Ce deuxième chapitre est constitué de trois sous-points : le premier s’intitule « l’analyse actantielle selon A. J. Greimas », le deuxième s’intitule « les entités actantielles », dans lequel nous allons développer les couples suivants : le narrateur/narrataire, personnages/personnages et scripteur/lecteur. Le troisième sous-point s’intitule « l’analyse actantielle selon G. Molinié. »
2.2.2 Analyse actantielle selon A. J. Greimas
Il est à rappeler que dans les années 60, Greimas (1966 :174-185 et 192-212) a proposé le modèle actantiel, inspiré des théories de Propp (1970). Le modèle actantiel est un dispositif permettant en principe, d’analyser toute action réelle ou thématisée (en particulier celles dépeintes dans les textes littéraires ou les images). Dans le modèle actantiel, une action se laisse analyser en six composantes nommés actants. Bref, l’analyse actantielle consiste à classer les éléments de l’action à décrire dans l’une ou l’autre classe actantielles.
Avant de citer les six actants, soulignons d’abord qu’un actant peut être personnage ou non personnage. Un actant ne correspond pas toujours à un personnage, au sens classique du terme. En effet, du point de vue de l’ontologie naïve (qui définit les sortes d’êtres au sens large, qui forment le réel), un actant peut correspondre à : (1) un être anthropomorphe (par exemple un humain, un animal ou une épée qui parle, etc.); (2) un élément inanimé concret, incluant les choses par exemple une épée, mais ne s’y limitant pas (par exemple, le vent, la distance à parcourir) ; (3) un concept (le courage, l’espoir, la liberté, etc.).
Par ailleurs, il peut être individuel ou collectif (par exemple, la société).
Voici les six actants regroupés en trois options ou catégories formant chacune un axe de la description :
Dans notre roman nous avons des adjuvants ou alliés ci-après : Bwale, Aude Martin, Zhang Xia, Shasha La Jactance. Nous allons parler brièvement de chacun de ces adjuvants du héros Isookanga.
Il est adjuvant d’Isookanga par référence audeptique. Il marque le passé de ce dernier au Lycée. Les jeunes gens s’étaient rencontrés lors de leurs études à Wafania (village situé en Equateur). Au Lycée, Bwale avait été le premier à venir le saluer pendant que les autres l’évitaient parce qu’il était pygmée. Bwale aidait Isookanga à recharger son ordinateur, sans quoi il ne saurait pas faire ses activités, en tant que mondialiste qui aspirait à devenir mondialisateur. Et c’est Bwale qui l’avait initié à manipuler l’ordinateur. C’est grâce à Bwale qu’ Isookanga a pu arriver à Kinshasa en se faisant passer pour Bwale Iselenge, ce dernier était le neveu de la famille Ambroise Iselenge se trouvant à Kinshasa.
Voici ce qu’ils se disent :
Shasha est une fille shéguée (enfant de la rue) qui avait accueilli et protégé Isookanga contre la bande d’enfants shégués au niveau du Grand Marché de Kinshasa. Elle et ses frères avaient quitté leur région proche de Butembo après que leurs avaient été tués par les rebelles. Ils avaient décidé de prendre le chemin périlleux jusqu’à Kinshasa pour devenir Shégués parce les circonstances l’avaient imposé ainsi. Shasha emmena Isookanga chez elle pour s’occuper de lui.
Elle dit :
« - Laissez-le tranquille, je m’en occupe. Toi, prends tes affaires et suis-moi. (…)
La fille avait essayé d’expliquer à Isookanga le danger qu’il courait en arrivant au grand Marché et lui avait dit qu’ils étaient des enfants de la rue (shégués),ils n’ont pas des parents. Au Grand Marché, la nuit, c’est le monde Okinawa, le monde arabe, c’est-à-dire, le monde Okinawe, le monde arabe, signifie, le monde de Kamikazes. Pourquoi s’appellent-ils ainsi ? Les Kamikazes sont des personnes téméraires qui se sacrifient pour une cause. Ils s’appellent ainsi parce que ce sont des enfants abandonnés par leurs parents ou qui n’en ont pas et sont souvent exposés aux risques : la faim, la mendicité, la drogue, la prostitution, le vol, etc. Ils sont prêts à se sacrifier pour qu’ils obtiennent à manger, à s’habiller, et les filles à se livrer à la prostitution. Donc ils n’ont rien à perdre, ils s’enfoutent de tout.
