il faut pour cela payer un peu plus cher.

Sur le marché, d’une manière ou d’une autre, les produits sont toujours différenciés.

En général, on distingue deux types de différenciation :

  • La différenciation  horizontale : deux  produits  sont  horizontalement  différenciés lorsque,  à  niveau  de  prix  égal,  chaque  consommateur  choisit  un  certain  produit dans  l’ensemble  des  variétés  disponibles  en  fonction  de  ses  goûts  et  de  sa localisation. Dans ce cas, il n’y a pas de produit de bonne ou de mauvaise qualité mais  il  y  a  simplement  des  produits  qui  conviennent  le  mieux  à  tel  ou  tel  autre consommateur.
  • La différenciation  verticale :  deux  produits  sont  verticalement  différenciés  lorsque tous  les  consommateurs  s’accordent  sur  un  ordre  de  classement  des  produits proposés à partir  de leur qualité (certains produits apparaissent aux yeux de tous comme de bonne qualité et d’autres de mauvaises qualités).

I.2.5.2 Duopole de HOTELING[12]

HOTELING a imaginé la  situation de marché suivant : supposons une plage de longueur  donnée  L,  recouverte  de  façon  uniforme  par  les  baigneurs.  Deux  vendeurs  de Coca  Cola,  A  et  B,  s’installent  sur  la  plage.  Le  vendeur  A  est  à  une  distance  a  de l’extrémité  gauche  et  B  à  une  distance  b    de  l’extrémité  droite.  On  suppose  que  chaque baigneur achète exactement une bouteille de Coca Cola. Le coût qu’il supporte est égal au prix payé augmenté du coût de transport qui croît linéairement avec la distance parcourue pour se rendre au vendeur qu’il choisit  (ainsi, s’il parcourt une distance  x et paie un prix p, il supportera un coût total  cx + p, où c est le coût unitaire de déplacement).  D’où la figure ci - après :

Figure 13 : Situation de marché de HOTELING

Source : MONTOUSSE,  M., Op cit, p104

Quant aux vendeurs, ils ont à décider séparément de l’endroit où ils vont s’installer et  de  leur  prix  de  vente.  Soit  P1 et  P2  les  prix  choisis  par  les  vendeurs  A  et  B.  Nous supposerons qu’à une localisation donnée, les vendeurs choisissent leurs prix de façon non coopérative.

Suivant la distance qui sépare les deux vendeurs, on peut considérer qu’ils vendent des biens plus ou moins substituts ou carrément homogènes. Dans le cas particulier où  a coïncide  avec  le  point  L  –  b,  les  deux  vendeurs  proposant  un  produit  parfaitement homogène aux consommateurs, on tombe dans le cas de BERTRAND.

Supposons  que  les  deux  vendeurs  se  soient  effectivement  installés  en  a  et  L – b. Examinons d’abord comment la demande totale se répartit entre eux aux prix  P1 et  P2. A cet  effet,  examinons  par  exemple,  la  demande D1 (P1,P2) qui  s’adresse  au  vendeur  A comme fonction de son  prix P1 en supposant que le vendeur B a fixé son prix au niveau  P2. Quel  serait  le  système  de  prix  qui  résulterait  de  la  concurrence  en  l’absence  de  la 4collusion ? Où s’installeront les firmes si elles ont le choix de la localisation ?

Si   , le vendeur  A récoltera la totalité du marché, en d’autres termes, D1 (P1,P2) = L.  En  effet,  pour  le  baigneur  localisé  en  b,  il  est  plus  intéressant  alors d’acheter a plutôt chez A que chez B  (dans le premier cas, il « paie »     et  dans le second cas). Ce qui est vrai pour le baigneur localisé en  L-b  l’est aussi  pour tous ceux localisés « au  –  delà » de L– b  dans la mesure où ils doivent de toute façon se rendre en  L – b.  Donc si   , tout le monde achète chez A.  Mutatis mutandis, D1 (P1,P2) = 0 si   , Dans ce cas, tout le monde a intérêt à acheter chez B. Dans le cas où  le marché se partage en un point  t, situé entre a et b, et déterminé par la condition que le baigneur localisé en  t  est indifférent entre acheter chez A et acheter chez B.[13]

Soient  P1 et  P2  les prix pratiqués par les deux firmes. Si nous considérons un  consommateur  pivot  pour  lequel  il  y  a  indifférence  entre  acheter  chez  la  firme  A  et acheter chez la firme B, on aura :

En considérant ces deux relations, nous arriverons donc à déterminer la demande qui s’adresse à  la firme A comme étant égale à : D1 (P1, P2) = a + X, et celle adressée à B :                  D2 (P1, P2) = b + Y

D’où du système (I), nous allons déduire la valeur de X et de Y pour les porter dans les différentes fonctions de demande :

Ainsi,

Avec l’hypothèse de coût de production nul, les fonctions de profit seront données par :

