Dès que la loi de finances est publiée au J.O le gouvernement retrouve des prérogatives exclusives, il n’a plus à songer à composer. Il va publier les décrets de répartition de crédits par ministères, titre et chapitres conformément aux bleus distribués aux parlementaires avant le vote de la loi de finances.
L’exécution du budget est régie par deux principes à savoir le principe de la sincérité des comptes (sanctions1) et le principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables (section2).
Après avoir rappelé les justifications de ce principe (§1) et assuré sa présentation (§2) nous tacherons de dégager les implications de ce principe dans l’exécution budgétaire.
Ces justifications tiennent à des insuffisances actuelles (A) et à des exigences nouvelles (B).
Le Règlement Général de la Comptabilité Publique (RGCP) de la RD Congo pose des principes qui concernent principalement la comptabilité budgétaire. Celle-ci n’a pratiquement pour objet que de retracer de manière systématique les opérations réalisées au moyen de fonds publics en vue de vérifier leur conformité aux autorisations données par le parlement.
La comptabilité de l’Etat est structurée à titre principal autour de la nomenclature budgétaire.
Elle permet de suivre les autorisations données par le parlement et permet à la situation budgétaire de refléter correctement la trésorière de l’Etat pour l’exercice.
Elle ne permet pas cependant d’appréhender des opérations qui ne sont pas encore dénouées ou les charges futures liées aux amortissement des investissements ou aux provisions pour charges à payer. Faute d’une comptabilité efficace en RD. Congo, l’ensemble des opérations du Trésor ne figure pas au budget de l’Etat qui n’a ni compte de bilan, ni raisonnement en termes d’actif et passif.
Les entreprises sont soumises à ces exigences. Le code de commerce Congolais dispose que les comptes doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat. L’Etat n’a aucune raison de se soustraire à cette contrainte mais des avantages de transparence à s’y soumettre.
La consécration de la sincérité, avec les droits constatés, était préconisée par le groupe de travail de l’assemblée en 1999, par la cour des comptes et le sénat en France ([1]).
Les comptes de l’Etat doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle de son patrimoine et de sa situation financière.
Le principe constitue une exigence absolue sans marge de relativité à la différence de la sincérité des prévisions. Il relève d’un objectif de résultats et non plus de moyens, la comptabilité des opérations budgétaires restera effectuée en caisse et la comptabilité générale se développera de façon autonome. Le système comptable de l’Etat dans ces cas sera réorganisé autour de sa comptabilité générale d’où découlera une comptabilité budgétaire.
La comptabilité budgétaire d’exercice, permet d’avoir une connaissance précise de la situation financière étatique à travers les créances et les dettes. La comptabilité de l’Etat va enregistrer les ressources et les charges constatées au cours de l’exercice, ce qui implique la constitution de provisions.
Cette mission incombe à la cour des comptes.
Il s’agit ici de la collaboration entre comptables pour s’assurer de la sincérité des enregistrements comptables. Ils deviennent les garants du respect des principes du future référentiel comptable de l’Etat en s’assurant que l’information comptable est fiable, sincère, exhaustive et que tous les éléments de risques ont été portés à la connaissance des décideurs. S’agissant du principe d’indépendance des exercices, ils devront garantir que toutes les charges et produits de l’exercice sont rattachés à l’exercice. S’agissant du principe de prudence ils pourront être conduits à veiller à la bonne tenue des inventaires, à vérifier l’application des règles de dépréciation des biens.
L’article 3 de la loi N° 76-020 du 15 Août 1976 portant normalisation de la comptabilité au Congo dispose : « la comptabilité de chaque agent économique doit être suffisamment détaillée pour permettre l’enregistrement de toutes les opérations et l’établissement dans des conditions satisfaisantes des documents de synthèse prévus dans le plan comptable».
Il se dégage de l’analyse de cette disposition que les règles applicables à la comptabilité générale de l’Etat ne se distinguent de celles applicable aux entreprises qu’en raison des spécificités de son action.
Dans cette section nous analyserons la présentation de ce principe (sous-section 1) et son application (sous-section 2).
