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CHAPITRE I : REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA SECURITE ALIMENTAIRE ET LES EXPLOITATIONS AGRICOLES.

I.1. LA SECURITE ALIMENTAIRE

I.1.1. DEFINITION DES CONCEPTS

La Conférence internationale sur la nutrition (CIN), organisée à Rome en 1992, a défini la sécurité alimentaire comme «l’accès de tous, en tout temps, aux aliments nécessaires pour mener une vie saine » (FAO,  2008)

Parler de sécurité alimentaire sous-entend une accessibilité des aliments en qualité et en quantité suffisante pour l'alimentation de tout un chacun sans discrimination de sexe, d’âge, d’appartenance ethnique, religieuse ou sociale (FAO,  2004)

La sécurité alimentaire se définit également comme l’accès permanent de tous aux denrées alimentaires nécessaires pour mener une vie saine et active.                                                   La définition du concept de « sécurité alimentaire », qui est la plus communément acceptée aujourd’hui, est celle qui a été définie lors du Sommet mondial de l’alimentation de 1996, à savoir : « La sécurité alimentaire est assurée quand toutes les personnes, en tout temps, ont économiquement, socialement et physiquement accès à une alimentation suffisante, sûre et nutritive qui satisfait leurs besoins nutritionnels et leurs préférences alimentaires pour leur permettre de mener une vie active et saine » . (http://www.momagri.org/FR/articles/La-securite-alimentaire-un-enjeu-politique-d-actualité-_471.html)                                                                       

 Le schéma ci-dessous illustre les différentes composantes de la sécurité alimentaire telle qu’elle est entendue aujourd’hui, ainsi que les variables qui l’affectent.


Sources : LLABRÉS, 2011

Partant de toutes ces  définitions, la réalisation de la sécurité alimentaire reste un défi majeur à relever en Afrique sub-saharienne.  En effet, près de 200 millions de personnes, soit le tiers de la population totale, souffrent de la faim. La malnutrition touche 31 millions d’enfants de moins de 5 ans. Ces chiffres démontrent à suffisance l’ampleur du problème de sécurité alimentaire dont les conséquences à terme sont la dégradation de la qualité de bien être social pour la grande majorité de population (Dembélé, 2001)

La Sécurité Alimentaire consiste à produire une offre alimentaire qui, en quantité et qualité suffisantes, permette aux producteurs alimentaires ruraux de se nourrir ainsi que de vendre leurs excédents pour en tirer un revenu satisfaisant pour encourager leur productivité et satisfaire la demande solvable des ruraux non producteurs alimentaires ainsi que celle des urbains (LLABRÉS, 2011).

Fondamentalement, un pays qui veut réaliser la sécurité alimentaire doit poursuivre trois objectifs de base : garantir des approvisionnements sûrs et nutritionnellement adéquats; optimiser la stabilité du flux des approvisionnements ; assurer à chaque ménage les moyens matériels, sociaux et économiques de se nourrir correctement. (FAO,  2008)

Une disponibilité alimentaire suffisante aux niveaux de la nation, des régions et des ménages, réalisée grâce aux marchés ou par un autre biais, constitue la pierre angulaire du bien-être nutritionnel. Au niveau des ménages, la sécurité alimentaire implique un accès physique et économique aux vivres qui, par leur quantité, leur qualité, leur salubrité et leur acceptabilité sur le plan culturel, suffiront aux besoins de chacun. La sécurité alimentaire d’un ménage dépend de ses revenus et de ses biens, tels que la terre et les autres ressources productives dont il dispose. En définitive, la sécurité alimentaire est liée à l’accessibilité d’une nourriture adéquate au niveau du ménage, c’est-à-dire à la capacité des ménages et des individus à se procurer en toutes circonstances une alimentation suffisante et nutritionnellement adéquate.

