Le présent travail a été réalisé au niveau du Parc National de Kahuzi-Biega, particulièrement dans sa partie haute altitude et plus spécifiquement au niveau du secteur de Tshivanga.
Le Parc National de Kahuzi-Biega (PNKB) se localise dans la partie occidentale de la Crête du Graben centrafricain, à l’Est de la République Démocratique du Congo, entre 1°36’ et 2°37’ de latitude sud ainsi qu’entre 27°33’ et 28°46’ de longitude est. Il couvre 6.000 km² et s’étend du bassin du fleuve Congo près d’Itebero-Utu jusqu’à sa frontière occidentale au Nord-Ouest de Bukavu (Plan général de gestion 2009-2019). Ce parc est subdivisé en deux secteurs d’altitudes différentes séparées par un corridor écologique (Mühlenberg et al. 1994):
— le secteur de basse altitude (5400 km²) est compris entre 600 et 1200 m d’altitude;
— le secteur de haute altitude (ou zone de montagne, 600 km²) entre 1800 et 3308 m d’altitudes volcans du groupe des Virunga et apportées par les alizés.
Dans cette région accidentée la végétation et le climat varie en fonction de la situation géographique Pecrot et al (1962) in Masumbuko (2011).
3.1.2.1. Climat
Sur le versant occidental, on y a distingué, dans les grandes lignes (Scaëtta 1934 in Massumbuko 2011):
— Un climat équatorial (Af de Köppen), au bas du versant occidental entre 600 et 1400 m d’altitude. La pluviosité est élevée (2000 à 2500 mm par an), la durée de la saison sèche ne dépasse pas un mois. Ce climat coïncide avec la présence de la forêt du type équatorial (la partie de basse altitude du PNKB).
— Des climats de montagne (du type Cf de Köppen). Un minimum de pluviosité de l’ordre de 1500 mm est observé entre les altitudes de 1650 à 1850 m. Entre 1400 et 1800 m commencent à apparaître les forêts de montagne (la zone de transition du PNKB).
— Au dessus de 1850 m, la pluviosité augmente légèrement, mais reste généralement inférieure à 2000 mm sur les sommets de la Dorsale. À 2000 m, on rencontre les premiers
Podocarpus, essence caractéristique des forêts de haute montagne [la zone de montagne
proprement-dite].
Sur le versant oriental, on peut distinguer deux régions (Pécrot et al., 1962 in Masumbuko, 2011): l’une borde la plaine de la Ruzizi, de pluviosité inférieure à 1500 mm et jouit d’une saison sèche importante (2 à 4 mois), l’autre le long du lac Kivu, reçoit des pluies plus abondantes (de 1600 à 2000 mm). La durée de la saison sèche est limitée à un moins. Il y a longtemps que les données climatiques ne sont plus récoltées par le service du Parc. Au mont Kahuzi, avec le gel nocturne, on trouve un climat afroalpin que Hedberg (1957) in Masumbuko (2011) caractérise avec les mots ‘Summer every day and winter every night’.
Pour Vandenplas (1948) in Fisher (1993), les hauteurs des reliefs au niveau du parc empêchent les masses d’air de traverser les montagnes et une alizé du Sud- Est qui se déplace au-dessus de 3000 m en sens inverse. Ceci a comme résultat une nébulosité importante et des fortes pluies, de préférence l’après-midi et le soir.
3.1.2.2. Végétation
Selon Mühlenberg et al. (1994), le PNKB est subdivisé, suivant l’altitude, en deux grandes zones reliées par un corridor étroit : la forêt ombrophile de montagne et la forêt ombrophile planitiaire (forêt ombrophile de basse altitude). Ceci englobe également une des rares régions où la transition entre ces deux types de forêt pluviale est restée en grande partie intacte. La flore est riche et renferme des espèces aux types morphologiques variés.
Fischer (1993) reconnaît 33 espèces endémiques au PNKB, la plupart étant systématiquement proches d’espèces guinéo-congolaises. Un nombre considérable de ces espèces endémiques appartient à la famille Balsaminaceae (genre Impatiens).
Le PNKB couvre une végétation tropicale continue, allant de 600 à 3308 m d’altitude. Cette continuité est unique, non seulement pour le Congo, mais aussi pour toute l’Afrique subsaharienne. Elle garantit l’échange génétique entre les populations de grands mammifères de basse et haute altitudes.
Fisher (1993), Mühlenberg et al. (1994) reconnaissent six grandes formations végétales dans le PNKB :
Entre 900 et 1350 m, la forêt ombrophile est également appelée « forêt de basse altitude » avec Michelsonia sp. et Gilbertiodendron sp comme espèces dominantes.
