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CHAP I : REVUE DE LA LITTERATURE

Ce chapitre est consacré à la revue théorique pour la compréhension des quelques concepts se rapportant à la problématique de l’abandon scolaire et  une revue empirique qui nous offre un survol des différentes études empiriques  qui s’appuient sur certaines expériences dans divers pays à travers le monde.

1.1. Revue théorique

Bien que la littérature concernant l’abandon scolaire  soit abondante sous d’autres cieux, il nous paraît  que très peu d’auteurs ont traité directement de ce sujet en RDC tel que nous le présentons ici. Nous essayerons nonobstant d'en faire la revue.

1.1.1.  Le concept d’abandon scolaire ou décrochage scolaire

Il  n'existe  pas,  une    définition  du  décrochage  scolaire  pour  laquelle  les  auteurs  soient unanimes  au sein de la communauté scientifique (Rudolfo et al., 1991). Ce  concept connait une grande diversité de définitions selon les auteurs et selon le contexte. L’abandon en général  est,  le  fait  de  quitter,  de  cesser  d’occuper ou  tout  simplement  de  renoncer volontairement ou non à poursuivre un but initialement établit (Boissonneault et al., 2007). Il est perçu donc comme un accroissement des cas d’échecs qui mènent à l’abandon dans un domaine précis. C’est donc un manque de réussite ou tout simplement, de l’insuccès.

Ananga (2011) montre que dans le cas de la Slovaquie, la définition de ce concept concerne uniquement les élèves qui n'ont pas terminé l'enseignement de base, sans nécessairement intégrer ceux sur le point de décrochage, comme c'est le cas de la Lettonie. Il ajoute que le contexte Albanais capture l'abandon comme le cas d’un élève qui quitte l'école avant la fin, pour toute autre raison que la mort, sans être inscrit dans une autre école ou institution. En Mongolie, le terme «abandon» est utilisé pour désigner un enfant qui quitte l'école après avoir assisté à une période d'éducation formelle. Dans le contexte du Ghana, Fentiman (1999) cité par Ananga (2011) définit un décrocheur comme un élève qui n'a pas terminé les neuf années d'éducation de base.

Pour Rudolfo et al., (1991) le fait pour un élève, de quitter une institution scolaire, d'abandonner ses études ou d'arrêter le cursus en cours avant qu'il ne soit terminé ou tout simplement avant l'obtention du diplôme de fin de cycle correspondant. On y inclut également les interrupteurs momentanés. Quant à Sabates et al. (2010),  on parle de décrochage scolaire lorsqu’un élève quitte l’institution scolaire, abandonne ses études, ou  arrête le cursus en cours avant

d’obtenir le but poursuivi c’est-à-dire son baccalauréat5 au moins. La définition du « décrochage » se rapproche à celle de  la « déscolarisation » (Boissonneault et al., 2007),  même si le premier terme est utilisé plus fréquemment lorsqu’il est question d’élèves ayant dépassé l’âge de la scolarité obligatoire. De nombreux termes sont utilisés par les chercheurs  pour caractériser les processus en amont ou en aval des  ruptures scolaires. On parle ainsi de la « mortalité éducationnelle » (Rudolfo et al., 1991), de la « démobilisation scolaire » (Bouchard, 2001, Nakanyike et al., 2003), de « désaffiliation »  ou de « non-affiliation » (Rudolfo et al., 1991 ; Lee et Burkam, 2000). Selon la littérature, l’abandon  scolaire est fonction en amont de l’offre et de la demande d’éducation.

1.1.2.  Notions d'offre scolaire et de demande d'éducation

D'après  Sum et al. (2009), l'offre scolaire est le produit des politiques étatiques et la demande d'éducation est le fait que les populations scolarisent leurs enfants ou pas.   La demande d’éducation concerne  les enfants qui sont susceptible de fréquenter l’école primaire et l’école secondaire. Ce sont ceux  dont l'âge est compris entre 6 et 18 ans  (Sabates et al., 2010).  En RDC, selon les données de la Division provinciale de l’EPSP au Sud-kivu, la tranche d’âge retenue est celui de 7 à 19 ans pour le primaire et le secondaire (lorsque les redoublements

sont inclus c'est la population d'âge de 7 à 22 ans qui est concernée)6. Cette demande peut

aussi dépendre du nombre d’enseignants  ayant suivi une formation, et capable de satisfaire la demande ; ou même de la disponibilité des cadres pouvant accueillir les élèves ou alors des moyens y afférents. C’est ainsi qu’en dépit de la bonne intention de scolariser les enfants, les parents peuvent se heurter au problème financiers; du fait que l’Etat ne remplit pas correctement sa mission dans le secteur éducatif.