La définition de la sécurité alimentaire ci-dessus a pour corollaire que l’insécurité alimentaire est définie comme un état d’absence de sécurité alimentaire. Selon ses causes, on distingue deux formes principales d’insécurité alimentaire :

  • l’insécurité alimentaire structurelle, de loin la plus répandue, liée à un manque d’accès aux ressources de production et aux marchés, à la faiblesse des systèmes de production, à la surexploitation des ressources naturelles, aux insuffisances politiques et à la croissance démographique élevée (FAO, 2008); (www.solidarites.org/Alimentaire)
  • l’insécurité alimentaire conjoncturelle, qui est due à des catastrophes naturelles et climatiques, des chocs économiques (souvent exogènes), des tensions ou crises politiques et sociales et qui peut s’ajouter à une situation déjà existante d’insécurité alimentaire structurelle (DESTOMBES, 2003).

La sécurité alimentaire comme indicateur de développement humain est définie comme l’accès de tous les individus à tous les moments à suffisamment de nourriture afin de mener une vie saine et active (Banque Mondiale, 1986).

La tendance de la plupart des définitions de la sécurité alimentaire et ses composantes est de converger vers des concepts-clés de satisfaction, accès, risque et durabilité. La satisfaction se rapporte à une alimentation  quantitative et qualitative suffisante et identifie une batterie de mesures ad hoc alors que l’accès aux ressources alimentaires fait référence à une combinaison entre  la production, les échanges et les mécanismes sociaux. La notion de risque est, quant à elle, liée aux mécanismes d’adaptation, modes d’accès aux ressources et capital de base des populations qui fondent leur vulnérabilité aux chocs. La durabilité de la sécurité alimentaire se rattache à la dimension temporelle du phénomène dont les déséquilibres peuvent être transitoires ou chroniques (MASTAKI, 2006).

Saisie à travers ses trois dimensions à savoir : la disponibilité alimentaire, la stabilité des approvisionnements, l’accès économique et physique  à la nourriture à tout moment en quantité et qualité suffisantes, pour une population donnée, le concept de la sécurité alimentaire a fait son entrée tardive  au sein de la politique agricole congolaise. C’est avec le Plan Directeur de Développement Agricole et Rural de 1991 que le concept est inscrit dans le langage des politiques du secteur en RDC (MASTAKI, 2006)

 La disponibilité alimentaire suppose l’accessibilité à la nourriture dans la mesure où celle ci est présente sur les marchés intérieurs d’un pays. Contrairement à l’autosuffisance alimentaire motivée par une idéologie d’indépendance alimentaire, la disponibilité alimentaire dépend de trois paramètres que sont la production alimentaire locale, les importations alimentaires et l’aide alimentaire. C’est ainsi que la sécurité alimentaire aura pour objectifs :

De promouvoir la production vivrière locale de manière à couvrir la demande intérieure   avec des produits pour lesquels le pays dispose d’un avantage comparatif.

De promouvoir les productions exportables pouvant permettre la rentrée des devises susceptibles de financer l’importation des biens alimentaires pour lesquels la nation n’a aucun avantage comparatif,   de supprimer ainsi, au fur et à mesure, le besoin d’aide alimentaire.

La stabilité des approvisionnements insiste sur la garantie de la disponibilité alimentaire à chaque instant. Un bon approvisionnement permanent suppose une bonne gestion des marchés et des stocks alimentaires (MASTAKI, 2006). 

L’accès à la nourriture suppose la capacité que possède chaque individu à acquérir à chaque instant de la nourriture nécessaire à sa survie. Ici l’insécurité alimentaire est liée au concept de vulnérabilité faisant référence aux personnes qui manquent du capital de base comprenant une triple composante à savoir :

Le capital physique se traduisant par tous les biens que possède  l’individu et notamment les terres, bétail,  moyens de paiement, …

Le capital social se référant aux relations de solidarité au niveau de la famille, des amis et des connaissances…

Le capital humain qui est l’atout le plus important que possède l’individu en termes de connaissance et de savoir-faire, (MASTAKI, 2006)

Parmi les facteurs contribuant à l’insécurité alimentaire en Afrique sub-saharienne, les fortes fluctuations de la production agricole semblent les plus déterminantes.  En effet, contribuant pour près de 90% à la couverture des besoins alimentaires, et constituant la principale source du produit intérieur, les performances du secteur agricole déterminent à la fois la disponibilité et l’accès aux denrées alimentaires pour la majorité de la population. Par conséquent, l’instabilité du secteur agricole se traduit par de fortes fluctuations des prix des produits alimentaires, des revenus, des balances de paiement, et des budgets des Etats

 (DIALLO, 2006).

