Dans ce chapitre, nous traiterons du cadre d’étude, de l’organisation politique du groupement Mudusa, des conflits liés au mode d’acquisition des terres ainsi que des causes des conflits du pouvoir coutumier dans cette entité en Collectivité Chefferie de Kabare.
Le groupement Mudusa est un plateau situé dans le sud de la Chefferie de Kabare en Territoire de Kabare, plus ou moins au sud du lac Kivu et sur la rive droite de la rivière Ruzizi et sur le long de l’axe routier Bukavu-Uvira.
Il est limité :
Le groupement de Mudusa communique avec d’autres groupements par les voies routières ci-après: Bukavu-Uvira en passant par Panzi-Buhozi-Kabungo-Mufunge et Nabijo-Nyakabongola-Mumosho;
Une autre voie passe par chez Marie Kacelehwa en reliant le groupement Mudusa au Territoire de Walungu en passant par: Cirhagabwa-Igoki-Cimpwiji[1].
Le groupement Mudusa est habité en grande partie par les Bashi. Ceux-ci sont arrivés au Bushi lors de la migration des bantu et des nilotiques en provenance du Nord-est de l’Afrique.
Dans cette entité administrative vivent aussi d’autres groupes de populations venues surtout du Rwanda en fuyant les guerres tribalo-ethniques des années 1930-1959.
La population du groupement Mudusa, composée en grande partie des bashi, est subdivisée en clans et en familles parlant une langue commune appelée « Mashi ». Les Bashi s’installent à Mudusa en masse vers les années 1880 en provenance de Kabare lors de la conquête de Bigomokero fils de Nnabushi Makombe sur le Bushi à partir de la rivière Lwiro au sud jusqu’à Luzira au nord[2]. En 1908, l’administration coloniale fixa les limites de la Chefferie de Kabare à la rivière Nyabarongo, limite avec Buhavu.
Tableau n°1 situation Evolution de la population du groupement (2002-2011).
Année |
Hommes |
Femmes |
Garçons |
Filles |
Total |
2002 |
9335 |
11332 |
8142 |
12525 |
41334 |
2003 |
8560 |
10358 |
7543 |
11375 |
37836 |
2004 |
8373 |
10954 |
7420 |
11627 |
38374 |
2005 |
9944 |
11996 |
9121 |
12819 |
43883 |
2006 |
11916 |
13944 |
11099 |
14761 |
5172 |
2007 |
15235 |
18201 |
16088 |
18346 |
68870 |
2008 |
17366 |
19527 |
17060 |
19434 |
73787 |
2009 |
18263 |
20694 |
17668 |
19490 |
76115 |
2010 |
18695 |
20605 |
17679 |
21221 |
78200 |
2011 |
19002 |
21570 |
17831 |
22747 |
81150 |
Commentaire:
Nous remarquons dans ce tableau que la population du groupement Mudusa était de 41334 en 2002. Elle est passée à 81150 en 2011, soit une augmentation de 39816 personnes dans 10 ans. Cependant, nous remarquons aussi que pour les années 2003 et 2004, la population de ce groupement a connu une déperdition suite à l’exode rural dû à l’insécurité dans ce milieu. C'est-à-dire que les facteurs négatifs comme la guerre et l’insécurité permanente ont affecté la population. A partir de l’année 2005 jusqu’à 2011, la démographie est croissante d’une année à l’autre.
En effet, cet accroissement démographique à Mudusa est lié à l’afflux massif de déplacés qui proviennent de Ninja, une de deux Chefferies qui composent le Territoire de Kabare, fuyant les attaques des Interahamwe. D’autres proviennent de Bunyakiri dans la Chefferie de Buhavu en Territoire de Kalehe fuyant la guerre entre Maï-Maï et les Interahamwe, D’autres encore viennent de Shabunda fuyant aussi les affrontements des Interahamwe et Maï-Maï Rahiya mutomboki. Enfin, d’autres proviennent des villages voisins, soit dans le même groupement, soit des groupements de la Chefferie de Ngweshe tel que Kamisimbi, ou encore du groupement de Mumosho. L’accroissement accéléré de la population dans le groupement Mudusa est surtout observé dans les villages situés aux alentours de la ville de Bukavu dans le Sud-est et le Nord-est (Igoki, Cirhagabwa, CirhunduII, Kabungo, Buhozi(Mulonge) et Kalangwe et une partie Sud de Nyangulube. Bien plus, les jeunes constituent la portion la plus importante de la population de Mudusa[4].
