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INTRODUCTION

L’éducation  est l’un des problèmes qui préoccupent actuellement l’humanité  toute entière, son importance a été prouvée à maintes reprises. A cet effet, la conférence mondiale sur l’éducation pour tous, tenue en 1990 à Jomtien (Thaïlande), a reconnu comme priorité des priorités, l’accès et l’amélioration de la qualité de l’éducation des enfants, des jeunes et  des adultes [UNESCO (2009) ; Ananga (2011)].  Au cours de cette conférence, il a été rappelé que quarante années s’étaient écoulées depuis qu’il avait été affirmé dans la Déclaration Universelle des droits de l’homme (DUDH) que « toute personne avait  droit à l’éducation ». C’est dans l’après seconde guerre mondiale, comme le montre bien Isambert-Jamati (1992), que l’obtention d’un diplôme ou d’une qualification devient  nécessaire pour participer à la vie sociale et espérer un meilleur statut. Cependant, malgré les efforts considérables déployés pour garantir l’accès à l’éducation, la réalité est telle que plusieurs enfants n’ont toujours pas eu accès à ce droit ; et de ceux qui   accèdent, un nombre non négligeable n’atteint pas le niveau attendu (l’achèvement du cycle). Benny et Frappier (1997) démontraient que près de

100 millions d’enfants et d’innombrables adultes à traves le monde, n’achevaient pas le cycle éducatif de base qu’ils ont entamé. En Afrique subsaharienne, près de 28 millions d’élèves abandonnent l’école avant de finir le cycle primaire [UNESCO, (2010) cité par Ananga (2011)]. Cette situation de déficit social constitue un handicap à toute initiative de développement durable, car il ne saurait y avoir développement durable sans amélioration de la qualité des ressources humaines, qui ont toujours constitué la première richesse d'une nation. La scolarisation constitue donc une des plus pertinentes composantes d’une stratégie de développement social, de réduction des inégalités et de la pauvreté dans la société.

Le champ des besoins éducatifs fondamentaux et la manière dont il convient d'y répondre varient selon les pays et les cultures,   et évoluent inévitablement au fil du temps (Belzil,

2004). Pour certaines sociétés,  savoir lire et écrire s'avère suffisant, tandis que pour d'autres, savoir utiliser l'ordinateur est un minimum [UNICEF (2011) ; Coulidiati-Kiélem (2009)]. C'est ainsi que l'éducation primaire apparait comme l'éducation de base dans les pays en voie de développement tandis qu'elle est atteinte après l'achèvement de l'enseignement secondaire dans les pays développés [Belzil (2004) ;Muskens (2009)].

Bien que le taux d’accès à l’éducation dans les pays en développement ait augmenté, on est loin d’atteindre le seuil attendu par les objectifs du millénaire pour le développement  dans sa rubrique éducation UNICEF (2011). Selon ces objectifs les Etats doivent  faire en sorte que l’éducation soit disponible, pour tous les enfants et que des mesures positives soient  prises pour permettre aux enfants d’en bénéficier,   en luttant contre la pauvreté, en adaptant les

programmes scolaires aux besoins de tous les enfants et en mobilisant les parents pour leur permettre d’apporter un soutien efficace à l’éducation de leurs enfants [Easterly (2008) ; Sabates et alii (2010)].

L’éducation constitue donc l’une des capacités essentielles nécessaire pour un bon standard de vie. Il apparaît de plus en plus évident que le niveau d’éducation atteint par les individus qui composent une économie constitue un déterminant majeur de son succès sur l’échiquier économique mondial et, partant, du niveau de vie de ses citoyens (Joanis, 2002). Aussi, les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) considèrent-ils, que le niveau d’éducation,  l’accès  à  la  santé,  et  un  bon  environnement  constituent  les  ingrédients nécessaires à une vie agréable et longue (Easterly, 2008).  Le déficit dans l’un ou l’autre de leurs attributs constitue un signe de pauvreté plus grave que la pauvreté de revenu. Assurer l’enseignement universel ne consiste pas seulement à garantir que tous les enfants soient inscrits, encore faut-il qu’ils continuent à aller à l’école jusqu’à un certain niveau. Dès lors la question de l’échec scolaire devient une question vive, un problème social complexe qui préoccupe un nombre croissant et diversifié d’acteurs (familles, élèves, enseignants, gouvernants, chercheurs, bref toute la société).