Pour Sawadogo et Soura (2002), la demande de scolarisation est   l'ensemble des facteurs (scolaires, économiques, sociaux, démographiques, culturels, religieux et politiques) que les individus ou les groupes prennent en compte directement ou indirectement, consciemment ou non, dans leurs pratiques de scolarisation ; ces facteurs conditionnent ainsi la mise à l'école, l'itinéraire scolaire et la durée de la scolarité. L'idée classique selon laquelle l'offre crée sa propre demande doit être considérée avec réserve ici. En effet, très souvent il y a inadéquation entre l'offre et la demande, tantôt nous avons des écoles sous fréquentées, tantôt des écoles en situation de sureffectifs. Plusieurs pays en Afrique connaissent un taux faible d’offre d’éducation, c’est-à-dire, l’accès à l’éducation est limité, le système d’encadrement étant lui-

même fragile (UNESCO, 2009). Cette situation multiplie ainsi le nombre d’enfants  qui ne

5 Le baccalauréat est un premier diplôme sanctionnant la fin des études secondaires ; c’est l’équivalant du diplôme d’Etat ici chez nous.

6 Entre 6 et 14 ans est la  tranche d’âge officiel pour compléter l'éducation de base au Ghana (Ananga, 2011).

fréquentent pas l’école à cause de l’absence d’infrastructures et pour ceux qui y accèdent, de nombreux problèmes les poussent à abandonner l’école avant la fin du cursus.

1.1.3.  Les décrocheurs scolaires

Le ministère de l’Éducation du Québec (Canada) étudie le décrochage scolaire dans le cursus menant au diplôme du secondaire. Est considéré comme « décrocheur » tout élève qui était inscrit au début d'une année scolaire et qui ne l’est plus l’année suivante sans être titulaire d'un  diplôme  d'études  secondaires  (Baccalauréat).  Les  décès  et  les  déménagements  à l'étranger ne sont pas inclus [(Rapport du MEQ (2006) cité par Boissonneault et al., (2007)]. Un élève est dit « à risque de décrochage scolaire » lorsqu'il fréquente toujours l'école, mais qu'il présente une forte probabilité de décrochage.

En  économie  de  l’éducation,  les  auteurs    sont  aussi  divisés    quant  à  la  définition  du

« décrocheur ». Des auteurs comme Dagenais et al. (2010) proposent de retenir le nombre de trois semaines d’absences continues non motivées pour identifier un décrocheur. Une telle définition implique qu’un élève peut, à l’intérieur d’une même année, être identifié comme un élève régulier et décrocheur, ce qui nous laisserait dans une difficulté de qualification. Cette conception pose  des  problèmes de  spécificité  pour établir  la  prévalence du  phénomène, puisqu’il est à peu près impossible de se doter d’un système d’identification aussi précis à

large échelle. L’autre problème réside dans la nature du passage à l’acte (Fry, 2003)7. Des

problèmes d’identification apparaissent encore là évidents compte tenu du caractère plutôt délicat d’une telle distinction pour les administrateurs scolaires.

La solution habituellement retenue sur le plan épistémologique pour contourner les problèmes d’identification consiste à utiliser le fait d’être ou pas titulaire d’un diplôme comme critère de classification (Lee et Burkam, 2000), (ou on est titulaire d’un diplôme   ou alors on est décrocheur). Cette solution n’est pas exempte de confusion sur le plan conceptuel et opérationnel. Sur le plan conceptuel, il apparaît profondément réducteur de proposer une équivalence entre l’obtention d’un diplôme et le fait de ne pas poursuivre volontairement ou non des études tel que prescrit par la loi ou les conventions sociales (Sawadogo et Soura,

2002).

7 L’auteur soulève un certain nombre des questionnements : le statut de décrocheur convient-il aussi bien à celui qui quitte « délibérément » l’école qu’à celui qui en est expulsé par les responsables de l’école?

Sur le plan opérationnel, les risques de confusion résident principalement dans les multiples méthodes de calcul, ce qui rend les comparaisons très difficiles entre les différents pays, les différentes provinces ou même différentes commissions scolaires (Benny et Frappier, 1997 ; Cynthia et al., 2000 ; Sawadogo et Soura, 2002). Ces quelques définitions montrent bien la difficulté de trouver un consensus sur le  concept de l'abandon scolaire en raison, certes, de la pluralité des approches et des disciplines qui s'en intéressent.