Dans  ce  modèle,  les  firmes  ne  vendent  plus  les  mêmes  biens  car  chacune  est caractérisée par la distance qui le sépare du consommateur. Recherchons la paire de prix            (Q1*, Q2*)  tel qu’aucune déviation ne permette d’augmenter le profit. Ainsi,

Ainsi, le profit optimum sera donné dans le cas de chacun des duopoleurs par :

Avec les expressions de profit de deux duopoleurs, nous remarquons que le profit dans les deux cas est fonction de la localisation des duopoleurs ; d’où on pourrait modifier la notation et écrire :

 Remarquons que :

Cela  veut  dire  que  pour  les  deux  firmes,  le  profit  est  le  plus  élevé  quand  a  et  b deviennent très grands avec comme conséquence que les deux firmes choisissent la même localisation pour maximiser le profit. Ainsi donc, elles vont minimiser la différenciation de leurs produits et favoriser l’instauration de la guerre de prix à la BERTRAND.[14]

I.2.6. LA CONCURRENCE POTENTIELLE[15]

I.2.6.1 : Introduction

Au cours des analyses précédentes, nous avons supposé que les firmes concurrentes sur le marché tenaient compte de l’interdépendance de leurs décisions pour choisir leurs propres  stratégies.  Cette  interdépendance  ne  concernait  cependant  que  l’ensemble  des firmes qui étaient effectivement actives sur le marché.

Par ailleurs, à côté de celles – ci peuvent exister aussi des firmes qui, tout en n’étant pas  actuellement    sur  le  marché,  pourraient  les  devenir  si  les  conditions  d’entrée apparaissaient intéressantes. A côté du groupe des concurrents effectifs, il s’agit ici de la concurrence potentielle. L’interdépendance des décisions doit alors aussi prendre en compte l’influence  possible  de  l’entrée  de  nouveaux  concurrents  sur  le  marché  des  profits  des firmes existantes.

En particulier, la pratique des prix trop élevés conduisant à des profits importants peut induire les concurrents potentiels à entrer sur le marché et à baisser ex post les profits des firmes existantes par la concurrence ainsi créée.

Dans  la  mesure  où  une  politique  des  prix  adéquatement  choisie  par  les  firmes existantes  peut  empêcher  l’entrée  des  concurrents  potentiels,  il  est  possible  que  cette politique soit finalement plus avantageuse que celle qui consisterait à maximiser le profit sans tenir compte de l’existence de la concurrence potentielle. Or, on peut s’attendre à cde qu’une  telle  politique  des  prix  soit  disponible  lorsqu’il  existe  des  barrières  à  l’entrée  au bénéfice des firmes existantes, liées soit à des avantages absolus au coût de production, soit à des économies d’échelle importantes dans le secteur.

Les  avantages  au  niveau  du  coût  de  production  peuvent  provenir  des  techniques meilleures de production pour les firmes existantes résultant de leur expérience passée ou d’un accès facile au marché des capitaux (dans la mesure où,  du point de vue de prêteurs, les  firmes  existantes  représentent  un  risque  inférieur  à  celui  occasionné  par  des  firmes nouvelles).

Dans  le  cas  d’économies  d’échelle  importantes,  l’entrant  potentiel  fait  face  à  un dilemme :  ou  bien  il  choisit  de  produire  à  petite  échelle,  auquel  cas  il  encourt  un désavantage des coûts par rapport aux concurrents existants ; ou bien, il choisit d’emblée de  produire  à  grande  échelle  en  courant  le  risque  inévitable  lié  à  la  grande  dimension, risque d’autant plus important que son entrée est susceptible de bouleverser la situation de l’industrie et donc une tendance à la guerre des prix.[16]

I.2.6.2 Théorie du Prix – limite dans le cas d’avantages absolus de coûts de production[17]

Dans le cas où il existe des avantages absolus des coûts de production, il est facile de voir comment les firmes existantes peuvent se défendre contre l’entrée de concurrents potentiels.  Pour  raison  d’analyse,  nous  supposerons  qu’il  existe  une  seule  firme  sur  le marché  ou  que  l’ensemble  des  firmes  existantes  se  sont  regroupés  en  un  cartel.

Considérons la figure suivante qui représente cette situation :

Figure 14 : Théorie du Prix – limite dans le cas d’avantages absolus de coûts de production

Source : KREPS, D., Op cit, p136

Soit CM1, Cm1, le coût moyen et le coût marginal de la firme existante et CM2 et le coût  moyen  de  la  firme  candidate  à  l’entrée.  CM2  domine  CM1 :  quelle  que  soit  la quantité  considérée,  cette  dernière  coûte  plus  cher  à  produire  pour  la  firme  candidate  à l’entrée  que  pour  la  firme  existante.  Si  la  firme  existante  n’avait  pas  de  concurrent potentiel,  elle  pratiquerait  le  prix  pM  que  choisirait  un  monopoleur.  La  firme  entrante pourrait  cependant  faire  des  profits  positifs  à  ce  prix  pour  toutes  les  quantités  qu’elle mettrait sur le marché dont le coût moyen serait inférieur à pM.