Le groupement Mudusa présente des traits particuliers du relief, car son relief a des allures générales s’élevant progressivement de l’Est au bord de la rivière Ruzizi à 2460m d’altitude[5].
Le groupement Mudusa est situé à une altitude de 2460m. Il est dominé par le climat tropical humide, tempéré d’altitude à courte saison sèche avec une moyenne de température annuelle de 20°C[6].
La saison des pluies commence au mois de septembre et se termine au mois de juin. La saison sèche couvre deux mois, juillet et août. Mudusa n’est pas épargné des conséquences de changements climatiques.
En effet, depuis un temps, on observe une perturbation climatique au point que la saison sèche peut durer maintenant jusqu’à trois mois : juin, juillet et août. Les précipitations moyennes annuelles sont supérieures à 1000mm toute l’année, sauf les mois de juin, juillet et août où encore les précipitations moyennes sont inférieures ou égales à 1000mm[7].
Le groupement Mudusa est caractérisé par un sol très fertile pour l’agriculture. Il est volcanique et couvert de végétation à savane herbeuse. Dans les marais, le sol est argilo-sablonneux. Cependant, dans certains endroits du groupement Mudusa, les terres ne sont pas argileuses suite au lessivage provoqué par les pluies abondantes causant à leur tour des érosions.
Au Bushi, les terres sont un domaine du Mwami et c’est lui qui les donne à ses sujets. Cela se remarque aussi dans le groupement Mudusa[8].
Le pouvoir du Mwami sur la terre est très étendu. Mais, il existe une controverse à propos du rôle du Mwami dans la gestion de la terre.
Le Mwami reste propriétaire ou garant des domaines fonciers de sa juridiction. Les Bashi de Kabare, en général, et de Mudusa, en particulier, reconnaissent que, « la terre appartient au Mwami, et c’est lui qui en donne et peut en retirer à ses sujets »[9]. Le Mwami garde l’exercice du pouvoir coutumier notamment par la résolution des conflits et l’application des règles coutumières. Le pouvoir sur le sol constitue la conséquence directe du pouvoir coutumier sur la population et renforce la soumission des paysans vis-à-vis de leur chef, chacun rivalisant de zèle pour mériter la confiance du chef dans l’espoir d’obtenir un supplément de terre ou simplement pour conserver celle qu’il possède[10].
Dans la coutume des Bashi, le Mwami possède sur la terre un droit présentant les caractéristiques du droit de propriété et c’est lui-même qui peut l’exercer. En ce qui concerne l’appartenance de la terre, disons que cette conception de propriété est réfutée par la conception actuelle qui stipule que le Mwami n’est qu’un gérant du domaine collectif[11]. Au terme de la loi Bakajika de 1966, stipule que le sol et le sous-sol du Congo-Zaïre appartiennent à l’Etat. C’est dans ce cadre que le professeur Bishikwabo CUBAKA note que le domaine foncier est considéré comme un patrimoine collectif dont personne ne devait être exclu. Il était même gratuit jusqu’à des périodes récentes.
Enfin, au XIXème siècle et au XXème siècle, le système foncier coutumier faisait prévaloir la suprématie de la personnalité du Mwami et de l’assujettissement de la masse vis-à-vis du pouvoir. Le Mwami avait ses propres domaines appelés « Kunene » et ces derniers étaient mis en valeur gratuitement par ses sujets, par des travaux qu’on appelait « corvées »[13].
Les notables et sous notables exerçaient leurs pouvoirs fonciers, soit sur toutes les terres de leurs juridictions, soit sur une partie de celles-ci.
Ils étaient, pour la plupart des membres du clan régnant. Le souverain Mwami restait le seul gestionnaire pouvant contrecarrer les actions de notables désireux d’étendre leurs domaines. Pour obtenir la terre il fallait réaliser certaines conditions, soit auprès du Mwami, soit auprès des notables ou chefs de villages.
Pour acquérir les terres au bushi ; il fallait réaliser les différents contrats fonciers. La plupart des contrats fonciers traditionnels ont un caractère précaire. Le bénéficiaire n’obtient aucun titre contractât son droit. Cela l’exposait à l’expropriation injuste ou à des empiétements des limites.
