Ce chapitre présente le cadre théorique et empirique du travail. Il va porter sur trois sections à savoir : concepts d’inégalités d’accès et d’utilisation des soins prénataux, les déterminants d’accès et d’utilisation de soins de santé prénataux et mesure des inégalités.
Les soins de santé prénataux se définissent comme étant les interventions que subissent les femmes enceintes à travers un professionnel de santé (Marietou, 2014). Ils sont devenus aujourd’hui un élément essentiel dans la prévention des risques liés à la grossesse surtout grâce à leur professionnalisation.
Il existe plusieurs types de personnel soignant. L’OMS donne 7 catégories d’agents sanitaires qualifiés (OMS, 2013). L’OMS distingue donc le clinicien associé de niveau avancé, clinicien associé, aide-soignant, sage-femme auxiliaire, sage-femme, médecin non spécialiste et personnel infirmier.
Dans le cas de ce travail, et en s’inspirant aux travaux de (Hazarika, 2010) et (Quiddi, 2016) et compte tenu des informations disponibles dans les bases des données, on considère trois agents sanitaires qualifiés pour réaliser le service de soins prénataux à savoir sage-femme, médecin et infirmier.
Les études ont montré que les soins de santé prénataux soutiennent socialement et psychologiquement les femmes enceintes. Ils permettent donc de réduire la fréquence de la morbidité et mortalité maternelle. Pour un grand nombre de femmes africaines, les soins de santé prénataux constituent une porte d’entrée à la santé.
Les inégalités de santé peuvent être distinguées aux inégalités sociales de santé. Les inégalités de santé ne relèvent pas de la justice sociale mais d’autres facteurs (génétiques comme d’être un homme ou une femme ; physiologiques, comme d’être jeune ou vieux). En pratique, les deux termes sont utilisés de manière indifférenciée. L’OMS a substitué à ces deux termes, celui d’« iniquité » dans la version européenne de « la santé pour tous ».
Les inégalités sociales de santé sont considérées comme de véritables iniquités en santé, c’està-dire comme des « différences dans le domaine de la santé qui sont inacceptables et potentiellement évitables, mais considérées comme inéquitables et injustes. Elles sont prises au sens morale et éthique » (Lombrail & Pascal, 2005). Ces inégalités sont considérées comme liées à l’inégale répartition des chances au départ. L’équité en santé « sous-entend justice ». L’équité implique qu'idéalement chacun devrait avoir l'opportunité d'atteindre son plein potentiel de santé. De manière plus pragmatique, personne ne devrait être désavantagé pour la réalisation de ce potentiel, si cela peut être évité. Les politiques d'équité sont donc soucieuses de créer des opportunités égales pour la santé et de réduire les écarts de santé».
Cette notion de l’équité en santé renvoie à la théorie de la justice sociale et au développement de conditions favorables à la santé pour tous. Plusieurs études réalisées dans le cadre de santé, ont démontré une relation positive entre les caractéristiques socioéconomiques d’une femme sur l’utilisation et l’accès aux soins de santé prénataux. L’étude de Hazarika (2010) trouve qu’en Inde que, les femmes vivant dans un ménage ayant un statut socioéconomique avantageux, ont une chance trois fois plus élevée d’accéder et d’utiliser les soins de santé prénataux que celles ayant un statut désavantageux.
La notion d’inégalités sociales en santé, conduirait à toute relation entre la santé et la catégorie sociale (Moleux & Ali, 2011). Cette définition, indique, lorsqu’on parlera des inégalités sociales, on se réfère à toute situation de disparité en termes d’accessibilité ou d’utilisation de soins liée à l’appartenance sociale. L’inégalité sociale de santé, est donc une différence de santé entre des individus liée à des facteurs sociaux de différenciation (classes sociales, catégories de revenu, niveaux d’études) », qui sont des différences inutiles, évitables… et injustes. Pierre Aiach (2000).
De ces définitions, découlent deux éléments importants, primo, il existe un lien entre l’état de la santé d’un individu et sa position sociale. Et secundo, ces inégalités sont considérées comme évitables, car elles ne relèvent pas uniquement de la biologie, mais de déterminants socialement construits (Couffinhal & Ali., 2004).
Les définitions proposées dans la littérature reflètent toutes les relations entre la santé et l'appartenance à une catégorie sociale; elles débordent le seul champ de la santé au profit du fonctionnement global de la société : les rapports de force, les différences selon le genre, la structure de distribution de revenus, les conditions de vie dans le milieu local ou au travail, l'accessibilité aux services, etc. Ces inégalités produisent des écarts de santé entre groupes sociaux et les différences (écarts) qui se situent à l’extrême des positions socioéconomiques, en haut et en bas de l’échelle. Ainsi, les inégalités sociales en matière de santé devraient d’abord être mesurées à partir des positions extrêmes de l'axe d'une mesure socioéconomique quelconque (Braveman, 2006).
