Arrow Table de matières
4569869

MONOGRAPHIE DE LA CHEFFEERIE DES BAFULIIRU

A travers ce point, nous voulons analyser différents éléments géographiques de la collectivité chefferie des Bafuliiru notamment le relief, le climat, la végétation et le rôle joué par chacun d’eux dans le rapport entre les Bafuliiru et leurs voisins ainsi que dans l’administration de la chefferie. Nous présenterons aussi la configuration géographique de ladite collectivité et les différentes étapes franchies par le Mwami de Bafuliiru pour acquérir les limites actuelles de la chefferie. Mais aussi le fonctionnement administratif de cette dernière.

  1. PRESENTATION GEOGRAPHIQUE

La collectivité-chefferie des Bafuliiru se trouve dans la Province du Sud-Kivu en territoire d’Uvira. Elle est l’une des trois collectivités qui composent ce territoire. Il s’agit de collectivité des Bavira, de la Plaine de la Ruzizi et des Bafuliiru qui fait l’objet de notre étude.

La collectivité-chefferie des Bafuliiru a une superficie de 1.514,270 km2 compte tenu de cette superficie, elle est la plus vaste de toutes les collectivités d’Uvira et semble constituer un territoire à part. Elle est une collectivité mère de toutes les autres qui ne sont que des créations de l’homme blanc depuis 1928 issu de la chefferie des Bafuliiru. C’est pourquoi, les limites ont posé souvent des difficultés avec la collectivité de la Plaine de la Ruzizi.

  1. Limites de la collectivité des Bafuliiru

Comme nous venons de l’évoquer ci-haut, les limites de cette chefferie ont posé beaucoup des difficultés avant d’en arriver à la situation actuelle. Cela va sans dire que les limites observées aujourd’hui ne sont pas celles qui avaient été tracées par les Belges.

Selon les colonisateurs, les limites géographiques de la collectivité des Bafuliiru se présentent comme suit à partir du 19/3/1933.

L’Est : La rivière Ruzizi jusqu’au confluent avec la Luvubu. De Luvubu jusqu’à Kalinda, A de Kalinda, la chaine de montagne partant de ce lieu jusqu’au Ravin Mize, de ce ravin, la route Costerma-ville (Bukavu) jusqu’à Kawizi ; et de la rivière Kanomo. Cette rivière jusqu’à son embouchure dans la grande MUSONDJO.

Au sud : Au confluent Musondjo jusqu’àKamono, une ligne jusqu’au mont Ngongwa ; la petite Musondjo, depuis sa source jusqu’à son embouchure dans la grande Musondjo. La grande Musondjo jusqu’à son confluent avec Lwindi.

A l’Ouest : Lwindi jusqu’au pied du mont Lutandala jusqu’à la vallée située entre les monts Matiazo et Bihimvu ; le ruisseau Kalongofya sur tout son parcourt parallèle au mont Kaya. Le pied du versant est  du mont Kaya jusqu’à la source de la rivière Kinwalangazi ; cette rivière jusqu’au confluent avec Luvubu. Ce dernier jusqu’à sa source ; de cette source, une ligne rejoignant la source de la rivière Kabundji jusqu’à son embouchuredans Luvimbi[1]

Comme on peut le constater, ces limites engloutissent une grande partiede la collectivité plaine de la Ruzizi. C’est pourquoi ces limites seront rétrécies petit à petit par des conquêtes effectuées par le Mwami Kinyoni de la plaine sur la collectivité des Bafuliiru comme nous le présentons ci-dessous.

  1. Les conquêtes de Kinyoni dans la chefferie des Bafuliiru

Les vagues définies par les colonisateurs ont vite amené les guerres d’expansion de part et d’autre. Le Mwami des Bafuliiru considérait que les villages sur lesquels règne le Mwami de la plaine lui appartenaient toujours. Pour le Mwami de la plaine, il fallait qu’il sache avec précision les villages sur lesquels il devait régner. Une seule solution était possible, à savoir, la guerre entre les deux chefferies sœurs. Le plus fort devait alors s’imposer.

