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Chapitre II : REVUE DE LA LITTERATURE

2.1. Définitions de quelques concepts

2.1.1.  Nom de la maladie et synonymes [11]

Psychose schizophrénique, trouble schizophrénique, syndrome schizophrénique. D’autres termes peuvent être employés, centrés sur un des aspects de la maladie : psychose paranoïde, psychose dissociative chronique, délire chronique schizophrénique, hébéphrénie.

2.1.2. Etymologie [11]

Le terme de schizophrénie revient au psychiatre suisse Eugen Bleuler qui, en 1991, attribue la dénomination définitive de « schizophrénie », du grec schizo (« séparé ») et phrên (« esprit »). Le psychiatre allemand Emil Kraepelin fut le premier à établir, en 1896, une entité pathologique unique à partir de trois états jusque-là considérés comme distincts :

  • l’hébéphrénie, marquée par un comportement désorganisé et incongru,
  • la catatonie, caractérisant une personne alternativement négativiste et immobile, agitée et incohérente.
  • la démence paranoïde, dominée par le délire de persécution et de graduer.

Selon Kraepelin, le mot désigne une série de psychoses, présentant souvent un cours chronique et parfois, caractérisées par des attaques intermittentes.

2.1.3. Définition [11]

La schizophrénie se manifeste cliniquement par des épisodes aigus associant délire, hallucinations, troubles du comportement et par la persistance de divers symptômes chroniques pouvant constituer un handicap. Contrairement à ce qui est fréquemment rapporté, la schizophrénie n’est pas un dédoublement de la personnalité. C’est l’une des maladies les plus invalidantes, notamment chez les jeunes. Elle frappe surtout vers la fin de l’adolescence ou au début de l’âge adulte et peut durer toute la vie.

2.2. Critères diagnostiques [11]

On sait aujourd’hui que la schizophrénie est une maladie du cerveau, identifiée par l’association de trois dimensions psychopathologiques fondamentales :

  • Transformation ou distorsion délirantes de la réalité, exprimée par des vécus délirants (pensées délirantes) et hallucinatoires (perceptions délirantes).
  • Appauvrissement affectif et idéo-affectif qui se manifeste par les symptômes dits « négatifs » tels qu’aboulie, apathie, retraite, réduction ou absence de la capacité de modulation affective de la pensée (réduction de la réactivité émotive face à des stimuli importants).
  • Désorganisation de la pensée avec troubles formels de l’idéation et du langage (pauvreté du contenu et incohérence du discours, perte des liens logiques dans les pensées et le raisonnement, réponses tangentielles) avec comme conséquence directe la désorganisation du comportement qui se manifeste notamment par l’incongruité affective, c’est-à-dire une inadéquation entre les modalités expressives du sujet et le contexte émotionnel de la situation (déconnexion entre communication verbale et communication non verbale à connotation émotionnelle).

2.3. Diagnostic différentiel [11]

Avant de porter le diagnostic de la schizophrénie, il est impératif d’éliminer des facteurs étiologiques potentiels tels que la consommation de drogues, certains troubles métaboliques et certaines maladies neurologiques comme l’épilepsie. Il faut également écarter d’autres diagnostics de maladie pouvant avoir plusieurs symptômes communs avec la schizophrénie, notamment au début, comme un trouble bipolaire (autrefois dénommé psychose maniaco-dépressive).

