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Chap. III. ANALYSE DE LA FONCTIONNALITE DE LA CHEFFERIE DE KABARE

Etant donné que le terme fonctionnalité est abordé comme l’ensemble des caractères ou des propriétés qui font que quelque chose remplisse bien sa fonction(68), la législation actuelle sur la décentralisation fait apparaitre une nouvelle done, celle d'introduire des élections des conseillers de la chefferie et la nomination des échevins. Cette nouvelle offre implique inévitablement les droits financiers du pouvoir coutumier et ceux du pouvoir étatique. D'une part, la confiance défectueuse entre les chefs coutumiers et le chefs de postes d'encadrement administratifs, la récurrence de l'instabilité du pouvoir coutumier d'autre part, le passé désastreux de relation entre les populations et le chefs coutumiers, tous assujettis parfois par le point du pouvoir sont des indicateurs qui semblent avoir des répercussions néfastes sur les capacités économico-financières de la chefferie de Kabare pour ces années sous revues. L'invasion, le ralentissement et le report des élections urbaines, municipales et locales qui n'ont pas été fait, la nomination des responsables des ETD et les transferts absurdes des prérogatives à ces dernières apparaissent témoigner l'engagement retranché du pouvoir central à garantir l'autonomie de gestion et à promouvoir le contrôle de tutelle, ce qui risque de déboucher sur le dépérissement du processus de décentralisation se voulant prometteur de la réduction de la pauvreté.

La chefferie de Kabare fait face à l'absence de la libre administration d'un coté, et de l'autre, elle semble se heurter au défi de maitriser la valorisation, l'extraction et la gestion de ses ressources économico-financières pouvant justifier le bien-fondé de son autonomie financière.

Il est important pour nous, d'analyser en amont, les forces de la chefferie de Kabare ainsi que les faiblesses.

III.1. FORCES DE LA CHEFFERIE DE KABARE

Dans cette partie consacrée aux atouts et aux potentialités, nous allons analyser les capacités quantitatives et qualitatives de la chefferie de Kabare. Par les capacités quantitatives, il faut entendre les avoirs, les actifs, les biens physiques et matériels, les facteurs économiques dont dispose la chefferie de Kabare tandis que les capacités qualificatives sous-entendent les aptitudes des animateurs socio-politiques de la chefferie ou l'ensemble de la société globale de la chefferie à mettre en valeur, à mobiliser et extraire des ressources à partir des potentialités dont elle dispose de manière à promouvoir et à maintenir son autonomie financière susceptible d'assurer son développement

III. 1.1 Revue générale sur la capacité

L'alinéa 3 de l'article troisième de la Constitution du 18 Février 2006 en RDC et l'alinéa 3 de l'art cinquième de la Loi organique du 07 Octobre 2008 portant sur les ETD précisent que les ETD jouissent de la libre administration et de l'autonomie de gestion des leurs ressources humaines, financières et techniques et économiques (physiques et matériels) prédisent la possession en puissance des ressources financières et dont la meilleure extraction et gestion conditionnent une bonne et libre administration d'un système. En effet, disposer des ressources humaines, techniques et économiques est une chose, et l'aptitude de s'adapter aux contraintes du moment, à extraire des ressources financières de ces facteurs humains et économiques pour son développement constitue une autre chose. C'est ce qu'on peut appeler "les capacités de production " telles que stipule la Loi de 2008, en son Art 116 qui dispose que la répartition des ressources entre les entités décentralisées est fonction des critères des capacités de production, de superficie et de la population(69). Les capacités de production sous-entendent ici, les aptitudes des dirigeants de mobiliser un volume important des ressources économiques et financières à partir des facteurs physiques (superficie et population) dont ils disposent.

NARAYAN Deepa(70), parlant des avoirs et des capacités des personnes pauvres, précise que:" les hommes et les femmes les plus démunis ont besoin d'une multitude d'actifs et des capacités pour accroître leur bien-être et leur sentiment de sécurité ou de confiance en soi afin de pouvoir mieux négocier avec les plus puissants qu'eux-mêmes". L'auteur va plus loin en examinant la pauvreté individuelle dans les cas individuel et collectif et préconise que les actifs d'abord, et puis ensuite les capacités (aptitudes) qui sont indispensables pour l'autonomisation des individus pour la réduction de la pauvreté.

