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CONCLUSION

L’analyse     du décrochage scolaire   a   fait   l’objet   de   plusieurs   études   à l’échelle internationale et a intéressé plusieurs disciplines comme la pédagogie, la sociologie la psychologie, l’économie   etc. Chaque discipline lui consacre des études et des enquêtes centrées sur un angle particulier d’observation. L'abandon scolaire change d’ampleurs et de définitions selon les points de vue. Du point de vue socioéconomique, un élève en abandon scolaire est potentiellement  une  personne  qui  ne  pourra  assurer  ni  son  avenir  (faible employabilité, impossibilité d'investir, exclusion sociale, etc.), ni celui de ses proches (solidarité inter générations, éducation de progéniture, etc.). Socialement, un élève qui abandonne est potentiellement une personne qui ne pourra pas évoluer d'un milieu social vers un autre ou d'une   culture   vers   une   autre. Ce   contexte,   donne lieu à la   notion   de déterminisme social. D'un   point   de   vue   politique,   l'abandon scolaire   est,   avant   tout, l'échec  d'un  projet  de société. D'un point de vue personnel et familial, l'abandon scolaire est un échec de la personne et de sa famille. Il peut causer des difficultés dans la construction de soi et de sa personnalité.

Cette étude avait  pour but de décrire  l’ampleur,  les  caractéristiques ainsi que  les  facteurs explicatifs du   décrochage   scolaire   au Sud-Kivu,   en procédant   par une analyse de la situation scolaire et débouchant sur une régression   du modèle probit univarié avec une analyse multi-niveaux. Ce travail est subdivisé en quatre chapitres.

Le premier est consacré à la revue de la littérature, qui a permis de clarifier la problématique du décrochage scolaire à différents niveaux et dans des contextes différents.

Pour ce qui est de l’abandon scolaire, la littérature montre le décrochage scolaire est un concept multidimensionnel avec des défis se rapportant à l’environnement familial, socioéconomique, scolaire, … du milieu investigué. Les causes du décrochage scolaire sont nombreuses, parmi lesquelles nous avons retenu les causes individuelles (le sexe, l’âge de l’élève, les échecs scolaires, la relation avec les pairs,…), les causes familiales (la taille du ménage, la situation socioéconomique du ménage, le niveau d’éducation des parents, …), les causes liées à l’environnement scolaire (la relation élève-enseignant,  la structure de l’école, son  organisation du  cursus ou  son  climat,  …),  et  beaucoup d’autres.  Les  conséquences associées à ces causes sont aussi multidimensionnelles et multisectorielles : les élèves qui quittent l’école prématurément   sont deux fois plus susceptibles d’être au chômage que ceux qui terminent leurs études. Les grossesses, les crimes, les violences,  les abus  et drogues, les suicides  sont  bien  plus  élevés  chez  ceux  qui  arrêtent  prématurément  l’école.  Ceux  qui

abandonnent  précocement  leurs  études  sont  plus  susceptibles  que  d’autres  citoyens  de dépendre de l’assistance sociale et d’autres programmes sociaux pendant une partie ou toute leur vie. Les décrocheurs scolaires ont une espérance de vie plus courte par rapport aux diplômés. La littérature continue à démontrer que le décrochage scolaire peut même avoir des répercussions intergénérationnelles.

Dans le deuxième chapitre, nous nous sommes focalisés sur la méthodologie. En plus de la base des données de la division provinciale de l’EPSP, qui nous a fourni les éléments relatifs à la scolarité au Sud-Kivu, la base des données 1-2-3 de 2006 nous a permis de retenir quelques variables explicatives du décrochage scolaire (l’âge de l’élève à partir duquel il a abandonné l’école, l’âge avec lequel il a commencé ses études, les échecs scolaires et le sexe, le milieu de résidence, le niveau d’éducation des parents, la part des dépenses allouées à l’éducation, la situation économique de la famille, la taille du ménage, la profession du chef de ménage et la langue parlée dans le ménage).

Après nettoyage du fichier des données sous le logiciel SPSS et récupérées sous Eviews, nous avons retenu un échantillon de 811. Une régression du modèle probit univarié avec une analyse multi-niveau, nous a permis de déterminer les variables significatives du décrochage scolaire au Sud-Kivu.

Deux niveaux d’analyse ont retenu notre attention : le niveau individuel de l’élève avec comme caractéristique le sexe, l’âge de début de l’école, l’âge de l’élève au moment de l’enquête, et l’échec scolaire.

Le niveau 2 des caractéristiques familiales comme la taille du ménage, la profession des parents, la langue parlée au sein du ménage, le milieu de résidence, le niveau d’éducation des parents, la part des dépenses allouées à l’éducation, la situation économique de la famille et le transfert que reçoit le ménage ont été retenues. La régression a était faite grâce au logiciel Eviews version 3.1.

En ce qui concerne le troisième chapitre, il a été question de faire l’analyse de la scolarité au Sud-Kivu. Cela nous a permis de passer en revue l’organisation de l’enseignement primaire et secondaire. En effet, sur le plan national, le ministère de l’Enseignement Primaire, Secondaire et Professionnel est dirigé par un ministre secondé par un vice-ministre chargé principalement de l’enseignement professionnel. Au niveau provincial, en plus le ministère de l’EPSP, nous avons des divisions provinciales et des sous divisions qui sont respectivement dirigées par des chefs de divisions et chefs de sous divisions.