Des nombreuses exigences (§1) ont imposé ce principe qui ne supporte que très peu d’exceptions (§2), ce qui explique que sa méconnaissance soit sévèrement sanctionnée (§3).
Il découle de la division des taches (A), de l’unité de caisse (B), il facilite le contrôle (C), et surtout évite les fraudes (D).
Toutes opérations de recettes ou de dépenses comporte deux séries d’actes ; certains sont à l’origine des créances sur l’Etat (par exemple la nomination d’un agent, marchés) ou de l’Etat (par exemple, l’émission d’un titre de recettes). Les autres impliquent une manipulation matérielle de fonds, ce sont des actes comptables. Les premiers sont très divers, les seconds plus homogènes, d’où l’idée de les confier à des agents différents.
Tous les fonds publics étant dans une caisse unique sous le contrôle du ministre des Finances, il est apparu naturel que tous les comptables soient soumis à son autorité et dépendent de lui pour leur nomination, avancement…
Les ordonnateurs tiennent les comptes administratifs (d’engagement et d’ordonnancement) ; les comptables, des comptes de gestions (entrées et sorties des fonds). Le contrôle de la cour des comptes est facilité, puisqu’elle peut rapprocher les deux comptes pour déceler des irrégularités. De plus en raison de la nature différente de leurs taches, les ordonnateurs et comptables seront mis à des juridictions différentes : cour de discipline budgétaire et financière pour les ordonnateurs, cours des comptes pour les comptes des comptables.
En interdisant que les mêmes agents puissent engager des dépenses et les payer ou décider d’une recette et la recouvrir, le principe de la séparation rend plus difficile les malversations. L’ordonnateur peut contrôler l’activité du comptable et inversement ; l’un ne peut agir sans l’autre.
Quasi absolue en matière de dépenses (A), la séparation est plus souple pour les recettes (B).
Si impératif soit-il, le contrôle des dépenses ne permet guère de dérogations, néanmoins tantôt l’exécution budgétaire est assurée par les comptables seuls (1°), tantôt par les ordonnateurs seuls (2°).
Par fois les dépenses peuvent être payées sans ordonnancement préalable, c'est-à-dire sans que l’ordonnateur les prescrive chaque fois dépenses payables sur présentation des titre de créance : coupons de rentes, livres de pension…, rémunérations de fonctionnaires et agents de l’Etat. Parfois l’ordonnancement intervient a Posteriori : échantillons prélevés par le service des fraudes et payés sur le champ.
Le premier Ministre à la maîtrise des fonds qu’il distribue à son gré, sans l’intervention d’aucun comptable, par ailleurs, un fonctionnaire nommé régisseur peut recevoir des sommes d’argent pour faire face à des mesures de dépenses (fournitures, secours urgents, frais de mission). Parfois les fonds sont versés à une association pour échapper au principe de la séparation : par exemple la FEC reçoit les fonds du ministère de l’économie et les met directement à la disposition des directeurs des provinces. On parlera de « traites à la marine » qui permettent au commissaire d’un navire de guerre de disposer des fonds nécessaires au ravitaillement dans les parts étrangers.
Le problème se pose selon qu’il s’agit de recettes fiscales (1) ou de recettes non fiscales (2).
La distinction matérielle étant plus difficile en matière de recettes, le principe de séparation y est beaucoup moins rigide. De plus, le contrôle subsiste, puisque la perception des impôts reste confiée à des fonctionnaires spécialisés du ministère des finances. En matière d’impôts directs par exemple, les opérations administratives et comptables ressortissent à deux administrations différentes : les services extérieurs de la DGI pour l’assiette, ceux du trésor pour le recouvrement. Au contraire en matière d’impôts indirects, la séparation est ignorée : la même administration est responsable de tout le processus de recette.
Le régisseur de recettes peut, sans titre de perception, recouvrer de petites sommes (Droit d’entrée dans les musées, droit d’inscription dans les bibliothèques…).
La sanction est différente selon que le principe est méconnu par le comptable (A) ou par l’ordonnateur (B).
