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CHAPITRE III. ASPECTS DE LA LITTERARITE

LES DOMINANTES NARRATIVES

Les aspects de la littérarité. Dans ce chapitre nous allons parler  du caractère anachronique du texte Bofanien, de  l’intertextualité, de la mise en abyme, et.

III.1 La clôture du texte

La clôture du texte est à comprendre comme le contour du texte. Elle est constituée de l’incipit et de la clausule ou l’épilogue.

III.1.1 L’incipit.

En faisant la lecture du tout premier discours constituant l’incipit de ce roman, on a l’impression que le lecteur ne peut jamais se tromper. Il a affaire à un microtexte dont le ton lyrique est évident. Notre étude ici va consister maintenant à démonter tous les mécanismes du lyrisme qui font la spécificité de ce microtexte. On est sans ignorer que le ton lyrique exprime des sentiments personnels, des sentiments intimes (émotion, colère, pitié, tristesse, regret, amour..).

Déjà notre texte s’ouvre sur une phrase nominative exclamative qui le place au cœur de la subjectivité :

«- putain de chenilles! (p.11).

La rage d’Isookanga (le héros de ce récit) à cet instant avait atteint son paroxysme. Il est dans la forêt en train de faire la chasse. Alors les chenilles qui sont sur les arbres le dérangent. Il en a déjà assez avec cette vie. D’où, Il veut à tout prix quitter son village où il est condamné à s’attacher à la coutume Ekonda. Le village est entouré des arbres et situé dans la forêt. La vie dans ce village est caractérisée par l’agriculture et la chasse. Les habitants de ce village ne savent pas ce qu’est  la technologie, l’internet ou le développement. C’est la vision qu’il ne partage pas avec d’autres villageois y compris  son oncle qui veut qu’il lui succède. La vision d’Isookanga c’est d’être mondialiste. Son exclamation traduit la rage qu’il a face à cette vie qu’il mène. La marque de la subjectivité est trahie par le mot « putain » qui est renforcé par le point d’exclamation. C’est par la familiarité de ce mot signifiant la prostitution que la colère est traduite.

Au-delà de son aspect exclamatif, on peut voir dans cette exclamation une stratégie narratoriale de solliciter toute l’attention du récepteur.

Et G.Genette, en reprenant la nomenclature de la rhétorique classique latine appelle « captatiobenevolentiae (G.Genette, op, cit,p.18).

Dans ce fragment cité ci-dessus, le narrateur introduit le récit de ce personnage comme s’il était déjà connu par le lecteur. Le narrateur fait le recours à la prolepse pour introduire son récit dans l’incipit. Rappelons que l’incipit est  défini, selon le dictionnaire du littéraire, comme la première phrase, voire les premiers mots d’un texte ; et, suivant une acception concurrente, les premières lignes, parfois même tout le début d’une œuvre (2002 :374). Donc l’incipit joue le rôle d’un lieu de rencontre entre le lecteur et le texte ou  l’univers textuel.

   L’exaspération d’Isookanga est bien sentie même  dans ce monologue :

« C’était vraiment pas le moment, merde! Skulls and BonesMining Fields me menace de toute part, Kanibal Dawa m’a lâché comme un malpropre, cette salope d’Uranium et Sécurité n’arrête pas de me prendre des points, et moi, qu’est-ce que je fais en attendant ? Pouvait pas                                             bouffer du corne-bœuf comme tout le monde ? Ouvrir une boîte de sardines ? Des chenilles ! Et justement maintenant. Hier, hier, toujours hier ! Les ancêtres ont dit ceci ! La coutume exige cela ! « Neveu, au lieu de débuter ta session de vidéo game, vas plutôt me chasser des invertébrés dans la forêt, et que ça saute ! » Pourquoi ne pas vivre avec son temps et aller de l’avant, bon sang ? Se nourrir et penser comme le  reste de l’humanité. Putain d’oncle !

   On note dans ce monologue la colère et l’ennui d’Isookanga de rester dans cette forêt. La colère et l’ennui sont véhiculés par :

  • Les adjectifs péjoratifs (affectifs) :

Comme putain ! en qualifiant  son oncle, terme familier et négatif.