2.4. Etudes antérieures sur les facteurs de risque environnementaux associés à la schizophrénie.

2.4.1. Facteurs psychosociaux

  • Sexe: La schizophrénie est une pathologie de l’adulte jeune (âge moyen de survenue entre 14 et 35 ans), survenant de manière plus précoce (de trois à cinq ans plus tôt que chez la femme) et le plus souvent plus sévère (forme paranoïde) chez l’homme. Cette constatation largement observée par tous les cliniciens avait déjà été soulignée par Kraepelin, et il est encore à l’heure actuelle particulièrement complexe de distinguer les facteurs sociaux des facteurs biologiques (notamment le climat hormonal). L’incidence de la maladie semble augmentée chez l’homme selon une méta-analyse de Aleman et al. [12] portant sur 49 études, donnée confirmée plus récemment [13]. Des différences marquées en termes d’expression clinique de la maladie existent en fonction du sexe. Les troubles de l’adaptation pré morbide en sont le reflet : alors que les hommes présentent une tendance aux comportements antisociaux et hyperactifs, les filles présentent plutôt une timidité et un repli pouvant revêtir une allure pseudo névrotique et qui contribue à une meilleure adaptation sociale (mariage, éducation, activité professionnelle. . .). L’évolution reste marquée par un meilleur pronostic chez la femme. L’âge de début de la maladie reste une donnée controversée selon que l’on s’attache aux premiers symptômes émergents ou a` l’âge de la première hospitalisation. Cependant, quelle que soit la méthode utilisée, le sex-ratio varie en fonction de l’âge : deux hommes pour une femme entre 15 et 25 ans, égal entre 25 et 35 ans, puis s’inverse entre 35 et 45 ans ; ce dernier rebond semble correspondre, chez la femme, a` la période ménopausique, soulignant une probable influence hormonale. Ces différences observées ne semblent pas seulement dépendre de facteurs culturels (meilleure tolérance de la pathologie chez la femme, influence ethnique, ruralité ou urbanicité . . .). L’expression clinique est également variable selon le sexe : prévalence de troubles cognitifs et de repli chez l’homme, prévalence des symptômes positifs et thymiques chez la femme. Les estrogènes possèdent également une action neuromodulatrice sur le système dopaminergique. Leurs effets s’exercent essentiellement dans le striatum [14] par réduction de la concentration dopaminergique : peut-on parler d’effet « neuroleptic like » ? Un rôle significatif a également été documenté concernant la transmission glutamatergique avec des effets spécifiques de l’œstradiol en fonction de la région cérébrale étudiée chez le rat [15].
  • Age des parents et la saison de naissance : Un âge avancé du père semble être un facteur de vulnérabilité à la maladie. L’accent est plutôt mis, selon plusieurs études, sur l’impact de l’âge paternel au moment de la conception. Quel que soit l’âge maternel, le risque de schizophrénie (et celui du retard mental) augmente avec l’âge du père. Le risque de développer une schizophrénie est multiplié par trois si le père a plus de 50 ans (par rapport à un père âgé de moins de 25 ans). Une des hypothèses envisagées est l’existence de mutations spontanées de l’ADN au niveau des cellules germinales qui seraient favorisées par un âge plus avance´ et qui pourraient être impliquées dans la survenue de novo de schizophrénie (dans environ 90 % des cas, aucun antécédent familial n’est retrouvé) ; cette hypothèse est étayée par le fait que l’âge moyen du père a` la naissance de l’enfant futur schizophrène est plus élevé en cas de forme sporadique. La proportion de naissances hivernales chez les schizophrènes est de 10 a` 15 % supérieure aux naissances estivales [16,17]. De multiples hypothèses sous-tendent cette observation. L’exposition à des agents infectieux ou l’hypovitaminose D intra-utérine semblent les pistes les mieux documentées à l’heure actuelle. Cette observation a été récemment étayée en population générale puisque les performances cognitives (au WISC et au Bender-Gerstalt) des enfants à l’âge de sept ans pourraient être plus faibles chez les sujets nés en hiver ou au printemps que chez les sujets nés en été´ ou en automne [18].
  • Statut social, conditions de vie et urbanicité : Le rôle causal des facteurs sociaux favorisant la survenue d’une schizophrénie reste délicat à évaluer et sa contribution à l’émergence de la maladie reste, encore à l’heure actuelle, relativement peu étudiée avec précisions [19]. Le statut de célibataire semble corrélé au risque de schizophrénie [20], tout comme la résidence en milieu défavorisé [21]. La promiscuité semble jouer un rôle majeur dans l’incidence de la maladie, favorisant l’exposition à des agents infectieux et toxiques. Mais il reste délicat de distinguer causalités et conséquences de la maladie dans ces observations. L’hypothèse d’une synergie entre facteurs de risque environnementaux et facteurs de risque génétiques est étayée par l’étude de Van Os et al. [22] selon laquelle des sujets résidant en zone urbaine et présentant une histoire familiale de schizophrénie ont un risque important (20 fois plus qu’en population générale) de développer la maladie. De plus, si l’on compare une population de sujets immigrants à une population non migrante, le risque de développer une schizophrénie serait multiplié par 2,7 selon une récente méta-analyse [23], bien que des erreurs ou confusions diagnostiques puissent être attribuées aux différences culturelles et linguistiques. Il apparaît cependant récemment que les effets de l’urbanicité ne soient pas médiés par les hypothèses virales, obstétricales et sociales de la maladie [20]. Les notions de discrimination et d’exclusion pourraient jouer un rôle dans l’émergence de la pathologie schizophrénique mais restent des notions extrêmement délicates à étudier [24].