En effet, le chef Kinyoni de la plaine lance une attaque vers le Sud de la collectivité des Bafuliiru.  Il occupe les villages de Kigoma, Mulenge, Kihanga, Kalengera. Ces localités sont occupées sans beaucoup de difficultés étant donné que les Bafuliiru de Nyamugira n’étaient pas encore organisés. Toutefois, de part et d’autre, les militaires étaient armés des lances, couteaux, flèches, machettes et haches. C’est un armement léger.

Après cette victoire au Sud, le chef Kinyoni lance une autre attaque vers le Nord où il occupe les villages de Kiringye, de Kabwiba et Kigwena. Son armée était commandée par le guerrier appelé RUBISHA. A ce niveau, la moitié de la collectivité des Bafuliiru était déjà occupée par Kinyoni, chef de la plaine originaire du Burundi. Il ne lui restait que de prendre Bwesho pour entrer à Lemera, chef-lieu de la collectivité des Bafuliiru.

Les Bafuliiru se réorganisent sous la direction de Katangaza, notable de Bwesho. L’armée des Bafuliiru attendait Rubusha à Bwesho, celui-ci, fier de sa victoire, on le transportait au Brancard. Tout d’un coup, une lance tomba sur lui à Bwesho et àRubusha trouva la mort. Sa mort fut un élément d’affaiblissement de Kinyoni. Ses hommes furent chassés de tous ces villages ci-haut cités mais ils se replièrent sur Luvungi où ils furent ils furent chassés plus tard par les troupes des Bafuliiru, ils s’installèrent à Kiringye où ils reçurent le soutient des colonisateurs. Ce villages reste sous contrôle de la plaine de la Ruzizi jusqu’aujourd’hui y compris d’autres situés à l’Est de la route Bukavu-Uvira jusqu’à Sange.

Après toutes ces guerres qui ont fait beaucoup de dégâts tant matériels qu’humains, les limites de la collectivité des Bafuliiru ont été fixées définitivement comme suit :

  • A l’Est : la rivière Ruzizi et la collectivité plaine de la Ruzizi,
  • Au Sud : la collectivité des Bavira,
  • A l’ouest : la collectivité-chefferie de Lwindi,
  • Au Nord : les collectivités-chefferies de Kaziba et de Ngweshe[2]

En définitive, les limites de la collectivité des Bafuliiru telles qu’elles se présentent aujourd’hui l’ont été après des guerres qui ont opposé deux coutumes différentes : la coutume des Barundi vivant dans la plaine de la Ruzizi et celle des Bafuliiru vivant dans la collectivité des Bafuliiru. Disons aussi que c’est grâce à la force de frappe des Bafuliiru sur les Barundi de la plaine que la collectivité des Bafuliiru se présente comme la plus vaste de toutes les autres qui ne sont que comme des groupements englobant quelques dizaines de localités contre celle des Bafuliiru qui dispose de plus de 110 localités coutumières.

  1. Relief et hydrographie de la collectivité des Bafuliiru

Le relief de la collectivité-chefferie des Bafuliiru est caractérisé par les plaines et les plateaux. Une partie de la collectivité, surtout Est, est composée par les plaines. Il s’agit notamment des villages de Luvungi, Lubarika, Katogota, Kiliba, Runingu et Kawizi. Les localités font partie intégrante de la plaine de la Ruzizi. Le relief de ces lieux varie entre 773 et 1000 m d’altitude à partir du Lac Tanganyika.

MUTAMBO précise que la plaine de la Ruzizi est comprise entre les lacs Tanganyika et Kivu et s’étend de 2°42’ à 3°24’ de latitude sud et de 29° à 29°22’ de longitude Est. Sa superficie est de 3.031 km2 dont 800 km2 en République Démocratique du Congo, le reste se répartissant entre le Burundi et le Rwanda[3]

Remarquons ici que la collectivité-chefferie des Bafuliiru forme une limite avec le Rwanda et le Burundi par la Ruzizi. Le sol de la plaine est sablonneux, ce qui permet la culture des arachides et du coton surtout à Luvungi, Lubarika et Luberizi.

Quant au plateau, la collectivité des Bafuliiru possède deux types de plateau : le Moyen plateau et le Haut plateau. Le Moyen plateau se trouve entre Luvungi et Mulenge où l’attitude varie progressivement entre 100 m et 1800 m. Dans les moyens plateaux nous trouvons les villages ci-après : Namutiri, Ndolera, Bulaga, Langala, Bushokw, Bushuju, Butole, Lemera, Bwesho, Katala, Mulenge pour ne citer que ceux-là.

