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Chapitre 4 : Interprétation des résultats et commentaires

Cette partie du travail examine les résultats et les interprète en vue de tirer des conclusions. Elle est subdivisée en trois sections dont la première porte sur la présentation statistique des résultats d’enquête, la seconde se focalise sur l’analyse économétrique de l’abandon scolaire au Sud-Kivu et la troisième présente les limites et pistes de recherche.

IV.1. Présentation statistique des résultats

En parcourant les  résultats, sur un échantillon de 811 ménages retenus dans cette étude, 248 ménages soit 30,57% ont répondu positivement à la question relative à l’abandon scolaire précoce; 563 ménages soit 69,42% parmi lesquels ceux qui n’ont jamais été à l’école  sont au nombre de 391 soit 69,44% de 579 et seulement 172 ménages soit 30,55% ont répondu avoir achevé leur cycle secondaire.

IV.1.1. Niveau d’instruction

Au total 48,2% de la population est sans instruction au Sud-Kivu et l’on observe des différentes importantes selon le milieu de résidence. Quel que soit l’âge, le taux de scolarisation masculin est supérieur au taux féminin. Ceci veut dire que la majorité   des adultes n’ont même  pas  le  niveau d’instruction primaire. Quatre caractéristiques ont  été retenues pour ce qui est du niveau d’étude. Il s’agit de la catégorie de non instruits, de ceux qui n’ont fait que l’école primaire, celle des personnes ayant arrivé au secondaire et enfin la catégorie des personnes ayant atteint le niveau universitaire. Le tableau suivant nous permet de lire les différentes caractéristiques.

Tableau 8: Répartition de la population selon le degré d’instruction

caractéristique/milieu de

résidence

Sans instruction

Primaire

Secondaire

Universitaire

Total

%

Urbain

101

93

104

9

307

37,9

Rural

290

119

92

3

504

62,1

Total

391

212

196

12

811

100

Pourcentage du total

48,2

26,1

24,2

1,5

100

Source : Nos analyses de la base des données de l’enquête 1-2-3.

Les données de ce tableau sur l’accès à l’éducation au Sud-Kivu donnent une certaine lumière sur la crise en ressources humaines dont souffre la province en matière d’instruction et

semblent traduire une attitude différentielle très peu profitable au milieu rural.

Ce passage en revue de ces données statistiques sur l’instruction offre une vue d’ensemble quant à l’évolution dans le temps et dans l’espace du rendement du système éducatif en ce qui

concerne la province du Sud-Kivu.

Graphique 7 : Niveau d’instruction de la population

i           '            i                 -  i

,

50

40

30

48 2

20

10

0

SANS EDUCAT ON

 

N veau d éducat on au Sud K vu

26 1                      24 2

1 5

PR MA RE         SECONDA RE       UN VERS TE

 

,                             ,

,

I               I      I                               I                  I         I

Source : Notre conception sur base des données de l’enquête 1-2-3

Ces résultats reprennent, ceux qui ont abandonné les études avant la fin du cycle, et ceux qui ont achevé. Le nombre de ceux qui n’ont que le niveau primaire s’élève à 212 soit 26,1%, ceux ayant atteint le niveau secondaire sont au nombre de 196 soit 24,2% et ceux qui ont un niveau universitaire ne sont qu’à 12 soit 1,5%. Ces résultats nous conduisent à aborder la

problématique liée aux causes du décrochage scolaire observée au Sud-Kivu.

IV.1.2. Les causes d’arrêt des études

La majorité de ceux qui ont abandonné (119 sur 232 soit 51,1%) ont arrêté les études à cause

des difficultés financières des parents. Le statut socioéconomique influence la performance de

l’élève lors de son entrée à

l’école, ses résultats scolaires, sa perception de ses aptitudes

scolaires, sa vision de l’école, son orientation scolaire, sa motivation et sa persévérance sont des éléments marchant de pair avec les finances familiales. Une proportion d’environ 31,6% est expliquée par l’effet âge des élèves c’est-à-dire qu’ils abandonnent parce qu’ayant commencé  le  cursus scolaire  avec  un  âge  avancé.  Les  autres  caractéristiques telles  que reprises dans le tableau ci-dessous, expliquent l’abandon à des niveaux très marginaux avec

respectivement 3,2% pour l’apprentissage des métiers, 5% à cause des grossesses précoces et mariage, 1,3% dû à l’handicap physique et aux maladies, 1,4% expliqués par les échecs scolaires, 0,7% ont abandonné à cause du trajet très long entre le ménage et l’école, 5,7% pour un manque de motivation.

