Il s’agit à ce jour de la première fois qu’une étude d’évaluation de la qualité des consultations anesthésiques par téléphone est réalisée dans notre province.
Cette approche nouvelle de la consultation d’anesthésie a été globalement acceptée par les patients.
Dans notre étude, les caractéristiques des patients nécessitant l’acte chirurgical sont majoritairement féminines (92,4%), jeunes (moyenne d’âge 25,0 ± 9,4 ans pour le groupe Télé et de 26,2 ± 6,5 ans pour le groupe Témoin). Cette prédominance s’expliquerait par la forte activité obstétricale dans cette tranche d’âge. Cette proportion est supérieure à celle de SERGE C.T (22) au CHU Gabriel Touré du Mali 54,8%, TIOGO. C (23) à Yaoundé 55,6% et de la SFAR (24) en 1996 55%. Par contre ASSINA S. (25) au Tchad, GRAVOT B. (26) et VENET C. (27) en France avaient eu respectivement 52,4%, 55%, 56,5% en faveur du sexe masculin.
La moyenne d’âge retrouvée dans notre étude est proche de celle de KA-SALL (28) au Sénégal 32,9% entre 20 – 46 ans et de SERGE C.T (22) 32,5% entre 15 – 29 ans. Dans la littérature africaine, la plupart des auteurs ont observé une population anesthésiée jeune (29). Cette prédominance est en rapport avec la structure de la population africaine qui est majoritairement jeune.
Dans notre étude, la chirurgie en urgence a été la plus fréquente 82,3% contre 17,7 de chirurgie programmée. Il y a disproportion significative que celle de DEMBELE A. S. (30) au Mali dont la chirurgie en urgence était de 64,4% et la chirurgie réglée de 35,5%.
Par contre SERGE C.T (22) a retrouvé 51,8% des actes anesthésiques réalisés pour la chirurgie programmée contre 48,2% pour la chirurgie en urgence, dominées par les urgences obstétricales (46,20%). Nous ne saurons pas expliquer cette différence étant donné que hôpital a ses particularité.
Dans notre étude, la chirurgie la plus représentée est la chirurgie obstétricale (césarienne) 82,3%. Elle a été suivie de la chirurgie viscérale 11,4%. Pour l’étude de Dembéle A.S. (30) au Mali, la chirurgie gynéco-obstétricale a été la plus pratiquée (31,4%) suivie de la chirurgie viscérale 26,5%. A l’opposé de l’étude de Dembéle A.S., le taux de chirurgies obstétriques est plus élevé dans notre étude.
Aux Etats-Unis, la césarienne est la chirurgie la plus pratiquée (31) (32).
Le taux de naissances par césarienne a augmenté de 20,7% en 1996 à 32,8% en 2011 (33, 34).
En France, en 1996, les accouchements effectués par césarienne étaient de 16,8% (35).
Conformément à la recommandation de l’OMS en 1985 (36) considérant que le taux de césarienne idéal se situe entre 10% à 15%, nous voyons que plusieurs pays ont dépassé la marge.
Selon une étude faite par la Fédération Hospitalière de France (FHF), trop d’accouchements en France se font par césarienne par commodité ou par intérêt économique, particulièrement dans les cliniques privées. (37).
Nous ne saurons infirmer cette hypothèse de FHF dans notre étude ; et la rareté de spécialités chirurgicales du personnel médical peut avoir contribué dans notre étude.
Dans notre étude, concernant la classification ASA, nous avons retrouvé une population relativement en bon état général dont 73,4% des patients étaient ASA1 ; 11,4% ASA2 ; 10,1% ASA3 ; 5,1% ASA4. Cette proportion est proche de celle de SERGE C.T (22) qui avait trouvé 84,3% ASA1 ; 14,2% ASA2 et 1,5% ASA3. Cela pourrait s’expliquer par le fait que la population de notre étude est majoritairement jeune.
Dans notre étude, la rachianesthésie avait été proposée chez 65,8% des patients contre 32,9% d’AG + IOT et 2,4% AG sans intubation. La rachianesthésie occupe une place plus importante suite aux types d’interventions chirurgicales (obstétricales) plus pratiquées à l’HGR/BAGIRA. Cette proportion est proche de celle de DEMBELE A.S. au Mali. Dans son étude, l’ALR était proposée chez 72,6% des patients contre 26,6% d’AG (30). Par contre SERGE C.T (22) avait proposé l’AG chez 62,1% des patients (dont 56% a été associée à une intubation trachéale) et l’ALR à 37,9%. Dans les maternités françaises, l’anesthésie générale relève souvent des contre-indications à l’ALR et des césariennes en extrême urgence (38). Cela serait l’explication de plus d’ALR par rapport aux AG.