Dans cette interlocution, nous avons le couple destinateur/destinateur qui se présente en « je » et « tu ». Ces déictiques de la première et deuxième personne du singulier désignent Isookanga et Shasha. Le recours à « tu » renvoie à une sorte de familiarité entre ces deux interlocuteurs. Cette familiarité est soutenue par le recours au registre familier : tu connais pas, on est des shégués, on s’est pas entendus, tantine. Le recours au mot tantine vient attester une sorte de tendresse qu’a Isookanga, déjà adulte, à l’égard de Shasha qui est encore trop jeune.Nous allons approfondir ce point dans la suite.
Zhang Xia est un ressortissant chinois qui avait été abandonné à Kinshasa par son compatriote, puis récupéré par Tshikunku ou Tshishi, une autre personne vulnérable de Kinshasa. Il commença à vendre de l’eau à Kinshasa pour sa survie. Plus tard, Isookanga était devenu son associé depuis leur rencontre :deux mondialistes qui se rencontrent et qui ont les mêmes visions du monde. Cet homme été devenu une figure importante dans la révolution des shégués. Lors des manifestations qui ont eu lieu lors de l’assassinat d’un shégué par les forces de l’ordre. Il accompagnait Isookanga en lui inculquant la philosophie révolutionnaire de la Chine :
Cette dame est une anthropologue africainiste belge péremptoire. Celle-ci venait toujours au Congo pour étudier les peuples autochtones. C’est à travers son ordinateur qui lui a été volé par Isookanga que celui-ci a pu découvrir le monde et atteindre son ambition de devenir mondialiste. Ils s’étaient rencontrés le jour où on était venu inaugurer la pylône de télécommunication au village.
Ces enfants ont beaucoup aidé le héros lorsqu’il était arrivé dans la capitale Kinshasa où personne ne le connaissait. C’est plus tard qu’il était devenu leur porte-parole et surtout lorsqu’ils étaient descendus dans la rue pour pleurer l’un d’eux tué par le policier. Ce sont ces enfants qui l’avaient hébergé momentanément
Les journalistes ont joué un rôle très important parce qu’ils avaient fait connaitre le héros Isookanga dans sa lutte et surtout lors des manifestations des enfants de la rue où ce dernier était leur porte-parole. On pouvait noter la présence de la RTNC, RFI, Fox News, France Inter,TV5 Monde, Al Jezeera,La Dépêche de Brazzaville, la RTBF,etc. Des journalistes comme Elisabeth Tchoungi et Laure Adler de France Télévisions, Yvan Amar de RFI, etc.
L’ordinateur et l’internet sont des adjuvants non anthropomorphiques. Ils ont beaucoup aidé le héros dans la réalisation de son objet, lui, en tant que mondialiste cherchant à mondialiser.
Pour les opposants nous avons dit que ces derniers sont ceux-là qui empêchent le héros de réaliser ou d’atteindre son objet. Parmi les opposants qui voulaient empêcher le héros d’atteindre son objectif on peut citer :
Après l’analyse de tous ces actants nous aboutissons au schéma actantiel :
Destinateur Émetteur |
Destinataire Récepteur |
Objet
Isookanga, Vieux Lomama, tout son village. |
L’internet, l’ordinateur, les traditions du village |
mmondialisation
Quête
Adjuvants |
Opposants |
Kiro Bizimungu, Mirnass, les multinationales |
Bwale, Aude Martin, Zhang Xia, Shasha La Jactance, les journalistes, les enfants des rues ou shégués |
Sujet
Isookanga
2.2. LES ENTITES ACTANTIELLES
Dans cette partie, nous allons focaliser notre attention sur les éléments suivants qui vont constituer l’ossature de cette dernière. Il s’agit de l’analyse des couples narrateur/narrateur, personnages (destinateur/destinataire) et scripteur/lecteur. Voici l’analyse du premier point.
