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SECTION IV. LES SURETES REELLES MOBILIERES

Même si elles ne sont pas les seules sûretés mobilières, le gage et le nantissement en constituent les principales et surtout elles ont en commun certains éléments. La réforme de l’AUS a entraîné de nombreuses modifications à leur régime.

 §1. : LE GAGE

Le gage est le contrat par lequel le constituant - débiteur ou tiers - accorde à un créancier le droit de se faire payer par préférence sur un bien meuble corporel ou un ensemble de biens meubles corporels, présents ou futurs (art. 92 AUS). Le gage s’oppose au nantissement qui est l’affectation d’un bien meuble incorporel ou d’un ensemble de biens meubles incorporels, présents ou futurs, en garantie d’une ou plusieurs créances, présentes ou futures, à condition que celles-ci soient déterminées ou déterminables. 

 A côté du régime général du gage, il est prévu des règles spéciales pour certaines formes de gage.

A. LA FORMATION DU CONTRAT DE GAGE

La constitution du gage requiert certaines conditions et doit suivre certaines formalités.

  1. Les conditions

Elles ont trait à l’objet du gage et à la créance garantie. 

  • La créance garantie : Aux termes de l’article 93, le gage peut être constitué en garantie d’une ou de plusieurs créances peu importe qu’elles soient présentes ou futures. La garantie de créances futures est une innovation introduite dans l’AUS. La seule limite à la garantie des créances futures est qu’elles soient déterminées ou déterminables. La créance peut exister à l’égard du constituant ou d’un tiers dont le constituant se porte caution réelle.   
  • L’objet du gage : Tout bien mobilier corporel, pourvu qu’il soit dans le commerce, qu’il ne soit pas inaliénable et indisponible peut être donné en gage. Le bien peut être présent ou futur. Lorsque le gage porte sur des biens présents, ces biens doivent appartenir au constituant. A défaut, le créancier gagiste de bonne foi, peut, en application de l’article 95 AUS, s’opposer à la revendication du véritable propriétaire.

Le gage peut porter sur un bien isolé ou sur un ensemble de biens. Le gage peut également porter, aux termes de l’article 94 sur des sommes ou des valeurs déposées à titre de consignation par les fonctionnaires, les officiers ministériels ou toute autre personne pour garantir les abus dont ils pourraient être responsables et les prêts consentis pour la constitution de cette consignation. 

Du fait de leur nature, certains biens font l’objet de dispositions particulières quant à leur mise en gage.  Il en est ainsi pour les choses fongibles. Les articles 101 et 102 imposent des mesures particulières quant à leur conservation (voir les effets du gage : les obligations des parties). 

  1. Les formalités

Il s’agit d’une part de l’exigence d’un écrit et d’autre part de la dépossession du constituant ou de l’inscription du contrat au RCCM. L’exigence de l’enregistrement du contrat a disparu alors qu’elle constituait une formalité importante du contrat de gage.

-L’exigence d’un écrit

L’article 96 AUS dispose « A peine de nullité, le contrat de gage doit être constaté dans un écrit contenant la désignation de la dette garantie, la quantité des biens donnés en gage ainsi que leur espèce ou leur nature ». L’écrit n’est plus seulement une condition de preuve du gage, mais une condition de validité. C’est d’ailleurs la seule condition de validité.

- La dépossession ou l’inscription du contrat au RCCM

Aux termes de l’article 97 AUS, le contrat de gage est opposable aux tiers, soit par l’inscription au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier, soit par la remise du bien gagé entre les mains du créancier gagiste ou d’un tiers convenu entre les parties. Désormais, la dépossession du constituant n’est qu’une modalité du gage, une condition d’opposabilité qui peut être remplacée par l’inscription du contrat au RCCM. Celle-ci sera faite suivant les règles prévues pour l’inscription des sûretés au RCCM, conformément aux articles 51 et suivants de l’AUS. L’inscription est prise par le constituant, le créancier ou l’agent des sûretés auprès de la juridiction compétente sur présentation des différents documents exigés par la loi. Des mesures particulières ont été prises pour protéger le créancier gagiste contre les risques qu’il encourt du fait de l’absence de dépossession du constituant.