Après le passage de l’homme, cette forêt se présente souvent comme une forêt arbustive avec un sous-bois dense et de nombreuses lianes.
Elles s’étendent généralement entre 1600 et 1700 m d’altitude.
Dans le PNKB, ces forêts se trouvent à plus de 2300 m et sont constituées de Podocarpus usambarensis, Syzygium guineense et Psychotria mahonii. Les formations secondaires sont dominées par Myrianthus holstii, Dombeya goetzenii, Macaranga sp. Sapium ellipticum et Neoboutonia macrocalyx
Ces types de forêts se développent partout où le cycle de reproduction des essences a lieu sur des sols gorgés d’eau ou comportant une nappe aquatique superficielle pendant les saisons sèches. Beaucoup d’espèces développent des racines échasses, d’autres des pneumatophores.
Les forêts de bambous se situent entre 2300 et 2600 m et requièrent un minimum annuel de 2000 mm d’eau. Elles sont dominées par Sinarundinaria alpina. La superficie de cette formation forestière est estimée à 37% de la superficie totale de la forêt de montagne du PNKB.
Elles se développent à plus de 2600 m. Ici commence la zone à Ericaceae avec Erica rugegensis comme espèce représentative. D’autres espèces de cette formation sont Hedythyrsus thamnoideus, Disa ernbescins,Senecio kahuzicus, Helichrysum mildbraedii, Huperzia saurus ainsi que Deschampsia flexuosa(sur la partie la plus élevée du sommet principal du mont Kahuzi).
Les biotopes de marais se trouvent à différentes altitudes mais pas au-delà de 2400 m. Les marécages à Cyperus latifolius dominent ici. D’autres espèces s’y retrouvent aussi, telles que Hypericum lanceolatum, Cyperus atterimus, Alchemilla cryptantha, Anagalis angustilcha, Jussiaea repens. Les tourbières sont créées par la symbiose de Juncus effusus et Sphagnum rugegense.
3.1.2.3. Faune
A l’instar de la flore, la faune du PNKB est riche et diversifiée. Bien que le Parc ait été créé pour la protection des gorilles des plaines orientales, espèce qui n’existe qu’à l’Est de la République Démocratique du Congo entre les cours d’eau Lubutu au Nord, Lubero au Nord-est et Fizi au Sud, la faune forestière autre que gorille est aussi bien représentée. Cette faune comprend en effet de nombreuses autres espèces de primates ( chimpanzé, colobes, babouins, cercopithèques, etc.) et d’autres grands mammifères comme l’éléphant, le buffle, l’hylochère, le potamochère, divers chats, les genettes, les mangoustes, les loutres, le bongo (et nombreux autres antilopes) pangolins, divers galagos mais aussi une diversité d’oiseaux, reptiles et amphibiens vivent dans ce Parc et, en basse altitude, encore dans les alentours forestiers (Mühlenberg et al. 1994)
Pour réaliser ce travail nous avons utilisé les matériels suivants :
Les clairières du PNKB sont très peu étudiées. Le choix des sites aussi bien que celui du plan d’échantillonnage s’avère donc très délicat. Nous avons décidé de prendre en compte un certain nombre de critères âge en faisant confiance au témoignage et à l’expérience des pisteurs, étant donné que cette dernière information n’a pas été disponible au service de recherche et monitoring du PNKB. C’est ce dernier critère qui a guidé le choix de nos sites d’échantillonnage.
Ainsi, nous avons choisi une variation de 5 ans entre les classes d’âge, l’âge des plus jeunes clairières étant de 5 ans. Ceci rejoint les recommandations de Rameau (2008), qui suggère que pour étudier la reconstitution d’une forêt de considérer une période de 2 à 5 ans. Ensuite nous avons choisi de travailler dans neuf clairières en raison de trois clairières par classe d’âge (trois de 5 ans, trois de 10 ans et trois de 15 ans). Ce dernier choix a été dépendant du temps dont nous disposions mais aussi de nos moyens financiers.
Les clairières n’étant pas disposées systématiquement le long des gradients environnementaux, c’est donc tout naturellement que notre échantillonnage ait été réalisé par une marche aléatoire. Chaque fois les pisteurs nous conduisaient vers les clairières tels que décrits ci-haut. La marche aléatoire et la disposition des clairières font que les distances entre nos unités d’échantillonnages puissent varier considérablement.