Tableau 9 : Répartition de la population selon les Causes d’abandon

Caractéristique/

Milieu de

Résidence

Incapacité

financière des parents

Pour           un

apprentissage des métiers

Grossesse/

mariage

Handicap/

maladie

L’échec

scolaire

Age

L’éloignement

Manque   de

motivation

Urbain

53

7

3

0

2

17

0

3

Rural

66

0

9

3

1

56

2

10

Total

119

7

12

3

3

73

2

13

Pourcentage

51,1

3 ,2

5,0

1,3

1,4

31,6

0,7

5,7

Source : Nos analyses de la base des données 1-2-3

La  situation socioéconomique des ménages  rend donc difficile  la prise en charge par  les parents des études de leurs enfants et constitue alors un facteur de risque sérieux.    D’après l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), il existe un lien étroit entre la situation financière des ménages et le décrochage scolaire (Bouchard, 2001).

IV.1.3. Nombre moyen d’années d’étude au Sud-Kivu

Les années de fréquentation de l’école primaire et secondaire varient selon le cycle scolaire. Les personnes ayant eu un épisode de décrochage et ceux en situation de retard scolaire fréquentent l’école moins longtemps que prévu. La dernière classe qu’a fréquenté chaque enquêté (pris en ensemble ceux qui ont fini leurs études secondaires et ceux ayant abandonné avant la fin du cycle secondaire), constitue en moyenne le nombre d’années que la population Sud-Kivutienne passe sur le banc de l’école.

Tableau 10 : Répartition par cycle du nombre d’années d’étude au Sud-Kivu

Cycle/Années moyennes

Nombre d’années d’études moyen

Au primaire

4,4

Au secondaire

3,7

Source : Nos analyses de la base des données 1-2-3

A la lumière de ce tableau, nous remarquons que la population du Sud-Kivu ; pour ceux qui ne se limitent qu’à l’école primaire a une moyenne de 4,4 ans. Ce chiffre signifie que la majorité d’élèves qui ne se limitent qu’au cycle primaire ne franchissent pas généralement la cinquième année primaire. En ce qui concerne l’école secondaire, la moyenne est de 3,7 ans ; c’est-à-dire que ceux qui parviennent à l’école secondaire, ont du mal pour la grande majorité,

à dépasser la quatrième année des humanités.

Figure 1 : Moyenne de fréquentation des décrocheurs au primaire et secondaire

Moyenne d'années de fréquentation

scolaire au Sud-Kivu

3,7

ans

Primaire

Secondaire

4,4 ans

Source : Notre conception sur base des données de l’enquête 1-2-3

A partir des années 1960, le budget alloué à l’enseignement en RD Congo n’a fait que chuter, passant de 7% du PIB et 25% du budget national à 1% du PIB et  moins de 5% du budget national, entraînant une diminution de 96% des dépenses par élève et par an dans  les écoles primaires et secondaires (DSCRP, 2011). Cela explique l’infime  nombre des personnes qui

arrivent donc à finir le cycle sans décrocher.

IV.2. Analyse des raisons de l’abandon scolaire au Sud-Kivu

La régression  du modèle Probit univarié  est faite à l’aide du logiciel Eviews version 3.1. Ainsi faut-il souligner  que nos paramètres estimés  sont significativement différents de zéro à

5% et à 10% pour une bonne partie de nos variables retenues.

Les résultats sont présentés par niveau d’analyse (d’abord le niveau individuel de l’élève lui-

même, ensuite le niveau de

sa famille). Les variables sont enfin coulées dans un modèle

unique que nous nommons « modèle complet ».

IV.2.1. Le niveau individuel de l’élève

L’estimation des  caractéristiques liées  à  l’élève (l’âge de  l’élève, l’âge  avec  lequel  il  a commencé ses études, l’échec scolaire et le sexe) et à partir du logiciel Eviews version 3.1 nous avons les résultats ci-après :

Tableau 11 : Estimations de la probabilité d’abandonner l’école au niveau de l’élève

Dependent Variable: ABANDON Method: ML - Binary Probit

Date: 10/01/12  Time: 14:13

Sample: 1 811

Included observations: 811

Convergence achieved after 4 iterations

Covariance matrix computed using second derivatives

Variable

Coefficient

Std. Error     z-Statistic

Prob.

