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CHAPITRE I. INTRODUCTION GENERALE

I .1. Problématique   

Depuis la première utilisation de la D-tubocurarine en  anesthésie qui remonte classiquement a` 1942 (1), l’utilisation des curares s’est largement banalisée avec l’apparition des produits de synthèse plus maniables, sans toujours toutefois en évaluer le bien-fondé´. En 1996, une enquête sur la pratique de l’anesthésie en France retrouve que chez les 5 614 000 patients anesthésiés pour chirurgie dans l’année, 55 % d’entre eux ont reçu un curare soit plus de trois millions (2). Il apparait que l’usage le plus fréquent en termes de curarisation consiste en l’administration d’un curare pour faciliter l’intubation trachéale(2). Cette pratique courante n’a été évaluée rigoureusement que récemment au cours  d’une conférence de consensus tenue en 1999 sur  l’usage des curares en anesthésie et a fait l’objet des recommandations encadrant de cette  pratique en France (3,4).  

La curarisation est une pratique largement utilisée au sein des blocs opératoires. Ses principales indications concernent l’intubation de la trachée et le relâchement musculaire nécessaire pour certains types de chirurgie comme la chirurgie abdominale (5). L’anesthésie  correspond à  une privation générale ou partielle de la faculté de sentir (6). Elle recourt à plusieurs moyens pharmacologiques pouvant assurer un état d’inconscience ou  narcose, une analgésie,  un relâchement musculaire ou myorelaxation et une protection neurovégétative à des degrés divers  (7). La  myorelaxation est une composante habituelle de l’anesthésie. Elle facilite l’intubation trachéale et diminue le tonus musculaire afin de faciliter le geste chirurgical. Elle  améliore l’efficacité de la ventilation mécanique et  garantit l’immobilité (8).

Malheureusement cette pratique est attachée à certains inconvénients dont le plus important est la curarisation résiduelle (9, 10,11). Si certains pays d’Europe et d’Amérique du Nord ont évalué leur pratique concernant l’usage des curares (12, 13, 14,15)  ce n’est pas le cas de la RD. Congo où aucune donnée sur les modalités de l’utilisation des curares n’est disponible.

A l’induction anesthésique, les curares utilisés lors de l’anesthésie,  facilitent l’intubation par leur action sur le relâchement des muscles laryngés et l’ouverture des cordes vocales, permettant de diminuer leurs lésions (3) et l’utilisation de moins d’hypnotiques. Les muscles respiratoires dont le diaphragme, les muscles adducteurs du larynx et orbiculaire sont deux fois moins sensibles aux curares que l’adducteur du pouce, donc la dose de curare nécessaire sera deux fois plus importante (16).

La Société Française d’Anesthésie et Réanimation (SFAR) a émis des recommandations sur l’utilisation péri opératoire des curares. La prévention  de la curarisation résiduelle repose essentiellement sur l’évaluation clinique, le monitoring neuromusculaire, l’usage des curares à durée d’action courte ou intermédiaire ainsi que l’administration des antagonistes à des doses appropriées. L’application rigoureuse de ces recommandations semble   diminuer respectivement de 62% en 1995, 27% en 2000, 9% en 2002 et 3,5 % en 2004 la prévalence de la curarisation résiduelle en salle de surveillance post interventionnelle (SSPI) (17).

Lorsqu’on parle de curarisation, on ne peut pas  évoquer le risque de curarisation résiduelle et les inconvénients de la succinylcholine. Un patient décurarisé est défini par un T4/T1 au train de quatre supérieur ou égal à 90%. Jusqu’en 2008 la molécule permettant d’accélérer la décurarisation était la néostigmine. L’usage de cette molécule a des contre-indications relatives, ne permettant pas son usage systématique chez tous les patients. Viby-Mogensen et al. en 1979 avaient montré la limite de l’évaluation clinique de la curarisation résiduelle, une pratique a toujours focalisé l’intérêt des praticiens  depuis plusieurs années. Cette étude avait révélé que 42% des patients jugés cliniquement  décurarisés avaient une curarisation résiduelle au monitorage neuromusculaire (18). Cette dernière constitue par sa prévalence et sa morbidité un problème majeur de la pratique anesthésique (19). En dépit de l’avancée des connaissances pharmacologiques, notamment la mise à disposition des praticiens  des nouvelles molécules de durée  d’action courte ou intermédiaire, la prévalence de la curarisation résiduelle reste élevée. Dans une étude observationnelle incluant 568 patients, Baillard et al. en 2000 avaient trouvé une prévalence de curarisation résiduelle de 33% à l’arrivée en salle de surveillance post interventionnelle(SSPI). Ils avaient lié cette prévalence élevée aux mauvaises pratiques anesthésiques : le monitorage de la curarisation était réalisé dans 11 cas sur 568 et l’antagonisation dans 1 cas sur 568 (20). Debaene et al. en 2003 avaient évalué  la curarisation résiduelle deux heures après une seule injection d’un curare à durée d’action intermédiaire. La curarisation était encore présente chez 37 % des patients (21).