I.1.4. Catégorisations des décrocheurs

Dans une recherche portant sur des données longitudinales par rapport aux liens entre la délinquance et l’abandon scolaire, Elliott et Voss (1974) [cité par Sawadogo et Soura (2002)] font la distinction entre :

    les décrocheurs handicapés intellectuellement invalides (c’est-à-dire ayant la lenteur et la déficience intellectuelle), qu’on qualifie souvent sous le nom de décrocheurs involontaires8 ;

    les décrocheurs intellectuellement « capables » (comme les capables) mais qui ont abandonné l’école pour de raisons indépendantes de leur volonté, mais de l’environnement socio-économique (maladie, mortalité, manque de moyen financier,…).

Les  auteurs  ont  subdivisé  les  décrocheurs  «  capables  »  en  deux  groupes,  soient  les décrocheurs  volontaires  et  les  expulsés  («  pushouts  »),  ces  derniers  se  distinguant  des premiers par le fait qu’ils désiraient rester à l’école qui ne les admet plus (suspensions à répétitions et expulsions).

D’autres recherches comme celle de Janosz, (1996) [cité par Duchesne et Thomas (2005)] ont proposé six types de décrocheurs :

    Les drop-outs accidentels, ont toutes les capacités voulues pour terminer leurs études mais qui préfèrent, aux études abstraites, la réalité concrète du marché du travail ;

    Les inadaptés, qui éprouvent trop de difficultés intellectuelles, motrices ou comportementales pour s’adapter à l’école ;

     Les défavorisés, qui évoluent dans un milieu socioéconomique et familial défavorisé qui assombrit tellement les perspectives d’avenir que l’école en perd son sens ;

    Les délinquants, qui ressemblent aux défavorisés mais qui, en plus, ont développé

des conduites sociales inadaptées ;

8   Les décrocheurs involontaires sont ceux qui ont tout le potentiel intellectuel pour terminer leurs études mais l’environnement dans lequel ils évoluent les contraient à abandonner.

    Les  dropout  féminins,  qui  abandonnent  l’école  à  cause  du  mariage  ou  d’une grossesse précoce ;

     Les marginaux, des adolescents qui ont tout pour eux (intelligence, famille aisée, habiletés créatrices, etc.) mais qui n’arrivent pas à s’épanouir à l’école vécue comme un milieu aliénant.

Prenant   appui   sur   Janosz,   (1996) ;   Duchesne   et   Thomas   (2005)   proposent   une conceptualisation différente des types de décrocheurs. Ils distinguent tout d’abord les adolescents qui réussissent bien à l’école de ceux qui vivent des échecs scolaires.

Dans la catégorie des performants (higher-achieving students), ils identifient les adolescents qui décrochent parce que les écoles les expulsent, habituellement à cause de problèmes de comportement (pushouts).

Dans la catégorie des élèves peu performants ( low-achieving students) qui essuient des échecs scolaires, ils considèrent trois types de décrocheurs : les expulsés ( pushouts), les décrocheurs discrets (quiet dropouts) et les décrocheurs qui ont complété leurs études secondaires sans obtenir leur diplôme ( in-school dropouts).

Les expulsés se caractérisent par le fait qu’ils réagissent ouvertement à la frustration de leur vécu  scolaire  :  agressivité,  rébellion  scolaire,  indiscipline,  etc.  Leurs  comportements entraînent  des  mesures  disciplinaires  qui  conduisent  éventuellement  à  une  expulsion définitive. Les décrocheurs discrets, catégorie qui correspond au groupe le plus important de décrocheurs, passent généralement inaperçus jusqu’à ce qu’ils abandonnent l’école, dès que le moment arrive. Ils ne réagissent pas ouvertement à leurs échecs scolaires répétés. Ces deux types de décrocheurs abandonnent l’école avant la fin de leurs études secondaires. Enfin, le dernier type de décrocheurs ( in-school dropouts) n’obtiennent pas leur diplôme malgré le fait qu’ils aient réalisé toutes leurs années d’études. Ces élèves ont souvent des failles dans leurs connaissances qui les empêchent de réussir aux examens terminaux.

Ainsi la décision d'abandonner l'école est-elle le résultat d'un cumul de situations complexes scolaires, relationnelles, socio-économiques,   personnelles, etc. Il s'agit donc d'un long processus incluant des facteurs multidimensionnels.