Le moyen plateau est un milieu favorable à l’agriculture du manioc, de caféier, des bananiers, les haricots et en certains endroits le mais.

D’autre part, le troisième ensemble du relief de la chefferie Bafuliiru est composé de Hauts plateaux. Ceux-ci font partie de la chaine de Mitumba. On y trouve des sommets les plus élevés atteignant plus de 3.00 m d’altitude. Les hauts plateaux constituent une ligne de partage des eaux entre les affluents de l’Ulindi et de l’Elila et torrents qui se déversent dans la rivière Ruzizi et le Tanganyika[4]

Burnotte, après son séjour dans les hauts plateaux entre le 1er juillet et le 13 septembre 1945 a écrit ce qui suit : « La région d’Itombwe est une vaste prairie et un immense plateau qui voisine à 3.00 m d’altitude à l’Est sur la Crête du Lac Tanganyika, descend lentement à l’Ouest à des altitudes de 2.000 m jusqu’atteindre la source de Mwami Fuliiru.

Des villages ci-après de la collectivité des Bafuliiru se trouvent dans ce milieu Lubuga, Bijojo, Kyanzovu, Muhanga, Kagabwe, Rurambo. C’est localités, habités en majorité par la population d’origine rwandaise, demeurent le plus souvent ingouvernables par le Mwami Fuliiru. Profitant de leur situation dans un milieu éloigné de Lemera d’environ 250 km, les notables de ces villages se comportent souvent en insoumis ne font aucun rapport au Mwami.

Par ailleurs, les hauts plateaux sont un milieu favorable aux mouvements perturbateurs de l’ordre étant donné qu’ils échappent souvent à l’autorité du Mwami, mais aussi à cause de son relief qui s’apprête le mieux à la résistance armée. C’est aujourd’hui le bastion des ennemis de la collectivité et de la République.

Le refus du recensement scientifique en est un exemple illustratif qui sera suivi des guerres actuelles qui sont parties de là.

Disons par ailleurs que les hauts plateaux sont favorables à la culture du maïs  et de la pomme de terre qui en constituent un aliment de base. Cela est rendu possible par le climat froid qui domine dans cette région.

Par ailleurs, en ce qui concerne l’hydrographie de la collectivité des Bafuliiru, quelques rivières sont plus importantes : Leza à Butole, importante pour la production du courant électrique à partir du barrage hydroélectrique de Butole qui alimentela cité de Lemera en courant électrique, la rivière Lubumba, importante aussi pour la production du courant électrique à partir de la centrale de Lubumba. Cette centrale alimente en courant électrique la cité de Kiringye et faisait fonctionner l’usine de fabrication d’huile d’arachide à Kiringye ; la rivière Munyovwe qui d’ailleurs recoit les eaux de Leza et Lubunba pour se déverser dans la rivière Ruzizi via la Luvubu, est d’une grande importance dans l’agriculture.

En effet, l’irrigation, des champs à Kiringye et à Bwegera n’est rendue possible que grâce au barrage de Namutiri qui capte les eaux de la Munyovwe et les diriges vers les rivières, vers les champs de sorgho et d’arachides. Sans cette rivière, la riziculture serait impossible à Kiringye et à Luvungi et même l’usine de Kiringye n’existerait pas. Son existence à Kiringye dépend de la présence de la culture du riz et des arachides.

En définitive, le relief et l’hydrographie de la collectivité des Bafuliiru sont d’une grande importance. Les plaines sont favorables à la culture du coton et des arachides, les moyens plateaux sont devenus un lieu de départ de toute perturbation de l’ordre dans la chefferie des Bafuliiru. L’ensemble de ce relief constitue la collectivité des Bafuliiru.

  1. Climat et végétation

La collectivité-chefferie des Bafuliiru connait deux types de climat : le climat chaud et le climat froid. Ces deux types de climat se reportent aux deux types de relief de la collectivité des Bafuliiru que nous venons de présenter. 