2.4.2. Facteurs biologiques précoces

  • Facteurs infectieux : Une forte corrélation entre survenue de la schizophrénie à l’âge adulte et l’exposition à des agents infectieux durant la période gestationnelle est actuellement démontrée et illustrée par l’excès de naissances hivernales. Cependant, aucune étude n’a pu confirmer avec certitude l’implication d’un facteur infectieux déterminé dans la schizophrénie, et la liste des agents susceptibles d’induire la maladie est particulièrement longue (pour revue [25]). L’exposition durant la gestation au virus influenza est un des facteurs étiopathogéniques infectieux possibles de la schizophrénie les mieux étudiés. De nombreuses données ont pu résulter de la grande pandémie grippale de 1957. Une étude menée en 1993 et portant sur 58 000 patients (nés entre 1956 et 1959) a pu montrer une association significative, chez les sujets de sexe féminin, entre une naissance en février, mars ou avril 1958 et la survenue d’une schizophrénie, lors d’une exposition au virus entre le quatrième et le septième mois de grossesse [26]. La recherche rétrospective, chez les mères de schizophrènes, d’une exposition à la grippe durant la grossesse est une option intéressante mais qui se heurte à de nombreux biais sous-estimant le nombre de cas, comme la qualité des souvenirs en lien avec des faits anciens, comme l’ont montré Vooldgaard et al. [27].

Une autre étude a directement corrélé l’exposition prénatale au virus influenza au développement ultérieur d’une schizophrénie, grâce à l’examen d’une large cohorte de sujets nés entre 1959 et 1966 et suivis entre 30 et 38 ans [8]. Une recherche d’anticorps anti-influenza a été réalisée dans le sérum maternel de 64 sujets présentant une pathologie du spectre de la schizophrénie versus 125 sujets contrôles [28]. Le risque de schizophrénie est sept fois supérieur chez les sujets exposés au virus durant la gestation (premier trimestre). Les modèles animaux confortent cette observation ; en effet, l’administration intranasale de virus influenza à des souris en cours de gestation entraîne des anomalies corticales (atrophie des cellules pyramidales et macrocéphalie par élargissement des structures cérébrales) et comportementales chez les souriceaux devenus adultes. En résumé, de fortes présomptions associent l’exposition durant la grossesse au virus influenza et la survenue ultérieure d’une schizophrénie à l’âge adulte. Des relations entre exposition gestationnelle à des agents parasitaires et future schizophrénie ont été montrées. Dans cette perspective, il a récemment été mis en évidence que les neurotrophines (NT-3 et BDNF), qui sont impliquées dans les processus de neuroplasticité, étaient en partie sécrétées par certaines sous-populations de cellules immunitaires. L’infection de ce type de cellules, secrétant du BDNF ou du NT-3, pourrait donc conduire à des interférences entre système immunitaire et système nerveux central. Dans cette optique, une étude [29] a permis la recherche par PCR de la présence de parasites intracellulaires (Chlamydia psittaci, Chlamydia pneumonia et Chlamydia trachomatis) dans une population de 18 sujets schizophrènes versus 115 témoins. En dépit du faible nombre de sujets schizophrènes inclus, ces auteurs ont mis en évidence une association fortement significative entre la présence de ces parasites intracellulaires et la schizophrénie (9/18 : 50 % ; témoins : 8/115 : 6,97 %).