Si le comptable a payé une dépense sans ordonnancement préalable, il engage sa responsabilité et encourt un arrêt (Trésorerie Payeur Général) par le ministre de finances ou un arrêt de débet (cour des comptes)
S’il recouvre de l’argent sans titre, il sera déclaré concussionnaire.
Toute personne qui dépense de l’argent public, ou le recouvre, ou le détient sans autorisation, sera poursuivie de gestion de fait ou déclarée comptable de fait.
En France par exemple M. NUCCI, ministre de la coopération a été déclaré Comptable de fait par un arrêt de la cour de comptes du 30 septembre 1912. ([2]).
Notons qu’en RD. Congo, la cour de comptes ne s’est jamais prononcée dans cette matière.
L’exécution du budget implique l’intervention d’agents (§1) qui réalisent des opérations particulières(2).
Le droit congolais à l’instar du droit français implique pour la même opération l’intervention de l’ordonnateur (A) et du comptable (B).
En dépit de leurs attributions, les divers ordonnateurs (1) n’encourent qu’une faible responsabilité (2).
Le premier ministre et les ministres sont ordonnateurs principaux du budget de l’Etat. Ils donnent à un comptable l’ordre de payer les dépenses qu’ils ont engagées et liquidées. Ils peuvent déléguer leurs pouvoirs aux directeurs des administrations centrales. Les gouverneurs des provinces sont ordonnateurs principaux de leurs provinces, les maires le sont pour les communes…
Ce sont des autorités déconcentrées qui, dans leur circonscription territoriale, réalisent les opérations budgétaires par délégation du ministre.
Le paradoxe est ici éclatant : théoriquement importante, leur responsabilité est pratiquement quasi nulle.
A la différence des ordonnateurs, les divers comptables (1) engagent directement leur responsabilité (2).
Est comptable public tout fonctionnaire ou agent ayant qualité pour exercer au nom de l’Etat, d’une collectivité ou d’un Etablissement public, des opérations de recettes, de dépenses ou de maniement des titres, soit au moyen des fonds et valeurs dont il la garde, soit par virement internes d’écritures soit par l’intermédiaire d’autres comptables public ([3]).
Sont chargés de recouvrement d’impôts, de taxes, droits, redevances, produits et recettes diverses, ainsi que des pénalités fiscales et frais de poursuites et de justices y afférents. Ce sont les receveurs de contributions indirectes, de l’enregistrement et des douanes.
N’ayant pas à apprécier l’opportunité de l’opération comme l’ordonnateur, les comptables encourent une responsabilité directe et effective. Ils sont personnellement et pécuniairement responsables des opérations dont ils ont la charge.
C’est une responsabilité objective, la seule constatation d’une irrégularité le met en cause que celle-ci lui revienne ou à ses subordonnées, aux régisseurs ou à son prédécesseur. Il est responsable de caisse (conservation des deniers.).
Cette responsabilité est mise en jeu par la procédure du débet juridictionnel devant la cour des comptes ou administratif devant le ministre des finances.
S’il fait l’objet d’une réquisition de l’ordonnateur, il peut refuser de payer toute dépense qu’il juge illégale.
Cette responsabilité peut être aménagée ; dans ce cas le comptable peut bénéficier d’une décharge totale ; en particulier en cas de force majeure ou d’une remise gracieuse du ministre des Finances.
Le processus d’exécution des dépenses (A) est différent de celui des recettes (B).
Soumis à un formalisme rigoureux, les dépenses (1) ont également un régime juridique sévère (2).
L’exécution régulière des dépenses publiques est soumise à une condition de fond : l’existence des dettes des organismes publics et à une condition de forme : l’autorisation annuelle donnée par le parlement.
Toute dépense régulièrement engagée et liquidée dans les départements, les régions, sous régions, les entités administratives décentralisées, fait l’objet, préalablement à son paiement, d’un ordonnancement (Art. 42 de la loi n° 83-003 portant loi financière).
Est l’acte par lequel un organisme public crée ou constate, à son encontre une obligation de laquelle résultera une charge. Il rend l’Etat débiteur, fait naître une dépense à sa charge.