I.1.5. Les causes du décrochage scolaire

Comprendre le phénomène d’abandon scolaire et en saisir toute la complexité des causes implique  une approche pluridisciplinaire. Ainsi, alors que les études en psychologie mettent surtout l’accent sur les dimensions intrapsychiques, comportementales et socio- interactionnelles, les  chercheurs  en  économie  de  l’éducation  s’intéressent  davantage  aux

éléments liés à la pédagogie et à l’environnement éducatif et socioéconomique ; les sociologues ou les historiens examinent davantage quant à eux la construction sociale du phénomène, le rôle des politiques, les facteurs structurants des institutions et les rapports entre les classes (Bushnik et al., 2004).

Les écrits sur la question indiquent que le décrochage scolaire est un processus à Moyen et Long Terme et non ponctuel, qui ne découle pas seulement de caractéristiques individuelles, mais d’une gamme de facteurs reliés tant au milieu scolaire qu’au niveau familial et communautaire   [Dei et al. (1997), Rosenthal (1998) Jimerson et al. (2000) Bushnik et al. (2004)]. Belzil  (2004) regroupe les  facteurs  à  l’origine du  décrochage  scolaire  en  deux catégories soient : les facteurs familiaux et les facteurs scolaires.

L’abandon scolaire des élèves dépend  aussi des facteurs qui sont propres aux élèves, selon le genre, l'âge, les dons et le goût pour les études et aussi des conditions de vie et d’étude : taille de la famille, niveau d’instruction et revenus des parents, distance par rapport à l’école, etc. Il dépend également de la qualité de l’organisation et de l’enseignement scolaire : qualification des professeurs, taille des classes, pratiques pédagogiques, temps scolaire d’apprentissage, climat et discipline dans l’établissement, relation élève-enseignant, etc. (Diagne et al., 2006). Pris globalement, les facteurs d’abandon scolaire trouvent leur racine dans  la  dégradation de la  situation  socio-économique  et  politique, et dans la dégradation du cadre d’enseignement (Ntagoma et Lukuli, 2008).

I.1.5.1. Les causes familiales

La famille joue un rôle non négligeable dans la réussite ou l’échec des études des enfants. L'entourage familial joue souvent un grand rôle dans l'assiduité ou la non assiduité des enfants.

Le climat familial, c'est-à-dire la qualité des relations parents - enfant, a notamment un impact déterminant. Les   résultats des recherches de Vitaro (2001) indiquent que les enfants qui proviennent de familles désunies, à faible revenu ou en dépendance économique, où il y a plusieurs enfants, et dont les parents sont peu scolarisés, courent plus de risques d’abandonner l’école (Easterly, 2008). La scolarité des deux parents influence les aspirations scolaires des élèves, alors que la scolarité de la mère est étroitement liée à la performance scolaire.

Les études sur le fonctionnement familial démontrent que les enfants ont plus de risques de décrocher si les parents valorisent peu l’école et s’impliquent peu dans l’encadrement scolaire de leurs enfants, si le style parental est permissif et le système d’encadrement déficient par exemple le manque de supervision, de soutien et d’encouragement ; s’il y a un manque de

communication et de chaleur dans les rapports parents-enfants, et si les parents réagissent mal ou pas du tout aux échecs scolaires de leurs enfants (Okumu et al., 2008).

Bouchard (2001) souligne qu’il existe donc un lien étroit entre scolarité et emploi des parents, revenu de la famille et décrochage scolaire.

La réussite scolaire et l’échec des enfants sont étroitement liés à la perception de leur capacité à modifier leur environnement par l’effort et le travail. Un enfant évoluant dans un milieu favorisé aura davantage l’impression qu’il peut réussir, s’il  agit  de  la  façon appropriée, puisqu’il a vécu des expériences positives dans la satisfaction de ses besoins suite à ses actions ou ses  demandes. Par contre, les  élèves  originaires d’un milieu  défavorisé, plus fréquemment  susceptibles  de  décrocher,  semblent  moins  conscients  de  leur  pouvoir  de changer les choses et de transformer leur environnement.

I.1.5.2. Les causes scolaires

Plusieurs auteurs ont démontré que l’école, par sa structure, son organisation du cursus ou son climat, influence l’expérience scolaire des élèves [Benny et Frappier (1997), Cynthia et al. (2000),   Lee   et   Burkam   (2000),   Easterly   (2008)].   Peu   d’études   se   sont   attardées spécifiquement à l’effet de l’environnement scolaire sur le décrochage, mais la variabilité observée dans les taux d’absentéisme et de décrochage entre les écoles, au-delà des caractéristiques des élèves, (Rudolfo et al., 1991 ; Boissonneault et al., 2007), ainsi que les résultats concernant l’influence de l’environnement scolaire sur la réussite scolaire permettent d’affirmer que l’école, comme milieu de vie, est un des déterminants de la persévérance scolaire.