  • L’interjection (merde) exprimant la colère. C’est trop vulgaire.
  • Les interrogations (les questionnements) : qu’est-ce que je fais…. ? pourquoi ne pas vivre… ?
  • Les exclamations : merde ! putain d’oncle !
  • La réminiscence des injonctions que son oncle lui donne dans ce monologue et au discours direct :

« Neveu, au lieu de débuter ta session vidéo gamme, vas plutôt me chasser des invertébrés dans la forêt, et que ça saute ! »

  • Les anaphores comme ceci ! cela ! hier, hier, et marquent l’insistance
  • Les modélisateurs : « vraiment », exprimant le jugement de valeur.

III.1.2.La clausule ou l’épilogue

La clausule ou l’épilogue est la partie finale du texte. Pour Congo Inc., le lecteur se rend compte que l’épilogue de ce roman s’ouvre sur le retour du Chinois, Zhang Xia dans son pays natal, mais pour faire la prison parce qu’il avait des ennuis avec la justice de son pays :

A partir de Dubai, un vol Chine Airlines avait déposé Zhang Xia à Chongqing sans escale et, à l’aéroport après qu’on lui eut formellement signifié son inculpation, une escouade de policiers l’avait emmené courbé, les poignets attachés dans le dos….(p.291).

Dans l’incipit, nulle part on parle de ce Chinois et surtout de ses ennuis avec la justice de son pays. Ensuite on revient sur l’histoire d’Isookanga qui rentre aussi dans son pays avec son oncle qui était venu le chercher. Dans l’incipit, on montre un héros exaspéré par la vie du village caractérisée par la chasse et la coutume. Le fait d’être allé à Kinshasa a été utile pour le héros parce qu’il était rentré heureux et transformé. Il n’est plus l’homme qu’il était auparavant. Voici comment en témoigne l’extrait final de l’épilogue :

« Le jeune homme quant à lui n’avait plus en tête que ces vastes se fassent vert foncé qui, discrètement, renfermaient des nappes aurifères… Doté du Disque contenant la carte des minerais, Isookanga allait prendre véritablement  sa place de chef… être allé en ville s’était avéré utile : cela lui avait permit de savoir qu’il ne régnerait plus seulement sur de Kambala et Pangolins, mais aussi sur des valeurs terre à terre, du genre de celle qu’on attribuait facilement à n’importe quelle monarque un peu glamour ».  

L’histoire s’est terminée comme dans un conte où le héros rentre déjà transformé et avec des richesses.

III.2. Congo Inc. Récit anachronique.

Lorsque nous avons  commencé à mener l’étude sur ce roman, nous avons constaté, dès l’ouverture de ce récit, quel s’ouvre par un prologue lyrique. La présence de ce prologue met en exergue cette espèce de bien consusptentiel qui existe entre le temps et le roman. Pourtant, il n’y a pas de roman sans expression du temps.

Dans le roman Congo Inc., il s’aperçoit que parfois la linéarité du récit est perturbée par d’autres récits anticipés. Mais cela se justifie par ce que Robbe-Grillet cité par Moilinié, déclare dans son projet pour une révolution à New-York :

« On ne peut pas tout raconter à la fois et qu’il y a toujours un moment ou une histoire bifurque revient en arrière ou fait un bond en avant, ou se met à proliférer ? » (op.cit :p188).

Dans ce chapitre, il sera question d’examiner les procédés langagiers qu’interviennent dans le détournement de la linéarité du récit Bofanien en un mot, il sera question de chercher les principales formes de discordance entre l’ordre de l’histoire et celui du récit. D’où l’anticipation narrative dont le terme scientifique est la prolepse, la rétrospective encore appelée analepse et dans une certaine mesure la mise en abyme, la métalepse stratégie langagières qu’exploite le narrateur pour faire prendre des détours à son récit.

III.2.1. Anachronie proleptique

Dans ce roman, le narrateur Bofanien se permet à anticiper c’est-à-dire à raconter à l’avance l’évènement qui, en principe devait intervenir ultérieurement dans la chronologie du récit.

