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Chapitre 1. REVUE DE LA LITTERATURE SUR L’INFLUENCE DES MARCHES SUR LA PROMOTION AGRICOLE

 

1.1.  Définition des concepts clés

1.1.1.Influence : Action d’une personne, d’une circonstance ou d’une chose qui influe sur une autre (Larousse 2015).

1.1.2.Marché : c’est un lieu public où on rencontre l’offre (les vendeurs) et la demande (les acheteurs). C’est aussi l’ensemble des règles juridiques ou informelles, par lesquelles ce type d’opérations économiques peut se réaliser (soule, 2008)

1.1.3.Produit : c’est un résultat de l’activité humaine.

1.1.4.Les marchés agricoles : sont des lieux physiques, espaces commerciaux où les producteurs agricoles se retrouvent périodiquement pour la vente des produits de leurs récoltes (Kotler, 1992 ; Saliou, 2009).

1.2.Les marchés locaux et son influence sur les produits

Bénéficiant de la vitalité des marchés locaux, nationaux et régionaux, les filières vivrières figurent parmi les plus dyna­miques. Plusieurs éléments renforcent l’attractivité des produc­tions vivrières. Tout d’abord, l’amélioration des infrastructures de transport et de marché, facilite l’approvisionnement des zones ur­baines, dont la croissance est rapide, régulière, et prévisible sur le temps long. Malgré le recours fréquent aux importations pour certains groupes de produits, en particulier dans les pays côtiers, la grande majorité des produits alimentaires consommés par les populations urbaines africaines est fournie par les agricultures locales. La croissance urbaine et la diversification des régimes alimentaires urbains créent une demande potentielle considé­rable pour les agricultures africaines de demain. Mais le recours au marché pour s’approvisionner n’est pas l’apanage des urbains. Les enquêtes récentes indiquent que les populations rurales, tou­jours majoritaires à l’échelle du continent, se tournent de plus en plus vers les marchés pour couvrir leurs besoins alimentaires. Même les exploitations agricoles de faible dimension sont forte­ment insérées aux marchés, pour commercialiser leurs produits et s’approvisionner.

Malgré ce dynamisme des marchés, les filières vivrières sont généralement encore peu structurées. Un peu partout, les pro­ducteurs agricoles du continent tentent de s’organiser pour re­grouper l’offre et améliorer la qualité des produits mis sur le mar­ché. Mais ces dynamiques, plus anciennes pour les produits destinés à l’exportation, sont souvent récentes, en grande partie provoquées par la hausse des prix des produits vivriers observée ces dernières années. Les filières vivrières ayant bénéficié d’inno­vations technologiques ou institutionnelles, même mineures, ont souvent connu une croissance remarquable. C’est par exemple le cas du manioc en Afrique de l’Ouest, tirant les bénéfices de recherches variétales, et de la diffusion de moyens efficaces et abordables de transformation locale. Il en va de même des ef­forts de sélection du blé en Égypte. Le maïs qui répond bien aux intrants, a connu un développement spectaculaire en béné­ficiant de systèmes de cultures performants aussi bien dans les bassins cotonniers des zones soudaniennes que dans le sud du continent.

Cependant, notons que l’agriculture dans ce cas cesse d’être une activité dont le but est de couvrir les besoins alimentaires ménagers (culture d’auto substance ou de troc) c’est-à-dire, les agricultures ne peuvent plus échanger leurs produits entre eux pour l’achat souhaité. Le marché vient en quelque sorte donné aux produits récoltés un caractère d’un bien économique capable de contribuer au revenu pécuniaire et à l’investissement. Car d’une part l’agriculteur peut pratiquer l’élevage grâce au revenu tiré dans la vente de ces récoltés (par exemple : chèvres, poules, cochons, vaches, moutons, etc.) ou l’exécution des projets (construction, élargissement de son espace cultivable) grâce à la vente de ces produits.