Sur le plan organisationnel, les écoles plus petites tendent à favoriser la participation des élèves dans des activités parascolaires et à permettre un encadrement plus flexible et plus étroit de la part des adultes (Cynthia et al., 2000). Par contre, les écoles qui incorporent une trop  grande  diversité  des  cheminements  éducatifs  et  qui  s’adressent  à  une  population hautement diversifiée sur les plans culturel, ethnique et intellectuel sont moins efficaces (Vitaro, 2001). Certaines recherches notent aussi que le stress qui accompagne le passage du primaire au secondaire peut avoir des effets négatifs sur la réussite scolaire [Fry (2003), Sabates et al. (2010)].   Il   importe de mentionner que la pratique qui consiste à retirer du cursus général les élèves qui ont des difficultés d’apprentissage ou de comportement afin de les empêcher d’abandonner l’école ne semble pas être une stratégie plus efficace que la scolarisation en voie normale ou les stratégies d’intégration des enfants en difficulté au secteur éducatif (Dei et al., 1997).

Au plan des pratiques éducatives, les meilleures écoles se caractérisent par un usage étendu des pratiques pédagogiques et des stratégies de gestion de classe efficaces, l’implantation d’un bon système d’encadrement et un système de reconnaissance qui privilégie le renforcement plutôt que la punition [Sawadogo et Soura (2002) et  Okumu et al. (2008)]. Les bonnes écoles offrent  aux  élèves  de  multiples  occasions  pour  découvrir  leurs  intérêts,  leurs  habiletés sportives et artistiques, et pour se développer sur les plans personnel et social (Rudolfo et al.,

1991).

Les attitudes des enseignants sont également importantes. Les études  montrent que les élèves réussissent mieux lorsque les adultes valorisent ouvertement la réussite scolaire (Sawadogo et Soura, 2002) et qu’ils maintiennent des attentes élevées et réalistes à l’égard du rendement des élèves. Les meilleures écoles  apprennent également à communiquer avec les parents, à leur faire une place et à susciter leur participation dans différents comités. Elles savent aussi offrir un soutien aux parents sur les meilleures façons d’aider leurs enfants dans leurs études (en termes de conseil) et il règne dans ces écoles un excellent climat social et éducatif [Bushnik et al. (2004) et  Easterly (2008)].

La  qualité de l’environnement scolaire serait davantage déterminante de la réussite scolaire pour les élèves à risque qui proviennent de milieux (familles) peu stimulant à la scolarisation.

I.1.5.3. Les causes interpersonnelles

Du point de vue des relations entre pairs, les études    prouvent  que l’isolement social et le rejet par les pairs augmentent les risques d’abandonner l’école [Dagenais (2010), Sabates et al., (2010)]. En  plus, les futurs décrocheurs scolaires s’associent le plus souvent à des pairs décrocheurs ou potentiellement décrocheurs et dont les aspirations scolaires sont peu élevées [UNESCO (2009) ; Fry (2003)].

Sawadogo et Soura (2002), ont aussi observé que les décrocheurs   manifestent une plus grande fidélité à leurs pairs qu’à leurs parents. Des relations conflictuelles et insatisfaisantes avec les enseignants ou le personnel de l’école apparaissent également comme des facteurs de risque.

I.154.4. Les causes individuelles

Les  difficultés  d’apprentissage et  les  troubles  du  comportement  constituent  des  facteurs personnels les plus déterminants du décrochage scolaire. En effet, l’élève en trouble du comportement montre un déficit important dans sa capacité d’adaptation à l’école. Selon la plupart des études, les jeunes décrocheurs participent moins aux activités scolaires, portent

peu d’attention en classe, passent moins de temps à faire leurs devoirs, ont des problèmes d’absentéisme et valorisent davantage le travail rémunéré que les études, comparés aux autres élèves (Duchesne et Thomas, 2005).

La littérature affirme que les garçons semblent plus à risque de décrocher que les filles, bien que des études plus récentes tendent à démontrer que le sexe de l’élève perd sa valeur une fois que les facteurs de risque scolaires comme l’échec, la  motivation, … et les facteurs familiaux sont connus (Gary-Bobo et Robin, 2011). Au Canada, les élèves dont la langue maternelle est le français sont plus nombreux à décrocher que les élèves de langue maternelle anglaise (Boissonneault et al., 2007).