Il sied de préciser que le narrateur n’est pas le seul qui recourt à la prolepse, les personnages recourent aussi à ce procédé et portent comme des prophètes. Tel est le cas de cet extrait  où les personnages désapprouvent l’installation de la pylône de télécommunication dans le village. Voici ce qu’ils disent :

« Evidement, depuis l’avènement de la technologie dans le coin, des esprits retardataires s’étaient répandus en invectives contre l’antenne :

  • Elle va attirer la malédiction sur nous, les ancêtres vont nous tourner le dos ! affirmaient les uns.
  • Nos femmes ne pourront plus mettre au monde, affabulaient les autres.
  • Nous allons tous devenir impuissants, déliraient les plus pessimistes.
  • Les chenilles, d’ailleurs, ont fui, ajoutaient ceux qui se croyaient malins. »

Les éléments qui convoquent la prolepse c’est le recours au temps futur notamment des verbes comme : « va attirer », « vont nous tourner le dos », « ne pourront » et « nous allons ». On voit dans ce passage que les personnages anticipent ce qui leur arrivera.

III.2.2. L’anachronie analeptique

Dans ce récit, nous avons remarqué que le narrateur, en rapportant son récit, il recourt aux analepses. Celles-ci apparaissent dans ce texte comme l’autre manœuvre qu’exploite le narrateur pour perturber la chronologie de son récit. Il s’aperçoit ici, que pendant que le narrateur se trouve à un moment précis du récit, évoque après coup un événement qui lui est antérieur et sur lequel il revient. Dons le phénomène analeptique traverse pratiquement le roman bofanien. Dans ce texte, le narrateur utilise une alternance en racontant son récit. D’un moment sa perception est prospective et de l’autre il revient à la perception rétrospective.

Le procédé analeptique consiste dans un récit à raconter après coup un événement passé soit pour éclairer le passé des personnages soit pour justifier la psychologie des personnages.

Dans le cadre de ce roman Congo Inc., le narrateur revient ou fait le retour en arrière, au récit d’une action qui appartient au passé, soit pour éclairer le passé de ses personnages, soit pour justifier la psychologie de ces derniers.

Parlons de la jeune fille et de ses frères devenus chege à Kinshasa, fuyant les atrocités du kivu où ils avaient vu massacrer leurs parents, le narrateur raconte :

«… Entrainant ses frères dans une course aveugle, elle avait emprunté un sentier qui s’enfonçait dans la végétation. Ceux qui avaient commis ce qu’elle venait de voir n’étaient certainement pas loin. Celle qu’on appellerait bientôt Shasha estima qu’il fallait mettre une distance entre elle et ses frères, et cet espace témoin d’une barbarie paroxystique. Les mains nues, la tête brûlante, c’est ainsi qu’ils quittèrent leur région proche de Butembo ce jour-là. Depuis leur naissance, le Nord et Sud-Kivu étaient le théâtre, à grande échelle, des atrocités les plus innommables. »  (p.55).

          Dans ce fragment, nous remarquons que le narrateur après avoir parlé des enfants qui avaient fui les atrocités du Kivu, revient sur l’événement passé qu’ils avaient connu. Voici les éléments qui déclenchent cette analepse : c’est ainsi qu’ils quittèrent, ce jour-là, depuis leur naissance. Tous ces éléments nous renvoient au passé de ces enfants. Nous pouvons signaler la présence des  éléments proleptiques dans ce segment. Il s’agit du recours au conditionnel  et l’adverbe de temps renforçant le futur « celle qu’on appellerait bientôt » Shasha. Le narrateur se porte comme un prophète qui annonce l’avenir. Shasha ne s’appelait pas ainsi, quand elle était encore à Butembo elle s’appelait Eyoma. C’est à Kinshasa où on l’a surnommée Shasha La Jactance pour sa souplesse dans la profession de prostitution.

Il est à souligner que le narrateur n’est pas le seul qui détient le monopole de ce phénomène analeptique ; même ses personnages  recourent à ce phénomène.