I.1. 2. Situation et Perspectives

La notion de sécurité alimentaire comprend trois dimensions essentielles : disponibilité, accès, et stabilité au niveau des pays, des ménages et des individus.  La disponibilité peut être assurée par une combinaison des offres intérieures, des importations et aides alimentaires et des stocks. L’accès dépend à la fois du niveau des revenus, des distributions alimentaires gratuites, de l’état des infrastructures, et de la performance des systèmes de commercialisation et de distribution.  Ainsi disposer de revenus adéquats ne permet pas toujours d’acquérir sa nourriture si les infrastructures et les systèmes de commercialisation ne permettent pas d’assurer la disponibilité physique des denrées alimentaires.  En outre, les coûts élevés des systèmes de distribution, induits par des infrastructures défaillantes, limitent l’accès aux alimentaires car les prix réels des produits seront élevés, et réduiront les revenus réels des consommateurs (DEMBELE, 2001).                                                                        

A long terme, l’instabilité du secteur réduit les investissements et innovations technologiques dans l’agriculture et le reste de l’économie. Le faible niveau d’investissement et d’innovations technologiques perpétue la faiblesse de productivité des terres et du travail et se traduit par une pauvreté de la majeure partie de la population (Références). C’est ce contexte de faible productivité et de pauvreté structurelle qui conduit à la permanence de l’insécurité alimentaire en Afrique sub-saharienne. Si une bonne combinaison de politiques de stockage, d’importations, d’aides alimentaires et de volet social permet de stabiliser les disponibilités et les prix intérieurs, et de faire face à l’insécurité alimentaire transitoire, seule la croissance de la productivité du secteur agricole et la mobilisation de ces gains de productivité pour le développement économique permettra d’atteindre la sécurité alimentaire à moyen et long terme. Ceci implique la stabilisation et la transformation du secteur agricole par des investissements publics adéquats pour favoriser la capitalisation agraire, le développement des marchés et des échanges, la création des ensembles régionaux et leur ouverture au marché mondial, et la nécessité de l’ouverture des marchés des pays  aux produits  nationaux.   Ce processus de transformation de l’agriculture doit être soutenu par le développement des ressources humaines (FAO,2012).

I.1.3. Le système alimentaire et la sécurité alimentaire des ménages

La production alimentaire relève de facteurs tels que les modes d’exploitation et d’appropriation de la terre, la reproduction et la sélection des espèces végétales, la rotation des cultures, la multiplication, la gestion et l’exploitation du bétail. La distribution des aliments comporte une série d’activités après la récolte, dont la transformation, le transport et le stockage, l’emballage et la commercialisation des denrées alimentaires, ainsi que des activités relatives aux acquisitions des ménages, aux échanges, aux dons privés et aux distributions publiques d’aliments. Les activités relatives à l’utilisation et à la consommation comprennent la préparation, la transformation et la cuisson des aliments à l’échelle du ménage et de la collectivité, ainsi que les processus familiaux de décision concernant les aliments, leur distribution au sein du ménage, les préférences alimentaires d’ordre culturel ou individuel, l’accès aux soins de santé, à l’assainissement et aux connaissances (FAO, 2006)

I.1.4. La stabilité des disponibilités alimentaires des ménages

La stabilité des disponibilités alimentaires des ménages se rapporte à la capacité des ménages à se procurer en permanence, grâce à leurs revenus, à leur production ou aux transferts dont ils bénéficient, un approvisionnement alimentaire suffisant, même quand ils doivent affronter des situations de stress imprévu, des chocs ou des crises. Les situations en question comprennent, par exemple, les mauvaises récoltes dues à la sécheresse, les fluctuations du marché caractérisées par une brusque montée des prix, la réduction ou la perte de l’emploi et la diminution de productivité causées par une maladie soudaine (HUGON, 2007).

