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INTRODUCTION

1. Objet et objectif du travail 

Notre étude porte sur «  les mécanismes internes de gestion des conflits en Afrique traditionnelle : médiation, processus et stratégie ». De ce fait, elle a pour but d’examiner afin de décrire la médiation comme un mécanisme traditionnel de gestion de conflit actuellement pratiquée. En d’autres termes, démontrer la faille actuelle ou la pertinence de cette méthode dans les mécanismes modernes de gestion de conflit. 

A cet égard, cette étude vise deux objectifs : d’une part, démontrer la position de l’Etat moderne après l’Afrique traditionnelle dans la gestion des conflits, en décrivant les faits générateurs de ces conflits et les enjeux qui groupent les acteurs autour des rivalités ; et d’autre part, déterminer la portée de la médiation dans les mécanismes internes de gestion de conflit dans l’Etat moderne. Autrement-dit, décrire les faiblesses et le rôle de la médiation dans les mécanismes modernes de gestion de conflit en définissant les stratégies à adopter pour arriver à la stabilité, à la cohésion sociale et le rétablissement de la paix. Mais avant cette visée, le choix et l’intérêt du sujet se justifient. 

2. Choix et intérêt du sujet 

La question de mécanismes de gestion des conflits attire tant de chercheurs en relations internationales tels que les conflits entre les groupes sociaux à l’intérieur d’un Etat ou entre deux Etats sont susceptibles d’implications sur la scène internationale. A cet égard, aucun travail d’étude, ne saurait être élaboré sans la raison poussant le chercheur à se lancer dans l’ouvrage. C’est à ce titre que nous justifions le choix et l’intérêt du sujet. 

2.1.Choix du sujet

  • Sur le plan académique, le choix d’un sujet d’étude doit cadrer avec la discipline ou la filière d’étude qu’embrasse le chercheur. C’est ainsi que nous avons choisi ce sujet car, entant qu’un fait international, cadre avec notre domaine des relations

internationales ; 

  • Sur le plan scientifique, le choix de ce sujet se justifie par la volonté d’ouvrir une nouvelle approche aux autres chercheurs sur les mécanismes de gestion de conflits tel que ce sujet, ouvre un ton particulier, des relations internationales, qui recèlent les particularités ou spécificités politiques et juridiques contemporaines.

2.2.Intérêt du sujet 

  • Sur le plan personnel, ce sujet nous est utile dans la mesure où il nous permet d’ouvrir un nouvel aspect sur les mécanismes internes de gestion des conflits en Afrique traditionnelle eu égard aux mécanismes modernes ou méthodes modernes de gestion de conflits ;
  • Sur le plan scientifique, ce travail constitue notre contribution à l’édification scientifique pour être utile aux chercheurs ultérieurs dans le domaine et ceux qui aimeront nous compléter en prenant la même question comme objet d’étude ;
  • Sur le plan pratique, cette étude constitue un outil destiné aux leaders communautaires et autres artisans de la paix et de résolution des conflits, aux agents administratifs et autorités coutumières, aux responsables de missions et des agences du système des Nations Unies sur la scène internationale, d’une autre dans les pratiques quotidiennes sont confrontés à des conflits de tout genre au sein des communautés.

3. Etat de la question 

L’analyse des mécanismes internes de gestion de conflits en Afrique traditionnelle ne date pas d’alors. Celle-ci a fait l’objet de plusieurs réflexions et engage l’esprit de beaucoup de scientifiques. Cette question partage un nombre d’auteurs et est écrite à plusieurs voies. 

Selon Thierno Mouctar Bah, Ndeye Ndiaye et Odiye Fendeng[1], ils écrivent le continent africain reste aujourd’hui encore en proie à de nombreux conflits qui constituent une entrave sérieuse à son développement Pour cette raison, il parait nécessaire d’engager un processus de réflexion afin de faciliter l’efficacité des mesures de prévention, de gestion et de résolution des conflits. La tâche ne pourra pas être menée à bon terme s’ils ne retournent pas aux valeurs culturelles africaines pour comprendre comment les ancêtres essayaient de prévenir et de résoudre les conflits qui naissaient inéluctablement entre les royaumes, les familles et/ou les tribus. La compréhension des mécanismes de gestion et de règlement des conflits passe nécessairement par la connaissance de l’environnement, du territoire et des coutumes des populations qui lui sont attachées. C’est l’ensemble de ces éléments ainsi que leurs interactions qui permettront de cerner globalement le mécanisme efficace capable de constituer une arme de dissuasion, de prévention et de résolution des conflits. Des coutumes semblent démontrer qu’Afrique, depuis longtemps, tout acteur qui veut intervenir dans le règlement ou prévention de conflits doit privilégier le dialogue au service de la médiation.