Lorsque plusieurs gages successifs sans dépossession ont été constitués sur le même bien, le rang des créanciers est déterminé par l’ordre de leur inscription (art. 107). Par contre, lorsqu’un bien donné en gage sans dépossession fait ultérieurement l’objet d’un gage avec dépossession, le droit de préférence du créancier gagiste antérieur est opposable au créancier gagiste postérieur lorsqu’il a été régulièrement publié et ce, nonobstant le droit de rétention de ce dernier (art. 107 al.2).  

  1. les effets du gage

Avant la réalisation du gage, le créancier gagiste ou le constituant suivant le cas sont tenus de diverses obligations et bénéficient de quelques prérogatives. En cas de non-paiement de la dette à l’échéance, le gage sera réalisé.

  1. Les obligations et prérogatives des parties 

Les parties au contrat de gage bénéficient de plusieurs prérogatives mais sont également tenues de certaines obligations relatives au bien remis ou conservé à titre de gage. Si les obligations et prérogatives concernent principalement le créancier gagiste qui a reçu le bien objet du gage, elles concernent aussi, dans le cas du gage sans dépossession, le constituant du gage.

  • Les prérogatives du créancier gagiste sont le droit de rétention, le droit de suite et le droit de préférence.

Le droit de rétention est reconnu expressément au gagiste par l’article 99 AUS qui dispose que « Lorsque le gage est constitué avec dépossession, le créancier gagiste peut, sous réserve de l’application de l’article 107, alinéa 2 du présent Acte uniforme, opposer son droit de rétention sur le bien gagé, directement ou par l’intermédiaire du tiers convenu, jusqu’au paiement intégral en principal, intérêts et autres accessoires, de la dette garantie ». L’article 100 ajoute que « s’il a été dessaisi contre sa volonté, le créancier peut revendiquer la chose gagée comme un possesseur de bonne foi ». Le droit de rétention peut être opposé au constituant même si le bien est entre les mains d’un tiers. Il peut l’être également aux acquéreurs de la chose ou aux créanciers du constituant. Quant au droit de suite, le créancier gagiste, en cas de dépossession, en bénéficie comme le créancier hypothécaire. En tant que possesseur, il peut aussi opposer son droit aux acquéreurs successifs et, surtout, s’il est dépossédé involontairement de la chose, il peut la revendiquer comme un possesseur de bonne foi. C’est ce que prévoit l’article 100 AUS. Pour ce qui est du droit de préférence, le créancier gagiste en bénéficie sur le prix de la chose vendue (article 104). Ce droit de préférence se reporte sur l’indemnité qui lui est substituée en cas de perte ou de destruction de l’objet du gage. Il couvre non seulement le principal de la dette mais aussi les intérêts et les frais. Il s’exerce conformément à l’article 226 AUS dont il ressort que les créanciers gagistes sont classés en quatrième position sur le prix de vente des meubles après les frais de justice, les frais de conservation et les créances de salaire super privilégiés. Entre les créanciers gagistes, l’ordre de paiement dépend de l’ordre d’inscription du gage et, en l’absence d’inscription, de l’ordre de constitution des différents gages. 

  • Les obligations des parties sont principalement le non usage, l’obligation de conservation et l’obligation de restitution.
  • Le non usage : Lorsque le gage emporte dépossession, le créancier gagiste ne peut user de la chose donnée en gage ni en percevoir les fruits. La solution est fondée sur l’article 103 AUS qui rapproche le créancier gagiste du dépositaire qui reçoit une chose en dépôt. La règle n’est cependant pas d’ordre public. S’il est autorisé à percevoir les fruits, il doit les imputer sur les intérêts qui peuvent lui être dus et à défaut sur le capital de la dette.
  • L’obligation de conservation : Elle pèse aussi bien sur le créancier gagiste ou le tiers en cas de gage avec dépossession que sur le constituant en cas de gage sans dépossession.

Le créancier gagiste ou le tiers doit conserver et en bon état, le bien qui lui est remis (art. 108). Cela s’explique par le fait qu’à l’échéance et en cas de paiement, il est tenu de restituer le bien au propriétaire. De ce fait, il est tenu responsable en cas de perte ou de détérioration de la chose due à sa faute (ex. du fait de la négligence). Il doit conserver la chose et lui apporter les soins qu’elle nécessite. Toutefois, il ne supporte pas en principe les frais qui en découlent puisqu’il doit être remboursé des dépenses utiles et nécessaires faites pour la conservation qu’on appelle aussi les impenses (article 113 AUS). La conservation n’emporte pas nécessairement l’obligation de faire assurer la chose. La méconnaissance des obligations de conservation entraîne la responsabilité du créancier gagiste.  