Les données  des États-Unis en 2003 relèvent généralement un plus haut taux de décrocheurs chez les élèves qui proviennent des communautés noires et hispanophones [Fry (2003), Sum et   al.   (2009)].  Certains   auteurs   constatent   cependant   que   les   différences  ethniques disparaissent une fois que l’on considère les caractéristiques familiales et socioéconomiques [Rudolfo et al., (1991), Muskens, (2009)].

Parmi les facteurs de risque les plus importants on note : les habiletés intellectuelles et verbales faibles, l’échec et le retard scolaire, une motivation et un sentiment de compétence affaiblies, des aspirations scolaires moins élevées, des problèmes d’agressivité et d’indiscipline, de l’absentéisme, ainsi qu’un faible investissement dans les activités scolaires et parascolaires [Muskens (2009), Sum et al. (2009)].

Les élèves qui redoublent une ou plusieurs années au primaire ont plus de risque de décrocher au secondaire [Bouchard (2001), Diagne et al. (2006)]. Plus le redoublement se produit tôt dans le parcours scolaire, plus le risque s’accroît. Bouchard lui, considère que les enfants pauvres passent davantage d’heures seuls à la maison. Ils risquent donc d’obtenir moins d’encadrement soutenu dans leurs travaux scolaires. Ils ont plus de problèmes de santé, ont un taux d’absentéisme scolaire plus important et, par le fait même, cumulent des retards et des échecs scolaires. D’après les indicateurs du ministère de l’éducation du Canada (rapport du MEQ, 2006),   18 % des garçons et 12 % des filles ont redoublé leur première année de secondaire en 1999-2000. Au primaire comme au secondaire, la première année du cycle est la plus à risque de redoublement. À la fin des six années que dure normalement le primaire,

22,5 % des enfants âgés de 12 ans n’avaient pas atteint le secondaire (26,5 % des garçons et

18,2 % des filles).

Il est intéressant de souligner que la littérature est muette en ce qui concerne la variable

« transfert » qui, à notre avis, paraît non négligeable dans le problème de décrochage scolaire au Sud Kivu. Plusieurs enfants étudient au Sud-Kivu grâce aux divers soutiens leurs octroyés

par les familles et amis proches ou par les bienfaiteurs. Cette variable est importante du fait que, ce ne sont pas seulement les parents, qui ont la charge de financer les études de leurs enfants   depuis   le   cycle   élémentaire   jusqu’au   niveau   le   plus   élevé   en   République Démocratique du Congo.

I.1.6. Les conséquences de l’abandon scolaire

Les conséquences du décrochage scolaire prématuré varient considérablement en fonction des individus et des sociétés. Nombreuses études [Lee et Burkam (2000), Sum et al. (2009)] démontrent que les élèves qui ont interrompu leurs études ont plus de risques d’éprouver une panoplie de problèmes sociaux, économiques et sanitaires. L’intégration socioprofessionnelle de ceux qui ont abandonné les études est plus difficile : ils sont plus nombreux à recevoir de l’aide  sociale  et  de  l’assurance  chômage  et  leurs  emplois  sont  moins  stables,  moins prestigieux et moins bien rémunérés. [Catterall (1987) cité par Sum et al. (2009)] évalue à 266

000 dollars pour les hommes et à 199 000 dollars pour les femmes le manque à gagner moyen chez ceux qui ont abandonné les études avant la fin du cursus durant leur vie active (18-65 ans). Il estime ainsi, pour les décrocheurs américains de 1981 et pour la même durée de vie active, une perte de revenu potentiel de 228 milliards de dollars et de 68,4 milliards de dollars en impôts. Étant donné les niveaux de difficultés socio-économiques observés, il n’est pas étonnant de constater que les décrocheurs scolaires éprouvent aussi davantage de problèmes de santé physique et mentale. En outre, les décrocheurs devenant parents ; ayant été peu scolarisés, cela augmente le risque que leurs enfants éprouvent à leur tour des difficultés scolaires et décrochent de l’école (Sabates et al., 2010). Cette situation peut conduire à une crise intergénérationnelle.

Pour Duchesne et Thomas (2005), le décrochage scolaire prématuré peut avoir de graves conséquences entre autres :

    Les jeunes qui quittent l’école prématurément sont deux fois plus susceptibles d’être au chômage que ceux qui terminent leurs études.