Les contrats les plus connus au Bushi sont : le « Kalinzi », le « Bwasa », le « Bugule », et le « Bwigwarhire ».
Le « Kalinzi » est un droit de reconnaissance à l’occupation d’une terre attribuée par le Mwami à un de ses sujets. Cette forme d’acquisition est la plus répandue dans la Chefferie de Kabare, en général, et dans le groupement Mudusa en particulier. Le « Kalinzi » désigne le prix qu’un paysan est tenu de verser auprès du Mwami ou au chef coutumier pour obtenir la jouissance d’une terre. Ce prix est généralement fixé en bétail ou même en espèce, dont le nombre ou le montant dépend de la superficie et de la fertilité supposée du sol[14].
En principe, les femmes sont exclues de toute prétention à obtenir une terre de « Kalinzi ». Seuls les hommes peuvent y accéder, car ce contrat implique des gestes spontanés et périodiques de la part du bénéficiaire vis-à-vis du Mwami pour lui témoigner de sa fidélité. Or, la femme est sujet de son mari. Dès lors, elle ne peut être un sujet de son mari et du Mwami à la fois. Cela se traduit par l’adage qui dit : « Ntaye wankashiga bami babirhi » c'est-à-dire : « nul ne peut servir deux maîtres ».
En principe, le « Kalinzi » est versé une seule fois, mais les cadeaux périodiques de reconnaissance sont recommandés pour garder l’estime du Mwami. Le contrat « Kalinzi » implique pour le bénéficiaire l’obligation d’en payer le prix et de mettre le terrain en valeur tandis que le Mwami n’a aucune obligation envers ce dernier. A la mort du bénéficiaire, ses héritiers ne pouvaient plus rien donner au Mwami. Cependant, l’absence d’écrits constitue un handicap majeur dans l’administration de la preuve en cas de conflit. Il n’est pas rare qu’un paysan se voit exigé de verser un nouveau « Kalinzi » sous prétexte qu’il occupe la terre sous le contrat « Bwasa », c'est-à-dire sans avoir rien payé.
En effet, un paysan ne peut planter sa bananeraie et habiter que sur une terre de « Kalinzi » et « Bugule » ce qui n’est pas permis sur une terre Bwasa[15].
Le « Bwasa » est un contrat de location entre deux cultivateurs par lequel une des parties autorise l’usage d’une parcelle de terrain contre rémunération.
En théorie, le « Bwasa » n’est accordé que pour la durée d’une culture, mais l’arrangement est généralement répété pendant plusieurs années consécutives sur le même sol [16].
Cette forme de contrat est fréquemment employée par les femmes pour l’extension de leurs cultures vivrières. Le « Bwasa » ne sera jamais accordé pour des cultures pérennes. Il ne sera jamais accordé pour l’installation des huttes destinées à une résidence permanente. En cas de détournement de l’utilisation du sol, des conflits naissent entre le bailleur et locataire. Cependant, ce cas n’existe presque pas. Le « Bwasa » portait sur les cultures de bas fonds et les cultures potagères. Le prix de location du terme « Bwasa » s’appelle « Ntumulo » et qui se calcule proportionnellement aux bénéfices réalisés. Donc, il se règle à posteriori[17].
Le « Bwigwarhire » est une autorisation gratuite de disposition et d’usage accordée en vue de la réalisation d’un programme agricole. Cette autorisation est collective et temporaire; elle ne s’applique pas à des parcelles isolées, mais s’étend à tout un site agricole. C’est en ces emplacements que sont effectuées certaines cultures saisonnières que les autochtones désignent par le nom de « Ndimiro » nom qui s’applique à tous les champs de cultures annuelles ou plus ou moins éloignés des habitations (champs extra locaux). Bien que le programme agricole prévu par le contrat de Bwigwarhire s’adresse à toute la communauté, on ne peut absolument pas parler d’attribution collective des terres ; cette autorisation même est strictement individuelle. Chacun matérialise les limites de la parcelle qu’il s’est choisie dès les premiers travaux d’ouverture. En désignant un emplacement pour un programme saisonnier d’ensemble, le notable tend à favoriser la production de ses administrés et espère les maintenir ainsi au niveau décent, tout en évitant une trop grande dispersion des parcelles, ce qui présente toujours d’inconvénients.