Comme on le comprend, il existe généralement deux types d’inégalités. Il s’agit d’une part des inégalités de résultats qui comprennent l’inégalité face à la mort et à la maladie et, d’autre part les inégalités de moyens, qui concernent l’inégalité dans la consommation médicale, l’inégalité dans le niveau d’ouverture sociale, qui, dans certaines situations peut se traduire en inégalité d’accès aux soins (Tanti-Hardouin, 1994).
Figure 1 : Cadre conceptuel permettant de comprendre les inégalités d’accès et d’utilisation de soins de santé
La figure 1 présente les facteurs qui déterminent les résultats sanitaires et propose un canevas qui permet de comprendre les inégalités entre les groupes socioéconomiques face à la santé. Les facteurs de santé, aux niveaux des ménages et de la collectivité, influent sur les résultats sanitaires et expliquent, dans une bonne mesure pourquoi il existe les inégalités socioéconomiques en matière de santé et pourquoi elles défavorisent les pauvres.
Caeteris paribus, pour un groupe d’individus avec un niveau de revenu élevé, correspond à l’utilisation plus fréquente des services de santé dans le PED (Wagstaff, 2002). Le capital humain plus bas chez les pauvres a aussi une influence sur les décisions des ménages quant aux déterminants immédiats de la santé. L’instruction, surtout celle des femmes, est étroitement liée à de nombreux comportements et choix propices à une bonne santé. Les facteurs communautaires comme conditions environnementales et écologiques d’un milieu, la pression sociale pour les valeurs et normes communes exercent aussi un rôle important pour les indicateurs de santé ou le résultat de santé.
Dans une recherche portant sur certains pays d’Afrique, (Mutangura & ali, 2009) trouvent qu’à des degrés divers, dans tous les pays et pour toutes les variables de santé analysées, que l’accès aux services de santé diffère en fonction des revenus. A partir des indices de et courbes de concentration pour tous les indicateurs et pour l’année la plus récente, il compare les différents indicateurs relatifs à l’accès aux services de santé et révèle que, dans tous les pays, c’est l’utilisation de moyens de contraception, suivie par l’aide à l’accouchement, qui présente la plus forte inégalité due aux différences de richesse. En Zambie, au Malawi, au Ghana, au Sénégal et au Kenya l’indice pour l’accès à la vaccination et aux soins prénataux est proche de l’équité soit proche de 0.0 ; mais des disparités considérables sont relevées en Éthiopie et au Tchad.
Quelques théories ont tenté d’expliquer les origines des inégalités sociales en santé. Ce travail se penche aux principales dont :
Les inégalités sociales de santé sont constatées tout au long de l’échelle sociale et ne concernent pas seulement les plus défavorisés, même si ces derniers sont particulièrement concernés (Leclerc & Ali, 2000).
De ce qui précède, deux conditions doivent être remplies pour parler des inégalités sociales de santé. Premièrement, l’indicateur doit être un objet socialement valorisé, par exemple la vie par opposition de la mort, la santé et le sentiment de bien-être par opposition à la maladie, des soins efficaces et au moindre coût par opposition à des soins qui le sont pas pour des raisons non scientifiques ou technique, … deuxièmement, il faut que cet objet concerne des groupes sociaux hiérarchisés dans une position dominant/dominé, par exemple les classes sociales, les catégories socioprofessionnelles, groupes différenciés selon le revenu, l’instruction, sexe, origine. (Aïach & Fassin, 2004)
L’expression accès aux soins est polysémique et désigne une possibilité ou accessibilité en termes de droits sociaux. L’accès aux soins se décline en «accès potentiel» ou possibilité d’accéder aux soins (accessibilité) et en «accès réalisé» ou recours aux soins. L’accès aux services de santé est fonction des plusieurs facteurs des déterminants sociétaux, caractéristiques du système de soins et déterminants individuels (Andersen & Ronald, 1995).
(Risterucci & Bouty, 2010) renvoient au dictionnaire Merriam Webster’s qui définit l’accès comme la liberté et la possibilité d’obtenir ou de faire usage de quelque chose. En termes de santé cela correspond au droit individuel d’obtenir des soins lorsque l’on en a besoin.