C

-0.165475

0.126281     -1.310369

0.1901

AGE

0.012862

0.003320     -3.874096

0.0001

AGESCOL

0.119455

0.136975      0.872092

0.3832

ECHECSCOL

0.699708

0.198265      3.529152

0.0004

SEXE

0.000951

0.095103      0.010004

0.9920

Mean dependent var

0.305795

S.D. dependent var

0.461028

S.E. of regression

0.452150

Akaike info criterion

1.203837

Sum squared resid

164.7784

Schwarz criterion

1.232803

Log likelihood

-483.1560

Hannan-Quinn criter.

1.214957

Restr. log likelihood

-499.3286

Avg. log likelihood

-0.595753

LR statistic (4 df)

32.34527

McFadden R-squared

0.032389

Probability(LR stat)

1.63E-06

Obs with Dep=0

563

Total obs

811

Obs with Dep=1

  

248   

Source : Analyse des données à partir de Eviews 3.1

Des quatre variables retenues à ce premier niveau, deux d’entre elles (l’âge et le l’échec scolaire) sont significatives au seuil de 5% et deux autres variables (l’âge de début des études et le sexe) sont non significative même au seuil de 10%.

  1. a) Lâge

Cette variable est significative au seuil de 5% et a  le signe attendu  qui est positif. Ce résultat est évident du fait qu’il corrobore ce que nous dit la littérature. Cette dernière stipule que la demande d’éducation à l’école primaire et l’école secondaire concerne  les enfants dont l'âge est compris entre 6 et 18 ans  [Sabates et al., (2010) et Ananga (2011)].  Ceux qui ont un âge supérieur à celui exigé dans une classe, se sentent complexé et peuvent ainsi aboutir au décrochage scolaire.

  1. b) Lâge de début de l’école

Cette variable n’est pas significative ni au seul de 10%, encore moins à celui de 5% mais cette variable a le signe attendu (positif).   En effet, après un certains âge, un élève n’est plus admissible officiellement à fréquenter un certain niveau  d’études (16 ans au primaire et 22 ans au secondaire). Il convient de souligner que celui qui a largement dépassé l’âge scolaire peut se retrouver dans la fréquentation scolaire informelle. La majorité des personnes se trouvant dans cette catégorie présentent leurs examens d’Etat comme des autodidactes.

  1. c) L’échec scolaire

La variable « échec scolaire » est significative avec un coefficient  de  signe positif, le signe attendu dès le départ. Ceci veut signifier que lorsqu’un élève cumule des échecs scolaires, il est exposé à un abandon éventuel des études. Dans une étude menée au Gabon, Demba (2010) démontre que l’échec scolaire est un problème massif et récurrent dans ce pays et comporte d’importantes répercussions financières, économiques et  sociales. La question de l’échec scolaire  comme  il  le  souligne,  touche  tous  les  niveaux  d’enseignement, du  primaire  au supérieur, et prend plusieurs formes. Si l’on se réfère aux critères de l’institution scolaire, cette question se traduit au Gabon par un taux substantiel de redoublement et d’abandon scolaire. Selon les documents consultés, sur le total des élèves inscrits en première année du

primaire, 19% seulement arrivent en  6e     année sans reprendre de classe ;  en prenant la

moyenne du cycle primaire, nous réalisons que près de 81% d’élèves sont confrontés au problème de redoublement.

  1. d) Le sexe

Cette   variable est non significative et mais possède le signe attendu, c’est-à-dire le signe positif. La littérature nous dit que, la probabilité d’abandonner des garçons est plus forte que celle des filles mais nos résultats ne le confirment pas. Ce résultat n’est donc pas conforme aux recherches de Coulidiati-Kiélem (2009) au Burkina Faso, qui montre que les filles sont plus performantes à l’école que les garçons du fait que les filles profitent moins du capital social de leur père que les garçons. La situation s’empire mais inversement lorsqu’on analyse le phénomène du point de vue de la résidence de la famille. Ananga (2011) montre lui aussi que le pourcentage des garçons qui abandonnent l’école est beaucoup plus élevé que celui des filles.  Les obstacles à la scolarisation sont liés aux  frais  scolaires constituant  le principal handicap à  la  scolarisation des enfants en général et particulièrement les filles,  le travail des filles  est  parfois  nécessaire  à  la  survie  de  la  famille  et  ne  laisse  guère  de  place  à  la

scolarisation, considérée comme un manque à gagner dans   certains   foyers.   Enfin,   les traditions  et  les  coutumes  (mariage  précoce) sont parfois aussi une barrière sociale à la scolarisation de fille.