Etudier donc, la culture traditionnelle dans l’optique de la prévention et de la résolution des conflits en Afrique, c’est situer le dialogue et la culture de la paix dans son champ d’action historique et remarquer que dans leur souci de prévention et de résolution des conflits. Les peuples africains ont toujours accordé une importance aux procédures de négociation et de dialogue qui constituent des modes traditionnels de résolution des conflits. C’est l’ensemble de ces éléments ainsi que leurs interactions qui permettent de cerner le mécanisme efficace de constituer une arme de dissuasion, de prévention et de résolution des conflits. Ces modèles fondés spécifiquement sur le dialogue, ont permis de poser les bases d’une transition politique dans certains pays ou pacifier les relations entre les acteurs, créant ainsi les conditions idoines pour faire émerger un nouveau pacte social ou atténuer sensiblement la violence. Ce qui implique qu’il existe bien des modèles efficaces de prévention et de résolution pacifique des conflits en Afrique. La présence des conflits en Afrique a suscité des interrogations diverses sur la prévention et la résolution des conflits, un aperçu général sur le processus de règlement des différends en Afrique peut-être scindé en deux parties à savoir : les mécanismes traditionnels de résolution des conflits et les mécanismes institutionnels de résolution des conflits. En effet, le continent africain est miné par une instabilité politique récurrente. Audelà des conflits classiques marqués par des guerres civiles, des conflits ethniques et des rébellions, le continent fait face à des nouveaux défis sécuritaires. Etudier donc la culture traditionnelle dans l’optique de la prévention et de la résolution des conflits en Afrique, c’est situer le dialogue et la culture de la paix dans son champ d’action historique, et faire remarquer que dans leur souci de prévention et de résolution des conflits, les peuples africains ont toujours accordé une importance capitale aux procédures de négociation et de dialogue. Les cultures négro-africaines ont toujours su survivre au conflit en développement et adaptant les outils endogènes de résolution et de prévention des conflits. L’objectif est la recherche de la paix et du compromis. Au cœur de cette recherche de compromis, le dialogue a toujours occupé une place prépondérante. Le dialogue est connu dans beaucoup de sociétés traditionnelles africaines. Il était l’instrument qui permet de rééquilibrer les sociétés chaque fois que des crises ou des conflits menacent les fondements de la famille ou ceux de la communauté. 

Selon Octave Nicoué Broohm[2], l’anthropologie contemporaine a établi de manière convaincante la pertinence du conflit dans tout espace sociopolitique. Il écrit que nulle société ne s’est montrée indifférente à la recherche de la paix. L’Afrique traditionnelle comme le montre l’exemple du Rwanda, a su mettre en œuvre des logiques de domestication de la violence qui sont éclairantes par elles-mêmes. L’Afrique contemporaine en revanche, actuellement à la croisée de plusieurs tendances et influences, voire pressions, semble avoir perdu sous les repères pourtant requis pour la construction de son présent et de son autoprojection dans l’histoire. Aussi offre-t-elle bien souvent l’image d’un continent empêtré dans des conflits violents et insurmontables qui hypothèquent son devenir. Il se pose la question de savoir si l’Afrique peut-elle renouer avec une gestion efficace des conflits et la dynamique de la paix dans un monde où les changements rapides lui imposent des impératifs nécessaires. Il se dit, s’il est vrai que nulle société ne s’est démontrée indifférente à la recherche de la paix ; et à la maîtrise de ce qui, en elle, menace sans cesse cette paix à savoir les conflits sociaux, il est tout aussi vrai que les procédures et les procédés mis en œuvre pour assurer cette maîtrise ne sont pas identiques dans toutes les sociétés. Force est de constater qu’il existe des différentes et des variantes en terme de stratégies, d’efficacité, de symbolisme. En effet, les mécanismes de résolution des conflits renvoient, selon les sociétés considérées, à des trames complexes qui mettent en jeu des croyances et des traditions particulières, une éthique sociale caractéristique, une philosophie spécifique de l’homme et de la société. L’étude de ces mécanismes ne contribue pas seulement à une meilleure connaissance des sociétés concernées ; elle est en outre une partie intrinsèque des mesures visant la prévention des conflits et la construction d’une paix durable. 