  • L’obligation de restitution : Elle ne s’impose qu’en cas de gage avec dépossession. Le créancier gagiste ou le tiers convenu est tenu de restituer la chose lorsque, à l’échéance, la créance garantie a été entièrement payée en capital, intérêts et accessoires (article 113 AUS). La restitution porte sur les biens remis ainsi que les accessoires et les fruits ou produits perçus sur le bien et sur les sommes venues en remplacement ou les objets substitués. S’il s’agit de choses fongibles, le créancier doit remettre la même quantité de choses de même nature.

Le défaut de restitution, la restitution incomplète ou le retard dans la restitution entraîne la responsabilité contractuelle du créancier ou du tiers convenu. Le défaut de restitution peut également être sanctionné pénalement pour détournement de gage par application de certaines dispositions pénales.

  1. La réalisation du gage

  Lorsque le débiteur ne paye pas à l’échéance, le créancier peut continuer à exercer son droit de rétention lorsque le gage a été constitué avec dépossession. Mais, pour obtenir paiement, il doit réaliser le gage. Il bénéficie pour cela d’une option : faire vendre la chose ou en demander l’attribution judiciaire. Les parties peuvent également, dans certains cas, convenir de l’attribution conventionnelle du bien au créancier.

  • La vente forcée : Elle est prévue par l’article 104 AUS qui dispose : « Faute de paiement à l’échéance, le créancier gagiste muni d’un titre exécutoire peut faire procéder à la vente forcée de la chose gagée, huit jours après une sommation faite au débiteur et, s’il y a lieu, au tiers constituant du gage dans les conditions prévues par les dispositions organisant les voies d’exécution auxquelles le contrat de gage ne peut déroger ». Il est expressément rappelé aux parties l’interdiction de déroger aux règles prévues par l’AUPSRVE c’est-à-dire que la clause de voie parée est interdite. Lorsque la vente est réalisée, le créancier exerce son droit de préférence sur le prix de la chose vendue, dans les conditions de l’article 226 AUS.
  • L’attribution judiciaire du gage : L’article 104 al.2 AUS permet au créancier gagiste de faire ordonner en justice que le bien grevé lui demeurera en paiement jusqu’à due concurrence du solde de sa créance après une estimation faite par expert ou suivant les cours pour les biens qui font souvent l’objet de transactions sur les marchés internationaux tels que les matières premières. Cette estimation est destinée à éviter la sous-évaluation du bien. Elle ne s’impose donc pas lorsque le gage porte sur des espèces c’est-à-dire sur une somme d’argent. En cas de pluralité de gagistes sur un même bien, il faut admettre que seul le gagiste de premier rang peut demander l’attribution judiciaire. 
  • L’attribution conventionnelle du gage : L’AUS autorise désormais les parties à convenir que le bien pourra être attribué en paiement au créancier gagiste, faute de paiement. Toutefois, l’article 104 al. 3 qui pose le principe, apporte quelques restrictions à son application. Elle n’est possible que dans deux cas :  le bien gagé est une somme d’argent ou un bien dont la valeur fait l’objet d’une cotation officielle, le débiteur de la dette garantie est un débiteur professionnel. Mais, dans ce cas, le bien n’est attribué qu’après estimation faite, au jour du transfert, par un expert désigné à l’amiable ou par voie judiciaire. Toute clause contraire est réputée non écrite. Si la valeur du bien attribué est supérieure au montant de la créance, le créancier doit consigner la somme représentant la différence au cas où il existe d’autres créanciers gagistes sur le même bien.  S’il n’en existe pas, cette somme est versée au constituant (art. 105). Toute clause contraire est réputée non écrite.
  1. extinction du gage

Le gage peut s’éteindre par voie principale ou par voie accessoire.