Ce concept englobe aussi l’aptitude à préserver la stabilité des approvisionnements à travers les variations saisonnières de la production et du revenu. Il implique également la capacité des ménages à faire face aux pénuries alimentaires en minimisant l’étendue et la durée de leurs effets. Le test crucial de la stabilité est l’aptitude à rebondir et à reconstituer promptement un approvisionnement suffisant. Pour que cette possibilité se concrétise, Il faut mettre en jeu des mécanismes de sécurité, tels que les greniers communautaires ou les travaux publics utilisateurs de main-d’œuvre; il s’agit de soutenir temporairement le pouvoir d’achat des pauvres et d’absorber les effets des pertes passagères de revenus ou de production qui ont un effet défavorable sur l’approvisionnement alimentaire des ménages(FAO, 2012).

Les ménages sont susceptibles de pâtir d’insécurité alimentaire transitoire à la suite de circonstances imprévisibles, comme une hausse soudaine des prix. Ils peuvent souffrir d’une insécurité alimentaire saisonnière si, à intervalles réguliers, ils n’ont plus accès à la nourriture. Par contre, l’insécurité est chronique quand les ménages risquent en permanence de ne pas pouvoir faire face aux besoins alimentaires de tous leurs membres. Dans la pratique, il est bien évident que l’insécurité chronique et l’insécurité transitoire sont liées. L’exposition répétée au stress temporaire mais sévère peut augmenter la vulnérabilité des ménages jusqu’à les entraîner dans l’insécurité alimentaire chronique.

Les variations saisonnières de la disponibilité alimentaire, du prix des denrées et de l’offre d’emplois mettent souvent sous pression la capacité des ménages à garantir à leurs membres une consommation alimentaire suffisante et satisfaisante sur le plan nutritionnel. Cette difficulté se traduit fréquemment par des fluctuations saisonnières du poids corporel et de l’état de santé des membres vulnérables des ménages, notamment des femmes  et des enfants (FAO, 2008).

Figure ??? Schéma du système alimentaire illustré par la FAO, 2008.

Dans les communautés d’agriculteurs et de pêcheurs, les obstacles saisonniers à la sécurité alimentaire des ménages s’exercent souvent juste avant la récolte, quand le labeur agricole est au maximum et que les stocks de l’année précédente s’épuisent, tout comme l’argent liquide. La pénurie de vivres entraîne d’habitude une hausse des prix du marché jusqu’à la récolte qui les fait à nouveau baisser. Les femmes, auxquelles incombe souvent une large part du travail agricole, disposent de moins de temps pour préparer les repas et s’occuper des enfants (RICROCH, 2010). La saison creuse coïncide fréquemment aussi avec la saison des pluies, surtout là où les pluies tombent en une seule saison et s’accompagnent d’une recrudescence des maladies infectieuses, dont les diarrhées, les affections respiratoires et le paludisme. Associés l’un à l’autre, ces différents facteurs contribuent souvent à l’augmentation sensible de la malnutrition parmi les groupes vulnérables. Une étude menée en Gambie montre que la morbidité et la mortalité infantiles atteignent habituellement leur pic juste avant la récolte et que les femmes dont les trois derniers mois de grossesse s’inscrivent dans cette période risquent d’avoir des bébés d’un poids inférieur à la normale (FAO 2012).

I.1.5. Echelles d’étude et mesures de la sécurité alimentaire

La sécurité alimentaire peut être analysée, comme tout phénomène économique, au niveau des entités collectives du ressort macroéconomique comme la nation ou la région mais aussi au niveau des unités économiques élémentaires : ménages individuels ou collectifs. Dans les deux cas néanmoins les mesures et les objectifs demeurent différents ainsi que les choix d’actions politiques y relatives. La pratique courante est de définir la sécurité alimentaire au niveau national ou régional ou au niveau des unités domestiques et individuelles. La  FAO (1999) pose clairement la problématique de la sécurité alimentaire à travers une approche par individus : elle a comme objectif d’assurer à tous les êtres humains un accès physique et économique aux aliments de base dont ils ont besoin et sans risques excessifs de perdre un tel accès. Au niveau national ou régional, la sécurité alimentaire est identifiée à l’obtention, à des prix raisonnables, d’un équilibre satisfaisant entre la demande et l’offre alimentaire. Celle-ci procède par la définition des bilans alimentaires visant à signaler des situations dans lesquelles une quantité satisfaisante d’aliments est disponible, d’accès assuré pour la plupart des populations et sans perturbation récente des marchés (MASTAKI, 2006).