Il y a quelque passage  qui marque aussi cette analepse. Modogo, enfant des rues, était un enfant-sorcier. La fille Shasha La Jactance explique à Isookanga pourquoi cet enfant avait un comportement différent des autres enfants :

« -Modogo, était un enfant-sorcier, avant. Il faisait  peur à tout le monde chez lui. Ses parents l’ont emmené chez le pasteur qui lui a fait répéter quelques-unes de ses phrases favorites. Il les a prononcées devant eux , sans se méfier. Le type et ses diacres ont décrété que Modogo était possédé au dernier degré. Il a eu droit à tout : imposition des mains, jeûnes secs de trois jours, des coups à la main quand on supposait que le démon n’était pas loin. » (p.68)

Dans ce fragment, on a bien remarque que celui qui parle c’est Shasha, elle revient  au comportement du jeune garçon Modogo. Il avait l’habitude de prononcer les mots comme ( yowaannex ou you are next pour dire, tu es le prochain). Le procédé analeptique est utilisé à partir du moment où le narrateur personnage ici, revient au passé de Modogo pour justifier sa psychologie par les indicateurs soulignés ci-après : les verbes à l’imparfait, « était », « faisait », et l’adverbe de temps « avant » tous soulignant la retrospection.

III.3. Un récit sous le signe d’intertextualité

Parlant de l’inscription du destinateur ou narrateur dans le cadre générique, Molinié et Viala déclarent ce qui suit : « cette situation dans le cadre générique doit, dans un premier temps, se faire de manière intragénérique. Ce qui suppose qu’on examine le type de performance lectorale sollicitée par le genre, et le type de variété qu’en propose le texte examiné.(1993 :211).

En revanche, il est fréquent, selon ce que l’observation empirique suggère, qu’un texte relevant d’un genre contienne des quantités d’allusions ou de références à d’autres textes relevant du même genre ou de genres différents. C’est sous cet angle-là que nous allons évoquer la notion de l’intertextualité dans ce chapitre pour nous rendre compte si réellement ce roman sur lequel porte notre étude  entretient des rapprochements ou rapports avec d’autres textes, de même genre ou de genre différent.

C’est ainsi que le genre, entant qu’institution littéraire, sera évoqué dans le cadre de l’intertextualité.

          Il sera question dans ce point, de découvrir comment In Koli Jean Bofane fait dialoguer son texte avec d’autres. Il sera donc question d’insister sur les rapports que son texte entretient avec d’autres, d’horizons divers.

C’est dans ce cadre que G.Genette, cité par Yves Reuter (2009 :127), réserve le terme d’intertextualité à la coprésence de deux ou plusieurs textes, c’est-à-dire pour simplifier à la présence effective d’un ou plusieurs textes dans un autre.

L’intertextualité peut se manifester sous diverses formes notamment la citation, aussi  en est la forme la plus littérale et la plus explicite, le plagiat, littéral mais non avoué, ou allusion, moins littéral et moins explicite. La reprise est une autre forme possible de l’intertextualité dans une série ou dans un cycle, d’éléments issus d’ouvrages antérieurs : personnages, actions.

Ainsi dire, dans la verbalisation d’un univers autonome, on découvre que Bofane s’approprie un certain nombre d’œuvres d’auteurs différents qu’il projette implicitement ou explicitement dans son roman.

C’est dans ce cadre que Michaël Riffaterre(tout comme Brunel d’ailleurs) dans sa définition de l’intertextualité met l’accent sur la participation du lecteur dans le décalage du phénomène intertextuel dans l’échange dialectique entre le texte et le lecteur, en conséquence, le texte n’a l’existence ou de fonction littéraire que comme pont de départ du processus génératif, lequel se déroule dans l’esprit du lecteur ( Riffaterre (M), Brunel (P), précis de littérature, production du texte, Paris, seuil, comparée, Paris, PUF, 1983, Collection poétique, 1979. P.23.)

En lisant Inc., on sent véritablement un récit traversé par une diversité des tonalités entre autres la tonalité biblique, la tonalité de l’histoire du Congo, etc.

III.3.1. Congo Inc. et l’intertexte de l’histoire précoloniale du Congo et le partage de l’Afrique.