La plaine de la Ruzizi appartient au climat semi-aride. Pendant quatre mois allant de juin à septembre, les précipitations mensuelles atteignent une hauteur inférieure à 50mm. La température moyenne est comprise entre 22,5°C. Les températures maxima journalières croissent en fin de la saison sèche de 30,5°C à 35,5°C en septembre alors que les moyennes mensuelles des températures maxima journali7res sont les plus faibles au milieu de la saison sèche et varient de 14,5°C à 17,5°C en juillet. Compte tenu de sa position dans le haut et dans la plaine, la collectivité-chefferie des Bafuliiru connait une masse de vent accrue en suivant surtout la direction de la vallée de la Ruzizi et du Lac Tanganyika.

La conversion thermique et l’insolation fréquente accentuée par le vent descendant du Burundi vers le Lac, détermine le climat du type tropical sec et fort irrégulier dans la plaine de la Ruzizi. A ces températures élevées, à la pluviosité irrégulière et à l’altitude généralement basse de la plaine de la Ruzizi, s’opposent une pluviosité abondante et régulière, de températures tempérées par l’attitude élevée des plateaux.

La température élevée de la plaine diminue progressivement à cause de l’augmentation de la dénivellation qui diminue de 1°C pour les 180m d’attitude[5]

Dans les hauts plateaux, on remarque par contre la décroissance en altitude qui ne respecte pas exactement la gradation thermique théorique de 6°C pour 100 m. Elle est de 24°C à 100m, 21°C à 1500m, 18°C à 2000m, 15,6°C à 2400m, 12°C à 3000m. La décroissance de la température est inférieure de 1°C à la moyenne théorique[6].

Par ailleurs, les contrastes climatiques influencent les sols et la végétation. L sècheresse qui sévit dans la plaine de la Ruzizi nuit à la valeur de la fertilité du sol. La végétation y est  représentée par une savane arbustive dégradée.

Par contre, les hauts plateaux de la chefferie des Bafuliiru connaissent des conditions favorables. Les précipitations et leur régularité permettent une végétation forestière. On y trouve des savanes arborées, des forets galeries, des bambouseraies et une forêt équatoriales dense[7].

Disons aussi qu’en dehors des plaines et de hauts plateaux, la collectivité des Bafuliiru connait un climat de transition entre la sècheresse de la plaine et le climat froid de haut plateau. Il s’agit d’un climat humide s’étendant entre Namutiri et Katala. Il s’agit d’un milieu favorable à l’agriculture de manioc, de café et des haricots.

La population des Bafuliiru préfère vivre dans ces villages à cause de la douceur  du climat adapté à la vie des hommes. C’est pour cette raison même que les missionnaires protestants avaient choisi d’installer leur grande mission à Lemera.

S’agissant des hauts plateaux, il s’agit d’un milieu ayant un climat très froid auquel les étrangers de la région ne s’y adaptent pas. Cependant, les hauts plateaux sont un repaire sûr et propice pour des bandes armées qui s’adaptent à ce climat. Là, ils vivent sans crainte, à cause de l’hostilité du climat vis-à-vis des étrangers.

  1. CADRE ECONOMIQUE

            La collectivité-chefferie des Bafuliiru est le poumon économique du territoire d’Uvira sombrait dans des disettes. Plusieurs produits agricoles comme le manioc, les haricots, les arachides, le café, le bananier, le riz, le maïs qui alimentent le territoire proviennent de la collectivité des Bafuliiru et assurent l’alimentation de la zone

            Ici, il ne sera pas question de détailler les mécanismes de culture de chaque plante, mais il est question de donner le rôle joué par certaines d’entre elles dans l’économie de la collectivité, de la zone et de la province.

  1. LE MANIOC

Selon la tradition orale, le manioc est venu de Lwindi amené par les Bafuliiru lors de leur migration. Le manioc constitue l’alimentation de base du Mufuliiru. Partout où ils sont, les Bafuliiru ne rêvent que du foufou de manioc. Chez les Bafuliiru, avoir un champ de manioc est une richesse. Pour KIRU : «  Le manioc constitue l’aliment de base des populations Bafuliiru en général et en particulier ceux (sic) de la plaine de la Ruzizi et de la collectivité des Bafuliiru. Ses feuilles sont aussi comestibles, ses tiges servent au bois (sic). Il a beaucoup de succès dans tous les Bafuliiru et personne ne s’en écarte[8].