    Grossesses, crimes, violence, abus d’alcool et de drogues, et suicides sont bien plus élevés chez ceux qui arrêtent prématurément l’école. La plupart de ces problèmes apparaissent également comme des causes du décrochage scolaire prématuré. Il s'agit donc de phénomènes qui se renforcent mutuellement.

    Ceux  qui  arrêtent  précocement  leurs  études  sont  plus  susceptibles  que  d’autres citoyens de dépendre de l’assistance sociale et d’autres programmes sociaux pendant toute ou partie de leur vie.

    Ceux qui arrêtent sans finir leurs études ont une espérance de vie plus courte par rapport aux diplômés de l’enseignement supérieur.

Bon nombre des conséquences indésirables du décrochage scolaire sont interconnectées. La pauvreté mène à un plus grand risque de décrochage scolaire, qui peut lui aussi engendrer la pauvreté et une espérance de vie réduite. Il est évident qu’en moyenne le décrochage scolaire prématuré aggrave les problèmes existants, à l’opposé d’un parcours pédagogique réussi qui les allège.

I.2. Revue empirique : étude de quelques cas

Etant donné les attentes en termes de perspectives de l’éducation pour tous et dans le souci de la poursuite des objectifs du millénaire pour le développement, de la réduction de la pauvreté et l’égalité de chance, la problématique concernant le décrochage scolaire fait l’objet de beaucoup d’études empiriques en Afrique et dans plusieurs pays développés.

Vitaro et al. (2001) ont effectué une recherche sur les expériences négatives, sociales et l’abandon scolaire (Negative Social Experiences and Dropping Out of School) au Canada. Le but de cette investigation était d'examiner si les variables liées aux pairs (compagnons) jouent un  rôle  de  médiation,  de  modérateur,  de  système  redondant  ou  un  rôle  additif  dans  la trajectoire menant à  l'abandon scolaire précoce ou tardive après contrôle des perturbateurs, des problèmes scolaires  et des variables socio-familiales. L’étude voulait tester un modèle de prédiction de retrait anticipé de l'école auprès d'un échantillon de 751 garçons, en mettant l'accent sur le rôle des variables liées aux pairs (comme l’impopularité / friendlessness et des amis déviants).

Les résultats   montrent que l'adversité socio-familiale a un lien direct vers le décrochage scolaire. Les auteurs constatent également que la pauvreté et le niveau d'instruction de la mère en interaction avec l'enfant sont des   caractéristiques pouvant prédire le décrochage scolaire.

Nakanyike  et  al.  (2003)  ont  réalisé  une  étude  sur  le  modèle  d'assistance  et  les  causes d’abandon dans les écoles primaire en  Ouganda (Attendance patterns and causes of dropout in primary schools in Uganda). Cette étude a porté sur une enquête visant à identifier les niveaux, les modèles, les causes et les remèdes à envisager pour les hauts taux d’absentéisme, de redoublement qui conduisent à l’abandon précoce dans les écoles primaires en Ouganda. L'enquête a été exécutée dans 16 écoles primaires dans les quatre régions d'Ouganda.  Les méthodes qualitatives ont été utilisées pour obtenir les perceptions des chefs locaux, des parents et des enseignants   au sujet des causes des problèmes sous étude et les remèdes possibles à envisager. Les résultats de cette étude démontrent que le système de l'inspection

des écoles est faible et irrégulier avec le résultat qui ne motive pas les directeurs d’écoles et les enseignants à prendre en mains leur métier, et ainsi motiver les élèves à toujours être présent. Un  grand nombre de  d’élèves (43.3% pour les garçons et 29% pour les filles) et des parents  (67.18%)    n'apprécient  pas  la  qualité  d'éducation  dans  les  écoles  primaires  en Ouganda. Le redoublement de la classe est associé à la qualité d'enseignement.   Les enseignants s’absentent eux-mêmes régulièrement.