La curarisation, plus particulièrement la prévention et la surveillance de la curarisation résiduelle, a en effet enregistré d’énormes progrès ces dernières décennies. Cependant la curarisation résiduelle n’a pas été totalement supprimée. Sa prévalence reste élevée. Elle augmente, chez le sujet éveillé, la morbidité postopératoire. Elle expose à plusieurs conséquences, notamment l’hypoxémie, des infections respiratoires postopératoires et même des décès ou lésions cérébrales définitives (22).

Le développement du sugammadex permet une antagonisation spécifique de curares stéroïdiens.

Sa mise à disposition en pratique clinique a permis une vision moderne de l’anesthésie dans la même lignée que le rémifentanyl ou le propofol ; une anesthésie rapidement réversible. Le sugammadex antagonise les curares stéroïdiens, tels que le rocuronium et vécuronium. Le rocuronium  a un délai d’action court, permettant son utilisation lors d’induction à séquence rapide en alternative à la succinylcholine, mais non-utilisé jusqu’à lors du fait de sa longue durée d’action. Le sugammadex serait une voie de secours pour la modification de nos pratiques afin de réduire le risque de curarisation résiduelle, sur des interventions chirurgicales programmées ou en urgence(23).Mais dans le pays comme la RD. Congo, ces différentes molécules, en pratique  sont de très loin non utilisées dans les hôpitaux. L’antagonisation est une pratique pour éliminer les curares (décurarisation) dans le cas où l’intervention prend fin avant que le produit curare ne soit  métabolisé. Dans nos hôpitaux l’antagonisation se fait cliniquement sans monitorage. Pourtant c’est lors du monitorage que se réalise le suivi de l’élimination du curare chez le patient en préopératoire (24).

Au Sud- Kivu,  il n’existe pas des données épidémiologiques en rapport avec l’utilisation des curares . Ils sont utilisés en l’absence de monitorage neuromusculaire. L’évaluation de la curarisation résiduelle est faite sur base des critères cliniques. Aucun état des lieux en rapport avec l’utilisation des curares n’a jamais été établi. Ainsi, il nous a paru nécessaire de réaliser la présente étude. L’évaluation  de la prévalence et des facteurs de risque de la curarisation résiduelle constituent encore  une lacune à relever.

Ce sont toutes ces inquiétudes qui nous ont poussées à nous poser les questions suivantes :

  • Quel est l’état des connaissances des praticiens d’anesthésie sur l’usage des curares du Sud-Kivu ?
  • Quelles pratiques courantes utilisées pour la prise en charge des patients en per et postopératoires en rapport avec la curarisation ?
  • Les anesthésistes de trois structures sanitaires précitées respectent-ils les recommandations de la SFAR en rapport avec l’usage des curares  administrés aux patients en per et post opératoire ?

I.2. Objectifs

I.2.1. Objectif général

Evaluer l’utilisation des curares dans trois hôpitaux  du Sud-Kivu

I.2.2. Objectifs spécifiques

  • Ressortir les types des curares les plus utilisés dans les trois HGR Ciriri, Katana et Nyantende;
  • Décrire les principales indications chirurgicales et complications des curares ;
  • Déterminer le niveau de connaissances des praticiens d’anesthésie sur les curares.

I.3. Délimitation du sujet

Notre travail de mémoire s’intéresse de l’utilisation des curares dans trois hôpitaux du Sud-Kivu. Il s’étale dans la période   allant de janvier 2016 jusqu’en  mai 2017.

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