Cet auteur définit les avoirs comme étant des biens matériels, qu'ils soient physiques ou financiers. Des tels biens (terre, logement, bétail, épargne et bijoux) permettent aux gens de résister aux situations difficiles et d'élargir leur éventail des choix. Les avoirs physiques et financiers limitent les personnes pauvres et les empêchent de faire des bonnes affaires, sans compter que cela accroît leur vulnérabilité ; et enfin, NARAYAN souligne que "les capacités", d'un autre coté, sont liées aux personnes et leur permettent d'utiliser leurs avoirs des différentes façons pour augmenter leur bien-être. Ces capacités incluent la santé, l'éducation et la production, ou tant d'autres facteurs permettant d'améliorer la qualité de vie. Comme l'auteur analyse la pauvreté des personnes dans le cas individuel et collectif pour enfin voir comment elles peuvent être autonomisées pour réduire leur pauvreté, il distingue es capacités sociales des capacités collectives(71).

Les capacités sociales englobent l'appartenance à un groupe social, le leadership, les relations de confiance, le sentiment d'identité, les valeurs qui donnent un sens à la vie et la capacité de s'organiser. C'est ici où NARAYAN parle des capacités organisationnelles locales qui sous-entendent les aptitudes des gens à travailler ensemble, à s'organiser et à mobiliser les ressources nécessaires pour résoudre les problèmes dans un intérêt commun.

Les capacités politiques ou collectives, selon NARAYAN, comprennent l'aptitude de se représenter et de représenter les autres, l'accès à l'information, les associations, quelles que soient leurs formes et la participation à la vie politique d'une communauté ou d'un pays(72).

Enfin, le terme capacité peut revêtir plusieurs variables selon qu'on se borne dans telle ou telle autre discipline scientifique. Il n'est plus question de considérer le seule aspect de définition du mot. Comme nous nous retrouvons devant un sujet traitant scientifiquement la variable capacité (les forces) sous l'aspect des politiques économico-financières de la chefferie de Kabare, nous avons distingués les capacités quantitatives des capacités qualitatives.

III.1.2. Les type des capacités

En nous inspirant des analyses de NARAYAN Deepa et des dispositions de la Loi organique de 2008(73), on est parvenu à distinguer les capacités quantitatives (les actifs) des capacités qualitatives (aptitudes)

  1. Capacités quantitatives (les actifs): il faut entendre l’ensemble de l'actif des potentiels économiques et humains des avoirs mesurables sous l'aspect physique et matériel dont peut disposer et/ou user un individu ou un système social pour répondre à ses besoins et assumer, user ses responsabilités vis-à-vis de lui-même ou de l'environnement où il vit. Dans le cas de notre étude, les capacités quantitatives seront analysées sous forme de l'estimation. Des ressources économiques (infrastructure socio-économiques et les ressources physiques), des ressources humaines (démographiques) et des ressources techniques de la chefferie en étude.
  2. Capacités qualitatives: c'est cette catégorie de capacités que Lucien PYE et SYDNEY VERBA ainsi que Gabriel ALMOND et POWELL ("capabilities" ou capacités de modernisation d'un système) que tous ces auteurs appellent les aptitudes. PYE et VERBA distinguent trois types des capacités (capacités d'innovation, capacité de mobilisation et capacité de survie). ALMOND et POWELL distinguent quant à eux quatre types des capacités (capacités régulatrice, capacité extractive, capacité de redistribution et capacité responsive)(74).

A voir le sujet de notre étude, le lecteur peut directement considérer le terme capacité dans le sens de forces qui sont liées à la situation aléatoire de la fonctionnalité des ETD en tant que systèmes politiques.

Les ressources économiques et vitales de la chefferie de Kabare

Du point de vue géographique, le territoire de kabare connait deux types de climat: chaux tempéré dans la basse altitude et froid d’altitude. En fait, sa position géographique lui donne l’ouverture sur trois autres chefferies sœurs (Kalehe, Walungu et Shabunda), sur la ville de Bukavu ainsi que sur un pays voisin (le Rwanda). De même, sur le plan infrastructurel, sa position l’ouvre sur trois routes nationales : RN2 sur kazingo-Kabamba, RN3 sur Miti-Tshivanga et sur RN5 sur Kasihe-Mumosho. Elle a un aéroport (de Kavumu) pour être en contact directement avec plusieurs villes du pays et indirectement avec plusieurs villes extérieures du pays.