Belzil (2004) dans une étude portant sur un modèle économétrique dynamique de l’abandon scolaire  au  Québec  et  en  Ontario,  analyse  les  raisons  qui  expliquent  pourquoi  le  taux d’abandon scolaire québécois est plus élevé que la moyenne nationale et, en particulier, beaucoup plus élevé qu’en Ontario. Le modèle économétrique est construit autour de groupes de trois facteurs fondamentaux ; le niveau d’éducation des parents et /ou d’autres caractéristiques familiales, le sexe ainsi que l’hétérogénéité non observée. L’enquête renferme des informations sur la scolarité et les expériences de travail (heures de travail, revenu, formation en entreprise, etc.) de plus de 9 000 Canadiens âgés entre 18 et 20 ans en 1990. Après l’élimination des observations erronées, l’auteur est resté avec un échantillon de 968 jeunes Québécois et de 1 088 jeunes Ontariens. L’étude approche un modèle multi-niveaux à l’aide du logiciel STATA. Les résultats indiquent qu’au Québec, tout comme en Ontario, l’incidence de l’abandon scolaire décroît avec le niveau d’éducation des parents et est moins élevé chez ceux qui ont été élevés dans une famille unie. Au Québec, et contrairement à l’Ontario, l’incidence de l’abandon scolaire est beaucoup plus élevée chez les garçons.

Issidor (2006) a mené une étude sur le  profil de l’abandon scolaire au Cameroun. L’objectif principal de cette étude était de dégager un profil de l’abandon scolaire au niveau de l’enseignement secondaire général au Cameroun. L’application du Critère d’Information Bayesien (BIC) a permis d’estimer un modèle logit et un modèle logistique qui montrent que l’âge du décrocheur, l’éducation au niveau du secondaire, et le groupe socioéconomique du père  (estimation  du  modèle  logistique),  sont  les  déterminants  les  plus  significatifs  de l’abandon scolaire dans l’enseignement secondaire général au Cameroun. Au total, 1512 ménages ont été enquêtés et 1094 individus concernés par l’enseignement secondaire général interrogés. Les résultats obtenus à partir de l’analyse des statistiques descriptives révèlent que l’incidence de l’abandon scolaire est de 8,22%, ce qui est le double du taux obtenu dans les écoles américaines en 2003. Selon l’étude les deux sexes courent presque le même risque d’abandon (8,28% chez les garçons contre 8,17% chez les filles). Le résultat remarquable est que le taux d’abandon en milieu rural est plus élevé que la moyenne nationale.

Coulidiati-Kiélem (2009) a fait une recherche sur les effets du contexte scolaire   sur les performances des élèves au collège   au Burkina Faso. Cette étude avait pour objectif   de distinguer les facteurs déterminants de la réussite scolaire au collège au Burkina Faso. Cette analyse effectue de façon complémentaire aux moindres carrés ordinaires (MCO), une analyse multi-niveaux. Les variables sont issues d’une enquête longitudinale menée par l’auteur entre

2000 et 2004 sur plus de 4000 élèves repartis dans 79 établissements des 13 régions du pays. [Tous les modèles ont été estimés soit avec le logiciel GLLAMM sous STATA ou sous SPSS]. L’analyse des résultats fait ressortir clairement, que les caractéristiques personnelles de l’élève (âge précoce et sexe) sont déterminantes de ses progressions scolaires. Les résultats prouvent globalement que les facteurs liés à l’enseignant et à sa pratique (ancienneté, face à face pédagogique, encadrement et organisation matérielle des classes, équipe pédagogique), couplés à une volonté d’innovation dans l’établissement sous-tendent de meilleures progressions des élèves. Les élèves semblent progresser mieux dans les établissements où la discipline et l’organisation sont strictes et où le temps scolaire et les heures d’études sont hautement contrôlés. A défaut de cet environnement on assiste à un afflux des abandons précoces dans le système éducatif Burkinabé.

Boulila et Jaleddine (2010) ont fait une étude sur les déterminants de l’échec et de la réussite scolaire en Tunisie. Ils avaient envie de savoir si les écoles primaires en Tunisie contribuent de la même  façon à la performance des élèves. L’étude exploite les données relatives à une cohorte de 924 élèves tunisiens qui étudient dans 25 établissements primaires,  pour  lesquels on disposait entre autres, du niveau de possession individuelle en mathématiques, en  sciences naturelles, en arabe et  en français. Pour   ces deux derniers domaines, la possession est observée pour trois compétences de base, à savoir, l’oral, la lecture et l’écriture. Les données recueillies ont été traitées et analysées grâce au logiciel SPSS. Les résultats d’estimation d’un modèle multi-niveaux montrent que la covariance entre les variables aléatoires est négative. Cette corrélation négative entre les pentes et les constantes signifie   que certaines écoles réussissent à améliorer le niveau de leurs élèves et ce quelque soit leur score initial. La scolarité des parents influence fortement le statut socioéconomique de la famille et permet de prédire les résultats scolaires de leurs  enfants.

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