Dans le groupement Mudusa, le Bwigwarhire s’étend rarement sur le même emplacement pendant plus de deux années. Au bout de ce temps, un nouvel emplacement est désigné pour faire l’objet du même contrat. L’emplacement primitif devient pâturage. Ce qui permet occasionnellement d’aménager des pâturages par la culture à partir des terres vierges[18].
Les terrains soumis au contrat de « Bwigwarhire » s’appelle le « Ndalo »[19].
Ce contrat ne s’applique que dans le contexte colonial. C’est à tort qu’on a considéré ce contrat comme un contrat foncier colonial. Au regard de tout cela le Mushi est ainsi aliéné à sa terre de sorte qu’il ne peut jamais céder même un centimètre à son voisin. Il suffit que ce dernier déborde un peu les limites pour voir naître des conflits perpétuels. Dans le groupement Mudusa, on dégage trois sortes de conflits fonciers:
Ce sont des conflits qui naissent d’incertitudes liées à l’utilisation des systèmes fonciers dualistes. Ils sont révélateurs des évolutions intervenues à la fois dans le système foncier formel.
Depuis l’époque de l’Etat Indépendant du Congo(EIC) jusqu’à nos jours, les mesures foncières ont eu des incidences sur le peuple congolais, en général, et sur les habitants de Mudusa, en particulier.
Dans le groupement Mudusa, plusieurs terres arables ont été arrachées aux paysans pour l’exploitation par les différentes sociétés qui les occupent jusqu’à nos jours. Au Bushi, la circulation de droit foncier suscite des nombreuses contestations. Ces conflits sont observés dans la double attribution d’un même champ ou terrain par le tenant foncier[20].
Dans la plupart des cas, les limites entre les concessions voisines ne sont pas clairement marquées. C’est ainsi que les bananiers s’étendent vers la concession voisine et font disparaitre les limites. En raison de l’absence d’un plan cadastral, il s’observera des conflits par la suite de l’empiétement sur le terrain voisin[21].
Il est dit qu’à la colonisation une grande partie de gens veut se soustraire de l’autorité coutumière. Il s’agit des indigènes d’une manière permanente, soit dans l’administration, soit dans les entreprises privées, soit chez les particuliers européens. Ils étaient en contact sur le chantier du travail, soit avec les Blancs, soit avec les indigènes d’autres origines tribales ou régionales. Ce sont des contacts qui ont influencé l’éveil de maturité chez certains de ces indigènes. Certains indigènes vont jusqu’à se détacher de l’autorité coutumière et ont décidé de vivre regroupés dans des camps des travailleurs « Bakozi » sous l’autorité des responsables proposés par les sociétés intéressées.
Cependant, après 1960, les Blancs partis, les anciens « Bakozi » sont chassés par les nouveaux occupants. N’ayant pas de places aux villages, ils ont amassé de l’argent pour payer le « Kalinzi » au chef du village. Ils veulent avoir un lopin de terre suivant le nouveau contrat foncier introduit par les colons, le « Bugule ». En effet, ce dernier est un contrat foncier d’origine coloniale.
Le pouvoir colonial a introduit de nouvelles mentalités notamment la vente de la terre par les chefs, la notion de la propriété privée, jadis inconnue et qui a engendré une conception nouvelle du « Kalinzi ». Celui-ci a cessé d’être une garantie pour être considéré comme un prix d’achat d’une propriété foncière.
Les chefs, étant avides d’argent, sont devenus les principaux vendeurs de terres. Ils ne tiennent plus compte de l’inaliénation de la terre de la collectivité et tentent de spolier les premiers possesseurs en fonction des anciens contrats fonciers; de là ressort la pauvreté des chefs qui ne reçoivent plus régulièrement des chèvres, vaches, calebasses de Kasigsi,…depuis 1976. Ils ont été privés de leurs sources des biens en se mettant à vendre les terres pour trouver de l’argent.
Elle est due à plusieurs facteurs. En effet, les modalités coloniales d’acquisition des terres ont permis aux Blancs d’occuper les bonnes terres. L’accroissement de la population avec l’amélioration des conditions hygiéniques et alimentaires a poussé à une très grande redistribution des terres, et l’extension des cultures d’exploitation a réduit sensiblement l’espace destiné aux cultures vivrières et à l’élevage.