2.2.1. Narrateur (énonciateur-locuteur)- Narrataire-Lecteur (Récepteur).
Rappelons que le locuteur et l’allocutaire, sont donc les premiers éléments constitutifs d’un procès d’énonciation appelés interlocuteurs. Ceci veut dire que le récit Congo Inc. Le testament de Bismarck se présente comme un énoncé polyphonique traversé par plusieurs sources de la parole et la source principale en est le narrateur, dont la parole encadre les propos (discours) des personnages du début à la fin de ce roman.
Le narrateur se situe en dehors de la diégèse du fait que le roman n’est pas une autobiographie, il n’use que de la troisième personne et décrit pour le narrataire et/ou lecteur le faire, l’être et le lire des personnes.
Nous avons observé que (constaté) que dès le début du récit à la fin de celui-ci, le narrateur se comporte comme un agent de relais pour accéder au monde des personnages. C’est ainsi que « il » reste très prédominant dans ses propos.
Lisons à titre illustratif ce fragment au début du récit : « L’exaspération provoquée par les innocentes bestioles depuis plus d’une heure avait stimulé les facultés d’Isookanga, lui permettant rapidement de tracer plus rapidement sa route à travers la forêt d’éviter les branches basses d’ouvrir des brèches dans les feuillages aussi sûrement que l’étrave d’un brise-glace en période de réchauffement climatique ». (p.11)
Comme signalé ci-haut, le narrateur a observé tout au long du récit l’énonciation à la troisième personne.
Isookanga avait terminé sa tournée. Il déposa sa boîte de frigolite au grand marché et passa chez le vieux Tshisthi, avenue du commerce. (p161).
Nous avons constaté que jusqu’à la clausule du roman le narrateur a réitéré sa stratégie énonciative à la troisième personne.
Nous sommes arrivés à dire que le stratégie du narrateur exclut les personnages en tant qu’énonciateur de son énonciation et permet de structurer le premier axe du schéma de la situation d’énonciation du récit : narrateur (énonciateur)- narrataire (lecteur).
En effet, aucune situation dialogique réelle n’est manifeste dans le récit entre ces interactants. Le recours à « il » est systématiquement évite du fait qu’il ne fait pas partie du couple « destinateur/destinataire. Il est généralement employé comme un substitut remplaçant un groupe nominal présent explicitement dans les discours.
Mais comme son rôle principal est de supporter les discours des personnages, cela nous permet d’examiner le deuxième niveau de la situation énonciative du récit, celui du couple destinataire/et destinateur.
Dans un récit, le narrateur peut exercer plusieurs fonctions, principalement la fonction narrative et la fonction de régie.
Les fonctions du narrateur dans Congo Inc.
Dans tous les récits, le narrateur, par le fait qu’il raconte, assume deux fonctions de base : la fonction narrative (il raconte et évoque un monde) et la fonction de régie ou de contrôle (il organise le récit dans lequel il insère et alterne narration, descriptive et paroles des personnages). Mais, selon le mode choisi, il pourra ou non intervenir de façon plus directe et selon des modalités complémentaires. C’est ainsi le cas dans le mode du raconter (au contraire du mode montre où il aura tendance à masquer les signes de sa présence) où le narrateur pourra, plus ou moins fréquemment assumer sept fonctions complémentaires et combinables entre elles.
Selon Yves Reuter, cette fonction consiste à s’adresser au narrataire pour agir sur lui ou maintenir le contact (2007 :43).