IV.2.2. Les caractéristiques familiales de l’élève

Les résultats obtenus au deuxième niveau d’analyse sont repris dans le tableau ci-contre :

Tableau 12 : Estimations de la probabilité d’abandonner l’école au niveau de la famille

Dependent Variable: ABANDON Method: ML - Binary Probit

Date: 10/01/12  Time: 14:27

Sample: 1 811

Included observations: 811

Convergence achieved after 4 iterations

Covariance matrix computed using second derivatives

Variable

Coefficient

Std. Error

z-Statistic

Prob.

C

-0.275482

0.221804

-1.242005

0.2142

CATEGPRO

0.102611

0.147605

0.695173

0.4869

LANGUE

0.045203

0.572937

0.078897

0.9371

MILEURES

-1.041519

0.105280

-9.892860

0.0000

NIVEDUCP

0.253635

0.110336

2.298748

0.0215

PARENSEG

0.029118

0.012960

2.246744

0.0247

SITECONO

-0.528472

0.180472

-2.928275

0.0034

TMENAGE

0.063072

0.013958

4.518809

0.0000

Mean dependent var

0.305795

S.D. dependent var

0.461028

S.E. of regression

0.402226

Akaike info criterion

1.019372

Sum squared resid

129.9140

Schwarz criterion

1.065717

Log likelihood

-405.3554

Hannan-Quinn criter.

1.037164

Restr. log likelihood

-499.3286

Avg. log likelihood

-0.499822

LR statistic (7 df)

187.9465

McFadden R-squared

0.188199

Probability(LR stat)

0.000000

Obs with Dep=0

563

Total obs

811

Obs with Dep=1

  

248   

             

Source : Analyse des données à partir de Eviews 3.1

Au niveau des caractéristiques familiales, nous avons retenu sept variables parmi lesquelles cinq sont significatives (le milieu de résidence, le niveau d’éducation des parents, la part des dépenses allouées à l’éducation, la situation économique de la famille et ta taille du ménage) et seulement deux (la profession du chef de ménage et la langue parlée dans le ménage) sont non significatives.

  1. a) La catégorie professionnelle du chef de ménage

Cette variable n’est pas significative au seuil de 5% ni à celui de 10%. Faut-il aussi dire qu’elle nous donne un signe positif. Ce signe veut dire que la catégorie professionnelle a une influence sur la probabilité d’abandonner l’école prématurément.

L’importance du revenu familial dépend de la catégorie professionnelle dans laquelle évolue le chef du ménage : un revenu économique élevé permet à l’élève de se procurer aisément les ressources matérielles  qui  favorisent  son  apprentissage  et  sa  réussite scolaire et limite le décrochage scolaire.  Il existe donc un  lien étroit entre  la nature de  l’emploi des parents,  le revenu de la famille et  la réussite scolaire.

  1. b) La langue parlée dans le ménage

La langue principale est déterminée à partir de la question suivante : Quelle langue utilisez- vous de façon la plus courante dans votre ménage. Cette variable langue parlée n’est pas significative mais a une incidence positive sur la probabilité pour un élève d’abandonner précocement l’école. Cette présence d’influence est appréhendée par le signe du coefficient qui est positif. Ce résultat vient renforcer l’affirmation des conclusions de Boissonneault et al. ( 2007) au Canada, qui ont prouvé que les élèves dont la langue maternelle est le français sont plus nombreux à décrocher que les élèves dont la langue maternelle est l’anglais.