La période coloniale commence en 1908 avec l’annexion du Congo à la Belgique. Elle correspond avec l’arrivée massive des Européens au Congo. Mais, il reste à savoir que l’occupation des terres par ces Européens n‘a pas manqué de poser des problèmes juridiques.
Nous voulons montrer comment ces étrangers ont essayé de résoudre la question de l’acquisition des terres, étant donné qu’ils s’intéressaient à l’agriculture, au commerce et à l’élevage.
En effet, les règles légales qui président à la de cession et à la concession des terres domaniales sont établies par l’article 15 de la Charte coloniale, actuellement repris par les dispositions des articles 62 et 63 du code foncier, en s’appuyant sur la loi n°73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens, régime foncier et immobilier et régime des suretés telle que modifiée et complétée par la loi n°80-008 du 18 juillet 1980[22].
La « cession » peut être envisagée s’il s’agit des biens qui font partie du domaine privé de l’Etat, du domaine public dont l’usage est effectif, de bien de la collectivité, et ne peut être aliéné.
Avant d’annoncer ce point, il convient de préciser d’abord ce que nous entendons par chef et sujet. En effet, le premier désigne tout homme qui a donné une partie de son terrain à une autre personne par l’un des contrats fonciers ci-haut cités.
Il est vrai que le modernisme a refondu les structures fondamentales des sociétés traditionnelles. Néanmoins, certaines sociétés traditionnelles résistent encore à ce courant. Dans nombreuses sociétés actuelles, les traditions sont encore présentes. C’est le cas de la Chefferie de Kabare dont fait partie le groupement Mudusa où les propriétaires terriens (dirigeants) et leurs familles méprisent toute activité manuelle du genre de labeur. Cette catégorie des personnes jouit d’un statut spécial, différent de celui des autres et laisse les travaux manuels à la population. En effet, les dirigeants sont des « Baluzi », pour la plupart de cas appartenant à la lignée de la famille régnante des Banyamwocha[23].
Selon Aristote, l’homme est par essence un animal politique, en conséquence, il n’existe aucune société humaine qui n’ait d’organisation politique[24].
Le peuple Shi en général était attaché à son Mwami. Monsieur Kayumpa Musoro René est l’actuel chef de groupement de Mudusa ; il fut officiellement installé par la coutume, le 8 octobre 2005, par le Mwami Désiré Kabare Rugemaninzi II. Il fut reconnu par le gouvernement provincial par l’arrêté N°CAB/MINI/MIINTERS CO85/20 du 19 février 2010. Cet arrêté fut signé par le ministre provincial de l’intérieur et sécurité, son Excellence Georges Shanyungu Sadiki[25].
Le groupement Mudusa se trouve dans le Poste d’Encadrement administratif Mumosho. Il fut créé conformément à l’ordonnance-loi 67-177 du 10 avril 1967 qui concerne les collectivités locales. Ce groupement est subdivisé en 43 villages dont la liste figure dans le tableau ci-dessous.
Tableau N°5 villages du groupement Mudusa en collectivité Chefferie de Kabare
N° |
Villages |
Chef |
1 |
Cirhundu I |
Mulegwa Kanyange |
2 |
Cirhundu II |
Tezi Bahoza |
3 |
Lugusha |
Kajojo Nkinzo |
4 |
Comuhini I |
Rwema Bigomokero |
5 |
Comuhini II |
Mikoma Cirhakarhula |
6 |
Karhwa I |
Mulimbanya Zahinda |
7 |
Karhwa II |
Mushoho Byamungu |
8 |
Karhwa III |
Mushoho Bisenge |
9 |
Igoki |
Mudosa Cihinga |
10 |
Cirhagabwa I |
Kozibwa Bashimbe |
11 |
Cirhagabwa II |
Kabagale Rusakuri |
12 |
Mushweshwe I |
Lubirira Macumu |
13 |
Mushweshwe II |
Mutabesha Mirimba |
14 |
Lwanvuye I |
Rwatangabo Mangazini |
15 |
Lwanvuye II |
Majwanga Cishesa |
16 |
Cirala |
Bihinda Mudekereza |
17 |
Ihemba cibundubundu |
Polepole Karhibuka |
18 |