Les historiens font d’ailleurs remarquer que dans de de nombreux pays dits développés d’aujourd’hui, la révolution agraire a été un préalable à la révolution industrielle. Cette vision justifie la théorie du développement. De nombreux auteurs de ce courant de pensée tels que, LEWIS (1955), HIRSCHMAN (1958) et  RANIS (1964) y ont consacré des écrits importants. Et même en cette période du 21 e siècle, la mise en œuvre de politiques agricoles efficaces par la FAO demeure une condition nécessaire à l’éradication de la faim et la réduction des inégalités dans les pays du monde.

L’analyse de l’impact du secteur agricole sur la croissance et le développement du marché, les premiers auteurs de la théorie du développement lui assignaient un rôle ‘‘passif’’ dans l’économie, pour ne citer que ceux-là, le situent en amont des activités des autres secteurs de l’économie qui impulsent réellement le développement du marché. L’agriculture doit fournir au reste de l’économie les ressources dont il a besoin pour son fonctionnement. La part du secteur agricole est ainsi vouée à la décroissance au fur et à mesure que l’économie croit.

Mais, la notion d’une agriculture au service du développement du reste de l’économie, réservoir de main d’œuvre et de capital à exploiter, recule de plus en plus devant celle qu’il faut s’engager dans la voie du développement agricole pour lui-même et que l’agriculture peut parfois s’avérer un période d’ajustement économique. Un développement du secteur d’activité dans le marché est également un gage d’atteinte d’un niveau de développement économique. La coexistence des secteurs urbain et rural ne transparait plus comme une aberration en ce sens qu’un développement du secteur agricole permettrait de voir des améliorations de niveau de vie dans le monde rural. Avant d’exposer plus en détail ces différentes approches de l’impact de l’agriculture sur la croissance du marché.

1.3. Agriculture au service du reste de l’économie

L’élément central des modèles de développement expliquant le rôle de l’agriculture sur la croissance est la notion de surplus, généré dans le secteur agricole. A cet effet, les physiocrates reconnaissaient que l’importance d’un surplus agricole était  essentielle pour la bonne santé des finances publiques et le niveau  de l’activité sur le marché.

Mais à partir de 1950, les économistes considéraient de plus en plus le secteur agricole comme un secteur retardé dans l’économie, générateur d’un surplus de main d’ouvre tel que l’a formalisé LEWIS(1955). L’intérêt était porté sur la croissance résultat  dans le secteur non agricole. Le secteur agricole devait fournir à ce dernier les éléments nécessaires à son expansion. Le secteur agricole peut constituer une demande de biens du marché. Une amélioration de la productivité dans ce secteur devrait permettre l’amélioration des revenus du monde paysan et par conséquent l’accroissement de leur consommation. Le secteur agricole peut ainsi faciliter l’émergence de nouvelles débouchées pour les marchés. L’agriculture subvient au besoin le plus important de l’homme : l’alimentation. En effet, bien que tous les produits alimentaires ne soient pas agricoles, il existe tout de même un lieu très étroit entre produits alimentaires et produits agricoles.

Une offre des produits alimentaires en qualité et en quantité en provenance du secteur agricole, couplé de politique du secteur agricole, couplé de politiques de redistribution, augmente les chances d’avoir des travailleurs en bon état de santé et donc plus productifs. Certes, l’offre de produits alimentaires peut provenir des importations, sans que le secteur agricole n’y contribue énormément. Mais dans les premières phases du développement, le marché manque d’assez de ressources financières ; le secteur agricole doit ainsi produire abondamment pour permettre l’économie de devises qui pourraient être affectées à d’autres investissements.

1.4. Le rôle social des marchés sur la production agricole

A l’exception du rôle économique, le rôle social des circuits de distribution des vivres en Afrique subsaharienne est important. Dans chaque ville, le système fournit un emploi à des milliers d’habitants dans le commerce, la transformation et la préparation domestique des aliments. Le système contribue à une distribution des revenus, permet l’organisation de systèmes de solidarité entre participants et peut être utilisé pour protéger le revenu contre l’inflation. Il contribue donc à une certaine forme de protection sociale, comme le démontre l’exemple suivant.