Avant de procéder au payement, le comptable réalise deux opérations :
Le régime juridique des créances des particuliers sur les collectivités publiques révèle les prérogatives exorbitantes de ces derniers.
En principe la voie d’exécution forcée est impossible aux créanciers de l’Etat. La saisie est interdite à l’égard de tous les biens du domaine public et du domaine privé, on voit mal la puissance publique utiliser la force publique à son encontre.
Cependant, une action peut être exercée contre l’ordonnateur si le refus d’ordonnancement trouve son origine dans une faute de service et dans une faute personnelle, le créancier peut agir contre l’ordonnateur devant les tribunaux judiciaires, les dommages intérêts pourront faire l’objet d’une exécution forcée à l’encontre du patrimoine de l’administrateur.
L’obligation d’exécuter les décisions juridictionnelles condamnant pécuniairement l’administration.
Nous analyserons leur processus (1) et leur régime juridique (2).
A l’instar du processus d’exécution des dépenses, l’exécution régulière des recettes publiques exigent-elles les mêmes conditions ; existence d’une créance, autorisation annuelle. La procédure générale comporte trois étapes successives : établissement(a), mise en recouvrement (b) et recouvrement(c).
Il appartient aux ordonnateurs de constater les droits c’est-à-dire s’assurer de la réalité des faits générateurs de la créance (existence de certaines revenus pour les assujettir à la loi fiscale) et de liquider ces droits : appliquer les tarifs légaux à ces bases d’imposition. Tantôt, les débiteurs fournissent les informations par leurs déclarations, tantôt, l’administration procède par taxation unilatérale ou forfait lorsqu’il n’y a pas suffisamment de déclarations.
L’administration émet des ordres qui constituent l’expression de son privilège d’action d’office. Pour les impôts directs, il s’agit de rôles (listes des contribuables, il s’agit de la dette), pour les impôts indirects, ils font l’objet d’avis de mise en recouvrement, pour les droits de douane, de contraintes. S’il n’y a pas de procédure particulière on recourt à des ordres de versement, ils ont force exécutoire.
Les comptables prennent en charge les ordres de recettes émis par les ordonnateurs. Ils vont contrôler l’autorisation de percevoir les recettes, la régularité des annulations, réductions par suite d’erreurs et toutes les diligences nécessaires pour leur acquittement par les débiteurs. Tout d’abord la procédure est amiable puis forcée.
Il existe des procédures spéciales d’exécution : certaines recettes sont perçues avant liquidation (avances provisoires en cas d’exécution de services ou de travaux ou acomptes). D’autres sont perçues au comptant (impôt sur les sociétés, TVA). Leur liquidation est effectuée par les contribuables sous le contrôle de l’administration. En cas d’erreur, d’omission ou de refus on applique la procédure de droit commun : avis de mise en recouvrements ; puis contraintes.
Il revêt deux formes : le contentieux de créances publiques et celui de leur recouvrement.
Il s’agit d’une contestation sur le fond c'est-à-dire que les débiteurs vont faire opposition à ordres de recettes.
Ils doivent d’abord présenter leurs réclamations aux services fiscaux ou aux comptables selon la nature des recettes, en suite ils porteront leurs actions devant les tribunaux administratifs pour les impôts directs et textes sur le chiffre d’affaires au début, les tribunaux Judiciaires pour les impôts indirects, droits de douane.
En principe, l’opposition n’a pas d’effet suspensif.
Il porte sur la validité des actes de poursuite c'est-à-dire opposition à poursuites. Ici encore comme souligné ci-haut, il y a un préalable : saisine des comptables ou des services fiscaux. Apres rejet, l’opposition fondée sur inobservation des formes ou délais des poursuites est portée devant le tribunal dans le ressort duquel les poursuites sont exercées. S’il est sursis à la vente, l’opposition ne suspend pas les recouvrements sauf décision contraire du juge.
[1] Raymond Muzellec, Finances Publiques, 13ème édition, Dalloz, Paris, 2004, p.332.
[2] Raymond Muzellec, op. Cit. p. 337
[3] Définition du comptable selon l’article 3 de la loi du 05 octobre 1973 sur la comptabilité.