Ihemba muyange |
Habamungu Miruho |
19 |
Ihemba mugakala |
Bashushana Mukoma |
20 |
Ihemba ilolero |
Buce Saizoga |
21 |
Lwankwale I |
Bijunde Bujiriri |
22 |
Lwankwale II |
Albert Bafunyembaka |
23 |
Buhozi luhorhe |
Ngeza Bahindwa |
24 |
Buhozi itara |
Kashosho Matabaro |
25 |
Buhozi cibanja |
Alain Kashosho |
26 |
Buhozi mulonge |
Byaterana Bukirano |
27 |
Buhozi kalangwe |
Gérard Bululu |
28 |
Cirhundu |
Kadesi Kamira |
29 |
Luhoko |
Kanenge Mweze |
30 |
Kalangwe |
Bishenjwa Bahizire |
31 |
Mudusa |
Bazibuhe Nkunzi |
32 |
Kamukunzi |
Sangwa Buzigire |
33 |
Luganda |
Koko Birali Ntumwa |
34 |
Nyengo |
Kerwishi Ngabe |
35 |
Kaya I |
Kajonjaga Burhashengwa |
36 |
Kaya II |
Nnakaya Bisimwa |
37 |
Mufunge |
Gustave Kahondwa |
38 |
Biyenga |
Murula Namushadu |
39 |
Karhezi I |
Sora Ruviga |
40 |
Karhezi II |
Cisiki Cizungu |
41 |
Bukali |
Rutaha SanziMwami |
42 |
Kabungo |
Manyuku Rutakaza |
43 |
Nyangulube |
Nyamulinga Namegabe |
Commentaire
Le groupement Mudusa était subdivisé en quatre localités à savoir : Ihemba, Cimpwiji, Buhozi et Mudusa. Mais conformément à la loi organique N° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des entités territoriales décentralisées et leurs rapports avec l’Etat et les Provinces[27]. Ainsi le Mwami a décidé de décentraliser ces localités dans le but de rapprocher le pouvoir à la population. C’est pourquoi aujourd’hui le groupement Mudusa compte 43 villages.
Parmi les quarante trois villages qui composent le groupement Mudusa: Igoki, Buhozi Mulonge, Kabungo, Kalongwe, Cirhagabwa I et Cirhagabwa II, le sud de Nyangulube sont les plus peuplés. La démographie croissante dans ces villages s’explique par le fait qu’ils sont peuplés par les déplacés des guerres fuyant les interahamwe et Maï-Maï à Bunyakiri, Ninja, Shabunda et même dans les groupements voisins tels que Kamisimbi et Murhaluza dans la Chefferie de Ngweshe. D’autres déplacés viennent des groupements de Mumosho et Cirunga ou du même groupement à la recherche de la sécurité. Une autre raison est que ces villages précités sont situés à la périphérie de la ville de Bukavu[28].
Le chef de groupement |
Le secrétaire |
Le conseil des juges |
Les chefs de localité |
Les chefs de localité |
Les chefs de localité |
Le secrétaire |
Les chefs de village |
Le groupement Mudusa fait parti de 14 groupements qui composent la Chefferie de Kabare: Bugobe, Bugorhe, Bushwira, Bushumba, Cirunga, Irhambi-Katana, Ishungu,Kagabi, Lugendo,Luhihi, Miti, Mudaka, Mudusa et Mumosho. Aussi, il fait partie de 4 groupements fonciers ou homogènes ou encore non traditionnels de la Chefferie de Kabare: Bugobe, Bushumba, Cirunga et Mudusa[29]. Son organigramme se présente comme suit :
Il faut signaler que suite à la décentralisation de 2008, l’appellation de localité dans le groupement Mudusa n’existe plus. On parle désormais de village.
Il est le responsable de la bonne marche de l’administration dans sa juridiction. Il est tenu de s’occuper de toutes les questions liées à la vie de son groupement. Il exécute les ordres et les directives du chef de la Chefferie ainsi que les règlements et décisions de l’autorité supérieure[30].
Le chef de village peut être choisi dans n’importe quelle famille du groupement Mudusa. Cela s’explique du fait que le groupement Mudusa est non traditionnel. C'est-à-dire comme le chef de groupement peut provenir de n’importe quelle famille, il en est de même pour nommer le chef de village. Cette nomination qui ne découle pas de la famille du Mwami (Luzi) est à la base des conflits qui déchirent ce groupement. Le chef de village donne rapport au chef de groupement qui centralise les rapports des villages et donne aussi rapport à la Chefferie.