  • Facteurs nutritionnels et toxiques : L’excès de naissances hivernales chez les sujets schizophrènes est sous-tendu par de multiples hypothèses. Une carence gestationnelle en vitamine D pourrait constituer un facteur de risque majeur en raison de son rôle dans l’expression de gènes et dans le développement du système nerveux central ; cette hypothèse a fait l’objet de nombreuses études. Un travail a permis de rechercher cette association grâce à des sérums maternels prélevés au troisième trimestre de la grossesse et conservés congelés durant plusieurs années [30]. Les auteurs ont constaté une diminution des taux de calcidiol corrélée au développement d’une schizophrénie uniquement chez les sujets noirs. La couleur de la peau pourrait moduler la linéarité entre hypovitaminose D et schizophrénie. Des modèles animaux étayent l’association entre un taux bas de vitamine D en période prénatale et la survenue d’anomalies de la maturation cérébrale [30] ou de modifications de l’expression génique [31]. La carence en vitamine D pourrait ainsi interagir avec certains gènes et modifier le développement cérébral fœtal. La grossesse est une période a` risque durant laquelle l’exposition a` des agents toxiques délétères pourrait augmenter la survenue de pathologies psychiatriques. Cependant et peut être de manière paradoxale, la répercussion de l’exposition prénatale à des agents toxiques demeure peu étudiée. Outre le nombre de biais évidents, l’association entre exposition gestationnelle au tabac et troubles des conduites a été relevée.
  • Facteurs de risque obstétricaux : De multiples travaux attestent de l’association entre complications obstétricales et risque de développer une schizophrénie a` l’âge adulte ; cependant ce risque demeure relativement faible (OR=2) et aucune complication spécifique n’a jamais été´ incriminée [32]. Plusieurs études ont tenté d’explorer les relations entre complications obstétricales et vulnérabilité génétique à la schizophrénie, mais aucun résultat ne s’avère concluant. De plus, il est encore difficile, à l’heure actuelle, de déterminer si les complications obstétricales sont un risque indépendant pour la schizophrénie via les phénomènes d’hypoxie fœtale, si elles interagissent avec un risque génétique de développer la maladie, si elles sont même la manifestation de ce risque génétique ou si elles ne sont qu’un épiphénomène dans la trajectoire du développement de la schizophrénie. Afin de tenter de répondre à ces questions, une étude a récemment été réalisée, incluant 67 sujets schizophrènes, quatre sujets socioaffectifs, 89 germains sains et 60 sujets témoins [33]. Ces sujets étaient strictement appariés pour le niveau social, l’âge maternel à la naissance et au moment de l’étude. Les complications périnatales (mais pas anténatales) sont significativement plus fréquentes dans les antécédents de sujets schizophrènes. Cette étude atteste donc du lien entre complications obstétricales et schizophrénie mais corrobore peu le fait qu’elles puissent être l’expression de la vulnérabilité génétique à la maladie puisqu’elles ne sont pas significatives chez les apparentés sains. Si un facteur génétique est impliqué dans la survenue de complications obstétricales et que ces complications entraînent un risque accru de schizophrénie, alors l’impact direct de ce facteur génétique sur la schizophrénie est réel mais faible et n’entraîne donc pas un risque familial de complications obstétricales chez les apparentés de sujets schizophrènes.