En revanche, si la firme existante choisit le prix  pL et produit  QL et que, selon le postulat  de  SYLOSla  firme  entrante  est  convaincue  que  la  firme  existante  maintiendra  la production  QL après  l’entrée,  il  n’est  plus  possible  à  la  firme  entrante  de  réaliser  un  profit positif : quelle que soit la quantité Q qu’elle envisagerait de produire, le coût moyen de  Q sera supérieur pour elle au prix  pL. Pour le vérifier, il suffit de décaler vers la gauche en A’B’ la branche AB de la demande résiduelle après que la firme existante ait servi QL: pL est le  plus  haut  prix  que  cette  dernière  peut  annoncer  tout  en  se  garantissant  qu’une production positive de l’entrant se fera nécessairement à profits non positifs (au prix  pL , toute quantité coûte plus cher qu’elle ne rapporte pour l’entrant). Par définition, ce prix est appelé  le  prix  –  limite.  La  pratique  du  prix  –  limite  conduit  une  firme  à  choisir  un  prix inférieur  à  celui  qu’elle  aurait  choisi  comme  monopoleur,  au  cas  où  la  menace  d’entrée n’eut pas existé (pL < pM ).

I.2.6.2 Théorie du Prix – limite dans le cas d’économies d’échelle[18]

La formalisation de la théorie du prix –  limite dans le cas d’économies d’échelle est tributaire des travaux de  SYLOS – LABINI. Dans  Oligopolio e Progresso Tecnico (1957), il a proposé l’analyse suivante. Considérons une industrie vendant un bien homogène dont la fonction de coût moyen à long terme  CLT est représentée à la figure ci  –  dessous. Sur la même figure, soit  DD’ la fonction de demande au marché.  Le postulat de SYLOS  suppose que  les  entrants  potentiels  s’attendent  à  ce  que  les  firmes  qui  sont  déjà  opérantes  dans l’industrie maintiendront le même niveau de production après l’entrée si celle  – ci a lieu. Si le postulat  est  effectivement  vérifié,  seule  la branche de la  demande  située  à  droite  de la quantité  produite  par  la  firme  existante  sera  disponible  à  l’entrant  après  l’entrée.  Par définition,  le prix  –  limite est le prix le plus haut qui soit praticable tout en garantissant que la branche restante de la  demande soit entièrement située  en dessous  de la courbe de coût moyen à long terme. On peut déterminer celui  –  graphiquement en glissant la courbe de coût moyen et ses axes horizontalement vers la droite jusqu’à ce que la courbe de coût moyen soit située entièrement au  –  dessus de la demande  DD’.  Le prix  –  limite est alors fourni par l’intersection de l’axe O’P’et de DD’

Figure 15 : Théorie du Prix – limite dans le cas d’économies d’échelle

Source : KREPS, D., Op cit, p138

Au prix  pL,  la  firme  existante  vend  OO’;  en  accord  avec  le  postulat  de  SYLOS, cette  quantité  va  rester  inchangée  après  l’entrée.  Si  la  firme  rentre,  elle  reste  avec  la branche de la demande  DD’. Si elle produit une quantité positive, le produit total vendu par l’industrie va augmenter et le prix descendra en dessous de  pL; pourtant, par définition même de pL,  à tout prix inférieur, le coût moyen de toute quantité positive est supérieur à ce prix : les profits seront négatifs, et l’entrée impossible.

[1] VARIAN,  H.R.,  Introduction à la microéconomie  (Traduction française), De Boeck,

Bruxelles, 1996, p56

[2] VARIAN,  H.R., Op cit, p57

[3] VARIAN,  H.R., Op cit, p59

[4] Idem, p60

[5] GLAIS M., Microéconomie : deug de sciences économiques, 1ère et 2e années, Dunod, Paris, 1994, p47

[6] GLAIS M., Op cit, p48

[7] GLAIS M., Op cit, p50

[8] VARIAN,  H.R., Op cit, p67

[9] VARIAN,  H.R., Op cit, p68

[10] ORY J-N., Microéconomie : Les marchés, Tome 2 Bréal, Paris, 1995, p113

[11] MONTOUSSE,  M.  (dir.),  Microéconomie.  Cours,  Méthodes,  Exercices  corrigés,  2e édition, Collection Grand Amphi Economie, Bréal, 2007, p102

[12] MONTOUSSE,  M., Op cit, p104

[13] MONTOUSSE,  M., Op cit, p105

[14] MONTOUSSE,  M., Op cit, p107

[15] KREPS, D., Leçons de théorie microéconomique, Presses Universitaires de France, Paris, 1998, p135

[16] KREPS, D., Op cit, p136

[17] Idem, p138

[18] KREPS, D., Op cit, p139

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