Plus de 30% des élèves du primaire abandonnent l’école avant d’atteindre la dernière année du cycle en Afrique subsaharienne (Vitaro et al., 2001). Six ans après,  cette situation s’est légèrement améliorée mais de manière non significative et est passé de 30 à 28.78% (Coulidiaty-Kiélem, 2007). La pauvreté et l’absence de financement pour l’éducation constitueraient les plus gros obstacles à l’éducation en Afrique (Ananga, 2011) ; même s’il existerait  aussi  des  barrières  sociales  et  culturelles  qui  renforcent  le     phénomène  de

marginalisation. Dans une étude menée aux Etats-Unis sur les conséquences de l'abandon1 de

l'école secondaire, Sum et al. (2009) démontrent que 58% de ceux qui abandonnent l’école, le font du fait qu’ils proviennent des  familles à faible revenu. Le même problème se pose sur l’échiquier africain, en Afrique noire surtout. En République Démocratique du Congo, les revenus des agents économiques se sont totalement effrités à tel enseigne qu’actuellement près de 71 % de la population survivent en dessous du seuil de pauvreté (DSCRP2, 2006). Cette situation a un impact sur le faible taux de scolarité dans le pays. La partie orientale du

pays est la plus touchée à cause des guerres et les conflits armés à répétition dont elle continue

1 Le terme « d’abandon scolaire» inclut toutes les formes d’abandon de l’enseignement et de la formation avant la fin du cycle ou du programme

2 Le DSCRP = Document Stratégique de la Croissance et Réduction de la Pauvreté.

d’être victime. En effet, le taux net de scolarisation en République Démocratique du Congo, est respectivement de 51% et 54.3% au primaire et au secondaire (UNICEF, 2011). Au Sud- kivu,  dans les primaires ce taux est de 41 % dont 49 % pour les garçons et 38 % pour les filles. La proportion d’écoliers commençant la première année d’études et achevant la 5ème année est de 18 %. Le taux d’alphabétisation des adultes est de 62 % dont 78 % pour les hommes et 38 % pour les femmes. La même source indique que le taux net d'admission en

première année primaire était de l'ordre de 42.8 % en milieu urbain et de 14 % seulement en milieu rural en 2004, tandis que le taux de rétention en cinquième année primaire était estimé à 60.3 % en milieu urbain et de 15.1 % en milieu rural.

Une abondante littérature sur l’abandon scolaire existe [Bouchard (2001), Nakanyike et al. (2003), Belzil (2004), Issidor (2006), Coulidiati-Kiélem (2009), Boulila et Jaleddine (2010), Vitaro et al.(2010) et Ananga (2011)]. Issidor (29006) soutient que les travaux consacrés à l’économie de l’éducation visent à identifier les indicateurs pertinents de l’efficacité interne des systèmes éducatifs en mettant en évidence le fait que l’abandon précoce de l’école est un véritable problème pour la société. Coulidiati-Kiélem (2009) estime que l’abandon scolaire fait subir aux individus et à la société d’importants coûts. Pour Benny et Frappier (1997), l’abandon précoce de l’école contribuerait à l’analphabétisme répandu,   au chômage voir même au crime dans certaines sociétés. Il soulèverait également des questions d’égalité des sexes qui requièrent plus d’attention surtout dans les milieux ruraux où les coutumes sont très discriminatoires en Afrique. Aux Etats-Unis et au Burkina Faso les études (Sum et al. 2009 et Coulidiati-Kiélem, 2009), montrent que le nombre de garçons qui quittent l’école prématurément est plus élevé par rapport à celui de filles. Dans une étude menée au Sud-Kivu sur les  causes,    les  motivations à  l’inscription et  mécanismes alternatifs de  lutte  contre l’abandon scolaire, Ntagoma et Lukuli (2008) affirment que la question éducative au Sud- Kivu doit préoccuper plus d’un du fait de la  dégradation  de  l’environnement  éducatif  pour diverses   raisons : dégradation   de   la   situation   socio-économique   au   niveau   national, démission de l’Etat et report de responsabilité sur les parents, récurrence des   guerres   et appauvrissement   significatif   des   populations particulièrement   les   populations   rurales. Malgré que   la part consacrée à l’éducation primaire, secondaire et professionnelle se soit accrue en moyenne de 43,8% entre 2006 et 2010 (DSCRP, 2011),   la situation reste critique sur le terrain.