            Le manioc joue un rôle important dans le bon fonctionnement de l’administration de la collectivité. 80%  des taxes perçues ne le sont que du manioc. Ce qui permet aux receveurs de remplir la caisse de l’Etat aussi bien au niveau de la collectivité qu’au niveau de la zone qui elle aussi envoie ses taxes dans les marchés de la collectivité des Bafuliiru.

            Sur le plan provincial, le rôle du manioc de la collectivité des Bafuliiru ne pas à démontrer. Des camions partent chaque lundi, mercredi et vendredi pour acheter le manioc dit Rubanga à Rubanga, à Luvungi, à Luberizi et à Ndolera. Des dépôts de l’Essence Major-Vangu sont toujours pleins de manioc de Rubanga.

  1. LES BANANIERS

Plante vivrière exigeant une température moyenne annuelle de 20° C et une précipitation de 100 mm/an. Le bananier s’adapte presque partout dans la collectivité des Bafuliiru. Le bananier y joue un rôle important dans la coutume. Et pour cause quelqu’un qui veut se marier doit se munir d’une cruche de jus de banane appelée en Kifuliiru : « I mbindi y a mavuyoKudeterakwo ». C’est-à-dire la cruche de jus qui vous permettra de parler. Ce qui signifie qu’on ne peut rien faire de sérieux sans le jus de bananes. Qu’il s’agisse de la cérémonie de mariage, ou de la levée de deuil, la cruche de jus de bananes doit être présenté à l’assemblée. L’orateur ne peut rien dire de valable dans le cas contraire.

Donc, le jus de bananes possède une signification coutumière chez les Bafuliiru. C’est pourquoi derrière chaque maison se trouve toujours une plantation des bananiers.

Selon Edmond SIMBA, le bananier a une valeur rituelle chez les Bafuliiru au moment des accouchements. Car, il indique l’endroit où l’on a enterré le cordon ombilical de certains enfants. Ces derniers sont respectés eu égard à leur rôle de moment.

  1. LE RIZ (PADDY)

Le riz cultivé au Bufuliiru appartient au genre Oryza et à la seule espèce Ozyresatira. Ses différentesvariétés sont IR5 ; L9 ; IRON 282. Le riz constitue  plus une source de revenu qu’une alimentation chez les Bafuliiru au CEP Kabwe, à Kaliri et au centre de développement communautaire (C.D.C.) base à Kiringye.

Pour les Bafuliiru, le riz est une plante d’exportation. On ne le consomme pas beaucoup, bien qu’il soit produit en quantité suffisante. La grande quantité est seulement du riz, on considère qu’on n’a pas mangé du tout. D’où le repas de riz, doit être complété p          ar du foufou de manioc.

  1. LES HARICOTS

Le haricot est cultivé dans le centre de Lemera à partir de Rubanga jusqu’à Mulenge. Cette plante s’adapte mieux au climat tempéré d’altitude. Comme le riz, le haricot constitue aussi une plante d’exportation. On le vend à un prix moins cher parce que le Mufuliiru n’est pas habitué à consommer le haricot. Il en mange mais en très petite quantité. Pour le repas de haricots, il faut toujours avoir le foufou de manioc à côté. Les haricots de la collectivité des Bafuliiru sont vendus à Bakavu, et à Uvira. Une autre quantité est exportée au Burundi et au Rwanda.

            Bref, le riz et les haricots plantes vivrières cultivées dans la collectivité des Bafuliiru, ne sont pas très consommés. Ils constituent un aliment secondaire chez les Bafuliiru.

  1. LES MAÏS

On le cultive un peu partout dans la collectivité de Bafuliiru. Il est cultivé dans la plaine de la Ruzizi, notamment à Luvungi et dans les Hauts Plateaux où il constitue l’alimentation de base. Il est consommé par plusieurs habitants de Hauts plateaux. Le maïs n’est pas préféré par les Bafuliiru.

  1. L’ARACHIDE

Elle est cultivée surtout à Luvungi et à Lubarika. On peut le trouver aussi à Lemera et à Rubinga. Les arachides du Bafuliiru sont exportées au Rwanda et au Burundi. Une autre quantité est vendue à Bukavu.