L’article 117 AUS prévoit l’extinction à titre principal du gage avec dépossession indépendamment  de l’obligation garantie dans trois hypothèses : restitution volontaire de la chose au constituant par le créancier gagiste,  perte de la chose du fait du créancier gagiste (  contre, la perte fortuite de la chose par ex. du fait d’un incendie survenu au local abritant les biens gagés n’entraîne pas l’extinction du gage mais subrogation du créancier dans l’indemnité d’assurance s’il en existe, lorsque la juridiction compétente ordonne la restitution de la chose pour faute du créancier gagiste. Dans toutes ces différentes hypothèses, le créancier gagiste devient un créancier chirographaire.

Accessoire d’une créance dont il garantit l’exécution, le gage s’éteint à titre accessoire lorsque la créance est totalement éteinte en principal, intérêts et accessoires (article 116). Cette extinction de la créance peut intervenir par le paiement, la compensation, la remise de dette, etc. De même, l’anéantissement de la créance par annulation ou résolution devrait emporter l’extinction du gage et donc la restitution du gage dans l’hypothèse où il est constitué avec dépossession. 

§2. LE NANTISSEMENT

L’article 125 AUS définit le nantissement comme « l’affectation d’un meuble incorporel ou d’un ensemble de meubles incorporels présents ou futurs à la garantie d’une ou plusieurs créances présentes ou futures à condition que celles-ci soient déterminées ou déterminables ». Le nantissement est donc une sûreté mobilière incorporelle contrairement au gage qui est une sûreté mobilière corporelle. Il peut être constitué soit conventionnellement, soit judiciairement.

Le législateur n’a pas organisé un régime général du nantissement. L’article 126 énumère plutôt les différents biens pouvant faire l’objet de nantissement à savoir les créances, le compte bancaire, les droits d’associés et valeurs mobilières, les comptes de titres financiers, les droits de propriété intellectuelle et le fonds de commerce. Cette énumération n’est toutefois faite qu’à titre indicatif ce qui signifie que d’autres biens pourraient également faire l’objet de nantissement. 

L’AUS organise un régime de droit commun du nantissement de créances. Mais, il est apparu que le nantissement de compte bancaire n’est qu’un dérivé du nantissement de créance puisque l’article 136 dispose : « Le nantissement de compte bancaire est un nantissement de créance ». 

L’AUS dans sa version antérieure, organisait déjà le nantissement des titres sociaux à travers le nantissement des droits d’associés et valeurs mobilières. La réforme intervenue y a ajouté le nantissement de comptes de titres financiers. Bien qu’ils soient traités sous la même section, ils relèvent de régimes relativement différents. 

Le nantissement de droits de propriété intellectuelle est défini comme la convention par laquelle le constituant affecte, en garantie d’une obligation, tout ou partie de ses droits de propriété intellectuelle existants ou futurs. 

 Le nantissement peut être conventionnel ou judiciaire. Le nantissement judiciaire ne présente pas de différences notables avec le nantissement conventionnel pour ce qui est des formalités et des effets, sauf qu’il comporte deux phases : une phase provisoire qui après l’autorisation judiciaire d’inscription donne lieu à l’inscription provisoire et une phase définitive qui aboutit à l’inscription définitive de la sûreté après la décision judiciaire de validité passée en force de chose jugée. Il suit quasiment le même régime que l’hypothèque judiciaire. 

SECTION V. SURETES MOBILIERES SPECIFIQUES : PRIVILEGES ET LE DROIT RETENTION

Le droit de rétention et les privilèges sont également des sûretés mobilières qui ont chacune leur particularité.

§1. DROIT RETENTION

Le droit de rétention est la faculté accordée à un créancier qui détient un bien du débiteur de refuser de le délivrer jusqu’à complet paiement du prix. Il est réglementé par les articles 67 à 70 AUS. L’article 67 dispose : « Le créancier qui détient légitimement un bien mobilier de son débiteur peut le retenir jusqu’au complet paiement de ce qui lui est dû, indépendamment de toute autre sûreté ». Il faut déterminer les conditions d’existence du droit de rétention avant de voir son contenu et ses modes d’extinction. 

  1. Les conditions d’existence du droit de rétention

Elles sont relatives à l’exigence de connexité, à la créance garantie, à la détention et au bien susceptible de détention.