Selon Emmanuel Ela Ela[3] note par ailleurs que depuis leur accession à l’indépendance, les Etats de l’Afrique centrale basculent, chaque jour à des conflits. Les analyses consacrées à la recherche des causes de ces conflits divergent déclassement de l’Afrique comme enjeu politique et idéologique suite à la fin de la guerre froide, découpage artificiel des frontières par les colonisateurs, désagrégation des Etats, émergence d’un nouveau bloc offensif ou encore illustration de la théorie des dominos, exacerbée par la répartition transfrontalière des ethnies. Cette impuissance à cerner sur le plan théorique la nature de ces conflits entraîne une sorte de désintérêt de la communauté internationale qui préfère laisser aux africains le soin de régler eux-mêmes leurs propres conflits. Dans le même temps, plusieurs initiatives sont menées non seulement au niveau de l’ONU, mais également au sein de l’OUA. Ainsi dans la prévention des conflits, les organes chargés de cette gestion doivent pour être opérationnels, nécessairement prendre en compte les spécificités régionales ou de l’espace en conflits. 

Selon Maurice Bertrand[4], la réflexion sur la prévention des conflits dans la sous-région d’Afrique centrale est encore embryonnaire. La topologie des conflits dressée par le comité demeure inopérante, car elle ne fournit aucune explication satisfaisante ni de procédure thérapeutique pour enrager ces conflits. Quand, sous la pression de l’optique, les décideurs politiques admettent qu’il faudrait agir, pour apaiser des conflits graves ou pour prévenir le développement et la régionalisation des conflits en préparation, aucun cadre de référence ne peut identifier les solutions. Or, pour prévenir efficacement les conflits, il faudrait avoir une connaissance juste et suffisante de leurs causes et avoir comment agir sur elles. Les dynamiques d’interdépendances matérielles, économiques, politiques, ethniques et culturelles entre les Etats de la sous-région, le poids de l’histoire coloniale et des mentalités, l’orientation politico-idéologique, etc. Il dit enfin, que la notion de la diplomatie préventive s’inscrit dans le cadre de la doctrine : « mieux vaut prévenir que guérir ». Ainsi les parties à tout différend doivent en rechercher la solution par voie de négociation, d’enquête, de médiation, de conciliation, d’arbitrage, de règlement judiciaire de conflit. 

Selon Salif Kac[5], il est évident qu’il y a pas de société sans conflits au sens où Karl Marx dirait que l’histoire de l’humanité est une histoire de lutte des classes, l’on pourrait aussi convenir qu’il n’y a pas de conflits sans une quelconque méthode, un mécanisme de prévention, de gestion et de résolution de ce conflit. Il convient de dire que nul n’a le droit d’effacer l’histoire d’un peuple car un peuple sans histoire est un monde sans âme. Le propre de l’histoire est de permettre à une société de forger un certain nombre de mécanismes de cohésion sociale, de vie communautaire. Il est question le plus souvent de mécanismes pacifiques qui s’enracinent dans des valeurs socioculturelles endogènes. En effet, la société africaine est une société conflictuelle tant du point de vue de sa structure que de son mode de fonctionnement. Un constat empirique véhicule l’idée selon laquelle le conflit est inhérent à la vie sociale. Du point de vue structurel, les conflits relèvent de la nature de structures sociales qui se fondent sur des règles morales, des conventions sociales, des codes et de modèles de vie qui orientent et guident les comportements des individus. Selon les promotions du postulat fonctionnaliste, les conflits concourent à la reproduction sociale, au maintien du lien social, à l’intégration sociale. Ainsi les mécanismes pacifiques de résolution de conflits sont sécrétés de la tradition négro-africaine. Il faut rappeler que cette Afrique qui a subi des mutations d’ordre religieux (avec la colonisation sous toutes ses formes « indirect rule », l’administration indirecte et « direct rule », l’administration directe) fondent ces mécanismes sur le respect mythique de l’autorité coutumière titulaire d’un pouvoir magico-religieux. Ainsi, la parole, l’action et l’allégeance au système politique du groupe d’appartenance ou de référence constituent les piliers de ces mécanismes. A titre d’exemple, la référence symbolique à la notion « arbre à palabre »  suggère l’idée de discussion, de conversation, de dialogue, de partage chers à la civilisation négro-africaine. Selon Léopold Sédar Senghor, l’esprit de cette civilisation est enraciné dans la terre et les cœurs des noirs, est tendu vers le monde, être et choses, pour le comprendre, l’unifier et le manifester. 