  1. LE CAFE

Il exige une température variant de 22° à 27°C sur une attitude de 500 à 800m. Deux espèces de café existent dans la collectivité des Bafuliiru : le café arabica et le café robusta. L’espèce arabica est la plus répandue dans la collectivité.

            C’est une culture d’exportation du café vers le Burundi ne se faisait que pendant la nuit par des fraudeurs. Ces derniers quittaient la collectivité aux environs de 20 heures transportant des paquets de café sur la tête.  Une personne pouvait transporter un sac de 40 à 50 kg de café sur la tête.

            La route à parcourir de Lemera au Burundi était longue et dangereuse, les fraudeurs devaient marcher en groupes constitués selon les villages d’origine jusqu’à la rivière Ruzizi où ils attendaient le jour pour traverser par des pirogues.

            Les militaires basés à Luberizi et les policiers de la collectivité basés à Luvungi les attendaient sur le parcourt. Les fraudeurs arrêtes par les militaires étaient envoyés à Lemera auprès du Mwami ou incarcérés par les militaires dans le camp.

Quant à leurs bagages, les militaires les confisquaient purement et simplement. Malheureusement, le café ainsi récupéré ne l’était pas pour le compte de l’Etat, mais pour celui des récupérateurs qui a leur tour allaient le vendre.

  1. CADRE CULTUREL

La culture, dit-on, est l’ensemble des valeurs qui forment la cohésion d’un groupe social. Il s’agit de l’ensemble composé de langue, religion, les œuvres d’arts etc. Selon le petit Larousse, «  La culture est définie comme l’ensemble des structures sociales et des manifestations artistiques, religieuses, intellectuelles qui définissent un groupe, une société par rapport à une autre. C’est en effet, l’ensemble des traditions, de structures et de savoir-faire qui assure un code de comportement implicite et la cohésion à l’intérieur de l’entreprise.[9] »

Cela étant les Bafuliiru ont un mode de vie qui leur est propre. Ils conçoivent et coordonnent la société en tenant compte des normes de la coutume. Les Bafuliiru ont conservé certaines traditions bonnes ou mauvaises que nous voudrions présenter comme suit :

  1. La sorcellerie et la divination

La sorcellerie se définit comme une opération magique d’origine mystérieuse qui semble relever de pratiques magiques des forces surnaturelles. C’est une capacité de guérir ou de nuire, propre à un individu au sein d’une société, d’un groupe donné par des procédés et des rituels magiques[10].

Le peuple fuliiru croit à l’existence des sorciers. Est jugé sorcier chez les Bafuliiru, un homme ou une femme plus âgée. On croit aussi que celui a une déformation au corps, est un sorcier. Celui qui est mal habille est aussi supposé sorcier.

Soulignons donc que la sorcellerie chez les Bafuliiru est un fait avant tout psychologique. On suppose toujours que tel vieux est un sorcier, mais jamais tel jeune. Les soupçons pèse plus sur les femmes qui sur les hommes. Cependant, les vrais sorciers existent.

Selon les gardiens de la coutume, le sorcier fuliiru est exigeant. Quand il demande quelque chose, il faut qu’il l’obtienne, faute de quoi le châtiment est inévitable, et ce châtiment c’est la mort par envoutement. Le sorcier qui croit en puissance expérimente sa nouvelle force sur les autres hommes pour s’assurer de son efficacité[11].

Plusieurs d’autres raisons poussent le sorcier fuliiru à agir négativement

-La richesse expose son détenteur à la sorcellerie.

            Quant à la magie, elle ne consiste qu’à détecter le sorcier qui nuit à la famille. Cet art est appelé chez les Bafuliiru «  IKIHANGO ». Il se fait de deux manières : Premièrement, le devin allume un grand feu où il place une casserole remplie d’eau. L’eau bout à 100° C, il y jette une barre de fer et demande au présumé sorcier l’en retire sans être brulé, alors il n’est pas sorcier. Cependant, il est rare que celui qui plonge la main dans cette eau bouillante l’en sort saine et sauve.

            La deuxième épreuve consiste à chauffer une barre de fer à rouge. Le divin amène un petit fil de cisaille, l’attache sur un petit morceau de bois d’un bout à l’autre. La corde est enduite d’huile magique. Le divin  rassure le présumé sorcier qu’il peut faire passer cette barre de fer chauffée sur cette corde sans qu’elle ne brûle et se rompe s’il est innocent. Mais, si la corde brule, il est indiscutablement sorcier.