L’objectif de ce travail est de faire un état de lieu de l’abandon scolaire au Sud-Kivu et de relever les raisons qui poussent les élèves à abandonner les études avant la fin du cycle. L’abandon scolaire précoce serait influencé par divers facteurs dont les facteurs éducatifs,

individuels, des facteurs socio-économiques liés à la famille,…. Le phénomène d’abandon prématuré de l’école débute souvent dès l’enseignement primaire, avec les premiers échecs scolaires (Sabates et al. 2010). L’abandon scolaire pourrait être fortement lié à l’handicap social qui aurait comme source le désengagement de l’Etat dans le secteur éducatif. Les enfants de parents à bas niveau d’éducation et  issus de milieux socialement défavorisés (milieu ruraux par exemple) seraient  plus susceptibles d’abandonner l’école  avant de finir le cycle.

Nous mettons en évidence la relation qui peut exister entre l’abandon scolaire et les caractéristiques des élèves, de leur famille et de leur milieu de vie en général. L’importance de la question relative à l’abandon scolaire est évidente pour la République Démocratique du Congo en général et pour la  province  du Sud-kivu particulièrement, du fait des affres des guerres dont le pays a été victime mais aussi à cause de la mauvaise gestion du secteur éducatif. C’est ainsi que l'efficience du secteur  est devenu faible avec des taux  d'abandon de plus en plus élevés. S’attaquer au problème de l’abandon scolaire induit implicitement de porter une attention particulière au processus décisionnel  et aux facteurs qui conduisent les élèves à quitter l’école sans qualification.

C’est  donc  en  vue  de  contribuer  à  une  meilleure  compréhension  de  la  problématique d’abandon scolaire précoce que nous sommes intéressés dans cette recherche, afin de documenter les points de vue des élèves, des parents tant de l’école primaire et   que du secondaire sur le sujet, en cherchant à analyser les facteurs explicatifs de ce phénomène. L’approche adoptée dans cette étude est largement inspirée de [Rumberger (1995), Belzil (2004), Durand (2006), Coulidiati-Kiélem (2009), Boulila et  et Jaleleddine (2010) et Boutin

(2010)] qui approchent l’abandon scolaire avec des modèles d’analyses multi-niveaux3. Dans

ce travail, nous utilisons la base des données de l’enquête 1-2-3  menée auprès des ménages en

République Démocratique du Congo en 2006.

En plus du modèle d’analyse multi-niveaux qui s’appuie sur une régression du modèle probit univarié, l’élaboration de ce travail a nécessité aussi la méthode statistique qui nous a facilité l’analyse et traitement des données. La technique documentaire nous a permis d’accéder aux données statistiques à  la  division provinciale de  l’Enseignement Primaire, Secondaire et

Professionnel (EPSP) à Bukavu.

3 Selon Coulidiati-Kiélem (2009) et Boutin (2010), dans une approche multi-niveaux, les éléments hiérarchiques sont directement intégrés au sein du modèle.

Ce travail s’articule autour de quatre principaux  chapitres : le premier est relatif à la revue de la  littérature  où  nous  présentons une  revue  théorique  ainsi  qu’une  revue  empirique.  Le deuxième chapitre aborde l’analyse   de la scolarité au Sud-Kivu durant la période allant seulement de 2005 à 20094. A ce niveau, nous avons parcouru les archives de la division provinciale de l’EPSP, institution habilitée pour produire des statistiques dans le domaine de l’éducation. Le troisième se focalise sur la démarche méthodologique retenue dans ce travail.

Dans ce chapitre nous essayons de spécifier le modèle de régression retenu et de présenter les variables à estimer. Enfin, le dernier chapitre interprète les résultats de la régression et

présente la discussion y afférente, avant de déboucher sur quelques recommandations.

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