Bosco Muchukiwa Rukakiza et alii[6] écrivent les mécanismes culturels traditionnels de transformation de conflit étaient appliqués dans une société homogène dont les membres partageraient une même culture, les mêmes traditions, une même langue et étaient organisés sur un même espace géographique habité par une même tribu ou ethnie. D’une manière générale, les mécanismes culturels traditionnels de transformation de conflit étaient appliqués dans les domaines de viol, de succession, la divagation du bétail, le vol, les disputes entre les membres d’une communauté. Enfin les mécanismes culturels traditionnels de résolution ou de transformation de conflit s’appliquaient sur chaque membre de la société qui violait les prescrits de la tradition, de la coutume, des usages et mœurs. Ces mécanismes étaient appliqués aux membres du clan, de la tribu ou de l’ethnie par les grands, les sages, les mwami. 

Ils poursuivent les mécanismes culturels traditionnels de gestion de conflit est centré sur les aspects positifs et négatifs. Les partisans des aspects négatifs, c’est-à-dire les pessimistes insinuent l’oralité, le caractère restreint, l’application sur les délits mineurs, l’inefficacité dans la résolution des délits majeurs liés à la présence des Etats-Nations. Ces mécanismes culturels traditionnels seraient contreproductifs dans les conflits liés à la formation de l’Etat moderne.

En revanche, les défenseurs des aspects positifs, c’est-à-dire les optimistes montrent que les mécanismes culturels traditionnels sont productifs et permettent la promotion de la justice réconciliatrice et du droit coutumier. L’application de ces mécanismes garantit le pardon mutuel, la collégialité de la prise de décisions, la participation communautaire dans la recherche du consensus, la prévention des conflits, la restauration du crime, la rapidité de la procédure, la réparation peu couteuse et la valorisation de la dignité humaine. L’appropriation des mécanismes culturels traditionnels est facile parce qu’ils ne sont pas formalisés ne ce sens que l’apprentissage n’exige pas une formation académique préalable. Le système de cotation n’existe pas. Comparativement au droit écrit en usage dans les tribunaux, les défenseurs des mécanismes culturels traditionnels dénoncent l’importation des mécanismes occidentaux qui ne tiennent pas compte des réalités, et cultures locales. Ils affirment qu’avec l’avènement de la modernité, certaines des valeurs culturelles acquises se sont vues piétiner, saborder et oublier pour laisser la place à des comportements importés parfois non conformes à la réalité vécue par les indigènes. Aussi bien les habitudes importées de l’Occident, les croyances que les mécanismes de règlements de conflits dont les armes et les autres systèmes de négociation ou de revendication n’ont pas toujours été satisfaisants ou convaincants.

Selon Pierre Célestin Bakunda dans « les mécanismes de résolution de conflits au Rwanda : le cas de Gacaca », il écrit que chaque société traditionnelle a ses mécanismes de résolution de conflits. Le Rwanda a connu le système de Gacaca dans la résolution et gestion de conflits. A l’origine, gacaca était une juridiction populaire. Elle était constituée d’assemblées villageoises lors desquelles les sages tranchaient des différends, assis sur le « gazon ou herbe ».