Cela veut dire que cette fonction permet au narrateur d’agir sur le narrataire par ses interventions. C’est le cas dans ce passage où le narrateur
« Vers la fin de l’après-midi, les marchands commencèrent de remballer leurs denrées pour rentrer chez elles dans les quartiers périphériques. Des nécessitent, ramassaient les produits abandonnés, impropres à la vente. Parmi eux, Isookanga remarqua la présence de nombreux enfants certainement des enfants des rues. Le soleil se mit à décliner et ce fut la nuit. Le Grand Marché était composé d’une dizaine de pavillons dont les toits, de forme hexagonale, étaient dessinés comme de gigantesques corolles de fleur posées sur des tiges de béton. Isookanga se promena dans un dédale de tables désertées et se trouva un coin pour dormir, un peu à l’écart. Il sortit la couverture qu’il avait emportée s’y enroula et tenta de s’endormir, tandis que des ombres évoluaient dans la nuit et que de exclamations fusaient dans l’obscurité. Au bout d’un moment, Isookanga commença à s’assoupir. (p49).
Nous relevons dans cet extrait ci-haut qu’en dépit de contenir les éléments de la fonction narrative c’est-à-dire de narrateur extra diégétique organisateur de ce récit insère et alterne la narration et la description de lieu et de personnages.
On voit ici comment le narrateur mélange la narration et description : il décrit le Grand Marché de Kinshasa compose d’une dizaine des pavillons à toits de forme hexagonale, le reste appartient à la narration (récit).
Dans ce passage, le narrateur passe des informations au narrataire. Les informations concernent le temps (vers l’après-midi), les actants (les marchands), l’espace (quartiers périphéiques).
En fait, on peut remarquer que la fonction communicative, dans la mesure où elle est à l’origine de toute intervention du narrateur, accompagne, même de façon dominée, toutes les autres fonctions.
La fonction métanarrative
Cette fonction dit Yves Reuter, (p.13) elle est en quelque sorte une fonction de régie explicative qui consiste à commenter le texte en signalant son organisation interne.
A ce niveau même, le narrateur est l’organisateur du récit dans lequel il se permet d’insérer et alterner narration, descriptions et paroles de personnages. Dans Congo Inc. cette fonction métalinguistique se fait observer.
Voici comment ce cas s’observe dans le passage du texte :
Nous relevons dans cet extrait ci-haut qu’en dépit de contenir les éléments de la fonction narrative c’est-à-dire de narrateur extra diégétique organisateur de ce récit insère et alterne la narration et la description de lieu et de personnages.
On voit ici comment le narrateur mélange la narration et description : il décrit le Grand Marché de Kinshasa compose d’une dizaine des pavillons à toits de forme hexagonale, le reste appartient à la narration (récit). Dans le fragment cité ci-dessous où le narrateur décrit, les actions, de ses personnages (Isookanga, Shasha ou La Jactance et son père Trésor et Modogo).
Isookanga ouvrit les yeux, puis s’étira. Il lui fallut quelques secondes pour réaliser où il se trouvait. Se réveiller en plein air, un cœur d’une ville, serait-ce l’une des données d’un modèle mondialisé ? Isookanga se dit que ce n’était pas le moment de s’inventer des inquiétudes quant à son avenir, il y avait plus urgent. Shasha était débout et déconnait les formes emballées dans des pagnes. Une tête d’une dizaine d’années émergea.
Dans ce fragment, on note qu’il y a véritablement la fonction métanarrative du fait que le narrateur mélange narration, description et paroles des personnages.
Dans « Trésor, lamuka ! » c’est Shasha qui demande à son frère de se réveiller. Les paroles de personnages appartiennent au discours, elles sont concédées aux personnages par le narrateur. Le narrateur est extradiégétique et omniscient parce qu’il en sait plus que les personnages, sa raison et sa perception ne sont pas limitées par la perspective d’un personnage. Il peut ainsi assumer toutes les fonctions du narrateur déjà évoquées tout au long de nos analyses.
L’interrogation qu’il se fait laisse croire au lecteur que c’est une question pourtant c’est une stratégie narratoriale du narrateur d’attirer l’attention du lecteur, elle lui permet de garder contact avec son interlocuteur (lecteur). C’est ce qui nous conduit vers cette fonction métanarrative, mais celle-ci est supportée par la fonction communicative.