En ce qui concerne l’activité artisanale, elle occupe surtout les personnes âgées de 40 à 60 ans.
Elle concerne la fabrication des cuves, des mortiers, des pirogues, des assiettes artisanales appelées « nambi » ; le tissage des nattes et des cordes de sisal.[31]
Dans ce point nous allons dégager les causes qui ont été à la base des conflits de pouvoir coutumier dans le groupement Mudusa.
Pour acquérir le pouvoir à Mudusa, le Mwami procède par la nomination du chef de groupement selon sa volonté. Cette façon de nommer le chef de groupement provoque une instabilité politique, n’étant pas un groupement traditionnel, c'est-à-dire celui dont la succession au pouvoir n’est pas réglé par la coutume. En effet, un groupement traditionnel est celui dont la succession au trône du chef de groupement est réglé par la coutume, c'est-à-dire tous les chefs qui s’y succèdent sont issus d’une même famille (Luzi), famille royale.
Les groupements non traditionnels sont ceux dont la succession des chefs de groupement n’est pas réglée par la coutume mais plutôt par la volonté du Mwami. Celui-ci désigne à la tête du groupement un chef de son choix même s’il n’est pas de la famille royale (Muluzi). Sur quatorze groupements que compte la Chefferie de Kabare, le groupement Mudusa fait partie de quatre groupements dont la succession au trône n’est pas traditionnel. La succession au trône étant vénale, c'est-à-dire un pouvoir que l’on reçoit après avoir donné une somme d’argent, permet à tout homme ayant la soif de diriger de convoiter ce poste. Si le nouveau demandeur du pouvoir plait au Mwami ou lui donne une somme d’argent qui l’intéresse, ce dernier détrône celui qui était au pouvoir en faveur de ce dernier. Le notable renversé, ne se reprochant de rien et croyant avoir le soutien de la population ou de ses administrés, continue à revendiquer sa légitimité. C’est dans ce contexte qu’on a assisté à Mudusa, après la mort du Mwami Kabare Rugemaninzi, à un bicéphalisme avec deux chefs dont:
Chacun se disait chef légitime parce qu’il a été nommé ou désigné par le Mwami.
Nous avons observé cela aussi à la tête de la Chefferie de Kabare après la mort de Mwami Kabare RugemaninzI lorsque Ntayitunda s’est déclaré fils légitime aîné du Mwami défunt, pendant que Mamimami réclamait aussi la succession au trône se considérant comme l’aîné.
Pour mettre fin à cette cacophonie successorale dans la Chefferie de Kabare, il fallait que le pouvoir public puisse intervenir.
Le manque d’harmonie entre le pouvoir public et le pouvoir coutumier est la cause majeure du conflit du à la tête du groupement Mudusa.
A la mort du chef de groupement Nkunzi Runyugunya décédé le 20 mai1993, le pouvoir public va procéder à la désignation d’un chef de groupement à Mudusa. Cette désignation fut contestée par le pouvoir coutumier qui estimait que la désignation d’un chef à la tête du groupement Mudusa relève de ses attributions. Ce qui créa de nouveau des troubles dans le groupement.
Le retour du Mwami Kabare au trône en 1960 replongea la Chefferie de Kabare en général et le groupement Mudusa en particulier dans des troubles en opposant les partisans de Mpozi à ceux de Kabare Rugemaninzi.
En 1960, les exactions des fanatiques du Mwami Kabare inquiétèrent beaucoup les autorités provinciales du Kivu.
Les remplacements réguliers des chefs à la tête du groupement perpétuent le conflit au sein du groupement Mudusa.
Pour raison de santé, le Mwami Kabare Rugemaninzi désigna son épouse M’Malekera à la tête de la Chefferie de Kabare (1963-1970). Nkunzi Runyugunya, alors chef de groupement Mudusa, s’allia à M’Malekera, dont le règne fut marqué de nombreuses exactions au sein de la Chefferie. Ces exactions ont été manifestées dans le groupent Mudusa et orchestrées par le pouvoir totalitaire qui y a été érigé par le chef de groupement Nkunzi Runyugunya, courtisan de M’Malekera.