Dans cette chefferie existent aussi, sur le plan énergétique,  la centrale hydro-électrique de Mumosho et l’usine de traitement d’eau potable de Murhundu.

Sur le plan scientifique, trois grands centres de recherche y existent à savoir l’INERA-MULUNGU, IRES et IITA.

La richesse de son sous-sol est marquée par la présence des pierres à moellons et les moellons plats (tous pour la construction) à Mangozo dans Bugorhe ainsi que le Coltan et la Cassitérite dans les groupements de Irhegabaronyi et Ludaho. Il existerait aussi des ressources minérales inexploitées comme par exemple l’or. Il faut des spécialistes pour l’exploration.

L’agriculture et la pêche sont les activités aussi répandues dans cette chefferie. L’agriculture est aussi vivrière qu’industrielle. Il y est observé 101 plantations, 82 marais et l’élevage extensif des bovins, caprins et ovins à Bushwira et Mudaka.  Les capacités productives des populations sont assez limitées car la majorité des ménages agricoles ont moins de terre et cela conduit à la surexploitation des champs et au manque de leur mise en jachère. Faisons aussi remarquer que le sol appartient à l'Etat. Le chef coutumier étant le gérant de cette terre, avant de céder une partie à qui que ce soit, le bénéficiaire sait qu’il doit au Mwami la redevance appelée le ‘Kalinzi’ et ceci ‘pour permettre à la chefferie de fonctionner’.

Le petit et grand commerce est caractérisé par les échanges en produits tels que le lait en poudre, le sucre, l’eau minérale, les médicaments, les matériaux de construction, la tannerie et les dépôts relais de la Bralima dans la partie Nord (Mudaka, Miti, Kavumu et Katana) et de même vers le sud (Mumosho et Nyantende) ou l’on note, dans l’ensemble de cette chefferie, 842 PME et 399 PMI, à en croire la source de l’Administrateur du territoire, dans son rapport annuel de 2014. Leur contribution est énorme en terme de finance, C’est pourquoi, disons que les finances d'une ETD sont organisées de manière autonome et distincte de celle de la province et du gouvernement central suivant la loi préétablie car une ETD dispose d'un budget propre, distinct de celui du pouvoir central et de la province. Mais il est toutefois intégré en dépenses et en recettes au budget de la province qui présente en même temps que le budget du pouvoir central pour former le budget de l'Etat arrêté chaque année par une loi.

Les grandes entreprises locales sont évaluées au nombre de huit (8) constituées respectivement par : Minéral Hongo, Usine de thé Mbayo, Usine de thé Karondo, Usine à chaux Mudogo, Savonnerie Fomulac, Briqueterie Chizenga, Briqueterie de Kabamba et Usine à café Kahegeshe.

Dans cette chefferie existent des hôtels, des restaurants, la menuiserie, la couture, la briqueterie, etc. comme sources génératrices des recettes.

Quant au tourisme, en dehors de certains sites endommagés, le parc national de Kahuzi Biega reste le moteur.

Les ONG internationales opérant dans cette chefferie sont au nombre de 13 (FFI, GIZ, COPERA, WSS, ASOP, IADL, PNUD, IFDC, ACTION AID, AAP, ARC et UNICEF) et ce, dans différents domaines d’intervention. Par ailleurs, les Associations locales sont au nombre de 42.

Sur le plan de l’éducation, il existe, dans cette chefferie, 2 Sous-divisions: Kabare1 située à Cirunga, a la collectivité et Kabare 2 située à Lwiro. La première sous-division compte 214 écoles primaires et 89 écoles secondaires alors que la sos0division 2 a 268 écoles primaires et 159 écoles secondaires. Quant a l’enseignement supérieur et universitaire, nous dénombrons 1 université (du cinquantenaire) et 3 instituts supérieurs (ISTD, ISTM-KABARE et ISEAV MUSHWESHWE) en dehors du campus de l’UOB situé à Kalambo.

Pour ce qui est de la santé, la chefferie de Kabare compte 4 zones de sante (Kabare, Nyantende, Miti-Murhesa et Katana) avec un total de 10 hôpitaux (dont 2 de référence – Mukongola et Fomulac-Katana) et 62 centres de santé.

Sur le plan démographique, la chefferie dispose des ressources humaines de l’ordre de 756.558 habitants. Signalons que la population préfère un habitat dispersé, chaque famille reste au centre de sa parcelle où elle pratique différentes cultures.