Les investissements se font généralement dans le petit commerce de distribution des vivres pour les femmes, et de collecte et de transport des produits agricoles pour les hommes, en raison des barrières d’entrée extrêmement basses. Pour la plupart de ces femmes, qui sont souvent nées en milieu rural, qui ne connaissent que l’agriculture et le commerce de vivres, qui ont un niveau d’éducation limité et ne parlent souvent que les langues vernaculaires, il n’y a pas d’autres sources d’emploi dans une métropole urbaine. Ces femmes ne font presque jamais appel aux caisses d’épargne pour des crédits de démarrage et les fonds de fonctionnement d’une petite entreprise familiale. Généralement, elles trouvent les fonds nécessaires dans la famille ou reçoivent des produits à crédit des semi-grossistes. Le conjoint constitue la principale source des fonds investis: le mari prélève de son salaire un montant qu’il met à la disposition de son épouse pour s’installer au marché pour vendre les produits agricoles devant la maison.

Le premier souci d’un ménage qui reçoit le salaire mensuel du mari est d’acheter un sac de manioc, de riz, d’haricot, etc. Dès que ses produits agricoles sont achetés, la survie de la famille jusqu’au mois prochain est en principe garantie. Ce qui reste de l’argent est investi dans la marchandise qui est vendue au marché de détail par l’épouse ou la fille. Cette activité commerciale aide les ménages à réaliser un bénéfice direct et à réduire les risques généraux:

  • l’épouse essaie de gagner un petit surplus afin de compléter les recettes du ménage (bénéfice direct);
  • l’argent qu’il achet le produit agricole est débloqué petit à petit; avec ces liquidités, l’épouse achète chaque jour une petite quantité de légumes, d’huile de palme et de poisson pour la consommation journalière; ceci permet au ménage d’atteindre la fin du mois (réduction des risques); les fonds sont protégés contre un usage irréfléchi par un membre de la famille et ils sont protégés contre l’inflation galopante (réduction des risques);
  • le commerçant devient membre d’un groupe de commerçants ou de collègues sur le marché, ce qui lui permet d’obtenir plus facilement un crédit informel en cas de nécessité (maladies dans la famille, frais scolaires) et réduit ainsi les risques;
  • dès qu’on est un commerçant «connu», il est plus facile d’obtenir la marchandise à crédit;
  • les recettes du commerce de détail peuvent être investies dans les systèmes d’épargne et de solidarité.

Il est clair que «gagner un revenu supplémentaire» n’est qu’une des motivations pour faire du commerce. Les marchés de détail jouent également un rôle social dans une situation de crise. Une implication cruciale est que ce rôle pour les marchés de détail peut empêcher une compétition saine et efficace. En fait, les commerçants sur le marché évitent de se concurrencer sur les prix, c’est-à-dire de «casser les prix».

1.5.La spécificité des marches agricoles

De plus, la demande en produits agricoles est assez constante dans le temps, elle est rigide par rapport aux prix. Ainsi, l’arbitrage entre l’importation d’un produit ou l’achat au niveau local n’obéit pas toujours à des considérations de prix, mais souvent de disponibilité.

En période de pénurie, on peut donc avoir des augmentations d’importations sans que cela soit justifié par les prix mais uniquement pour faire face à une demande qu’il faut satisfaire. Les périodes de sécheresse au Sahel induisent ainsi des hausses d’importations des céréales qui peuvent se font même si les prix des biens importés sont élevés. D’autre part, les déterminants des achats de céréales peuvent être de nature institutionnelle – par exemple pour compenser les ventes de stocks de sécurité alimentaire nationaux – ou par des opérateurs privés, des importateurs anticipent sur la pénurie pour acheter des céréales sur le marché international et mettre à disposition des marchandises, sans réaliser de marges unitaires plus importantes mais en pariant sur l’augmentation des volumes de céréales importées vendues localement.

A l’inverse, on trouve des situations comme celle du Niger en 2005 ou malgré des tensions inflationnistes très prononcées sur les céréales, les achats extérieurs n’ont pas progressé rapidement, conduisant à une pénurie. La faiblesse du pouvoir d’achat des populations les plus nécessiteuses ne permettait pas de créer un marché solvable pour des céréales importées.

De façon générale, face à une demande rigide, la hausse des prix des produits importés ne se traduit pas forcément pas une baisse des volumes importés ; inversement, la demande ne croit pas nécessairement face à des prix faibles. Ainsi, le prix est un signal d’achat qui n’est pas toujours pertinent dans le cas des produits agricoles.