  1. c) Le milieu de résidence

Cette variable est significative et son coefficient a un signe négatif. Ce résultat vient donc confirmer notre hypothèse selon laquelle, le milieu de  résidence a une incidence sur la probabilité   de décrochage scolaire. Il convient de souligner que comparativement aux recherches menées en  Ouganda (Okumu et  al.  2008), qui ont montré que la probabilité d’abandonner au primaire se réduit lorsqu’on passe de la région rurale vers la région urbaine ; nos résultats  semblent prouver la même réalité. Cette situation serait due par le fait qu’en milieu  rural, par exemple,  la distance à parcourir par  l’élève pour  rejoindre  l’école peut être dissuasive.  Bon  nombre  d’écoles,  sinon  la  majorité  d’entre  elles,  manquent  du minimum nécessaire en  termes d’équipements et de matériels didactiques, de  latrines, d’eau potable, et d’électricité dans ce milieu.

  1. d) L’éducation des parents

Cette variable a un signe positif et est significative. Cette significativité voudrait dire que l’éducation des parents a une influence sur la probabilité pour un élève d’abandonner ou non l’école. A titre illustratif, nous pouvons voir que les enfants des enseignants abandonnent de moins à moins les études. Cela est dû au faut que les enseignants encouragent leurs enfants à être performants qu’eux ; ou au minimum à suivre leur exemple. C’est ainsi que Belzil (2004) montre qu’il existe une corrélation entre l’éducation des parents et  de leurs enfants. La scolarité des parents  influence fortement  le statut socioéconomique de  la famille et permet

de   prédire   les   résultats   scolaires   de   leurs   enfants. Les   élèves   de   classe   sociale défavorisée ont des   aspirations   scolaires moins   élevées   et des valeurs   liées   à   l’école moins présentes  que  ceux  issus  de  classes  sociales. Au  contraire,  les parents ayant une scolarité élevée tendent à être plus actifs dans la scolarisation des enfants et à avoir de plus grandes attentes envers leur choix de carrière. Plus encore, ces parents peuvent être des modèles de réussite pour leurs enfants.

  1. e) La part des dépenses allouées à l’éducation

La variable poids de l’éducation dans le budget familial est significative. Cette variable a un signe positif qui veut signifier que la dépense réservée à l’éducation a une influence positive sur la probabilité de décrochage scolaire.  Le signe positif du coefficient s’expliquerait par le fait que l’éducation pèse faiblement dans les budgets des ménages. Nous trouvons même des ménages qui consacrent une valeur nulle à l’éducation. Plus la part consacrée à l’éducation par un ménage diminue, plus les enfants sont exposés au décrochage scolaire.

  1. f) La situation économique du ménage

La variable qui capture le niveau économique du ménage est significative et   possède un signe négatif. Le niveau économique d’un ménage est un élément non négligeable dans l’explication de la probabilité d’abandonner l’école pour ses membres. La présence du signe négatif au coefficient est due par la prédominance des familles pauvres dans notre échantillon. Issidor (2006) dans une étude sur le  profil de l’abandon scolaire au Cameroun montre qu’en plus de l’âge du décrocheur, le groupe socioéconomique du père est déterminant dans la probabilité d’abandon scolaire dans l’enseignement secondaire général au Cameroun. Thomas (2005) affirme que ceux qui évoluent dans un milieu socioéconomique et familial défavorisé sont exposés au décrochage scolaire.   Il ressort donc qu’un statut socioéconomique faible (faible revenu et  faible  scolarité parentale) est    lié  négativement au  système de  valeurs transmis et aux aspirations familiales, qui à leur tour sont associés négativement aux résultats et  à la scolarisation des enfants. Ceci nous amène à confirmer notre hypothèse.

  1. g) La taille du ménage

La variable « taille du ménage » est significative et son coefficient est précédé d’un signe positif, signe attendu. Cette variable apparait plusieurs fois dans la littérature sur le dropout of school et l’éducation (Isambert-Jamati, 1992 ; Coulidiati-kiélem, et 2009 ;  Boutin, 2010) et a une influence sur la probabilité pour un élève de décrocher. Issidor (2006) est abouti aux

résultats qui prouvent que le taux d’abandon est plus élevé dans les ménages dont la taille est comprise entre 5 et 10 individus. Ainsi, plus un élève vit dans une famille qui a plusieurs membres, plus il sera exposé à abandonner l’école car le coût social que supporte une famille nombreuse est élevé.