  1. Les conditions relatives à la connexité

L’article 68 AUS dispose que « le droit de rétention ne peut s’exercer que (…) s’il existe un lien de connexité entre la naissance de la créance et la chose retenue ». La connexité peut être matérielle ou juridique. La connexité juridique ou intellectuelle tient au fait que la créance et la détention sont issues d’un même contrat ou nées d’un rapport juridique synallagmatique comme dans l’hypothèse de restitutions réciproques suite à l’annulation ou la résolution d’un contrat. Elle rapproche le droit de rétention de l’exception d’inexécution. La connexité matérielle ou objective pour sa part tient au fait que la créance est née à l’occasion de la chose retenue. Le droit de rétention est limité ici au contrat. 

Le lien de connexité doit être établi mais dans certains cas prévus par l’article 69, la connexité est présumée. Il n’est donc pas nécessaire pour le rétenteur de prouver l’existence d’un contrat déterminé ou de préciser l’occasion à laquelle le droit de rétention est né. 

  1. Les conditions relatives à la créance garantie

Le droit de rétention existe quel que soit la nature de la créance : créance de somme d’argent, créance résultant d’une obligation de faire ou de ne pas faire. La créance ne doit avoir fait l’objet d’aucune saisie et elle doit être certaine, liquide et exigible ce qui signifie, pour les obligations de faire ou de ne pas faire, qu’elles doivent avoir été sanctionnées par des dommages et intérêts. La créance doit être certaine c’est-à-dire incontestable dans son principe ce qui exclut les créances litigieuses. Elle doit être exigible, ce qui exclut le droit de rétention pour les créances à terme. 

  1. Les conditions relatives à la détention

La détention est une condition fondamentale du droit de rétention. Il faut que le créancier détienne « légitimement ». La détention signifie la mainmise physique sur une chose en dépit de la volonté contraire de son propriétaire. La détention doit donc exister mais surtout, elle doit être régulière, non entachée d’illicéité, de fraude ou de faute. Il n’est cependant pas nécessaire que le détenteur soit de mauvaise foi. La détention peut parfois se faire par l’intermédiaire d’un tiers. La détention doit porter uniquement sur les biens meubles tels que véhicules, vélomoteurs, pirogues, etc. Il n’est pas nécessaire, selon nous, que la chose retenue soit dans le commerce car le droit de rétention est aussi un moyen de pression. Ainsi, une chose inaliénable ou sans valeur marchande peut être susceptible de rétention : documents juridiques ou comptables, dossiers administratifs, cartes grises de véhicule, etc. Il faut réserver certains cas comme celui de pièce d’identité, de carte de vote, ou de corps humain où la rétention ne serait pas admise pour cause d’atteinte à l’ordre public.

  1. Les effets du droit de rétention

La principale prérogative que confère le droit de rétention au créancier est la faculté de ne pas délivrer, de ne pas restituer la chose au propriétaire. La détention ou la prolongation de la détention n’étant autorisée qu’à titre de garantie, le débiteur n’a ni l’usage, ni la jouissance du bien même s’il les avait antérieurement. Le créancier n’a pas droit aux fruits. Il doit veiller à la conservation puisqu’il détient la chose d’autrui. Il répond de la perte et de la détérioration survenues par sa faute. 

Le droit de rétention est indivisible. Le créancier peut conserver la totalité de la chose jusqu’à complet paiement, sans tenir compte des paiements partiels. De même, en cas de division de la dette entre plusieurs débiteurs, le fait que certains se soient acquittés de leurs parts n’empêche pas le créancier de refuser la restitution de la totalité de la chose quand bien même elle serait matériellement divisible.

  1. L’extinction du droit de rétention

 Le droit de rétention s’éteint à titre accessoire et à titre principal. Accessoire de la créance qu’il conforte, le droit de rétention s’éteint lorsque cette créance disparaît pour une raison quelconque. L’extinction à titre principal se produit dans plusieurs hypothèses : en cas de destruction ou de perte matérielle de la chose ; en cas de renonciation au droit de rétention. La renonciation peut se traduire par exemple par la remise volontaire du bien au débiteur.

§2. LES PRIVILEGES

Le privilège peut être défini comme un droit que la loi donne au créancier, en fonction de la qualité de la créance, d’être préféré aux autres créanciers. Il se caractérise par deux éléments. Le premier est son origine légale. Les privilèges ont une seule source qui est la loi ; il n’y a pas de privilège sans texte. Le second est l’attribution en fonction de la qualité de la créance. Les privilèges bénéficient soit aux créanciers privés dont les créances sont modiques mais dignes d’intérêt pour des raisons de dignité humaine ou de justice sociale, soit aux créanciers publics : trésor, sécurité sociale et ce, pour des raisons d’intérêt général. 