L’échelle microéconomique du foyer est probablement le niveau d’analyse de la sécurité alimentaire le plus pertinent, il est le cadre économique de base où se détermine le niveau de consommation de l’individu. Appréhendée à travers des études de budgets de consommation des ménages, la sécurité alimentaire est satisfaisante lorsque les ressources ou les disponibilités alimentaires des ménages sont supérieures à leurs besoins, eux-mêmes considérés comme équivalents à l’agrégation des besoins individuels. Le niveau individuel   établit une comparaison entre la consommation alimentaire de l’agent et ses besoins appréhendés sous l’angle des exigences physiologiques (MASTAKI, 2006).

Cette nouvelle approche de la politique agricole, saisie  à travers la diversité de ses niveaux et outils, confirme que la province du Sud-Kivu présente toutes les caractéristiques d’une entité en insécurité alimentaire. Elle affiche une faible  disponibilité alimentaire par habitant étant donné son faible rendement agricole non relayé par des importations suffisantes, une  moindre accessibilité physico-économique aux aliments résultant de la détérioration des infrastructures de communication et de la faiblesse du pouvoir d’achat des habitants ainsi qu’une instabilité des approvisionnements (MASTAKI, 2006).

Les tendances de grandeurs de la sécurité alimentaire au niveau national permettent d’identifier la vulnérabilité de la province par rapport aux moyennes nationales, elles seront complétées par  un regard sur la dynamique interne à l’économie alimentaire de la province au niveau des ménages établie par des sources humanitaires (MASTAKI, 2006).

I. 2. Les apports alimentaires de la province : les déficits chroniques

. Un environnement national globalement déficitaire 

La consommation alimentaire de la province du Sud-Kivu s’inscrit dans un environnement national caractérisé par des déficits chroniques qui se renforcent d’une année à l’autre.    Depuis la décennie 60, la situation alimentaire nationale mesurée par l’accès aux nutriments nécessaires accuse une nette détérioration. Les moyennes de consommation des calories et des protéines sont respectivement de 1952,8 calories et de 31.7grammes de protéines par jour. Soit des  écarts moyens respectifs  par rapport aux normes de l’OMS de –15.1 et – 54.7 % pour les deux nutriments (FAO , 2000).

I.2.1. Le rôle central du développement agricole et rural à court terme

Après avoir analysé un certain nombre d’expériences récentes en matière de croissance et de réduction de la pauvreté (notamment en Chine, au Vietnam et en Inde), PASHA (2002) conclut que pour que la croissance déclenche presque immédiatement une réduction de la pauvreté, celle-ci doit être structurée de manière à orienter une part disproportionnée des ressources vers:                                                                                                                             

- les secteurs où travaillent les pauvres;                                                                                        - les régions où ils vivent;                                                                                                             - les facteurs de production qu’ils possèdent (principalement la main-d’œuvre non qualifiée); les produits qu’ils consomment les produits vivriers, par exemple (FAO 2012).

L’agriculture subsaharienne répond à ces critères mais il reste à savoir si l’agriculture peut être un secteur de premier plan - un moteur de croissance capable de lancer un développement économique rapide et à grande échelle tout en résorbant la pauvreté et l’insécurité alimentaire. 

Les opinions et prévisions à ce sujet divergent, plus ou moins selon deux grandes écoles de  pensée. Certains mettent l’accent sur le potentiel de l’agriculture et plaident pour un appui à son développement dans un cadre économique axé sur le marché.

D’autres estiment que le secteur rural non agricole, l’exportation de produits manufacturés ou d’autres branches d’activité offrent un meilleur potentiel de croissance et de réduction de la pauvreté (FAO, 2012). 