            L’épreuve de sorcellerie a occasionné beaucoup de décès des personnes jugées sorcières. Une fois confirmé sorcier, le sorcier est maltraité par les jeunes jusqu’à la mort. Des cas ont encore frais dans la mémoire collective. L’épreuve de la sorcellerie était officiellement organisée. Elle était présidée par Monsieur  NAMUGUTA au nom du Mwami. Le président devait recourir aux services du devin appelé MAYOMBE, présenté comme un vrai détecteur des sorciers. Le test de la sorcellerie centralisé à Lemera constitua un élément d’unité des Bafuliiru divisés dans trois collectivités différentes. Il est une prérogative du seul Mwami des Bafuliiru sur toute l’étendue du territoire d’Uvira.

C’est pourquoi, tous les Bafuliiru viennent de Luberizi, d’Uvira, de Luvungi et de Rubanga pour consulter le devin. Ce test, bien qu’élément d’unité dans la dispersion, n’est pas soutenu par tout le monde. Les chrétiens combattent le Kihango et demandent au Mwami de le supprimer. Mais, vu son importance financière, le Mwami ne s’est jamais résolu de le supprimer.

  1. La mort et le deuil

            Les Bafuliiru admettent que la mort existe seulement pour les vieilles personnes. Les jeunes gens ne peuvent mourir que sous l’effet d’un agent externe. Généralement, le deuil se fait pendant sept jours. Au cours de cette période, les gens passent la nuit à l’extérieur au domicile du défunt autour d’un feu.

          La levée du deuil se fait par étape :

  • La première étape consiste à annoncer au Mwami que son sujet est mort, lui dire les circonstances de sa mort et lui demander l’autorisation de lever le deuil. Pour la circonstance, la formule traditionnelle est : «  TwabikaIbwamikwomunduwageashaja ». C’est à-dire nous annonçons au Mwami que son sujet n’est plus ».

A son tour, le Mwami répond selon une autre formule traditionnelle, «  Mugende, Muhiveishenge ne ngulube, mutumite, mugitule mwami iriilirinyeru ». C’est-à-dire, «  je vous ordonne d’aller à la chasse du sanglier et du lièvre. Tuez-les et purifiez-les et amenez-les comme tribut chez le Mwami en étant propre ».

            Cette parole du Mwami veut tout simplement dire qu’il autorise à ceux-là qui veillaient à l’extérieur de rentrer dans leurs maisons et vivre encore avec leurs femmes afin d’avoir d’autres enfants en remplacement de celui qui est mort.

            La pratique se heurte de nos jours à l’opposition de la religion protestante qui ne veut plus supporter de telles formules en public, formules qu’elle juge païennes. D’où, le dilemme du Mwami qui ne sait plus s’il faut écarter cette pratique comme le veulent les chrétiens ou s’il faut continuer à préserver la coutume.

  1. La croyance religieuse

Dans ce point, il n’est pas question d’analyser les croyances traditionnelles au Bafuliiru, mais de parcourir en bref les deux grandes religions chrétiennes qui prédominent dans la collectivité après un aperçu de la croyance traditionnelle des Bafuliiru.

  1. La croyance traditionnelle des Bafuliiru

Il est évident qu’avant l’arrivée de missionnaires protestants et Catholiques, les Bafuliiru croyaient à un dieu appelé RUREMA. Il est considéré comme le créateur de tout ce qui existe sur la terre et dans le ciel, il est invisible et insaisissable. Sur la terre, Rurema se fait représenter par des prêtres desquels, les Bafuliiru présentaient tout ce qui leur paraissaient difficile dans la nature. Les prêtres les plus importants. Les prêtres les plus importants sont MUSHABO, BUDISI et MUGAJALUGULU.

Nous rejoignons ici l’affirmation de Des champs : «  Il semble que chez tous les peuples africains, on trouve la notion de dieu suprême. L’importance de son rôle dans les affaires du monde est diversement appréciée. Le plus souvent, il est considéré comme lointain pour être facilement accessible et le culte s’adresse aux dieux secondaires chargés des affaires qui sont plus ou moins ses messagers[12] ».