Aujourd’hui, inspirée de ces anciennes assemblées, « gacaca » juge tous les présumés auteurs du génocide de 1994, sauf ceux considérés comme planificateurs et violeurs qui sont jugés par les tribunaux conventionnels. Traditionnellement, l’originalité de cette juridiction résidait au fait de minimiser les conflits familiaux afin de concilier des protagonistes. Il s’agissait d’éviter à ces derniers un procès explicite qui les opposerait davantage et créerait une rupture des relations. Pendant l’époque coloniale et post coloniale, « gacaca » a joué un rôle important dans la médiation sociale. On parlait de « KUNGA », c’est-à-dire faciliter à deux parties en désaccord à renouer le dialogue et la relation quelque peu détériorée[7]

Selon Mulugeta Gebrehiwot et Getachewzeru, les conflits font partie des relations humaines et l’humanité a développé différents mécanismes de gestion des conflits pour maintenir la cohésion, la stabilité économique et politique dans la vie des citoyens et des Etats. Les mécanismes peuvent être globalement classés comme formels ou informels. Les mécanismes formels sont des mécanismes liés à des institutions juridiques formelles tandis que les plus informels concernent les procédures allant des mécanismes traditionnels avec beaucoup de variations jusqu’aux domaines plus larges de la diplomatie préventive, de la médiation et d’autres activités connexes. Le procès est la principale méthode de règlement des différends dans les mécanismes formels.

Le procès est un processus de résolution des conflits devant un tribunal, celui-ci peut être une juridiction nationale créée par la législation nationale dans le cadre de système judiciaire du pays ou une juridiction internationale créée par la loi internationale ou d’institutions multilatérales. Ces mécanismes sont utiles dans la lutte contre les effets multiples qui peuvent subvenir comme étant le résultat des premières causes des litiges. Par contre, en raison des limites du système judiciaire à apporter des solutions compréhensives aux conflits, des méthodes alternatives de résolution des conflits ont développé des formes variables, certaines de formes de règlement extrajudiciaire des conflits sont notamment la négociation, la médiation et l’arbitrage. Les mécanismes alternatifs de règlement des différends permettent de rendre la justice de façon expéditive et coûtent moins chers par rapport aux mécanismes judiciaires officiels. Ainsi, la médiation requiert les services d’une personne, d’une partie ou d’une institution neutre afin d’arriver à un accord consensuel. Elle est également considérée comme une ingérence amicale d’une personne neutre ou de la nation dans le but de maintenir la paix entre les parties en conflits par l’ajustement de leurs difficultés, ici le rôle du médiateur n’est pas de décider unilatéralement la solution appropriée à un conflit entre les parties, au contraire, le médiateur agit comme un facilitateur qui guide les discussions entre les parties en conflits, en vue de les aider à comprendre la nature du problème, les intérêts en jeu de toutes les parties, ainsi que les diverses solutions possibles qui peuvent les aider à résoudre en tout ou une partie du problème. Cependant, le médiateur est souvent en mesure d’aider les parties à relever les intérêts qui sous-tendent les positions de chacune des parties et ainsi les aider à élaborer un accord de règlement collectif qui satisfait chaque partie dans toute la mesure du possible[8]

Eu égard à ce qui précède, alors que tous les auteurs précités mettent l’accent sur les mécanismes traditionnels de gestion de conflits d’un angle à l’autre, quant à nous, nous allons particulièrement parler de la portée de la médiation dans les mécanismes modernes de gestion de conflits avec un accent particulier sur les communautés ethniques au Rwanda.  

4. Problématique 

L’Afrique traditionnelle, précoloniale connait des mécanismes internes de gestion des conflits. La manière de gérer les conflits se diffèrent d’une société à l’autre, à l’instar de « gacaca » au Rwanda. En effet, la médiation est un mécanisme traditionnel de gestion des conflits. Pour qu’il y ait la médiation, il faut la présence d’un différend préalable, autrement dit un conflit entre deux ou plusieurs parties qu’il faut concilier. Lorsqu’il y avait un conflit avant l’époque coloniale, les sociétés traditionnelles recouraient à la médiation, pour chercher les compromis, comme le mécanisme de gestion de désaccord. L’avènement de l’Etat moderne avec l’imposition du système politique (modèle politique) en Afrique, va corrompre ce mécanisme de gestion de conflits, va doter l’Afrique des frontières interétatiques, va rassembler les communautés africaines et leurs ethnies sans tenir compte de leurs considérations locales, sources de plusieurs conflits dont les mécanismes modernes de gestion de conflits s’avèrent inefficaces et recourent aux mécanismes traditionnels. 