Dans ce passage, le discours narratorial constitue un commentaire, une explication du discours des personnages. La preuve en est que’on y trouve la traduction du lexème en lingala (se réveiller, être debout).
La fonction testimoniale
Selon Reuter (op.cit, p.44), cette fonction est centrée sur l’attestation, elle manifeste le degré de certitude ou de distance qu’entretient le narrateur vis-à-vis de l’histoire qu’il raconte.
Les personnages suivants de Congo Inc. expriment ainsi le peu de certitude quant aux événements narrés (p.49), (p.53,56,58,64).
Parlant de Isookanga qui était en train d’errer au tour du marché en se demandant où il allait pouvoir dormir le soir venu, le narrateur décrit l’environnement du Grand Marché avec une certaine certitude de tout ce que son héros vivait autour de lui, il déclare :
« Vers la fin de l’après-midi, les marchands commencèrent à remballer leurs denrées pour rentrer chez elles, dans les quartiers périphériques. Des nécessiteux ramassaient les produits abandonnés, impropre à la vente. Parmi eux, Isookanga remarqua la présence de nombreux enfants, certainement des enfants des rues. (p49).
Dans cet extrait, le narrateur s’adresse au lecteur, à qui il confirme la certitude des faits qu’il raconte à partir d’un modalisateur de vérité « certainement ».
Ce modalisateur utilisé permet d’observer le degré d’adhésion du narrateur par rapport au message qu’il émet. On notre également le recours à l’indicatif.
Parlant des modalisateurs, C. Kerbrat Orrecchioni (1980:109) définit ces éléments comme termes porteurs d’un trait évaluatif d type vrai/faux/certain/incertain.
Ces subjectivèmes (terme utilisé par (F. Crépin,1986) permettent en effet, d’évaluer l’énoncé du point de vue de sa réalité et même de sa vérité
Ils sont classés sous trois catégories :
1° Les modalisateurs de type « vrai »
Ces derniers permettent au locuteur (narrateur) d’informer le destinataire le contenu de son énoncé qu’il préfère ci-haut. Ces modalisateurs sont des verbes locutoires (dire, affirmer, déclarer, etc.) et des adverbes (sûrement, réellement, vraiment, certainement), ainsi que des regroupements syntaxiques, (bien sûr).
Ce cas peut s’observer dans le passage ci-dessous où le narrateur, parlant de son adjuvant Shasha qui avait connu beaucoup de problèmes : ses parents ont été tués par les rebelles dans la région de Butembo. Elle avait engagé le chemin en errant avec ses frères jusqu’à Kinshasa où ils avaient été obligés d’être enfants de le rue ou shégués. Mais en court de route, elle avait perdu le cadet suite aux mauvaises conditions. Le narrateur est sûr de ce qu’il raconte :
« La nuit, l’adolescente ne dormit pas vraiment car elle surveillait l’évolution de la fièvre. Pour évaluer la température, elle appliqua la paume de ses mains ou ses lèvres contre la peau du malade. Elle s’assoupit finalement, après une longue série de vomissements qui avaient saisi le garçon et le laissèrent plus affaibli que jamais (p.58).
Dans le fragment ci-dessous, on remarque la certitude des événements racontés par le narrateur et cette certitude est trahie par le modalisateur« vraiment » prouvant au lecteur combien ce que le narrateur raconte est vrai. Cet extrait regorge la fonction communicative et la fonction testimoniale.
Le narrateur peut laisser voir au lecteur le peu de certitude de son histoire. C’est ce qui nous conduit à revoir les modalisateurs de type incertain.
Examinons ce fragment où le narrateur raconte comment Isookanga (héros) avait rencontré le chinois Zhang Xia (adjuvant) :
« Leur rencontre avait été presque fortuite. Le contexte planétaire avait joué pour beaucoup dans la mesure où il favorisait la circulation des biens. Zhang Xia ne le savait peut-être pas mais certains considéraient sa personne comme un simple bien (p64). »
Le pasage cité ci-haut exprime l’incertitude ou la distance du narrateur vis-à-vis du contexte de la rencontre entre Isookanga et Zang Xian. Dans ce fragment, l’incertitude est bien rendue par le modalisateur « peut-être ».