Pour étoffer son récit, l’auteur par la voie de son narrateur  recourt à plusieurs procédés  ou forme d’intertextualité parce que le texte n’est jamais isolé, il est toujours ou il entretient des rapports avec d’autres textes qui lui enrichissent et lui donnent sa beauté.

C’est dans ce cadre que François Rastier (1989, p. 17) peut alors ajouter : « un texte n’est jamais isolé et tire son sens des relations médiates d’autres textes ».

En lisant le texte Congo Inc, on sent véritablement avec chagrinla tonalité de l’histoire précoloniale du Congo et les puissances occidentales à Berlin. En voici le narrateur bofanien :

« L’algorithme Congo Inc, avait été imaginé au moment de dépecer l’Afrique, entre Novembre 1884 et Février 1885 à Berlin. Sous le métayage de Léopard II, on l’avait  rapidement développé afin de fournir au monde entier le caoutchouc de l’Equateur, sans quoi l’ère industrielle n’aurait pas pris son essor comme il le fallait à ce moment-là. Ensuite sa contribution à l’effort de la première Guerre mondiale avait été primordiale, même si celle-ci avait pula  plupart du temps-se mener à Cheval, sous le Congo, et si les choses avaient changé depuis que les Allemands avaient élaboré  le Caoutchouc synthétique dès 1914.

L’engagement de Congo Inc. dans le  second conflit mondial fut décisif. Pour apposer un point final, le concept  mit à la disposition des Etats-Unis d’Amérique l’uranium de Shikolobwe qui vétrifia une fois pour toutes Hiroshima et Najasaki, instituant, du même coup et pour l’éternité, la théorie de la dissuasion nucléaire. Il contribua généralement à la dévastation du Vietnam en permettant aux hélicoptères Bell H1-Huey, les flancs béan, de  cracher du haut des airs des millions de gerbes du cuivre de Likasi et Kolwezi à travers les villes et les compagnes, de Da Nong à Hanoï, en passant par Hué , Vinh, Lao Kay, Lang son e le port de Haiphong. Durant la guerre dite froide, l’algorithme  demeura brûlant. Le combustible garant de son bon fonctionnement  pouvait  aussi  être  constitué d’hommes. Les guerriers Ngwaka… Fidèle  au testament de Bismarck, Congo Inc. fut plus récemment désigné comme le pourvoyeur attitré de la mondialisation chargé de livrer les mineraisstratégiques pour la conquête de l’espace, la fabrication d’armements sophistiques, l’industrie pétrolière, la production de matériel de télécommunication High-tech (p271-272).

Dans ce fragment cité ci-dessus, on décrit comment le Congo avait contribué dans le développement des pays  (puissances) occidentaux  en général. Il prouve combien le Congo s’était engagé dans les conflits de la première et de la deuxième  guerre mondiale. Dans ce passage nous voyons comment l’auteur par le biais de son narrateur revient aux éléments constitutifs de l’histoire précoloniale  du Congo lors du partage de l’Afrique et ce la avec un ton à la fois humoristique et ironique.

Nous pouvons signaler quelques éléments du Congo et de l’Afrique en particulier et du monde en général. Il s’agit des intertextes suivants : la date de 1884 et 1885 rappelle au lecteur intellectuel, la période à la quelle les grandes puissances s’étaient réunies à Berlin pour se partager l’Afrique. Les noms de Bismarck et de Léopold sont indélébiles dans les têtes des Africains. Ce dernier s’était approprié le Congo et les dégâts humains  sont déplorables : ses soldats tués les hommes ou coupés leurs mains pour n’avoir ou avoir cueilli peu de caoutchouc. On peut signaler les dégats de l’uranium de shinkolobwe qui avait servi à la fabrication de la bombe atomique par les Etats-Unis d’Amérique et qui avait détruit Nagasaki et Horishima.