1.6.L’ agriculture, levier de la transformation économique

Notre continent dispose d’un immense potentiel qui doit lui per­mettre non seulement de se nourrir, d’éliminer la faim et l’insécu­rité alimentaire mais aussi de devenir un acteur majeur des mar­chés internationaux. Ce potentiel, ce sont ses terres, de l’eau et des océans, ses femmes et ses hommes, des savoirs faire, et un immense marché. Consciente de cette chance, l’Union Africaine a choisi, il y a 10 ans, de faire de l’agriculture un des principaux pi­liers du Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique.

L’agriculture représente une part essentielle de l’économie de tous les pays africains. Elle a donc son rôle à jouer dans la résolution de nos priorités continentales que sont l’éradication de la pauvreté et de la faim, la dynamisation du commerce intra-africain et des in­vestissements, l’industrialisation rapide et la diversification écono­mique, la gestion durable de nos ressources et de l’environnement et la création d’emplois, la sécurité et la prospérité partagée.

Depuis 2003, bien du chemin a été parcouru. Nous avons engagé un processus continental qui mobilise tous nos États-membres, les acteurs du secteur agroalimentaire, et en premier lieu les organisations de producteurs, les institutions régionales et les institutions de coopération techniques. Ce processus re­connait que les femmes africaines représentent près de soixante-dix pourcents des agriculteurs et contribuent de façon primor­diale à la production et à la sécurité alimentaires. Il est donc fondamental de les intégrer et de renforcer leur position dans la révolution agricole africaine. L’agriculture et l’agro-alimentaire ouvrent aussi des possibilités à des millions de jeunes africains qui entrent sur le marché du travail tous les ans.

Le Programme Détaillé de Développement de l’Agriculture en Afrique (PDDAA) a dix ans. Il a permis de remettre sur le devant de la scène l’importance de l’agriculture pour la transformation économique du continent. Mais il témoigne aussi d’un nouveau cours dans la manière dont l’Afrique mène son destin avec des choix de développement et d’investissements formulés par les africains et qui servent de cadre pour les contributions de nos partenaires et les choix d’investissements.

Ce programme agricole de l’UA-NEPAD a eu de multiples mé­rites dont celui de renforcer les processus démocratiques, en po­sant comme principe premier la participation de tous les acteurs concernés, notamment les agriculteurs.

Et l’agriculture est bien l’affaire de tous : son développement est une condition d’indé­pendance nationale car elle permet de s’affranchir de l’insécuri­té alimentaire qui mine notre souveraineté et fait le lit des mou­vements de sédition ; c’est un moteur de croissance dont l’effet de levier est désormais reconnu par les économistes et les poli­tiques ; c’est le secteur qui offre le plus grand potentiel de lutte contre la pauvreté et les inégalités, car il recèle des gisements de productivité dont doivent bénéficier ceux qui y travaillent et qui sont les plus défavorisés. Enfin, les agriculteurs sont les prin­cipaux gardiens de notre patrimoine naturel, de nos richesses environnementales et il convient de leur donner les opportunités de conserver et faire fructifier ce capital.

L’histoire de notre continent a été jalonnée de convoitises pour notre sol et notre sous-sol. Cela doit constituer un encourage­ment à mieux prendre en compte les chances offertes par nos écosystèmes diversifiés, la relativement faible occupation de nos territoires, la demande alimentaire mondiale croissante et les ten­dances positives de nouvelles sources de financement du déve­loppement.

Notre rôle comme décideurs est de donner les impulsions né­cessaires pour que nos agriculteurs fassent de leur métier une activité qui génère du bien-être en zones rurales, réponde au défi de l’emploi et contribue aux attentes de nos concitoyens en matière de sécurité, de bien-être, d’indépendance. C’est pour­quoi nous avons tenu à publier ce livret qui, en s’appuyant sur les heurs et malheurs du secteur agricole depuis plusieurs décen­nies, trace le sillon d’un projet pour l’agriculture qui s’appuie sur la dynamique provoquée par le PDDAA.

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