Les arguments en faveur d’une croissance et d’une amélioration de la sécurité alimentaire tirées par l’agriculture mettent en avant l’impact direct que peut avoir une agriculture plus performante sur les conditions de vie des pauvres ainsi que ses effets sur l’activité économique en général. Lorsque la pauvreté est essentiellement un phénomène rural (comme dans la plupart des pays à faible revenu , une croissance accélérée de la production agricole peut aboutir à un recul sensible de la pauvreté et à une réduction des inégalités de revenus, l’un des facteurs essentiels étant la structure de cette croissance agricole et ses liens avec le reste de l’économie (FAO- ,2004).

En bref, un secteur agricole dynamique peut apporter cinq contributions majeures au développement général dans les pays les plus pauvres, où ce secteur représente une grande part du PIB et une part encore plus importante de l’emploi:

(i) L’accroissement de la productivité agricole est essentiel pour pouvoir tout d’abord engendrer l’excédent nécessaire aux dépenses d’équipement dans l’agriculture elle-même et dans d’autres secteurs, et ensuite libérer de façon constante de la main-d’œuvre pour d’autres secteurs de l’économie. 

(ii) Le secteur agricole peut contribuer à accroître les disponibilités alimentaires et les recettes d’exportation, dont elle est la source principale.

(iii) Ce secteur est amené à jouer un rôle majeur en assurant des approvisionnements alimentaires stables et en maintenant les prix des denrées alimentaires à un niveau abordable pour les pauvres tant en milieu urbain qu’en milieu rural, ceci ayant des répercussions sur la compétitivité d’autres secteurs.                                                                                                       

(iv)  Représentant la principale source de revenus domestiques, il stimule la demande de biens et de services locaux.

(v)    Le développement agricole peut engendrer des effets multiplicateurs favorisant la croissance et la création d’opportunités économiques dans le secteur rural non agricole, et, d’une façon plus générale, par son intégration au reste de l’économie - par exemple, au niveau de la production (vers l’amont par la demande en intrants et, comme fournisseur de produits, par des activités se développant en aval) comme des facteurs de production (principalement à travers la main-d’œuvre mais aussi les flux de capitaux). C’est cependant sur le plan de la consommation que l’effet d’entraînement est le plus sensible (FAO-, 2004).

Un accroissement des revenus agricoles entraîne, en effet, une augmentation de la demande de biens de consommation et de services non agricoles. Selon des données récentes de l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI), l’industrie alimentaire constitue un élément clé du secteur manufacturier en ASS. De fait, en 2002, les industries de l’alimentation, de la boisson et du tabac ont produit environ 40 pour cent de la valeur ajoutée manufacturière (VAM), représentant pas moins de 60 pour cent de la valeur ajoutée manufacturière en Tanzanie et 54 pour cent à Madagascar (FAO-, 2004).

Compte tenu des liens et des effets multiplicateurs existant entre agriculture et croissance, l’agriculture pourrait être un élément moteur non seulement pour la croissance d’un secteur particulier mais aussi pour des processus de transformation économique bien plus larges, couvrant l’ensemble de l’économie Ceci étant, pour optimiser une croissance économique globale rapide et équitable, il convient de veiller à ce que les ménages les plus riches ne recueillent pas l’essentiel des bénéfices de la croissance agricole. Si cela se produisait, l’augmentation des dépenses des familles rurales engendrée par des activités rémunératrices favoriserait les produits à forte intensité de capital et les biens d’importation plutôt que les biens et services locaux à forte intensité de main-d’œuvre (FAO-, 2004). 

I.2.2. Les liens entre développement de l’agriculture et croissance

Plusieurs éléments donnent à penser qu’une agriculture dynamique et prospère favorise, dans une large mesure, l’emploi et les revenus non agricoles en milieu rural. Des études empiriques menées en ASS,  évaluent à 1,5 l’effet multiplicateur de l’agriculture sur les revenus non agricoles en milieu rural, ce qui signifie que chaque dollar supplémentaire de valeur ajoutée agricole crée 0,5 dollar de revenu rural non agricole additionnel FAO, 2012).