Sur le plan politique: Le législateur congolais en voulant faire avancer l'administration territoriale congolaise vers une véritable territoriale de développement, il a choisi un mode de gestion pouvant être efficace pour cette population que longtemps le réclamait afin qu'elle participe à la gestion de son pays et jouisse de ses énormes potentialités. Ce mode pouvant accélérer cette démarche est la décentralisation. Celle-ci se veut rapprocher l'administration aux administrés, encourager un développement autocentré, permettre une gestion orthodoxe des ressources. Selon l'esprit de la loi-organique no 08/016 du 07 Octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des ETD et leurs rapports avec l'Etat et les provinces, en son Article 67, stipule que la chefferie est un ensemble généralement homogène de communautés traditionnelles organisées sur base de la coutume et ayant à sa tête un chef désigné par la coutume, reconnu et investi par les pouvoirs publics. En attendant la mise en application effective de cette loi, l’Article 68 démontre que les organes de la chefferie sont: le conseil de la chefferie et le collège exécutif de la chefferie.  

III.2. FAIBLESSES

La décentralisation a déjà fait l’objet de plusieurs critiques négatives en RDC et particulièrement dans la chefferie de Kabare. Cela parce qu'elle se heurte aux multiples problèmes. Cette décentralisation doit être accompagnée effectivement d'une certaine condition. Elle reste piégée par de nombreux obstacles tels que: l'inadaptation de ce mode de gestion à la culture du milieu de son application car dit-on, la loi est le produit de la culture d'un environnement bien précis(76).

Les faiblesses dont il est question dans cette partie du travail constituent les conditions défavorables à la décentralisation en chefferie de Kabare. Les facteurs sont opposés ou contradictoires au développement de la chefferie, qui est considérée ici comme une entité ayant une autonomie de gestion organique et financière. La modernisation s'étend sur plusieurs domaines: scientifique, culturel, fiscal, etc. pourtant, c'est avec la décentralisation administrative que l'on peut résoudre les problèmes d'un pays et de répondre aux problèmes d'un peuple par lui-même.

Parler des conditions défavorables au développement de Kabare sur tous les plans – malgre ses atouts décrits ci-dessus - nécessite une importance capitale car aujourd'hui la chefferie se heurte à plusieurs problèmes et ces derniers sont considérés ici comme freins, clivages ou défis au développement du milieu. Cette chefferie de Kabare est butée à des facteurs multiples qui gangrènent les politiques financières. On peut citer entre autre, la persistance ou la pérennité des séquelles des conflits internes (les conflits de pouvoir coutumiers); la persistance de l'insécurité interne; l'absence de l'information et la participation populaire, la megestion financière qui se manifeste par le détournement des fonds, l'opérationnalité des plusieurs taxes dont certaines sont illégales; l'esprit non décentralisé de la part des dirigeants et de la population et enfin l'insuffisance du revenu de la population due à la mauvaise répartition des terres. A tous ces facteurs, il faut ajouter les figures néo-patrimoniales et leur persistance dans cette contrée.

La chefferie de Kabare, depuis sa création à nos jours d’étude, n'a jamais montré aucun indice du développement et se confronte toujours aux différentes menaces étant donné que sa maturité et son intégrité mettent en cause bon nombre de sa population. Elles sont d'ordre socio-politique, administrative, économique, managérial, etc.

Sur le plan politique: Il sied de relever toutefois que la chefferie de Kabare ne contient pas tellement d'agglomérations nécessaires. Seul le bureau de la chefferie et quelques bâtiments des privés en dur sont à signaler dans la partie nord de la chefferie. Le non transfert des prérogatives politiques reconnues à la chefferie cause problème. Le transfert des responsabilités politiques en faveur de la chefferie de Kabare doit être a priori, la conséquence de la mise en place effective des organes de la chefferie prévue par la loi de 2008. Ainsi donc, si la mise en place des organes des ETD n'est pas exécutée, le transfert des responsabilités politiques pouvant garantir l'autonomie de gestion de la chefferie ne restera que leurre et l'autonomie financière n'aura plus de place.