Cette incertitude s’observe beaucoup de passages de ce récit où même les verbes d’opinions sont utilisés. Tel est le cas pour cet extrait où le narrateur parle du commandant Kiro Bizimungu, ex-rebelle rwandais devenu directeur du parc national de la Salonga à l’équateur, après les accords avec le gouvernement. Ce fragment atteste l’incertitude du narrateur vis-à-vis de l’autorité de Kiro (opposant) :
« L’avertisseur insistant du 4X4 tout-terrain semblant n’avoir aucune autorité sur cette foule qui occupait sans distinction les trottoirs et la voie carrossables et qui en plus, se faisait prier pour consentir à s’écarter de la masse du capot (p77) »
C’est grâce au verbe d’opinion « sembler » qu’on voit le narrateur exprimer son incertitude ou sa prise de distance sur l’autorité de Kiro.
Rappelons que la fonction testimoniale est centrée sur l’attestation, et elle manifeste le degré de certitude ou de distance qu’entretient le narrateur vis-à-vis des événements qu’il raconte, le degré de certitude ou de distance est trahi par les modélisateurs comme sembler, apparemment, certainement, peut-être, etc.
2°. La subjectivité du narrateur
Les expressions déictiques permettent de délimiter un site linguistique de la voix, c’est-à-dire de répéter la présence du narrateur et ce même lorsque celui-ci cherche à s’effacer le plus possible, comme chez les romanciers réalistes.
Mais il existe aussi d’autres indices de cette présence par exemple dans le simple fait qu’il est raconté au passé, un épisode est posé comme antérieur à l’acte de la parole qui le produit et qui par là même s’en distingue.
En outre, certaines modalités d’énonciation comme l’interrogation et l’exclamation, ou modalités d’énoncé comme les adjectifs, lorsqu’elles ne peuvent pas être attribuées à un personnage sont souvent des renvois implicites à la subjectivité du narrateur. L’usage de l’italique peut jouer un rôle comparable.
Enfin, cette subjectivité se fait jour quand malgré un évident souci d’impartialité, une certaine unité de ton se dégage de la lecture d’un récit. L’ironie peut contribuer mais aussi la tonalité affective ou normative émergeant d’un réseau de comparaison et de métaphores.
Dans cette quantité de segments cités ci-dessous nous observons un nombre important de marques de la subjectivité du narrateur :
L’endroit était minuscule et rempli de gaillards gueulant et de filles d’une effronterie sans nom (p118).
Des gosses on dirait qu’en venait de plus en plus (p.102).
Dans la sombre géôle, Zhang Xia étai accroupi dans un coin. Personne ne les avaient embêtés lorsqu’ils étaient entrés, Isookanga et lui, mais ils avaient dû s’acquitter de l’argent pour la bougie qui brûlant au milieu de la pièce de six mètres sur quatre. Avec son pote ils avaient bâti des hypothèses pour niveaux narratifs (p.236, (14).
Comprendre ce qui était arrivé à Bizimungu et évaluer le rapport qu’il avait entre eux et les ennuis qu’il aurait pu avoir (p.282). (3)
Elle était prête à tout donner, pour qu’enfin il puisse accéder à une paix relative. Avec ce que vivait ce pays. Un des gaillards en se démenant sur la danse de WengéMusica Maison Mère, fit un faux pas et manqua de tomber, et sur les bières et sur la jeune femme. Aussitôt, Isookanga se leva comme mû par un ressort se planta devant le géant. Le jeune pygmée n’arrivait qu’à la hauteur du plexus du type, mais le regard dur et intransigeant qu’il lança poussa l’individu à s’excuser platement (119). (4).