IV.2.3. Modèle complet

Dans  une  approche  multi-niveaux,  le modèle complet reprend toutes les variables dans un seul modèle. Les résultats suivant en découlent :

Tableau 13 : Modèle complet d’estimations de la probabilité d’abandonner l’école

Dependent Variable: ABANDON Method: ML - Binary Probit

Date: 10/01/12  Time: 14:36

Sample: 1 811

Included observations: 811

Convergence achieved after 4 iterations

Covariance matrix computed using second derivatives

Variable

Coefficient

Std. Error

z-Statistic

Prob.

C

-0.039146

0.264081

-0.148235

0.8822

AGE

-0.011352

0.003664

-3.098310

0.0019

AGESCOL

-0.062100

0.153032

-0.405797

0.6849

CATEGPRO

0.058724

0.152536

0.384983

0.7003

ECHECSCOL

0.986969

0.220188

4.482394

0.0000

LANGUE

0.276809

0.560825

0.493575

0.6216

MILEURES

-1.043545

0.108557

-9.612870

0.0000

NIVEDUCP

0.262327

0.112470

2.332415

0.0197

PARENSEG

0.031574

0.013178

2.396032

0.0166

SEXE

0.056255

0.104853

0.536512

0.5916

SITECONO

-0.547551

0.181209

-3.021650

0.0025

TMENAGE

0.070035

0.014430

4.853299

0.0000

Mean dependent var

0.305795

S.D. dependent var

0.461028

S.E. of regression

0.393303

Akaike info criterion

0.989071

Sum squared resid

123.5954

Schwarz criterion

1.058589

Log likelihood

-389.0683

Hannan-Quinn criter.

1.015760

Restr. log likelihood

-499.3286

Avg. log likelihood

-0.479739

LR statistic (11 df)

220.5206

McFadden R-squared

0.220817

Probability(LR stat)

0.000000

Obs with Dep=0

563

Total obs

811

Obs with Dep=1

  

248   

             

Source : Analyse des données à partir de Eviews 3.1

Nous remarquons que les variables qui étaient significatives le demeurent dans le modèle complet (sauf que les variables âge et âge de début des études ont changé des signes). Ce changement est le résultat du mixage de deux niveaux dans un même modèle. Les variables de deux niveaux mis ensemble ont donc d’influences mutuelles les unes sur les autres  et modifient tant soit peu le résultat de l’estimation; c’est la particularité même du modèle d’analyse multi-niveau. Sans contredire les  résultats précédents, nous pouvons constater que

certaines variables connaissent une évolution avec un changement de la valeur de probabilité. La variable sexe qui est passée de 0,9920 dans le premier modèle à 0.5916 dans le modèle complet. La même situation peut être observée pour la variable « situation économique du ménage » qui a changé de valeur de probabilité, en passant de 0,0034 à 0,025. Le modèle multi-niveau s’avère donc  plus adaptés à l’analyse des données apparaissant à divers niveaux d’analyse. Dans le modèle complet, l’interprétation des variables reste la même comme dans les deux niveaux pris isolement. A partir de ces résultats, nous pouvons constater que le niveau prépondérant est celui de la famille qui présente cinq variables significatives sur sept comparativement au niveau de l’élève qui n’a que deux variables sur quatre.

IV.2.4. Test de prédiction

Ce test permet de juger de la qualité de l’ajustement ou de l’adéquation du modèle par rapport aux données disponibles. Cela permet de savoir si le modèle spécifié est un bon instrument de prédiction de la variable dépendante.  La qualité prévisionnelle du modèle complet estimé sur l’abandon scolaire est présentée dans le tableau 14.

Tableau 14 : Qualité prévisionnelle du modèle complet

Dependent Variable: ABANDON Method: ML - Binary Probit

Date: 10/01/12  Time: 14:55

Sample: 1 811

Included observations: 811

Prediction Evaluation (success cutoff C = 0.3)

Estimated Equation             Constant Probability

Dep=0

Dep=1

Total

Dep=0

Dep=1

Total

P(Dep=1)<=C

382

56

438

0

0

0

P(Dep=1)>C

181

192

373

563

248

811

Total

563

248

811

563

248

811

Correct

382

192

574

0

248

248

% Correct

67.85

77.42

70.78

0.00

100.00

30.58

% Incorrect

32.15

22.58

29.22

100.00

0.00

69.42

Total Gain*

67.85

-22.58

40.20

Percent Gain**   

67.85   

NA  

57.90   

  

Source : Analyse des données à partir d’Eviews 3.1

*change in % correct from default (constant probability) specification

**percent of incorrect (default) prediction corrected by equation

Pour parvenir à prédire efficacement l’abandon scolaire, le seuil de la probabilité est fixé à

30%. Ce seuil correspond au pourcentage de ceux qui ont répondu avoir abandonné l’école

(30,57%). A ce seuil, le modèle prédit correctement 77,42% des abandons scolaires précoces et 67,85% de ceux qui n’ont pas abandonné.