En d’autres termes, l’accès correspond à l’adéquation entre les besoins des personnes et les services dispensés, incluant également la disponibilité des ressources, l’acceptabilité
(acceptation du principe de soin de santé moderne par exemple) et l’adaptabilité des services. Il peut ainsi être perçu comme «l’utilisation en temps utile des services de santé par les individus de façon à atteindre le meilleur résultat possible en termes de santé» (Lombrail & Pascal, 2005).
Certains concepts sont utilisés comme synonymes à l’accès. Par exemple « accessibilité » et « disponibilité » ; l’accès est tantôt considéré comme la propriété des ressources sanitaires, tantôt comme celle des utilisateurs potentiels, et tantôt encore comme le degré d’ajustement entre les caractéristiques de la population et celles des ressources sanitaires (Richard, 2001).
Ainsi, le concept accès reste vague, notamment quant à ses limites avec celui d’utilisation. Pour essayer de le rendre claire, il devient impérial d’aborder les notions telle que « accessibilité » et disponibilité » afin de ressortir des relations de l’accès avec l’utilisation.
ï‚· L’accessibilité
Elle prend plusieurs orientations disciplinaires. Dans le cadre de ce travail, il convient d’aborder le concept du point de vue géographie et économie.
L’accessibilité aux soins, selon Picheral (2002) est la capacité matérielle d’accéder aux ressources sanitaires et aux services de santé. Elle présente les dimensions matérielle et sociale.
L’accessibilité traduit la possibilité de recourir aux prestataires de soins et n’a donc qu’une valeur potentielle (desserte). Elle est surtout fonction du couple distance / temps, donc de la proximité ou de l’éloignement du cabinet médical. L’accessibilité est une condition de l’accès aux soins mais ne détermine pas à elle seule le recours aux soins effectifs.
La définition fait ressortir les notions énoncées précédemment, en mettant l’accès sur deux dimensions, l’accessibilité géographique qui est le rapport entre la distance-temps de l’usager et la ressource ainsi que l’accessibilité économique où plusieurs choix de services sont en général possibles et donc arbitrés dans un système de santé concurrentiel (libéral) et mixte, ou qu’on a affaire à un choix obligé mais gratuit (contraint).
L’accessibilité se dit aussi de la possibilité financière de recourir à des services de santé
(couverture, assurance sociale) ou à une innovation médicale (pratique, technique, équipement, diffusion). La plus grande accessibilité est ainsi un des objectifs premiers de tout système de santé dans sa dimension sociale (équité). Dans les deux cas, l’accessibilité est maintenant considérée comme un déterminant de santé et un éventuel facteur de risque. Picheral cite ainsi deux dimensions principales : géographique et économique. Il précise aussi que ce sont des indicateurs d’inégalités, et l’isolement contribue fortement à la pauvreté : les populations sans accès aux services de santé, sociaux et économiques sont plus pauvres.
C’est aussi la capacité de la population ou d’un segment de population d’obtenir les services de santé disponibles. Cette capacité est déterminée par des facteurs économiques, temporels, de localisation, architecturaux, culturels, organisationnels et informationnels, qui peuvent être des barrières ou des facilitateurs à l’obtention de ses services.
C’est ainsi par exemple (Haddad & al., 2004) partent d’une enquête auprès de 1 604 ménages de trois régions de la Burkina Faso en utilisant les statistiques descriptives et inférentielles (régressions multiples, logistiques et linéaires), relèvent que la probabilité de consulter un professionnel de santé est presque trois fois plus importante lorsqu’on se situe dans le quintile de richesse le plus élevé (ratio de cotes = 2,67) et celle de consulter un centre de santé public est plus de deux fois supérieure (ratio de cotes = 2,12). Ces résultats montrent encore que les personnes vivant dans les ménages comptant cinq personnes et plus ont une probabilité plus élevée de rencontrer des difficultés à faire face à leurs besoins de santé que ceux des plus petits ménages (d’une à quatre personnes). La survenue de ces difficultés est deux fois plus fréquente dans les ménages de dix personnes et plus (ratio de cotes = 1,80).
Le résultat de ce travail, montre l’importance des inégalités du point de vue géographique, distance, milieu de résidence, et les inégalités du point de vue économique, (quintile de richesse, nombre de personnes, …).