« Dans le premier segment nous remarquons que le narrateur a fait recours aux adjectifs (ou évolutifs) comme « minuscule » signifiant petit. Cet évaluatif (minuscule « traduit la façon dont le narrateur perçoit l’endroit (maison) où vivaient ses enfants des rues. C’est un évaluatif comparatif. Le recours au mot gaillars « guellards », trahi également la subjectivité du narrateur : un gaillard c’est une personne vigoureuse. C’est-à-dire que le narrateur n’a pas fait un choix de hasard pour ce mot, et même pour l’adjectif antéposé « guellard ». Celui-ci signifie « qui crie fort et beaucoup en parlant des animaux. Parlant des gaillards gueillards », le narrateur, exprime un jugement hédonique et esthétique faisant à l’illusion à e qui exprime le dégoût et la laideur.
Pour le deuxième segment, le narrateur fait le recours au mot « gosses » pour parler des enfants de la rue.
Dans le troisième segment, le narrateur a fait recours aux mots « sombre », géôle », « pote ». En utilisant sombre « géôle » on sent véritablement que le narrateur dévalorise le lien incarcéral où était détenu le chinois Zhang Xia et Isookanga. Le « pote » à qui fait allusion le narrateur c’est Isookanga. Il relève d’une certaine familiarité où d’une affectivité du narrateur avec son lecteur. C’est la même chose que quand le narrateur utilise le mot « type » pour désigner (parler) d’un gaillard qui avait fait un faux pas et manqué de tourner sur la piste selon F. Crépin (1986 :165) définissant le « lexique évaluatif » comme étant un ensemble des mots impliquant un jugement de valeur de celui qui s’exprime. Et ces mots sont soit valorisants, soit dévalorisants et relevant ce que l’auteur de l’énoncé trouve bon, beau, bien ou mal.
C’est pour cette raison que Riegel et alii (1994 :581) disent que ces évaluatifs peuvent s’opposer sur une échelle graduée (grand petit, chaud/froid) ; ou encore établir un degré de comparaison : plus grand, immeuble, énorme), etc. Et peuvent être :
II.2.2. Les personnages
Les personnages sont inscrits dans le deuxième niveau du texte. Comme nous le verrons dans l’analyse proposée par G. Molinié, nous pouvons rappeler que cette instance ou ce deuxième niveau est celui qui prend en charge ou absorbe la totalité matérielle des autres segments textuels. Mais ce niveau est bel et bien supporté par le niveau I c’est-à-dire le récit. A ce stade il s’agit de voir les échanges des paroles entre les personnages dans les textes qui en mettent explicitement. Cette étude nous a poussé à analyser les personnages avec le sous-point ci-après « le couple destinateur/destinataire dans le jeu de l’énonciation ».
II.2.2.1. Le couple destinateur/destinataire
Le couple se présente en deux formes : je/tu, nous/ vous. Ces déictiques des personnes sont éparpillés partout dans notre corpus. Et chaque fois c’est la première personne de singulier ou du pluriel qui est utilisée par le locuteur (je/nous) et le « vous, ou « tu », viennent justifier toute la situation de communication.
Le récit que nous analysons met en scènes certaines personnes qui échangent en discours directs et qui indiquent dans le texte écrit une prégnation des marques orales. Et le dialogue de présente comme un « entretien entre des personnes ».
Il est à souligner que ce mode d’énonciation marque apparemment l’effacement complet de l’auteur c’est pour cette raison que nous joutons en disant que le dialogue aide à comprendre le contenu du texte grâce aux interruptions du narrateur dans le cours de récit et ce dernier se présente comme un espace privilégié de différentes interactions.
Ainsi, les différentes acteurs de dialogues de Congo Inc. utilisent à tour de rôle les déictiques « je » et « tu » (ou vous ») dans leurs échanges directs.
Nous allons examiner, par exemple le passage ci-dessous où deux personnes sont en situation d’interlocution. Il s’agit Isookanga (héros) et son ami Bwale.
Nous remarquons dans ce discours que les relations entre ces personnages sont parallèles : ce sont des amis qui échangent, c’est pourquoi ils se tutoient.