III.3.2. Congo Inc. et les intertextes bibliques

Dans ce récit, nous  rencontrons des passages bibliques cités par le personnage malhonnête déguisé en pasteur. Tel est le cas du pasteur Monkaya qui recourt aux versets bibliques cadrant avec les offrandes pour essayer d’escroquer ou d’arracher quelques billets aux fidèles afin de s’enrichir. Son Eglise, elle-même portait le nom de l’Eglise de la Multiplication divine, légalement reconnue par ses propres statuts. Il faisait lire des versets bibliques qui n’ont même pas de livre comme référence et cela en faisant croire aux fidèles que cela venait du Dieu par des révélations voici l’extrait :

« C’est pourquoi, le Seigneur m’a chargé de vous délivrer un message sur la fidélité. Il a commandé : « Jonas, zélé serviteur fais-leur connaître l’histoire terrible d’Abraham et de son neveu Lot ». Ouvrez  votre bible au chapitre 13, versets 8 à 11. Le conducteur de brebis lut :

« - Abraham dit à Lot : qu’il y ait point, je te prie, de dispute ente toi et moi, ni entre mes berger et tes bergers, car nous sommes frères. Tout le pays n’est-il pas devant toi ? Si tu vas à gauche, j’irai à droite. Si tu vas à droite,  j’irai à gauche. Lot leva les yeux et vit la plaine du Jourdain qui était entièrement arrosée. Il choisit pour lui toute la plaine du Jourdain et il s’avança vers l’orient ». Amen ?

  • . Amen ! concéda la salle (…).Si Moïse avait vécu de nos jours, vous croyez que Jéhovah l’aurait laissé descendre de la montagne à pied ? Non, le Seigneur lui aurait offert un 4x4 v8 climatisé pour qu’il puisse transporter les tables en pierre où étaient inscrites les lois destinées (p.148-149-150).

Dans cet extrait, le narrateur concède la parole à son personnage, de dernier, harangue ses fidèles avec le verbe. On sent véritablement que l’auteur par la voix narrative, à l’humour et l’ironie pour parler de l’histoire des personnages les plus connus de la Bible. Dans ce passage on cite les noms des grands personnages de l’histoire de la Bible entre autres Abraham, le père de la foi ; Lot dont sa femme avait été transformée en rocher de sel en Sodome, et le nom de Moise. Ces noms sont considérés comme des traces de l’intertextualité.

La bible est convoquée dans ce récit   invite  le lecteur à la culture de lecture parce que l’histoire elle-même n’est pas bien reprise ; il y a des éléments exagérés qui transforme la réalité. Dans le cas contraire, il risque de se laisser tromper. Il y a complètement de l’humour dans cette présentation de l’histoire de Lot et Abraham. Ils ne s’étaient jamais disputés.

 C’est pour cela que le narrateur par la voie de son personnage, évoque le verset biblique dans le passage ci-dessous. Rappelons que la citation d’un passage d’un autre texte fait partie de la relation qu’un texte peut entretenir avec un autre. C’est soutenir également l’idée selon laquelle un texte n’est jamais isolé, il est toujours ouvert aux autres textes. Donc le lecteur doit être quelqu’un qui ne se laisse pas indifférent de phénomène culturel. La Bible, entant que phénomène culturel, est convoquée dans ce roman Congo Inc. pour contribuer à la progression du récit.

Ainsi, l’oncle de Isookanga, le Vieux Lomamas’entretient-il avec des vendeuses au Grand Marché, pour avoir des renseignements sur la destination de son neveu, Isookanga, devenu enfant de rue ou shégué dans la capitale. Elles  lui répondent :

 « - Les shégués ? Ces sorciers ! Mais papa, ce n’est pas des enfants à chercher ils sont mauvais, on ne sait rien à faire !

  • Papa, ne l’écoute pas, ce sont des pauvres enfants, intervint une voisine qui vendait exactement la même chose. C’est Dieu qui nous envoie des épreuves pour nous montrer que nous sommes arrivés aux temps de la fin. Luc 21,23 dit : En ces temps-là, malheur à la femme enceinte et à celles qui allaiteront. les gens ne se fient plus à Jésus, Qui a été envoyé pour guérir les cœurs, Esaïe 61, 11 (237).