Enfin, la chefferie de Kabare a été détruite en toutes ses capacités par les conflits coutumiers dûs à la succession, l'exode rural causée par l'insécurité et la marginalisation dont elle vit les séquelles non repensées jusqu'aujourd'hui. Mais malgré la véracité de son histoire, sa population doit évoluer car l'autonomisation des ETD permettrait aux populations de saisir les opportunités leur offertes et participer à la décentralisation par le choix de leurs représentants au niveau local et à promouvoir les entreprises et associations locales. Mais hélas, la volonté politique au niveau de la mise en œuvre effective du processus de décentralisation chancelle. Il semble que les intérêts de la population ne sont plus ceux de l'Etat et que les intérêts de l'Etat ne sont plus ceux de la population.

A la lumière de ce qui précède, la fonctionnalité d'une ETD ne sera possible que si et seulement si les animateurs de la territoriale la comprennent et l'adoptent comme la solution au développement local. Dans son intégrité, la chefferie s'est trouvée, un moment donné, menacée par l'érection de l'un de ses villages en commune urbano-rurale (Kasha) et d'autre part menacée face à l'extension à la fois de la ville de Bukavu en y incorporant certains de ses groupements. Du fond, la décentralisation n'est pas respectée même par l'autorité provinciale car, il y a toujours ingérence de ce dernier dans les affaires de la collectivité, l’autonomie de gestion administrative et financière n'est pas reconnue à la chefferie de Kabare d'autant plus que le contrôle est du type hiérarchique. Ici et par ailleurs, il y a la recommandation et l'imposition des agents des services techniques par la province (77). Le contrôle qui s'effectue ici est du type hiérarchique alors que la chefferie est sous tutelle selon l'Art 95 de la Loi organique No 08/016 du 07 Octobre 2008; notons la présence des agents qui contrôlent les finances et budget de la chefferie recommandés par la loi organique hiérarchique.

Le chevauchement du pouvoir coutumier et le pouvoir étatique: la coexistence du droit coutumier et du droit positif (écrit) a ses origines depuis l'époque colonial où les colons ont entrepris des reformes cherchant à insérer les congolais dans le système du pouvoir administratif, leur souci étant de chercher à tailler une classe pour le pouvoir coutumier dans la hiérarchie administrative coloniale. Les lois actuelles de la RDC reconnaissent le pouvoir coutumier mais la suprématie du droit positif par rapport au droit coutumier dans les reformes administratives tend à effriter le pouvoir coutumier et faire émerger les instances étatiques modernes en lieu et place des sociétés coutumières aujourd'hui déréglementées par les conflits intra et extra ethniques de tout genre. Dans la chefferie de Kabare, il s'observe une faiblesse, sinon une absence de coordination des activités administratives dans les différents domaines. La vie des citoyens échappe au contrôle exact des dirigeants.

Manque de cadre à l'esprit décentralisé et carence d'homme compétent dans la chefferie: Faute de l'instruction et manque d'information sur l'auto prise en charge au niveau local tel que envisagé par les lois sur la décentralisation, dans la chefferie de Kabare, les contraintes sont visibles et observées dans la population.

Sur le plan socio-économique et culturel: Vu que les problèmes de milieux ruraux nous intéressent de manière particulière, cela suppose évidement que l'interrogation se fait sur la place des individus qui y évoluent quant aux initiatives, les décisions et la conception de la vie. Les contraintes de viabilité des ETD sur les infrastructures d'accueil et les finances locales sont le reflet de la vie des communautés urbaines et rurales. L'on sait que l'instrument privilégié pour asseoir les objectifs des collectivités territoriales est le budget. Parmi les conditions défavorables au développement dans la chefferie en étude sur le plan socio-économique et culturel nous pouvons citer:

- Les problèmes socioculturels du milieu à l'intervention des humanitaires.

- L’impraticabilité des routes de dessertes agricoles.

- La problématique de l'autonomie financière.

- Le mauvais aménagement agricole et l’insuffisance des revenus de la population.

- Le non-recouvrement de l'IPM qui pourrait lui permettre d'avoir de ressources pour sa survie .

La constitution congolaise a consacré la décentralisation comme mode de gestion et organisation politique et administrative du pays. Pour la viabilité de cette décentralisation, le législateur a produit d'autres dispositions en appui de celle promu par la constitution mais qui jusqu'aujourd'hui ne sont pas dans son effectivité. Bien que la décentralisation soit une théorie en soi, sa mise en pratique dépend du contexte de chaque milieu. Un bon nombre d'obstacles sont de nature à ralentir la décentralisation financière; c'est entre autres les incompétences et incapacités locales, l'environnement défavorable, la sous-fiscalisation accompagnée de la faiblesse de ressources, faiblesses d'activités économiques.

