Ce travail s’intitule : Impact des rebellions congolaises sur le pouvoir coutumier politique dans le groupement d’ITARA-LUVUNGI (1996-2014).
Le choix de ce sujet n’est pas un fait du hasard. Il a été motivé par une raison personnelle et une raison scientifique.
Le Groupement d’Itara Luvungi est notre résidence naturelle. C’est là que nous sommes nés et avons grandi. Nous y avons assisté à la détérioration de la situation sécuritaire depuis le déclenchement de la rébellion de l’AFDL en 1996. Depuis longtemps nos villages sont en proie à la violence sous toutes ses formes.
Selon nos grands parents et nos parents, la Plaine de la Ruzizi a toujours été un foyer des tensions. Aussi, la violence actuelle, avec les massacres de Mutarule (2014) comme point culminant, trouve plusieurs explications dans l’histoire de la plaine et entretiendrait des liens avec l’instabilité observée au niveau du pouvoir coutumier.
Nous avons ainsi voulu en savoir plus sur les racines du conflit de pouvoir coutumier chez nous, et ses différentes métamorphoses pour envisager des perspectives de gestion de ce conflit.
Nous avons voulu sous soumettre à un exercice scientifique obligatoire pour tout étudiant à la fin d’un cycle d’études universitaires. Revisiter et analyser les études de nos prédécesseurs à la lumière de l’évolution récente de l’histoire de la plaine de la Ruzizi apportent sans faute une pierre non négligeable à la construction de l’histoire socio-politique de la Plaine de la Ruzizi en générale et d’Itara-Luvungi en particulier.
Se situant dans la collectivité chefferie des BAFULIRU, le Groupement d’Itara-Luvungi connait depuis plusieurs années des difficultés ayant trait à la gestion du pouvoir coutumier. Après la mort du Chef coutumier KIMBUMBU due à un accident de circulation et survenue en 1955, les difficultés commencèrent à s’observer entre la population et le tuteur (CHALUPA) qui voulait usurper le pouvoir car le prince n’avait pas encore l’âge de franchir le pouvoir. Après ses études à Nyangezi, le prince ayant grandit, réclama son pouvoir au près du tuteur, ce dernier refusa et commençant à mobiliser les Barundi[1] pour venir troubler l’ordre sécuritaire dans le Groupement en commença par Luvungi.
Le règne du Président Mobutu n’a pas trouvé des solutions appropriées à cette crise. Avec le déclenchement de la rébellion de l’AFDL en 1996 s’ajoute une dimension extérieure : la transposition du conflit Burundais dans la plaine. Les conflits de succession dans le Groupement d’Itara-Luvungi s’insèrent désormais dans un réseau d’intérêt politique et économique aux dimensions à la fois nationale et régionale.
En choisissant ce sujet, nous voudrions répondre à une série d’interrogations dont les principales sont :
Plusieurs auteurs ont donnés chacun en ce qui le concerne une définition du concept d’hypothèse. Nous retiendrons celle de Madeline GRAWTZ [2]
Les hypothèses ci-après nous ont servi de fil d’Ariane tout au long de cette recherche :
Ce travail s’intéresse géographiquement au groupement d’Itara-Luvungi. Celui-ci est situé dans la chefferie de Bafuliiru en territoire d’Uvira et plus précisément dans la Plaine de la Ruzizi au Sud-Kivu.
Le Groupement d’Itara-Luvungi est limité [3] :
Nous ne nous empêcherons pas de quitter de temps en temps ce cadre spatio-temporel chaque de la compréhension d’un événement nous l’exigera.
Ce TFE traite de la période allant de 1996-2014. La première date, « terminus a quo », correspond avec le déclenchement de la rébellion menée par l’AFDL et dont les incidences ont été palpables dans la Plaine de la Ruzizi en général et dans le Groupement d’Itara-Luvungi en particulier.
La deuxième année qui constitue notre « terminus ad quem », a été caractérisée par la montée de la violence perpétrée par les milices ethniques dans la Plaine de la Ruzizi et dont le point culminant a été le massacre de Mutarule du 06 au 07 juin 2014. Ce massacre a conduit à la consolidation des clivages ethniques dans la plaine avec des répercussions certaines sur la stabilité du pouvoir coutumier.
Pour réunir la matière utile à la rédaction de ce travail, nous avons fait recours aux sources écrites, aux témoignages oraux et aux documents.
S’agissant des sources écrites, nous avons lu les travaux de nos prédécesseurs que nous avons pris soin de mentionner dans la bibliographie finale. Nous avons également consulté les archives du territoire d’Uvira et celles du Groupement d’Itara-Luvungi. Les informations tirées de ces documents ont été complétées par les témoignages oraux.
En effet, nous avons eu des interviews directes avec les autorités coutumières, avec certaines personnalités dites notables et les membres de la société civile. Les informations de première main qu’ils nous donné ont permis de saisir l’évolution sociopolitique récente dans la plaine de la Rizizi en général et dans le Groupement d’Itara-Luvungi en particulier. La liste des informateurs concernés se trouve à la fin de TFE.
Pour rédiger ce TFE nous avons fait appel à la méthode historique dans ses deux approches : l’approche génétique et l’approche diachronique.
L’élaboration et l’aboutissement de ce travail n’ont pas été faciles. Au cours de nos recherches, nous avons fait face à plusieurs difficultés dont les plus décourageantes étaient liées aux problèmes pécuniaires et à l’éloignement de notre terrain de recherche par rapport à Bukavu où est implanté l’ISP, notre institution où notre présence était exigée durant toute l’année académique.
La situation sécuritaire qui prévaut actuellement dans la Plaine de la Ruzizi en général et le Groupement d’Itara-Luvingi en particulier, suite à l’activisme des groupes armés, ne nous a pas rendu la tâche facile non plus. Plusieurs Bafuliiru et Barundi ont été très réservés face à notre questionnaire d’enquête à cause de cette situation sécuritaire.
Il nous a donc fallut beaucoup de patience et des visites répétées dans la Plaine de la Ruzizi pour venir à bout de ces difficultés et produire le présent travail.
Ce travail de fin d’étude est subdivisé en trois chapitres hormis l’introduction et la conclusion.
Le premier chapitre est consacré à la présentation du milieu d’étude. Il décrit d’abord géographiquement le Groupement d’Irata-Luvungi. En suite il présente un bref aperçu historique. Enfin il s’étend sur la structure du pouvoir coutumier.
Le second chapitre dresse un aperçu sur le pouvoir coutumier dans le Groupement d’Itara-Luvungi. Il comporte deux grandes sections : la première évoque quelques grands règnes d’avant 1996. La seconde traite des principaux règnes et périodes de régences après 1996.
Enfin, le troisième chapitre se penche sur l’évolution politique d’Itara-Luvungi à partir de 1996, année de déclenchement de la première guerre dite de libération, et 2014 année marquée par des massacres à répétitions à Mutarule et dans les contrées environnantes. Il s’agit plus précisément d’analyser l’impact des différentes guerres congolaises et de l’action des groupes armés sur l’évolution politique récente du groupement d’Itara Luvungi, et plus précisément sur le pouvoir coutumier.
[1] Une partie de la population d’origine burundaise habitant dans la plaine de la Ruzizi qui était mobilisée pour troubler l’ordre sécuritaire dans la plaine de la Ruzizi.
[2] GRAWTZ , M., cité par USUNGO, U., Cours d’Initiation à la Recherche Scientifique, G2 HSS, ISP/BUKAVU, Inédit, 2013-2014
[3] Archives du bureau du Groupement d’Itara-Luvungi, Rapport annuel 2010