IV.3. Limites du travail et pistes de recherche

Le présent  travail présente certaines limites qui peuvent constituer des pistes de recherche pour les investigations futures. Tout d’abord nous devons signaler que le modèle utilisé n’a pas intégré toutes les variables explicatives du décrochage scolaire, il ne s’est limité qu’à deux niveaux (le niveau de l’individu et celui de la famille), les informations sur l’environnement scolaire étant absentes. Plusieurs autres variables comme le « transfert » n’ont pas pu être prises en compte. Dans notre environnement, le soutien en éducation est monnaie courante et permet à plus d’une personne de faire problème de manque des moyens financiers. L’analyse de l’environnement scolaire permettrait d’avoir une explication plus étendue de la problématique (les informations concernant les enseignants, les critères de cotation et de recrutement des élèves, la disponibilité des infrastructures, la moyenne des côtes obtenue par un décrocheur, les relations enseignants-élèves, etc.).   La quasi-inexistence des travaux sur l’abandon scolaire en RDC et particulièrement sur le Sud-Kivu a aussi constitué un sérieux obstacle de la mise en place de cette étude.

L’étude est généralisée sur l’ensemble de la province et ne donne pas une spécificité par territoire. L’absence des données à la division provinciale de l’EPSP a constitué un sérieux blocage, du fait qu’au lieu d’utiliser une cohorte plus importante, nous étions obligés de ne prendre qu’une cohorte de cinq ans. Faut-il souligner aussi que les effectifs sur base desquels les différents calculs sont effectués est issue d’une approximation, faute de recensement. L’utilisation d’une base des données qui date de six ans ne permet pas de connaitre la situation actuelle sur le terrain, mais faute des moyens  et d’une étude récente couvrant toute la  province  du  Sud-Kivu  nous  l’avons  ainsi  retenu.  Les  données  de  l’enquête  1-2-3 disponibles ne nous ont pas permis de faire une hiérarchisation des variables pour faciliter l’utilisation    des    équations    simultanées,    équations    permettant    la    construction    de l’interdépendance entre les différentes variables du modèle.

C’est ainsi que nous pouvons adresser quelques recommandations suivantes : Pour ce qui est de l’abandon scolaire,

    Que toute  stratégie  de  lutte  contre  l’abandon  scolaire au Sud-Kivu prenne en compte les spécificités locales des différents territoires ;

    Le fait que la province du Sud-Kivu compte huit territoire, il serait intéressant de  mobiliser au moins neuf chercheurs à raison d’un chercheur par territoire

plus la ville de Bukavu pour étudier le phénomène, et avoir des résultats plus comparables intégrant les spécificités de chaque territoire ;

    Que des mesures d’accompagnements pour que les élèves inscrits ne puissent pas décrocher soient prises ;

    Que les  efforts  de  lutte  contre l’abandon scolaire dans le pays priorisent le processus de lutte contre la pauvreté, car la dégradation de la situation économique des ménages est la base même du phénomène ;

    Que la faculté des sciences économiques et de gestion cherche de moyens lui permettant de faire une enquête-ménage intégrant toutes les variables pertinentes à l’occurrence la distance et surtout les caractéristiques des écoles, etc.

Pour ce qui concerne les recherches futures,

    Comme les données dont dispose la division provinciale de l’EPSP sont incomplètes, mener une étude spécifique dans les différentes écoles sur une longue période, au Sud-Kivu permettrait de constituer une base des données pour les études ultérieures ;

    En fin, les recherches futures devraient s’étendre au niveau  de l’enseignement supérieur et universitaire et faciliter la comparaison des résultats des différents cycles et permettre de proposer une politique adéquate.

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