L’Afrique contemporaine, sous-entend l’Etat moderne, ce dernier désigne succinctement un espace politique bien délimité sur lequel fonctionnent un gouvernement et les institutions y afférentes pour gouverner un peuple. Cet Etat impose une administration, gère le monopole de toutes les communautés locales pour développer une conscience politique et une unité nationale. En Afrique, l’Etat n’est pas un produit sui generis mais un espace défini nettement pour délimiter le champ d’influences des puissances colonisatrices. Cette délimitation avait pour but de contrôler les populations par le territoire, d’asseoir une administration moderne et d’exploiter les ressources naturelles du sol et du sous-sol. Il était attendu que le processus engendre un sentiment d’appartenance à un même territoire et secrété une conscience nationale. Force est de faire remarquer qu’au fil des ans, le processus d’intégration des communautés locales a avorté. D’où le repli identitaire, la remise en question  de l’Etat importé et la résurgence des conflits autour du contrôle d’appareils étatiques. Ceci, car l’Etat en Afrique était importé sans tenir compte des cultures, des identités et des tribus communes.

Les tribus s’opposent et se mettent en conflits. Elles se battent pour leurs identités. Ces conflits de nations identitaires qui opposent les tribus sont motivés par les valeurs traditionnelles et sont les effets de plusieurs causes et distingue plusieurs types en Afrique. Ils comprennent les causes politiques, économiques, sociales et culturelles. 

Ce choc et rivalité sociale favorisent le dysfonctionnement de la société, la déstabilisation de l’équilibre du système social, la rupture de la paix et les fractures des cohésions sociales. De ce fait, la conscience sociale essaie d’initier la solution afin de restaurer la paix. Elle définit des mécanismes des gestions des conflits pour intégrer les diversités des identités sur l’ensemble politique. Elle adopte la médiation pour concilier la divergence entre les identités. A cet égard, la médiation, les processus et les stratégies des gestions des conflits se diffèrent d’un Etat à l’autre en Afrique traditionnelle. Or, l’Etat moderne est doté des institutions judiciaires pour gérer les différends. Cependant, il souffre d’inefficacité dans la gestion des conflits tels qu’il n’est pas adapté aux valeurs traditionnelles des communautés locales traditionnelles dans leur intégration. Au contraire, la médiation, mécanisme traditionnel transparaît encore dans les mécanismes modernes dans la gestion des conflits. Ce qui soulève la problématique de la valeur ou la portée de la médiation dans l’Etat moderne.     

Cette attitude des mécanismes internes de gestion des conflits nous pousse, pour y arriver, à poser la question principale, à laquelle sont subordonnées respectivement trois questions secondaires, suivante : « Quelle est la portée de la médiation dans les mécanismes modernes de gestion de conflits ? ». 

A cette question s’apparentent trois secondaires : 

Quelle est la position actuelle de l’Etat moderne face à la médiation lors d’une transformation des conflits ? Comment la médiation procède-t-elle dans la gestion des conflits ? Comment concilier la médiation et les mécanismes modernes de gestion de conflits ? 

Cette interrogation constitue la toile de fond de cet ouvrage à travers laquelle il est démontré la thèse des mécanismes internes de la gestion de conflits en Afrique traditionnelle : médiation, processus et stratégie. Mais avant cela, cette problématique appelle les hypothèses suivantes. 

5. Hypothèses 

L’hypothèse est une proposition provisoire à la question posée. Elle tend à formuler une relation entre les faits significatifs. L’hypothèse n’est pas toujours d’emblée formulée sous sa véritable forme. Elle se limite parfois à indiquer simplement des domaines envisagés dans lesquels on fait des recherches ou on classe des variables à observer parce qu’elles paraissent offertes des régularités[9]

Eu égard à la problématique, les hypothèses suivantes sont formulées : 

La portée de la médiation se résiderait dans l’importance qu’elle accordait à la promotion de la justice réconciliatrice et du droit coutumier comme la médiation garantirait le pardon mutuel entre les entités antagonistes. 