   L’acte uniforme distingue essentiellement les privilèges généraux qui portent sur l’ensemble de l’actif mobilier et immobilier du débiteur et les privilèges spéciaux qui sont essentiellement mobiliers et portent sur un meuble déterminé de l’actif du débiteur. 

Les privilèges confèrent essentiellement un droit de préférence qui permet au bénéficiaire d’être payé suivant l’ordre prévu par l’acte uniforme pour le classement des différents créanciers (articles 225 et 226 AUS). Ils ne confèrent donc pas de droit de suite. En principe, les privilèges, qu’ils soient généraux ou spéciaux sont d’origine légale et ne sont pas soumis à l’exigence de publicité pour leur opposabilité aux tiers. Toutefois, l’article 180 de l’AUS impose la publicité de certains privilèges. C’est le cas, en particulier, des privilèges pour les créances fiscales, douanières, et des organismes de sécurité sociale lorsque ces créances sont au-delà d’un certain montant prévu par la loi.

A. Les privilèges généraux

L’article 179 AUS dispose que les privilèges généraux confèrent un droit de préférence exercé par leur titulaire suivant les procédures de distribution prévues   par les articles 225 et 226 AUS. Les privilèges généraux ont pour assiette l’ensemble du patrimoine du débiteur c’est-à-dire, tous ses biens meubles et immeubles. Ils sont indivisibles en ce sens qu’ils s’exercent sur tout élément d’actif pour la totalité de la somme qu’ils garantissent. Leur mise en œuvre est toutefois soumise à la règle de la subsidiarité en ce que l’exécution sera poursuivie d’abord sur les meubles du débiteur et c’est en cas d’insuffisance du prix reçu que l’exécution sera poursuivie sur les immeubles.

Les privilèges généraux ne sont pas soumis à la publicité à l’exception du privilège des créances fiscales, douanières et des organismes de sécurité et de prévoyance sociale pour les sommes qui sont au-delà de celles fixées pour l’exécution provisoire des décisions judiciaires. L’ordre des privilèges généraux, à l’exception des privilèges soumis à publicité, est déterminé par l’article 180 AUS. Cet ordre est le suivant : 

1°) les frais d’inhumation, les frais de la dernière maladie du débiteur ayant précédé la saisie des biens ;

2°) les fournitures de subsistance faites au débiteur pendant la dernière année ayant précédé son décès, la saisie des biens ou la décision judiciaire d’ouverture d’une procédure collective ;

3°) les sommes dues aux travailleurs et apprentis pour exécution et résiliation de leur contrat durant la dernière année ayant précédé le décès du débiteur, la saisie des biens ou la décision judiciaire d’ouverture d’une procédure collective ;

4°) les sommes dues aux auteurs d’œuvres intellectuelles, littéraires et artistiques pour les trois dernières années ayant précédé le décès du débiteur, la saisie des biens ou la décision judiciaire d’ouverture d’une procédure collective ;

5°) dans la limite de la somme fixée légalement pour l’exécution provisoire des décisions judiciaires, les sommes dues aux organismes de sécurité et de prévoyance sociales ;

 6°) dans la limite de la somme fixée légalement pour l’exécution provisoire des décisions judiciaires, les sommes dont le débiteur est redevable au titre des créances fiscales et douanières

B.Les privilèges spéciaux

Aux termes de l’article 182 AUS, « les créanciers titulaires des privilèges spéciaux ont sur les meubles qui leur sont affectés comme assiette par la loi un droit de préférence qu’ils exercent après saisie selon les dispositions prévues par l’article 226 ». L’Acte Uniforme prévoit sept privilèges spéciaux : le privilège du vendeur de meuble, le privilège du bailleur d’immeuble, le privilège du transporteur, le privilège de l’auxiliaire salarié, le privilège des travailleurs et fournisseurs des entreprises de travaux, le privilège du commissionnaire et le privilège des frais de conservation. Il faut y ajouter le privilège du vendeur de fonds de commerce. Dans tous les cas, il s’agit de privilèges mobiliers c’est-à-dire qu’ils portent toujours sur un ou des meubles déterminés du débiteur.

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