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CHAPITRE V. DISCUSSION ET INTERPRETATION DES RESULTATS

5.1. Caractérisation et taille des clairières

Nos résultats ont montré que les espèces Alangium chinense, Neoboutonia macrocalyx, Mimulopsis arborescens, Dombeya goetzenii et Acanthus pubescens par leur abondance, dominance et fréquence relative élevées (IVI) caractérisent les clairières. En effet, pour Nusbaumer (2003) l’IVI est porteur de trois informations très importantes, à savoir la distribution des individus de l’espèce entre les unités d’échantillonnage, les nombres d’individus de l’espèce sur l’ensemble des unités d’échantillonnage et les diamètres des individus de l’espèce. Pour le même auteur, une espèce présente alors une valeur importante d’IVI pour trois raisons :

  • les individus sont distribués de manière homogène entre les unités d’échantillonnage ;
  • un grand nombre d’individus représente l’espèce ;
  • les individus appartenant à l’espèce ont un diamètre important.

En outre, ces espèces présentent des caractéristiques typiques des espèces pionnières. Ces caractéristiques sont entre autres les larges feuilles, un bois tendre, de longs entre-nœuds, conséquence d’une croissance rapide, des floraisons régulières, etc. (Blanc, 1998). Ces espèces présentent en outre les valeurs les plus élevés d’IVI. En effet, la présence des ces espèces au parc serait liée à l’existence des clairières.

La comparaison de l’indice de Shannon calculé pour les différentes clairières révèle une absence de la différence significative de la diversité et de la richesse spécifique entre les différentes classes d’âge. Ce fait semble prouver une relative constance de la diversité spécifique au cours de la succession. Ce constat corrobore les résultats obtenu par Hubbel et al  (1999). Ces auteurs, grâce à la constance de la diversité spécifique remarquée au cours de la succession, pensent que les clairières n’affectent pas la variation locale de la diversité des espèces pionnières et des espèces de la forêt adulte.

 La diversité floristique dans une clairière dépend de la taille de la clairière (Whitmore, 1989), de la quantité et qualité des semences présentent dans le sol ainsi que de la capacité de chaque espèce à se régénérer (Rameau, 2008), de la distance de la source des propagules. Pour les plus petites clairières (inférieur à 200 m2), ce sont les individus déjà présents lors de la chute (ou leurs descendants)  qui assurent le comblement (Pascal, 2003). Ici il est clair qu’il n’y a aucun écart entre la composition floristique de la clairière et son entourage direct. Pour les plus grandes clairières (plusieurs centaines ou milliers de m2), la modification des conditions écologiques est importante (Pascal, 2003). Dans ce cas on assiste à une véritable succession secondaire partant d’espèces pionnières héliophiles.

Toutefois il convient de souligner qu’à l’échelle du massif forestier, les clairières diversifient les habitats Pascal (2003). Oldeman (1990) considèrent la forêt comme mosaïque d’éco-unité à différents stades de développement. Alexandre (1989), Whitmore (1989), Denslow (1987), Swaine et Whitmore (1988) distinguent différents groupes écologiques d’espèces qui interviennent à différentes stades de succession. Chaque stade et selon la taille de la clairière est donc composé d’espèces spécifiquement adaptées aux conditions particulières du stade de succession écologique (ou de l’éco-unité). Dans ce contexte, il convient de souligner qu’aucune éco-unité n’aurait autant d’espèces pour influencer significativement la composition spécifique locale. Ainsi chaque stade de successions écologiques est en déséquilibre avec le climat mais l'ensemble de la mosaïque contient davantage d'espèces que n'importe lequel de ses stades constitutifs (Blanc, 1998).

Par ailleurs, la taille des clairières au niveau de Tshivanga est généralement très grande. L’ensemble de 9 clairières mesure 23100 m2, soit environ 2,31 ha. Ceci a également été vérifié au niveau des forêts de Bwindi au niveau de l’Ouganda (Babaasa et al, 2004). Ce phénomène a été expliqué au niveau de la forêt de Bwindi en Ouganda (par Denslow et Hartshorn, 1994 in Babaasa, 2004) comme résultant de la chute des arbres sur le bord des clairières mais aussi par l’instabilité des sols (Leggat et Osmaston, 1961 in Babaasa, 2004). 

Toutefois il convient de souligner ici l’action de Sericostachys scandens GILG & LOPR sur la taille des clairières. Cette espèce, une fois atteint sur son support arborescent l’étouffe et provoque ainsi l’ouverture de la canopée (Masumbuko, 2011).

Il importe toutefois de mentionner que pour caractériser toute la station de Tshivanga, il faut augmenter le nombre des parcelles d’échantillonnage. Ceci dans le but de déterminer dans tous les stades de succession les espèces caractéristiques mais aussi de déterminer la densité des clairières dans la partie haute altitude du PNKB.

5.2. Evolution des classes de diamètre dans les clairières

L’analyse de l’évolution des classes de diamètres a révélé (en accord avec l’interprétation des courbes de distributions des classes de diamètres par Pascal, 2003) ce qui suit :

  • Pour les clairières de plus ou moins 5 ans, une courbe en forme de cloche qui est spécifique aux espèces de lumière, ce qui est bien plus normal à ce stade de développement ;
  • Pour les clairières de 10 ans, on constate une courbe avec une faible décroissance des effectifs entre classes de diamètres successives. Cette situation est aussi propre aux espèces héliophiles ;
  • Pour les clairières de 15 ans, on constate plutôt une distribution irrégulière des classes de diamètres qui est difficile à interpréter car elle peut résulter des situations différentes. Cette situation pourrait résulter soit d’une fructification massive suivie de conditions climatiques favorables à la germination et au développement de plantules ; ce qui engendrerait un sureffectif qui correspond alors à une classe d’âge particulière se déplaçant avec le temps vers les gros diamètres (avec l’amortissement dû à la mortalité). Soit alors à une éventuelle perturbation du milieu.