2.4.3. Facteurs de risque tardifs (à l’âge adulte)

  • Facteurs toxiques : La prévalence de l’abus ou de la dépendance à une substance psychoactive (alcool ou toxique) sur la vie entière est estimée à 47 % des patients schizophrènes. La distinction entre facteur causal du trouble psychique et conséquence psychiatrique d’une conduite toxicomaniaque est délicate à établir. Le cannabis est le toxique dont les répercussions psychiques, à court et long terme, sont les mieux étudiées en Europe à l’heure actuelle. Dès 1845, Jacques Moreau de Tours, dans son traité Du haschisch et de l’aliénation mentale, notait que des symptômes psychotiques pouvaient être induits par une consommation de cannabis chez le sujet sain. Cette donnée empirique est désormais bien étayée [34]. Une étude menée pendant trois ans aux Pays-Bas en population générale a permis d’établir une relation entre dose de cannabis consommée et présence de symptômes psychotiques (OR variant de 1,23 à 6,81) [35], constatation confirmée depuis par d’autres travaux. L’âge de début de la maladie est plus précoce depuis le début de ce siècle (de cinq années environ), et parmi 419 sujets schizophrènes, 2 % des sujets nés avant 1945 contre 39 % des sujets nés après 1965 consommaient du cannabis [36]. Cependant, la majeure partie des travaux actuels tend à considérer le cannabis comme un facteur de risque à l’émergence d’éléments psychotiques (de l’hallucination isolée au tableau clinique complet de la schizophrénie), plus ou moins délétère en fonction du génotype de l’individu consommateur. Un usage précoce (durant l’adolescence) pourrait être associé à un risque plus important de manifestations psychotiques, probablement en raison de la poursuite de la maturation cérébrale durant cette période, rendant l’usage du cannabis plus délétère [37]. La majorité des individus consommant du cannabis ne développeront pas une psychose, suggérant que certains sujets pourraient présenter une vulnérabilité´ génétique aux effets du cannabis. Ainsi, l’association cannabis–psychose est fortement marquée chez les sujets vulnérables [38]. Dans cette perspective, il a été´ suggéré que le polymorphisme Val158Met du gène COMT peut opérer comme un facteur de risque a` la psychose dans un contexte environnemental favorisant. Le cannabis [39] et le gène COMT [40] ont été impliqués de manière distincte dans la présence d’anomalies du fonctionnement du cortex préfrontal, qui sont caractéristiques de la schizophrénie et peuvent être considérées comme un endophénotype. Une étude récente [41] a permis de déterminer avec précision l’interaction gène–environnement dans la survenue de phénomènes psychotiques. Dans une vaste cohorte prospective de 1037 enfants (nés entre avril 1972 et mars 1973), les auteurs ont corrélé les polymorphismes du COMT à l’étude de la survenue de phénomènes psychotiques (a` l’âge de 26 ans), chez les sujets consommateurs de cannabis. Les résultats de cette étude rendent compte de la vulnérabilité à l’environnement d’un individu, en fonction de son génotype. En effet, les sujets présentant le polymorphisme Val/Val du COMT ont un risque accru de développer des phénomènes psychotiques (éléments délirants, hallucinations ou trouble schizophréniforme) lors de la consommation de cannabis. Cette observation est moins significative pour les individus porteurs du polymorphisme Val/Met, et enfin ce risque semble négligeable chez les individus porteurs du polymorphisme Met/Met. La neurotoxicité d’une consommation régulière de cannabis chez les sujets schizophrènes est illustrée par l’étude de Jockers-Scherubl et al. [42]. Ce travail visait à comparer le taux de BDNF (brain-derived neurotrophic factor) sanguin, qui pourrait être le reflet du taux cérébral [43], dans une population de sujets sains versus une population de sujets schizophrènes, les deux populations étant séparées en deux sous-groupes en fonction d’une consommation significative de cannabis (0,5 g de cannabis par jour depuis au moins deux ans). Les taux de BDNF sanguins ne différaient pas statistiquement chez les sujets non consommateurs de cannabis (qu’ils soient schizophrènes ou sujets témoins). A contrario, parmi les consommateurs de cannabis, les taux de BDNF étaient statistiquement augmentés chez les sujets schizophrènes. Le gène BDNF avait déjà été identifié comme jouant un rôle probablement majeur dans les conduites addictives, via son implication dans la régulation de l’expression du récepteur dopaminergique D3 dans le noyau acumbens [18]. Une explication alternative pourrait venir de la constatation, chez les sujets schizophrènes versus témoins, d’une augmentation de la densité des récepteurs cannabinoïdes endogènes CB1, et ce notamment dans le cortex cingulaire antérieur et dans le cortex préfrontal dorso-latéral. Ainsi, l’augmentation du risque de schizophrénie chez les usagers de cannabis pourrait indiquer, d’une part, qu’une consommation de cannabis peut constituer un marqueur du développement ultérieur de la maladie et, d’autre part, que les sujets futurs schizophrènes ont une propension plus importante à consommer du cannabis que la population générale. La consommation de tabac est un problème majeur chez les sujets schizophrènes qui pourraient présenter une appétence particulière pour la nicotine en vue d’automédiquer leurs dysfonctionnements cognitifs. De plus, la nicotine est un agent excitateur de la transmission dopaminergique mésolimbique et préfrontale, impliquée dans les processus de renforcements souvent défaillants chez le sujet schizophrène [39]. Une étude menée parmi 270 000 jeunes appelés (16 et 17 ans) de l’armée israélienne révèle qu’une consommation de tabac dans l’adolescence pourrait multiplier par deux le risque ultérieur d’hospitalisation pour prise en charge d’une schizophrénie [44].
  • Traumatismes crâniens : Les constatations du lien entre traumatisme crânien et manifestations psychiatriques sont anciennes. Von Kraft-Ebing publiait en 1868 une série d’observations de désordres psychiques survenant dans les suites de 43 traumatismes crâniens. Kraepelin confirmait cette donnée en 1919 en avançant un lien de causalité entre traumatisme crânien et psychose. Les traumatismes crâniens peuvent engendrer une symptomatologie variée : troubles cognitifs, désordres psychotiques, troubles anxieux et de l’humeur, et agressivité´. Une étude menée parmi 120 sujets schizophrènes (comparés à une population de sujets bipolaires) a permis de mettre en évidence une augmentation significative des antécédents de traumatismes crâniens (21,6 % d’entre eux). Les traumatismes étaient de gravité suffisante pour avoir perturbé le fonctionnement du cerveau et étaient survenus avant l’âge de 20 ans [45]. L’étude de Abdel Malik et al. [46] constate que la maladie s’exprime cinq ans plus tôt chez les sujets schizophrènes ayant subi un traumatisme crânien dans l’enfance (avec une durée médiane de 12 ans entre le traumatisme et le développement des symptômes). L’impact du traumatisme crânien sur le développement ultérieur d’une schizophrénie est une illustration possible des intrications étroites gènes–environnement dans la vulnérabilité à la maladie. Chez des sujets ayant probablement une propension à développer la maladie, toute altération dans la maturation du cortex préfrontal est susceptible d’induire une schizophrénie.

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