Dans un contexte plus large, Bautista et Thomas (2001), sur la base de la matrice de comptabilité sociale du Zimbabwe de 1991, ont chiffré à 1,62 le multiplicateur «moyen» du PIB agricole. Autrement dit, chaque dollar zimbabwéen de valeur ajoutée supplémentaire engendrée par l’activité agricole a entraîné une augmentation de revenus de 0,62 dollar zimbabwéen ailleurs dans l’économie. Cette valeur est supérieure à celle du multiplicateur équivalent calculé pour l’industrie manufacturière légère (1,49). Les auteurs ont également relevé certains éléments indiquant que la répartition des revenus issus de la croissance agricole a une influence potentielle significative sur la croissance économique en général.

Enfin, l’agriculture a prouvé qu’elle était capable d’amortir les chocs macroéconomiques en agissant comme mécanisme d’assurance informel dans des sociétés où les systèmes de protection sociale et les régimes d’assurance structurés sont peu développés. Plus les marchés du travail rural et urbain sont intégrés et plus les industries alimentaires sont développées, plus cette capacité d’amortissement est importante (FAO- 2004).

Une étude récente de la FAO, basée sur onze études de cas de pays en développement, a conclu que la croissance agricole exerçait un puissant effet de réduction de la pauvreté sur les zones rurales et urbaines. Dans de nombreux cas (Mexique, Indonésie, Chili, Chine, entre autres), l’agriculture s’est avérée plus efficace que d’autres secteurs dans la diminution de l’incidence de la pauvreté (FAO-, 2004). 

I.2.3. La  sécurité alimentaire au Sud Kivu :

Malgré ces conditions favorables, la situation nutritionnelle des populations est loin d’être satisfaisante. Un des derniers relevés du taux de prévalence de la malnutrition parlent de 11,7% de ménages avec une consommation alimentaire pauvre et 33% avec une consommation limitée, une situation qui touche principalement les groupes vulnérables : les enfants, les femmes, les personnes âgées ou encore les populations déplacées.  Dans le même temps, on constatait un déficit de la  production alimentaire pour toutes les cultures qui constituent l’alimentation de base de la population (manioc, maïs, haricot, pomme de terre, etc. (BISIMWA, 2007). 

I.3. Les difficultés actuelles de l’agriculture dans le  Sud Kivu et leurs conséquences sur la sécurité alimentaire :

En dehors de ces zones de fortes concentrations, les régions rurales connaissent également des problèmes de sécurité alimentaire persistants, visibles avant le déclenchement des conflits. Si les terres sont à priori plus accessibles, les problèmes de production, d’accès aux intrants, aux ressources financières et matérielles sont réels. Au niveau de la production, outre les questions liées au régime foncier que nous avons déjà évoquées, d’autres difficultés limitent la satisfaction des besoins alimentaires de la population (BISIMWA, 2007) :

 - L’accès aux intrants, tels que les semences améliorées, reste limité pour des populations disposant de faibles ressources financières. La conservation des semences issues de précédentes récoltes se pratique mais dans un contexte de faible rendement, l’ensemble de la production est avant tout destinée à l’alimentation (BISIMWA, 2007). 

- De la même façon, l’apport d’un outillage plus adapté et performant permettrait d’augmenter la rentabilité agricole. Cependant, cet accès se heurte aux mêmes difficultés financières que pour les intrants. Il faut également tenir compte du fait que l’utilisation de nouveaux outils nécessite un processus d’appropriation qui ne va pas de soi.

Et bien que les savoirs « paysans » en termes de techniques culturales soient de plus en plus reconnus dans leur pertinence et leur adaptabilité au contexte, il apparaît aussi qu’ils ne permettent pas de répondre aux besoins alimentaires croissants de la population. Malgré tous ces obstacles, le monde rural continue de produire une quantité non négligeable. Cependant, une fois les récoltes produites, les difficultés continuent. L’évacuation des produits agricoles est entravée par la dégradation ou l’absence de réseau routier ; soit il est inexistant, soit il est délabré suite au manque d’entretien, soit il a été détruit par les groupes armés. Cela complique d’autant plus l’évacuation de la production et l’approvisionnement des communautés. (BISIMWA, 2007). 

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