3.3.2.1. Données floristiques
Tout d’abord, une fois la clairière délimitée, nous procédions à une appréciation de sa surface en l’assimilant à une aire rectangulaire d’une longueur et largeur donnée. Ces mesures étaient suivies de la détermination des cinq espèces dominantes autour de la clairière sur une distance de 20 m.
Ces préalables effectués, nous procédions à la mise en place du relevé à l’aide d’une boussole, d’un penta-décamètre et d’une ficelle. Notons que la surface des relevés en milieu tropical n’est pas standard (Kouob, 2009). Elle varie en forêt en fonction de la strate échantillonnée et du type de végétation. Pour Senterre (2005), cette surface est de l’ordre de un hectare pour la strate arborescente, de 0,3 ha pour la strate arbustive de 200 m2 pour la strate herbacée.
Pour ce qui est de ce travail nous avons utilisé la méthode des relevés polyvalents tels que décrite par Hall & Swaine en 1976. Cette méthodologie s’inscrit directement dans la ligne des relevés phytosociologiques mais diffère des approches antérieures par le comptage de tous les individus pour certains groupes de plantes (l’abondance est donc une mesure et non plus une simple estimation d’un coefficient de type Braun-Blanquet) (Senterre, 2005). Elle consiste en relevés homogènes de 25 x 25m (625m²) sur lesquels sont comptés et mesurés tous les ligneux à DBH ≥ 10 cm tandis que seule la présence est notée pour les individus plus petits. Dans le cadre de cette étude, il s’agit des relevés de 20 x 20m (400 m2) sur lesquels tous les individus ligneux de circonférences ≥ 16 cm (soit un DBH ≥ 5 cm) étaient comptés et leur hauteur estimée. La mesure des circonférences se fait à 1,30 m du sol.
Figure 2 : Illustration du niveau de mesure de DBH selon les différentes possibilités de la morphologie des tiges (source : Hairiah et al, 2001)
Indice de valeur d’importance des espèces (Importance value index : IVI)
Nous avons estimé l’importance des espèces dans les clairières grâce à l’indice de valeur d’importance des espèces. L’IVI combine toutes les données recueillies sur les terrains concernant les espèces dont les individus ont un DBH ≥ 5 cm (Nusbaumer, 2003). Pour chaque espèce, il donne des informations sur le nombre d’individus, sur leur distribution dans les clairières ainsi que sur leur importance en fonction de la surface terrière qu’ils occupent. Cet indice permet de mettre en évidence les plus importantes. Il est la somme de trois facteurs représentatifs des valeurs biométriques quantitatives (Nusbaumer, 2003).
Pour chaque espèce, ces facteurs se calculent comme suit :
Do.R = avec ST = Où ST= surface terrière
D.R =
F.R =
3.3.2.2. Estimation de la biomasse ligneuse
Le calcul de la biomasse ligneuse repose sur le principe d’équation allométrique, c’est-à-dire une formule qui formalise de manière quantitative la relation entre le DBH et la hauteur de l’arbre, la taille du houppier et le DBH ou la biomasse et le DBH (Picard et al, 2012). Cette approche est actuellement plus encouragée (Atelier sur les équations allométriques en Afrique Centrale, 2-5 Avril 2013).
L’estimation de la biomasse des espèces arborescentes et arbustives repose, en Afrique centrale, sur l’équation allométrique de Chave et al (2005) (Atelier sur les équations allométriques en Afrique Centrale, 2-5 Avril 2013). Pour la présente étude, nous avons retenu :
Ces équations sont présentées ci-dessous:
1) Arbres et arbustes : biomasse = ρ X exp (α+ln (ρ X DBH2* H), où :
2) Lianes : biomasse = exp (α+β1 (ln(D)), où :
3) Cyathea maniana: biomasse = exp (α+β1 ln (1/(DBH)2)+β2lnH), où :
3.3.2.3. Calcul de la biomasse herbacée
L’échantillonnage de la biomasse du tapis herbacée se faisait sur le terrain dans un carré d’un mètre côté (Zapfack, 2005). Sur cette surface on récoltait toute la partie aérienne des toutes les herbacées en faisant attention de ne pas prendre l’humus. Cette récolte se faisait à la machette et ensuite l’échantillon était bien conservé dans un sac en plastic. Nous avons donc utilisé ici la méthode destructrice (Zapfack, 2005 ; Atelier sur les équations allométriques en Afrique Centrale, 2-5 Avril 2013).
Au terrain le séchage se fait à l’ombre au niveau du hangar de la maison où nous logions. Après le terrain, les séchages à l’étuve ont commencé deux jours après. Le séchage se réalisait à l’étuve pendant 5 jours à une température de 60°C (le séchage s’effectue à température constante (Zapfack, 2005)) en raison de 24 heurs par groupe de deux échantillons.