Tout francophone sait bien qu’à chaque instant il veut parler, il doit choisir entre le « tu » et le « vous » dit de « politesse » quand il s’adresse à quelqu’un. Le principe linguistique oppose le « tu » ou « vous » comme une forme de familiarité, d’égalité à une forme de distance et de « politesse » sachant qu’on dit très souvent : « tutoyons –nous » et très rarement « vouvoyons- nous » le vouvoiement étant utilisé. Sauf chez les enfants, qu’on habitude progressivement à passer d’un « tu » généralisé à un « vous » généralisé. Maingneneau (1994 :27) éclaire davantage sur la réalité de ce couple de personnes : « Le vous constitue la forme non marquée de l’opposition, sur le fond de laquelle le tu se détache ». Assurément, le choix de tu ou vous est porteur d’une signification sociale importante dont les les seules notions de politesse ou de respect ne suffisent pas à rendre compte.
Voici l’entretien d’Isookanga et Aude Martin lors de leur rencontre à l’inauguration de la pylône des télécommunications dans le village d’ EKanga :
« - Bonjour, je m’appelle Aude Martin, avait-elle dit en tendant la main à Isookanga d’abord, à Bwale ensuite.
Dans ce discours, on peut noter le couple destinateur. Ce couple se présente en forme je/vous.
Dans ce discours, « je » désigne le locuteur et « vous » remplace l’allocutaire. « Je »désigne parfois ici, Aude Martin quand c’est elle qui et Isookanga devient vous. Et celui-ci devient « je » quand c’est lui qui parle et vice-versa.
Remarquons dans ce discours que les relations entre interlocuteurs sont verticales c’est d’abord ici une première, une chercheuse (anthropologue africaniste belge) considérée comme une personne étrangère qui s’adresse à une personne d’une classe un peu inférieure. Le recours à « vous » designer son allocutaire se justifie par le fait que les deux interlocuteurs ne se connaissant pas l’un l’autre, et cela crée une prise de distance l’un l’autre.
Le couple « je/tu » atteste une certaine familiarité entre les interlocuteurs et le partage d’une même sphère sociale.
Soulignons que dans le dialogue, nous ou vous sont utilisés non seulement pour attester le respect mais aussi la collectivité.
Dans le passage suivant, nous observons l’usage de « vous » dans le contexte de respect ou de politesse. Il s’agit d’Isookanga, le jeune pygmée qui s’entretient avec sa chercheuse anthropologue :
Dans ce dialogue ci-dessous décrit la situation d’interlocution où deux personnages échangent en se vouvoyant. Ce vouvoyamment est le signe de la politesse (ou respect) que chacun a vers l’autre. Ce déictique « vous » s’adressant à son allocutaire est renforcé par d’autre déictiques possessif « votre ». Cette politesse est aussi renforcée par l’utilisation de du conditionnel présent « j’aimerais » et de la formule « je vous en prie » pour attester la supplication.
Le « je » et « tu comme signalé, sont des déictiques structurant une interaction discursive. C’est dans ce cadre que Francis Jacques (1989 :89) nous invite à les traiter comme actualisateurs d’une « stratégie discursive particulière ».
En menant cette étude, nous nous sommes proposé d’examiner la présence de l’auteur physique comme bonnes du circuit de la communication dans ce roman. En outre, il était question d’examiner le mode d’inscription de leur présence dans le discours, les modalités de l’interaction manifeste et ouverte dans le texte du récit. Dans ce roman, nous avons constaté que la présence de l’auteur n’est pas moins perceptible, notamment à travers l’irruption du discours dans le récit, il y a également le recours à l’indéfini « on » qui étend son référent de l’auteur ou lecteur et le mixage énonciatif.
Enfin, le lecteur reste impliqué par plusieurs procédés, notamment le recours au datif éthique, le caractère ambiguë de certains déictique et la multiplicité d’autres actualisateurs avec pour effet manifeste la mystication du lecteur.