Dans ce passage cité ci-haut, on rencontre des personnages qui maîtrisent bien la Bible : Une femme un peu mendiante et antipathique des enfants des rues et l’autre très affectueuse de la vie que mènent les enfants ; elle recourt aux versets bibliques pour montrer que ces enfants n’y sont pour rien. On est dans les derniers jours. Ici on est en face d’un personnage qui maîtrise mieux la Bible. Les éléments intertextuels sont ces versets bibliques cités dans Luc et dans Esaie. Ces versets sont vrais et n’ont pas été modifiés.

III.3.4. Autour des films

L’autre procédé intertextuel que nous allons souligner dans cette étude intertextuelle, c’est le recours  aux paroles citées dans des films et reprises par les personnages de ce roman. Cela souligne l’importance du lecteur à tout fait culturel. C’est bien avisé ici, le narrateur s’adresse au narrataire lecteur-ouvert et sensible à tout ce qui se passe

Comme nous l’avons souligné en parlant de texte littéraire, il s’observe que ce dernier recours à d’autres genres. Ceux-ci lui donnent la beauté et la qualité d’un texte littéraire. C’est pour cette raison que Wéré Wéré,  soutenant l’idée de mélange des genres, affirme : « Je n’adhère pas à la scission systématique des genres. L’esthétique textuelle négro-africaine est d’ailleurs caractérisée entre autres, par le mélange des genres. Et ce n’est qu’en mélangeant différents genres qu’il me semble possible d’atteindre différents niveaux de langues, différentes qualité d’émotions et d’approcher, différents plans de conscience d’où l’on peut tout exprimer (1985 :18) ».

. C’est ainsi qu’on retrouve des personnages amoureux des films et qui reprennent certaines paroles entendues dans les films américains chaque fois qu’il veut parler, mais avec une intention de plaisanter.

Tel est le cas de Modogo, enfant des rues ou shégués qui, à chaque fois qu’il devait répondre à toute question il citait des paroles entendues dans les films. On entend certains mots comme you are next (tu es prochain). Il fut un enfant sorcier et possédé jusqu’au dernier degré. C’est pour cette raison que, malgré la guérison, il était resté avec cette habitude.

Shasha, la jeune fille, présente d’autres enfants shégués à Isookanga dont son frère.

  • Ah, yaya ! Fais doucement
  • Isookanga, je te présente mon frère, Trésor. Désignant l’autre enfant, à peu près du même âge, elle le présentant :
  • Lui, c’est Modogo. Ne l’écoute pas trop, il a tendance à raconter n’importe quoi. N’es-ce pas, Modogo ?
  • Yowaannex
  • J’ai jamais vu un sot comme toi ! Jenia Shasha en colère. Encore tes paroles démoniaques ? Tu vois pas où ça t’a amené ? (p68).

Les paroles « Yowaannex »  prononcées mal par l’enfant shégué. C’est « you are next ou « tu es mon prochain », ces paroles, ils les auraient entendues dans le film américain in scream de wesCraven.

Il y en a d’autres paroles tirées des films qui sont citées par Modogo.

  • « Ou waaiiyou » ou « Who are you ? Paroles tirées dans le film Scream de WesCraven. (p86).
  • « OO, maghhöd » (oh, my God ») tirées de n’importe quel film américain relevant du blockbuster (p87).

Cet enfant avait prononcé ces paroles lorsqu’on le pasteur lui avait imposé la main pour chasser les démons qui l’habitaient.

Il prononça les dernières  paroles tirées du film « Exorciste de William Fredkin : « yomothasining in heil (ou your mother is burning in hell). Ces paroles signifient « Ta mère est en train de brûler dans l’enfer ».

Modogo avait prononcé ces paroles pour menacer les policiers et l’officier qui étaient venus l’arrêter, ses camarades et lui :

« - Qu’est-ce qu’il à dit ?

  • Pas grand-chose, il a cru pouvoir se moquer de nous ;
  • Yomothasining in héïl ! Ponctua Madogo, l’œil dangereux (p111)

Cette exclamation « Yo mothas ining in heïl », était utilisée par Modogo pour essayer d’intimider les policiers et l’officier. Les intertextes soulignés ici sont ces paroles prononcées par les personnages qui sont tirées des films américains : your mother is burning in hell, oh ! my God, you are next, Who are you.