Cela étant, d’une manière spécifique :

Premièrement, la position de l’Etat moderne face à la médiation lors de la gestion des conflits serait un prolongement et une réunion de plusieurs mécanismes judiciaires.

Deuxièmement, la médiation procéderait par la collecte des informations et le dialogue.   

Et troisièmement, pour concilier la médiation et des mécanismes modernes de gestion des conflits, l’Etat moderne officialiserait la médiation dans les mécanismes modernes de gestion de conflit laquelle prend en compte les considérations traditionnelles des parties en conflits. 

6. Méthodologie 

La méthodologie est l’ensemble des méthodes et des techniques. Tandis qu’une méthode est la voie suivie par l’esprit pour découvrir et démonter la vérité, une technique est l’ensemble des moyens utilisés pour atteindre le but[10]

6.1. Méthode

Dans ce cas, nous allons utiliser la méthode géopolitique de François Thual sous l’approche historique de Madeleine Grawitz. 

Selon François Thual, la géopolitique est une méthode qui répond aux besoins contemporains de comprendre l’information que les médias nous livrent chaque jour afin de plus la subir. Elle consiste à poser les questions face à un événement (tension, crise, conflit, guerre, négociation) : qui veut quoi ? Avec qui, comment ? Pourquoi ? Ce qu’il faut, c’est identifier les acteurs, analyser leurs motivations, décrire leurs intentions, repérer les alliances en gestation ou, au contraire, les alliances en voie de déconstruction, que ce soit au niveau local, régional, continental ou international. La méthode géopolitique consiste à expliquer un fait ou événement en décrivant les intentions et les ambitions des acteurs. Elle va au-delà des discours officiels pour identifier les intentions réelles, même si ces dernières sont ensevelies au plus profond des Etats, en se basant sur les héritages du passé et due les fatalités de la géographie. La méthode géopolitique étudie un événement international comme un phénomène ou concept d’intentionnalité. Par intention, on entend un réseau hiérarchisé d’attitudes obéissant à une logique de réalisation des ambitions ou d’atténuations des menaces existantes. Ainsi schématiquement, chaque posture géopolitique se ramène à une volonté de réaliser des ambitions, soit à une volonté de contrer une menace. Par motivation, on entend les idéologies liées aux représentations que les groupes sociaux se font d’eux-mêmes. Il en existe le nationalisme et le communisme. Enfin, la géopolitique est une méthode qui explique les rapports sociaux face à un enjeu qui les mettent aux prises[11]. De ce fait, cette méthode nous est utile dans la mesure où elle permet d’expliquer la médiation comme un enjeu sociopolitique qui met aux prises les communautés ou les ethnies. Elle va nous permettre d’identifier les acteurs, leurs intentions et leurs motivations. 

Par contre, l’approche historique va nous permettre d’expliquer les conflits en Afrique traditionnelle comme une donnée de l’histoire, une succession de faits ou d’événements. Selon Madeleine Grawitz, l’approche historique consiste à expliquer la réalité sociale comme une succession de faits ou d’événements. L’histoire présente une succession des phénomènes.

La réalité historique est donc continiste. C’est-à-dire l’histoire est une demande qui consiste à remplacer la causalité par le temps social révélateur de changement, de métamorphoses, de création ou disparition, qui résiste à tout autre type d’explication, en dehors de l’explication causale. Donc, les données de l’histoire humaine sont fournies par le temps12.

6.2.Techniques 

La technique est l’ensemble des procédés exploités par les chercheurs dans la phase de collecte des données qui intéressent son étude. De ce fait, dans le cadre de notre travail, nous avons fait appel à la technique documentaire. Cette technique, selon Madeleine Grawitz, consiste à compulser les ouvrages et autres documents relatifs au travail sous-examen. Ces documents peuvent être audio (radio), audiovisuel (télévision) ou écrits (les ouvrages, …). Le chercheur n’exerce aucun contrôle sur la façon dont les documents ont été établis et doit sélectionner des matériaux pour les rendre utilisables. Il se trouve le plus souvent, devant un ensemble de renseignement recueillis sans lui, dans un dessein plus vaste, parfois national et forment un tout établi généralement de façon standardisée[12]

7. Délimitation du sujet 

Délimiter un sujet revient à le limiter du point de vue spatial et temporel. 