Depuis les années 1990, l’Etat a confié la gestion de certaines écoles aux confessions religieuses, ces dernières ont leur propre organisation administrative à différents niveaux. La

majorité d’écoles primaires et secondaires se trouvent dans les mains des confessions religieuses. Entre 2005 et 2009, le nombre d’écoles primaires  au Sud-Kivu est passé de 2288 à 2358; ce qui constitue une augmentation de 70 écoles primaires en 5 ans soit près 3%. Pour ce qui est du secondaire, cette augmentation est de 28 écoles (environ 2,9%) soit un passage de 1011 écoles à 1039 écoles secondaires au Sud-Kivu. De ce nombre, seulement 353 écoles (204 écoles  primaires et  149 écoles  secondaires) soit  près  de  10% sont des  écoles  non conventionnées ou publiques.

Concernant le taux l’admission en première année primaire, il a largement augmenté depuis

2005 et dépasse aujourd’hui le 100%. Le taux de scolarisation a connu une certaine croissance durant les cinq années sous-étude. Les effectifs scolarisés sont passés de 316223 en 2005 à

420868 élèves-garçons en 2009, soit de 65,3% à 95,6% ; contre 291419 filles en 2005 à

370868 en 2009 soit le passage de 57,9 à 84,3. Sur l’ensemble, les données nous montrent que le taux de scolarisation à l’école primaire a évolué de 61,6% à 90% entre 2005 et 2009.

Le taux de scolarisation à l’école secondaire est nettement plus faible que celui du primaire ; que se soit pour les garçons ou pour les filles il est en dessous de la moyenne. Pour ce qui est des garçons, le taux de scolarisation a augmenté de près de 10% entre 2005 et 2009 et de près de 3% seulement soit de 23,6% à 27,9% pour les filles. En mettant ensemble la population de cette tranche d’âge, le taux n’a cru que de 6% soit le passage de 32,1% à 38,4% en comparant l’année 2005 à celle de 2009.

Le pourcentage des décrocheurs à l’école primaire avoisine le 15%, ce qui est énorme par rapport au seuil de l’UNESCO qui est de 2%. Le nombre des garçons qui abandonnent l’école primaire, est relativement plus élevé  (soit 225071 garçons) que celui des filles (soit 155510 filles) sur le total de cinq années analysées. Pour ce qui est de l’école secondaire, tout d’abord la répartition des taux de décrochage par année scolaire laisse apparaître une amélioration nette 15,8% en 2005 contre 9,5% en 2009. Mais faut-il aussi souligner que malgré cette évolution, ce pourcentage est bien au delà du seuil exigé.

Le quatrième et dernier chapitre était basé sur l’interprétation des résultats. L’analyse statistique  montre  que  sur  un  échantillon  de  811  ménages  retenus  par  cette  étude,  248 ménages soit 30,57% ont été touchés par le phénomène de décrochage scolaire. Le nombre de ceux qui n’ont que le niveau primaire s’élève à 212 soit 26,14%, ceux ayant atteint le niveau secondaire sont au nombre de 196 soit 24,2% et ceux qui ont un niveau universitaire ne sont qu’à 12 soit 1,5%. Pour ce qui est des causes de l’abandon scolaire au Sud-Kivu, la majorité de ceux qui ont abandonné l’école 119 sur 248 soit 47,98% le justifient par des difficultés

financières des  parents.  L’effet  âge  des  élèves    est  un  élément  non  négligeable  dans l’explication de l’abandon scolaire, 31,6% ont affirmé avoir abandonné parce qu’ils avaient un âge avancé. Les autres caractéristiques expliquant l’abandon scolaire sont respectivement réparties comme suit : 3,2% pour l’apprentissage des métiers, 5% à cause des grossesses précoces et mariage, 1,3% dû l’handicap physique et aux maladies, 1,4% expliqués par les échecs scolaires, 0,7% ont abandonné à cause du trajet très long entre le ménage et l’école,

5,7% pour un manque de motivation. Enfin, nous avons constaté que pour ce qui est de la fréquentation scolaire, une moyenne de 4,4 ans au primaire et 3,7 ans au secondaire. Le résultat de la régression démontre que les variables intégrées pour l’analyse sont en majorité significativement (7 variables sur 11) explicatives du phénomène de décrochage scolaire. Il s’agit des variables telles que l’âge de l’élève, l’échec scolaire ou redoublement, le milieu de résidence, le niveau d’éducation du chef de ménage, la part du budget allouée à l’éducation par le ménage, la situation économique du ménage et la taille du ménage. Le résultat du test de prédiction nous a permis de tester la significativité du modèle complet.

Ce travail étant une œuvre humaine nous n’avons  aucunement l’intention  de croire  avoir réalisé  une  recherche complète  sur  l’abandon scolaire, au contraire, pensons avoir placé les chercheurs sur la piste d’un champ vaste et encore vierge, jusque là au Sud-Kivu. C’est ainsi que nous restons ouvert à toutes formes de remarque et critique constructive.

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