  1. LA RELIGION CATHOLIQUE

A propos de l’Eglise Catholique, la première chapelle fut érigée à Luvunge en 1933 et était sous contrôle de la paroisse de Nyangezi.  Dans son développement, l’Eglise Catholique subit l’influence des Banyamulenge à partir de 1974. Ainsi, la diaconie de Bibangwa devint le milieu où se jouait toute la politique anti fuliiru menée par les Banyamulenge. Cette diaconie facilita même l’armement des populations Tutsi de Hauts Plateaux. L’Eglise Catholique offrait alors du soutien aux saboteurs, de l’administration aussi bien des Bafuliiru que de nation Congolaise  tout entière. Elle n’attisa pas le canal de l’évêque, la haine et les divisions opposant les Bafuliiru et les habitants des Hauts Plateaux.

  1. LA RELIGION PROTESTANTE

La collectivité des Bafuliiru entra en contact avec la religion protestante lors de l’arrivée à Ndolera de Madame FLOOD, le 01/05/1923. Le chef-lieu de la collectivité fut visité par le missionnaire ASPENLIN le 24 décembre 1924, à la suite d’une convention signée entre autorité territoriale d’Uvira et les missionnaires protestants. Selon cette convention, les missionnaires avaient le droit à deux hectares de terres. Elle fut signée le 15/07/1924 et devait être renouvelée cheque année[13].

            C’est donc à partir de ce moment que le protestantisme gagna du terrain en collectivité des Bafuliiru. Des Eglises furent construites d’abord à Lemera, Ndolera, Luvungi, puis Kigoma etc.

Tableau n°2 : Démographie de la population de la chefferie des Bafuliiru pour l’année 2011

SUBDIVISION ADMINISTRATIVE

POPULATION CONGOLAISE EN MILIEU COUTUMIER

POPULATION CONGOLAISE HORS MILIEU COUTUMIER

TOTAL

POPULATION ETRANGERE

TOTAL

GROUPEMENT

H

F

G

F

Total

H

F

G

F

Total

LEMERA

25022

27122

29715

32383

114242

30

40

65

87

222

25052

27162

29780

32470

114464

114464

LUVINGI-ITARA

31427

34965

42670

48382

157444

25

30

42

50

147

31452

34995

43612

48542

1586001

1586001

KIGOMA

24725

34635

33340

47217

139917

15

26

30

50

121

24740

34661

33370

47247

140018

140018

RUNINGU

12720

15382

18405

23144

69651

25

35

45

52

157

12745

15417

18450

23196

69808

69808

MUHUNGU

6350

7680

8992

10656

33678

30

35

55

59

179

6380

7715

9047

11715

34857

34857

100244

119784

133122

161782

514932

125

166

237

298

826

100369

119950

134259

163170

517748

517748

Source : chefferie de Bafuliiru.

[1]Archives de la Division Provinciale de L’administration du Territoire, rapport de la collectivité des Bafuliiru. P.V d’investiture du 09 mars 1933.Cpie conforme à la photocopie, Lemera 04 octobre 1986.

[2]Rapport annuel 1986, administration du territoire collectivité-chefferie des Bafuliiru. Situation du 31 décembre 1986.

[3]J. MUTAMBO Les Banyamulenge : Qui sont-ils ; D’où viennent-ils, Quel rôle ont-ils joué dans la Libération du Zaïre ?, imp. St Paul, Limete/Kinshasa, mars 1997, p.6

[4] Idem, p. 8.

[5] J. MUTAMBO, Op.cit p.8.

[6]G. ZEIS, Cité par J. MUTAMBO, Op.cit., p. 11.

[7] J. MUTAMBO, Op.cit, p.12.

[8]KIRU WA KABAKA KYAMANWA, Informateur interviewé à Lemera, Le 19/04/2016.

[9]  ANONYME

[10] Entretien avec un gardien de la coutume à Lemera, le 19/04/2016.

[11]Idem

[12] Hubert, DES CHAMPS., Les religions de l’Afrique noire, coll. Que sais-je, Paris, 1965, P.30.

[13]Entretien avec le Révérend Pasteur MBOZI à Lemera, le 20/04/2016.

Partager ce travail sur :