7.1. Délimitation spatiale 

Spatialement, notre étude s’étend dans la société traditionnelle rwandaise dans le cadre de gestion des conflits, car c’est dans cet espace que nous allons étudier le « gacaca », la culture traditionnelle au Rwanda de gestion de conflit comme l’un des processus de la médiation dans les mécanismes internes de gestion de conflits en Afrique traditionnelle. 

7.2. Délimitation temporelle 

Temporellement, notre étude s’étend depuis la période qui oppose l’Afrique traditionnelle à l’Afrique moderne jusqu’à nos jours. La période pendant laquelle rompt la traditionnalité à la modernité. Précisément, jusqu’au début des années nonante. Cette date n’est pas la fin de l’Afrique traditionnelle, mais parce qu’elle explique la multiplication des conflits traditionnels face aux enjeux politique administratif et la nécessité de marier les mécanismes traditionnels de gestion de conflits à ceux de l’Etat moderne. Cette période explique d’un ton éloquent l’importance de la médiation dans la gestion des conflits dans le gouvernement moderne. 

8. Subdivision du travail 

Hormis l’introduction et la conclusion, notre travail est subdivisé en trois chapitres. Notamment, les considérations générales, premier chapitre ; fondements de mécanismes de transformation des conflits dans un Etat moderne, deuxième chapitre ; et, la portée de la médiation dans les mécanismes modernes de gestion de conflit, troisième chapitre. 

Premièrement, le premier chapitre est subdivisé en trois sections dont le cadre conceptuel, le cadre théorique et le cadre d’étude (la présentation du milieu d’étude). 

Deuxièmement, le deuxième chapitre est composé aussi de trois sections dont les faits générateurs de conflits au Rwanda, les conflits tribalo-ethniques au Rwanda et le Génocide au Rwanda.  

Et troisième, le troisième chapitre distingue également trois sections précisément, gestion traditionnelle de conflit, gestion moderne de conflit et de la médiation à la gestion ou aux mécanismes modernes de gestion de conflit. 

Découvrons tous ces cheminements dans la suite. 

                 

[1] T. MOUCTARD BAH, N. NDIAYE et O. Fendeng, «La diffusion régionale des mécanismes de dialogue national en Afrique » financé par l’Institut des Etats-Unis pour la paix avec l’appui technique de la CEDEAO, pp1-2.

[2] http://ethiopiques.refer.sn, O. Nicoué Broohm, « De la gestion traditionnelle à la gestion moderne des conflits : responsables pratiques africaines », 1e semestre 2004, p.4.  

[3] E. ELA ELA, « Les mécanismes de préventions de conflits en Afrique centrale », in Guerres mondiales et conflits contemporains, presses universitaires de France, 2001-2002, p.1.

[4] M. Bertrand, vers une stratégie de prévention de conflits en Afrique, politique étrangère, printemps, 1997, p.116.  

[5] SALIF KAÇ, La problématique des conflits en Afrique. Mémoire de maîtrise en sciences politiques, Relations internationales, université Gaston Berger de Saint-Louis, 20012, p.52.

[6] B. MUCHUKIWA RUKAKIZA, A. BISHWEKA CIMENESA, C. KAPAPA MASONGA, l’Etat africain et les mécanismes culturels traditionnels de transformation de conflits ; p.25

[7] P.C. BAKUNDA, les mécanismes de résolution de conflits au Rwanda : le cas de « gacaca », lLEIDEN, 21 juin 2007, p.1.

[8] Mulugeta Gebrehiwot et Getachewzeru, exposé sur la stratégie collective de gestion des conflits en Afrique : vers un objectif commun, institut d’étude pour la paix et la sécurité, université d’Addis-Abeba, février 2013, pp10-11.   

[9] J. Boulanger, pédagogie appliquée, Paris, Milan, 1980, p.15. 

[10] M. Grawitz, méthodes des recherches en sciences sociales, Paris, Dalloz, 2001, p.12. 

[11] https://www.patrice.gourdin, Pierre verluise, Manuel de géopolitique, publié le 18 avril 2005, pp.1-6   12 Madeleine Grawitz, op.cit., pp

[12] M. Grawitz, op.cit., pp.573-374 

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