5.3. Evolution de la biomasse et quantité de carbone séquestré au niveau des clairières

Nos résultats soulignent une évolution positive de la biomasse des espèces ligneuses de diamètre ≥ 5 cm à 1.30 m du sol au cours de la succession. En effet, nous avons prouvé une augmentation significative de la biomasse de la classe d’âge inférieur à la classe d’âge supérieur. Bien sûr entre les différentes clairières de même classe d’âge, des variations qui pourraient certainement être dues aux conditions stationnaires ont été observées. En 2005 Zapfack a également observé une augmentation significative de carbone (tableau 12)

Les études effectuées sur l’ile de Krakatoa qui a été dévasté complètement en 1883 par une éruption (Whittaker et al, 1989) ont montré qu’au cours de la succession écologique, la biodiversité semble avoir un temps d'équilibration largement plus lent que la biomasse dans la forêt tropicale (Chave, 2000).

Tableau 12 : Variation de la quantité de carbone stocké dans les différents types d’utilisation des terres au Sud Cameroun (quantité en tonne de carbone par hectare) 

                              Yaoundé

Mbalmayo

  Ebolowa

Champ

1,91

1,04

      7,17

Jeune jachère

5,63

6,53

13,84

Jachère moyenne

21,21

26,43

58,65

Vieille jachère

45,26

84,61

      115

         

Tableau 13 : Quantité de carbone stocké dans les différentes classes d’âge des nos clairières

Classe d'âges

Qté de carbone cumulé (t c/ha)

clairières de 5 ans

29.22

clairières de 10 ans

44.88

clairières de 15 ans

59.97

L’évolution rapide de la biomasse des espèces arborescentes et arbustives au niveau des clairières est due à la grande disponibilité de la lumière au niveau dans ces milieux étant donné que l’activité photosynthétique en dépend fortement (Chave, 2000). Ceci fait des clairières des lieux de stockage actif de la séquestration du carbone dans la forêt, quelque soit son âge. Actuellement les activités de l’homme qui consistent à augmenter le CO2 atmosphérique et des dépôts azotés augmentent le taux de fixation du carbone par le tapis végétal (Robert et Saugier, 2003).  

L’analyse de la variation de la quantité de carbone dans la strate herbacée a montré que celle-ci diminuait avec l’augmentation de l’âge des clairières. De cette manière, la fermeture de la forêt influence négativement le réservoir de carbone de la strate herbacée. En effet, au cours de la croissance le développement du model architectural de l’espèce est en relation avec la variation de l’humus et du tapis herbacé (Rameau, 2008). Ainsi, la dynamique forestière augmente le stock de carbone dans la strate arborescente et arbustive au détriment de la strate herbacée. 

5.4. Comparaison entre évolution de la diversité et de la biomasse au niveau des clairières

Au cours de deux points précédents, nous venons de souligner l’absence de la différence significative de la diversité et de la richesse spécifique entre les diverses classes d’âge mais aussi une augmentation significative de la biomasse entre les 3 classes d’âge de nos clairières.

Ce constat semble approuver l’affirmation de Chave (2000) selon la quelle la biomasse s’accumulait plus rapidement que la biodiversité après une perturbation. Toutefois, il convient de remarquer que les conditions stationnaires peuvent également jouer un grand rôle dans ce processus. En effet les clairières 3 et 7 montrent des quantités de biomasses (carbone) inférieures à certaines de leur classe d’âge inférieur, c’est-à-dire celle de dix ans et celle de 5 ans. Le ralentissement de la croissance par les fourrées de Mimulopsis arborescens GILG & LOPR serait la cause de ce phénomène. En effet dans ces deux clairières on constate des densités relativement élevées de cette espèce. 

Cette action d’entrave au développement a été reconnue pour l’espèce Sericostachys scandens GILG & LOPR par Masumbuko (2011) au PNKB. Au niveau du Parc National de Bwindi en Ouganda, c’est plutôt les espèces Pteridium aquilinum, Rubus steudneri, Sericostachys scandens et Mimulopsis solmsii qui ralentissent la régénération dans les clairières (Baabasa et al, 2004).

5.5. Quantité de carbone par espèce et indice de valeur d’importance des espèces

Globalement, les espèces Alangium chinense, Neoboutonia macrocalyx, Mimulopsis arborescens, Dombeya goetzenii, Macaranga neomildbraediana, Polyscias fulva, etc. qui ont des grandes valeurs d’IVI séquestrent également plus de carbone. Cependant, d’autres espèces comme Acanthus pubescens, Vernonia auriculifera, etc. ont des valeurs importantes d’IVI mais séquestrent moins de carbone.

Par ailleurs, d’autres espèces comme Urera hypselondendon et Miletia dura ont des faibles valeurs d’IVI mais séquestrent une bonne quantité de carbone. Les espèces Solanum angustipinosum, Senecio manii, Alophylus kiwuensis, Paurindiatha paucinervis, etc. qui ont des faibles valeurs d’IVI séquestrent également moins de carbone.

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