Dans notre étude, tous les patients (100%), quel que soit le type d’intervention chirurgicale, ont été opérés sous anesthésie générale à la kétamine sans curare. Par contre, SERGE C.T (22) qui a largement utilisé la kétamine comme agent anesthésique (68,71%) associait un curare (suxamethonium 42,26%). A l’opposé de SERGE C.T dont l’AG avait été associée à une intubation dans 56% de cas, les 100% de nos patients ont été opérés sous AG sans intubation. Le protocole anesthésique de notre étude est contraire au protocole récommandé qui privilégie d’abord la technique locorégionale pour la chirurgie obstétricale qui est plus représentée dans cette étude. L’ALR est privilégiée à cause du taux de décès maternel élevé dû à l’anesthésie générale surtout pour césarienne en urgence. Une étude publiée en 1997 sur les décès maternels liés à l’anesthésie au cours de l’accouchement aux Etats-Unis montre que le risque était 16,7 fois supérieur avec l’anesthésie générale qu’avec l’ALR (39). Et si l’anesthésie générale est inévitable, l’induction à séquence rapide avec manœuvre de Sellick est recommandée pour prévenir le syndrome de Mendelson (40).
Dans notre étude, 100% des anesthésies ont été réalisées par des infirmiers non qualifiés. Par contre, SERGE C.T nous montre qu’au CHU Gabriel Touré à Bamako, 85,4% des anesthésies ont été réalisées par les assistants médicaux spécialisés en anesthésie réanimation contre 5,6% par un médecin anesthésiste réanimateur (22). En France, GRAVOT B. (26), la SFAR (24) et VENET (27) rapportent 100% d’anesthésies réalisées par un médecin qualifié. En France, Ducloy – Bouthors AS. a montré que la présence, 24 heures sur 24, d’un infirmier anesthésiste IADE est un élément de sécurité des soins anesthésiques en maternité (41). La différence avec GRAVOT B. et VENET s’explique par le fait qu’eux ont travaillé dans le pays développé alors que SERGE C.T a travaillé en Afrique comme nous mais dans un pays plus avancé sur le plan des systèmes de santé par rapport au notre.
Dans notre étude, le taux global d’annulation est 20,2% (8 interventions du Groupe Témoin et 12 interventions du Groupe Télé, soit 20 interventions annulées sur 99 patients reçus). Cette proportion est proche de celle de AMANILA A. N. (42) du Mali ; 38,7%.
Les causes d’annulation liées aux patients : contrairement à M. MESMAR (43) en Jordanie en 2010 (31,4%) et AMANILA A.N (42) au Mali en 2013 (38,3%), sont de 2% dans le groupe Témoin et de 6,1% dans le groupe Télé.
Les causes médicales d’annulation : M. MESMAR (44) en Jordanie en 2010 avait retrouvé un taux de 38,2% et AMANILA A.N. (43) au Mali 5,7%. Les causes médicales d’annulation en Jordanie et au Mali n’ont pas été retouvées dans notre étude. A part les causes liées au patient, les autres causes d’annulation des interventions chirurgicales de notre étude (incapacité d’intuber le patient, chirurgie difficile / spéciale) ne sont pas retrouvées dans les études précédentes.
D’une manière spécifique, dans notre étude, le taux d’annulation des chirurgies pour raisons anesthésiques est de 2% dans le groupe Témoin et de 10,2% dans le groupe Télé. Cette augmentation dans le groupe Télé est due au conseil de l’IADE de transférer des patients qui, impérativement, nécessitaient une AG avec IOT dans un autre centre hospitalier. Et le taux d’annulation pour raisons des spécialités chirurgicales est de 12% dans le groupe Témoin, 8,2% dans le groupe Télé.
Contrairement à SERGE C.T (22) dont 15,13% des patients de leur série avaient présenté un effet indésirable pendant l’intervention chirurgicale, les évènements indésirables étaient de 85,6% dans le groupe Témoin et 40,5% dans le groupe Télé dans notre étude. Cette baisse s’expliquerait d’une part par la collaboration étroite de l’équipe chirurgicale de l’HGR/Bagira avec l’IADE et d’autre part de l’approche psychologique des patients du groupe Télé. Beaucoup d’études démontrent que des approches psychologiques peuvent agir sur la prévention des NVPO (44).
Dans notre étude, le taux de mortalité dans le groupe Télé était de 0,0% et de 7,1% dans le groupe Témoin. SERGE C.T (22), DICKO ME (45) et DIAWARA F (46) au Mali avaient respectivement retrouvé 0,87% ; 0,87% et 0,60% au sein d’un même hôpital. En France, TIRET et al. (47) avaient trouvé une mortalité encore plus basse de 0, 19%. Nous voyons que le taux de mortalité de notre groupe Témoin est très élevé (7,1%) par rapport aux études précédentes. La forte mortalité dans le groupe Témoin peut s’expliquer par le manque de compétence anesthésique des infirmiers pratiquant l’anesthésie à l’HGR/Bagira qui, parfois par ignorance, minimisent les risques anesthésiques courus par les patients qui subissent en per ou postopératoires beaucoup de complications menant parfois au décès.
S’agissant du taux de réduction des évènements indésirables dans le groupe Télé ; nous avons trouvé qu’il y avait une réduction de 43,3% respectivement pour l’hypotension artérielle et le NVPO, 100% pour la bradycardie et le décès. Ceci nous pousse à dire que la téléconsultation a un impact positif sur la morbi-mortalité en anesthésie.