III.3.5. Autour des chansons

Dans ce discours littéraire on trouve des passages des chansons écoutées par les personnages dans le bar. Les chansons de Fally Ipupa et de Werrason y sont exécutées.

Isookanga dormait dans une maison à Kinshasa, mais il pouvait entendre une chanson d’Orgasy de Fally Ipupa exécutée dans un bar envoisinant la maison oû il était logé :

« Mongongo na ngai eyokani ti na libanda ééé

Soki ba ko yoka na bango

Est-ce que vie na ngai mpe eza na maboko na bango ?

Bango bakoka kosala ngai nini ?

Po ngai mowei ya bolingo oyo

Nazalaka na problems nab a vivants te, non, assurer ngai, WW Bob Masua ».(p.p.45-46).

Français : « fruit non sucré. On le plonge deux minutes dans de l’eau bouillante et il est prêt. Très bon au petit-déjeuner avec de la chikwangue ou du pain. Ma voix a été entendue jusqu’au-dehors/Que ceux qui veulent entendre, entendent/ Ma vie est-elle entre leurs mains ?/Que vont-ils pouvoir me faire ?/ Parce que je suis martyr de cet amour ?/Je n’ai aucun problème avec les vivants, non, rassure-moi,WW Bob Masua ».

III.3.6. Des proverbes

 La littérarité générique est plus importante : elle nous permet de distinguer le texte. Mais cela n’empêche qu’on puisse recourir  à d’autres formes d’écriture. Celles-ci viennent sont convoquées pour donner du goût au texte. C’est pour cette raison que Bofane rapproche son texte aux autres en recourant aux proverbes parce que le texte n’est jamais isolé des autres textes.

C’est ainsi que l’oncle Lomama, trouvant que son neveu n’écoute plus ses conseils, il lui cite ce proverbe en lingala : « matoi eleka moto te ».(p.15).

En français : «les oreilles ne sont jamais plus importantes que la tête. Se dit des jeunes qui se croient plus futés que les adultes ».

III.3.7. Les citations

Le narrateur dans sa narration il a cité les paroles de SnoopDogg relayant la pensée d’Isookanga, réaliste et un peu déçu tout de même, après avoir lu le message envoyé par l’africaniste Aude Martin, lui présentant ses excuses pour le comportement qu’elle avait tenu lorsqu’ils avaient fait l’amour. Isookanga pensait que l’on ne peut jamais présumer de l’amour des femmes. Il se console des paroles de SnoopDogg dont il était amoureux : « you don’t love me, you just love mydoggy style ». (p244).

Ceci signifie « tu ne m’aimes pas, tu aimes juste ma position en levrette »

Ces paroles ont été tirées de « In Doggystyle » de Snoop Dogg, un album de chansons. Dans cette citation ci-haut citée,  on lit  une sorte de rire jaune de la part d’Isookanga parce qu’en se rappelant de cet extrait, il cherche à cacher son mécontentement ou sa déception.

 La  pensée de l’écrivain de la chine antique, Sema Tsien, est citée par Zhang Xia, le jeune Chinois et associé d’Isookanga. Zhang Xia avait cité cet écrivain pour donner de la morale aux jeunes shégués qui pour qu’ils sachent comment  poser des revendications au gouvernement après avoir tué l’un d’eux. Il leur dit :

« - Tout homme doit mourir un jour, dit-il au jeune Pygmée, mais toutes les morts n’ont pas la même signification un écrivain de la chine antique, Sema Tsien, disait ceci : « Certes, les hommes sont mortels ; mais certaines morts ont plus de poids que le mont Taichan, d’autres en ont moins qu’une plume ». La mort du Camara Oman a plus de poids que e mont Taichan parce qu’il a été poursuivi et abattu par des forces réactionnaires (p105)».

Rappelons que Zhang Xia, est un ressortissant chinois, arrivé à Kinshasa, devient l’associé d’Isookanga dans la vente d’eau. Mais aussi, il avait beaucoup aidé les enfants des rues en les accompagnant dans leur lutte avec des conseils.

Dans cet extrait, le narrateur, par la voie de son personnage, cite un passage de l’écrivain chinois. Cet élément (fragment) est un élément de l’intertextualité.

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