Cette tyrannie a atteint de l’ampleur qu’elle a été même dénoncée par les médias et les journaux. C’est le cas du journal « Jua » publié au N° du 4 au 10 septembre 1976 de l’époque.[32]
[1] BYALUNGWE, B., interviewé à Cimpwiji, le 27/11/2011
[2] COLLE, P., cité par CIZUNGU, B., Op.Cit., p.14.
[3] Archives de l’Etat civil de groupement de Mudusa de 2002-2011, registre de recensement.
[4] MUTABESHA, M., Témoin interviewé à Kabungo, le 15 février 2012
[5] COLLE, P., Essaie de monographie des Bashi, Bukavu, 1971, p, 19.
[6] MURHABAZI, M., La Mise en Valeur des Terres par les Colons Belges dans le Groupement de
Mumosho-chefferie de Kabare (1928-1960), mémoire, inédit, département d’histoire,
I.S.P/Bukavu, 2004-2005
[7]MUZUSANGABO, L., Histoire Politique du Groupement de Mumosho en Collectivité Chefferie de
Kabare (1937-2007), TFC, inédit, département d’histoire, I.S.P/Bukavu, 2008-2009, p 10.
[8]Idem.
[9] RHONZI NAMEGABE, interviewé à Ihemba, le 14 avril 2012
[10] AHADI, B., Problème foncier dans le groupement de Mumosho (1994-2009), mémoire, inédit, Département
d’histoire, I.S.P/Bukavu, p 10.
[11] Article 207 de la Constitution de la RD de Congo.
[12] MALENGREAU cité par BAYAVUGE, M., Evolution foncière coutumière et problème des terres dans la
zone d’Idjwi au XIe siècle à nos jours, mémoire, inédit, département d’Histoire
I.S.P/Bukavu, 1984, p, 41- 42.
[13] MATABARO, K., Les conflits fonciers dans la collectivité-chefferie de NINDJA de 1974 à 2000, Mémoire, inédit,
département d’histoire, I.S.P/Bukavu, 2000, p 39.
[14] HECQ, L., cité par AHADI, B., Problème foncier dans le groupement de Mumosho (1994-2009), mémoire
inédit, Département d’histoire, I.S.P/Bukavu, p 14.
[15] AHADI, B., Op.Cit., p.14.
[16] Idem.
[17] MATABARO, K., les conflits fonciers dans la collectivité chefferie de Nindja de 1974-2000, mémoire,
inédit, département d’Histoire I.S.P/BUKAVU, 2000. p.18.
[18] AHADI, B., Op.Cit., p 19.
[19] HERCQ, L., Op.Cit., p 16.
[20] MATABARO, KAGIZI, chef de poste d’encadrement administratif de Mumosho, interviewé, le 14 avril 2012,
à Mumosho.
[21] MUSHOBOZI, secrétaire de poste d’Etat d’encadrement administratif de Mumosho, interviewé, le 14 avril
2012 à Mumosho.
1 CHISHAMI, NT., Le problème de Terres dans le Groupement de Bushumba (1960 à nos jours), TFC,
inédit, département d’Histoire, I.S.P/BUKAVU, 1984-1985 p 7.
[22] Journal officiel, Code Foncier, Immobilier et Régime des Suretés, Textes Légaux de la RD de Congo
Réglementaires Coordonnés, 47ème Année, Numéro Spécial du 5 avril 2006, p 25.
[23] CHASHAMI, Op.Cit., p 42.
[24] BURUME, L., cité par CIZUNGU, B., Les conflits du pouvoir coutumier dans le groupement d’Irhumbi-Katana
(1960-2008), mémoire, inédit, département d’Histoire, IPS/Bukavu, 2009-2010 p 25.
[25] Archives de la Chefferie de Kabare, dossier Mudusa.
[26] TEZI BAHOZ, interviewé à Cirhundu II, le 30 avril 2012
[27] Journal Officiel de la RD de Congo, Numéro spécial du 7 septembre 2009,50ème année.
[28] TEZI, B., Témoin déjà cité
[29] NYAMUGANDA, Déon., secrétaire de la chefferie de KABARE interviewé à Kabare, le 13 Avril 2012.
[30] NYAMUGANDA Déogratias, informateur déjà cité.
[31] MURHIMANYA, NY., témoin interviewé à Ihemba, le 21 janvier 2012.
[32] KARHABONA Bernard, Interviewé à Buhozi (Kasihe), le 3 mars 2012