La capacité des populations est assez limitée car la majorité de ménages ont moins de terre et cela conduit à la surexploitation des champs et au manque de leur mise en jachère. Les bananiers, les légumes et les pommes de terre constituent la principale ressource économique dans la chefferie de Kabare. Mais cette culture de bananes s'est heurtée à des problèmes de maladie dans toute la partie sud de la chefferie alors qu'elle constituait une richesse pour la population.

La production globale est faible en raison de la petite dimension de la superficie exploitée en moyenne. Etant donné le niveau de vie de la population, il faut signaler qu'actuellement, la culture d'eucalyptus et haricot sont visibles dans toute la partie sud de la chefferie. Notons que pour cette dernière culture, la récolte dans un champ ne peut pas aller au delà de deux sacs, ce qui justifie le non paiement d'impôt et taxe par la population de la partie sud de la chefferie.

Le tourisme qui pouvait contribuer aux ressources de la chefferie, le grand regret est que le tourisme reste dans la compétence exclusive de la division provinciale ayant le tourisme dans ses attributions. Tous les frais dûs au tourisme sont perçus par la division provinciale et c'est à la division de livrer tous les documents nécessaires sans l'aval de la chefferie(79).

Sur le plan managérial

Les maux qui ont toujours rongé la République Démocratique du Congo en général et les détenteurs du pouvoir en particulier, ne peuvent pas faire exception dans la chefferie de Kabare. Parmi les maux qui causent le sous-développement et la régression dans la chefferie de Kabare, quelques échantillons peuvent être cités à titre d'exemple:

- Mauvais chef, la non-rémunération des agents, mauvaise volonté, détournement, corruption, etc.

- L’absence de planification des ressources

- La distance observée entre l’administration et les citoyens car le chef coutumier est accusé d'usurpateur de pouvoir.

- L'absence de la politique d'emplois qui n'a pas atteint le niveau visé par rapport à l'augmentation des sans-emplois.

- Sur fonctionnalisation: ici on fait tout au nom du pouvoir sans être contraint.

- Tribalisme: seule la famille royale a plein droit à la gestion de potentialités de la chefferie. pas de distinction entre bien personnel et bien de l'état (patrimonialisme).

Pour clore, quelque soit la forme de l'Etat proposée par la constitution (fédéralisme, unitarisme ou régionalisme), la démocratie a besoin d'une large participation citoyenne à l'activité politique à la base. La décentralisation vient en réponse à cette préoccupation.

Au regard des enjeux et faiblesses de la chefferie de Kabare, d'aucuns ne peut s'interroger sur son sous-développement dans l'optique d'atteinte des objectifs assignés par la décentralisation. De ce qui précède, admettons que la chefferie de Kabare, de par sa fonctionnalité, nécessite une observation de la part du gouvernement central et provincial. Ses capacités telles que données par PYE et VERBA associées aux capacités d'ALMOND et POWELL à savoir la capacité d'innovation, la capacité de mobilisation et celle de survie nécessitent une analyse en terme des perspectives. L'innovation concerne la population et les autorités administratives mais surtout si ces dernières ne saisissent pas les opportunités en faveur de la population, aucune initiative d'innovation ou d'amélioration de service ne peut aboutir.

Les politiques de décentralisations politico administratives des ETD sont très complexes de telle manière que les autorités de la chefferie ont difficile à s'y adapter étant donné que cette nouvelle décentralisation accorde le pouvoir à la population au détriment des autorités coutumières dont elle (décentralisation) empiète les pouvoirs. Les autorités coutumières de sont, de fois, victimes de menaces des puissances et forces externes de leur pouvoir, ne font que reculer avec le programme de développement de la chefferie et certaines préfèrent mettre en veilleuse ces programmes économiques par méfiance ou impuissance suite au crédit négatif que leur réserve les administrés. On peut toute fois conclure que l'aptitude d'innover, le souci de révolutionner les aspirations de citoyens aux politiques nationales est nulle dans le chef des autorités de la chefferie. Ces dernières ne mènent qu'une administration de substance, de maintien structurel et fonctionnel par la récolte, sans contre partie, des fruits des taxes et d'autres droits. Pour que l'innovation soit effective, il faudrait, a priori, restaurer une communication vulgarisatrice des programmes étatiques entre gouvernants-gouvernants; réagir positivement aux attentes des populations par les mécanismes appropriés (capacité responsive), réguler et réglementer la vie quotidienne de la population en imposant préalablement des attitudes et des comportements favorables et pouvant garantir la stabilité des personnes, de leurs activités et de leurs biens.