En effet, nous procédions par une alternance entre le séchage et la pesée, à un intervalle de deux heures. Au bout de 24 heures, le poids constant était obtenu. Cette durée a été générale pour nos échantillons. Le poids obtenu après cette durée de séchage est donc le poids sec de nos échantillons et correspond donc à leur biomasse.
3.3.2.4. Conversion de la biomasse en carbone
Une fois l’estimation ou le calcul de la biomasse effectué il ne reste qu’à la convertir en carbone qui s’exprime en tonne par hectare. Pour convertir notre biomasse en carbone, nous avons utilisé le facteur de conversion (1 t de bois sec = 0.5 t de C) établi par GEIC (2000). C’est facteur est égal à 50 % de la biomasse totale de l’individu mais pour éviter de surestimer la quantité de carbone séquestré sur une parcelle, le forestier utilise un facteur de correction de 2,5 % (GEIC, 2000). Ceci fait que dans ce travail nous avons utilisé le facteur 0,47 (Zapfack, 2005) pour convertir notre biomasse en carbone.
Nous avons utilisé un certain nombre logiciels pour analyser nos données entre autres les logiciels Excel, PAST et R.
Calcul de la diversité et de la similarité
Pour connaitre comment varie la diversité dans les clairières, nous avons calculé les indices de diversité et mis en évidence la similarité entre nos relevés. La diversité botanique d’une liste d’espèces auxquelles sont associées leurs fréquences a été mesurée grâce à l’entropie de Shannon. Elle est modérément dépendante de la taille de l’échantillon (Kouob, 2009) et a pour propriétés d’intégrer les deux composantes suivantes : le nombre d’espèces (richesse spécifique) et l’abondance des espèces. Cet indice est donné par la formule :
H’ = - Σ [(Ni/N) * log2 (Ni/N)]
Avec, Ni : nombre total d’individus d’une espèce donnée avec i variant de 1 à S
S : nombre total d’espèces
N : nombre total d’individus
Lorsque H’= 0 tous les individus du peuplement appartiennent à une même espèce
H’ minimal si dans un peuplement chaque espèce est représentée par un seul individu excepté une espèce qui est représenté par tous les autres individus du peuplement.
H’ maximal quand tous les individus sont repartis de façon égale sur toutes les espèces.
L’indice de Shannon est souvent accompagné de l’indice de Pielou noté J et appelé également indice de l’équi répartition. L’équitabilité montre la façon dont les individus sont répartis entre d’espèces. Elle est obtenue par la formule suivante :
J= H’/ log2 S
Avec S nombre total d’espèces
H’ indice de Shannon
L’équitabilité de Pielou varie de 1 à S ; il est donc maximal lorsque les espèces ont des abondances relatives identiques, c’est l’indice le mieux réputé. L’équitabilité est minimale quand une espèce domine tous les peuplements. Dans le cas contraire on garde l’équi-répartition, ça veut dire les individus se répartissent équitablement entre les espèces.
L’équitabilité est insensible à la diversité, elle est très utile pour calculer les dominances potentielles entre les communautés ou stations.
Ainsi, pour Shannon, vérifier si le site est diversifié ou non. Par contre pour Pielou, vérifier comment les espèces sont réparties suivant le nombre d’individus au sein des espèces.
Selon Senterre (2005), pour deux communautés caractérisées par une même richesse spécifique, celle pour laquelle les individus sont répartis de manière régulière entre les espèces, c’est-à-dire sans phénomène de mono-dominance, devrait être considérée comme plus riche.
Il représente le nombre de cas de présence simultanée de deux espèces considérées, divisé par le nombre de cas où au moins l’une de deux est présente
a = richesse dans le premier site
Cj= avec : b = richesse dans le second site
c= espèces communes aux deux sites
Avec des données d’abondances, le meilleur indice de distance floristique est généralement celui de Bray-Curtis, parfois aussi appelé " percentage difference " (Legendre et Legendre, 1998 in Senterre, 2005).
Où :
Le calcul de ces indices a été facilité par le logiciel Past et le logiciel a été utilisé pour calculer la variance entre les diverses classes d’âge et pour construire les boxplot
Tests statistiques effectués
Nous avons fait usage d’un test d’ANOVA pour comparer les moyennes et évaluer la variance de la quantité de carbone de clairière en raison du temps. Enfin, pour calculer et mesurer l’influence du couvert végétal en termes de formation et d’abondance spécifique, nous avons réalisé le test de corrélation.