La population de Kabare est active et est susceptible de générer des ressources si d'autres opportunités de développement lui sont offertes. La capacité d'innovation pèse fort chez les autorités parfois incompétentes que chez la population qui n'attend qu'une force impulsive pour démarrer toute initiative du développement.

La capacité de mobilisation suppose l'extraction, la capture des ressources nécessaires pour une meilleure réalisation de l'entreprise collective. La mobilisation peut porter sur les ressources humaines par la conversion des aspirations confuses des masses en programmes et politiques, la diffusion du projet collectif. Elle peut porter sur les ressources économiques par la collection et l'extraction des ressources matérielles et/ou financières indispensables pour l'entreprise commune, avec des mécanismes de coordination et de contrôle des activités et des comportements des citoyens mais surtout avec ou sans dosage de contrainte ou coercition pour le maintien et l'établissement d'un certain ordre public.

Dans le contexte de notre étude, la mobilisation des ressources financières nous intéresse moins compte tenu d'insuffisance des ressources financières qui sont liées intrinsèquement, mais aussi par conséquent, par ce que la mobilisation réussie des ressources économico-financières implique préalablement la mobilisation des hommes dans la chefferie de Kabare qui sont pauvres. Cette chefferie bénéficie des garanties constitutionnelles et légales lui reconnaissant des ressources financières pouvant lui permettre de jouir d'une autonomie financière, mais en plus, il lui incombe de disposer a priori des capacités (potentialités) et des aptitudes (habiletés) susceptibles de faire aboutir cette entreprise d'autogestion pour le développent. La chefferie doit assurer sa survie par les mécanismes de maintien structurel lui permettant de préparer ses élites ‘successeurs’ capables de réaliser des changements ordonnés. Ce qui n'est pas le cas dans cette chefferie où l'éducation et les organisations locales ne sont pas imprégnées des buts du pouvoir traditionnel à leur égard, mais aussi, ce dernier impuissant qu'il ne sait pas pouvoir se refléter dans les aspirations des ses administrés.

Les autorités coutumières considèrent l'enseignement comme un facteur pouvant dégrader et aliéner les principes de base de la coutume et, par conséquent, la plupart des fils n'ont pas eu la chance, dans le premier temps, de poursuivre les études secondaires.

La seule ambition de la modernisation politique, consiste à écarter graduellement les pouvoirs traditionnels comme base de l'Etat et à promouvoir l'instauration d'une instance étatique où les intérêts de l'ensemble de la société se trouvent mobilisés et représentés.

Nous avons soutenu plus haut que la capacité de survie est renforcée par la capacité de redistribution, autrement dit par des politiques publiques de redistribution et protection sociale. Ces dernières visent à corriger les effets pervers du marché en réduisant les inégalités entre les citoyens et l'injustice sociale ainsi qu'en préservant les citoyens contre divers risques sociaux. A travers les budgets et les finances, les redistributions de ressources s'observent à travers les réalisations ayant d'impacts positifs à la condition de vie des citoyens. Malheureusement, il a été constaté que les autorités de la chefferie n'ont pas réalisé d'investissements significatifs pouvant influencer la vie de citoyens, les autorités de la chefferie demeurent impuissantes et prédatrices vis-à-vis des mécanismes de promotion de l'autonomie fiscale.

Les finances de la chefferie se heurtent à l'égoïsme des chefs traditionnels qui considèrent leurs pouvoirs comme un droit naturel et inaliénable. Ils préfèrent rester dans un régime conservateur et centralisateur où les individus ne participent pas à la gestion de l'Etat. On peut affirmer que la capacité de survie, autrement dit, la diffusion des attitudes favorables à l'autonomie financière de la chefferie de Kabare est compromise par la perplexité de l'autorité coutumière et l'ignorance de la population de leurs droits et obligations face au processus de modernisation politique actuelle en RDC.

Enfin nous pouvons penser que les séquelles psychosociologiques accentuent ‘l'insécurité’, mais aussi la megestion administrative au niveau local et national est l’ensemble des facteurs qui aggravent la pauvreté des ETD, en l'occurrence la chefferie de Kabare, et par conséquent, les capacités économico-financières de la chefferie se retrouvent affaiblies.

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