Une autre étude dans le même fil d’idées, (Nanfosso & Kasiwa, 2013) portant sur « les déterminants de la demande de soins prénataux en République démocratique du Congo: Approche par données de comptage » adoptant une méthodologie articulée autour des données de comptage. Outre le modèle de Poisson et le modèle binomial négatif, une régression des quantiles est élaborée afin d’examiner l’hétérogénéité de la demande de soins prénataux. Les données utilisées sont celles EDS_RDC 2007. Ce travail a abouti aux résultats suivants : les effets estimés des variables des deux modèles sont similaires à l’exception de deux variables, à savoir l’ordre de naissance et la décision de santé. Ainsi, avec le modèle binomial négatif, on constate que le fait pour une femme d’appartenir à un ménage riche a un effet positif et significatif sur la demande de soins prénataux au seuil de 1%. En revanche, les femmes issues des ménages pauvres ont moins accès aux soins prénataux. La lecture du journal par une femme a un effet positif et significatif sur sa demande de soins prénataux au seuil de 1%. Les religions protestante et musulmane affichent un effet positif et significatif sur la demande de soins prénataux alors que les religions catholiques et kimbanguiste (une religion traditionnelle de la RDC) ont un effet négatif.
Pour ce qui est des variables d’accès aux soins prénataux, le modèle binomial négatif relève que seules deux variables expliquent la demande de soins prénataux. En effet, le fait de manquer d’argent pour accéder aux soins le moment voulu affecte négativement la demande de soins prénataux à un seuil de 5%. Les difficultés d’accès aux soins prénataux liées au problème de transport affectent également au seuil de 1% et de façon négative la demande de soins prénataux. Enfin, pour ce qui est des variables d’état de santé, seule l’état d’anémie de la femme est pertinent. En effet, le fait que la femme soit anémique affecte négativement et de façon significative la demande de soins prénataux au seuil de 1%.
Un peu plus, Lewis avait déjà relevé que le moyen le plus efficace quoiqu’indirect de définir l’accès est de considérer les barrières qui doivent être surmontées pour obtenir un service. Ces barrières sont liées tant à la production de service, qu’à leur consommation, …. (Khan, 1991).
ï‚· Disponibilité
Le concept est défini comme étant la relation entre d’un côté le volume et le type des services existants et, de l’autre côté, le volume et le type de besoins des patients. Ce concept renvoie à trois éléments : présence physique, disponibilité temporelle et fourniture de prestations adaptées en volume et en nature aux besoins, ce qui implique la couverture sanitaire.
En effet, l’inégale couverture sanitaire entre ville et campagne n’épuise pas les nombreuses disparités spatiales de disponibilité en services de santé. Si la couverture sanitaire des populations urbaines est globalement meilleure que celle des ruraux, il n’en demeure pas moins souvent fort inégal d’une ville à l’autre, notamment en fonction de leur taille et de leur statut administratif et d’un quartier et l’autre d’une même ville. En plus, la disponibilité étant définie comme la relation entre le volume de l’offre et la demande de soins, l’existence d’une surdisponibilité est envisageable. Cette possibilité reste toutefois passablement théorique en milieu rural. Du fait de la concentration des ressources sanitaires dans les villes et du dysfonctionnement quasi généralisé du système de référence, une offre supérieure à la demande est plus plausible en milieu urbain, surtout pour certains services spécialisés (Richard, 2001).
Ainsi, l’accès est un processus qui dépend non seulement de l’offre de soins, mais aussi et surtout à la nature de la demande (caractéristiques des personnes, des ménages, de l’environnement physique et social, …). Ici on peut également ajouter la perception du besoin des soins par l’individu, en commençant par le besoin jusqu’à la réception des soins (Levesque et Al. 2013). De manière schématique, l’accès aux soins se résume comme suit :
Cette figure ressort les différents aspects de l’accès primaire et secondaire aux soins de santé.
L’accès primaire aux soins, implique l’entrée dans le système de santé, c’est-à-dire l’utilisation effective de soins de santé tandis que l’accès secondaire correspond à la manière déterminée par la structure dont se déroulent les services de santé lors du premier contact avec un professionnel sanitaire (Lombrail, 2007).
Eu égard à ce qui précède, les concepts accès et accessibilités seront séparés, malgré tout intimement liés, en considérant l’accès comme une réalité mesurable par la fréquentation (un usage du système de soin), tandis que l’accessibilité définira plutôt le potentiel d’accès au service. On trouve ce type de différenciation en économie de la santé ou l’accès aux soins est considéré comme une condition de l’équité (Picheral, 2002). Des contradictions se présentent toujours dans l’acception de ces notions pourtant considérées comme banales.
L’OMS différencie le recours et l’accès, dans le sens où des inégalités d’accès sont des inégalités de couverture sociale (financement et ayant droit) et le recours est la réalité finale de son usage (recours aux soins) (OMS, 2008). Certains auteurs soutiennent la pensée et considèrent d’un point de vue, strictement économique, l’accès comme l’offre d’un bien (ce qu’on appelle accessibilité au bien du point de vue géographique et économique confondus) et le recours comme sa consommation effective (que qu’on appelle aussi recours et accès). Les mêmes théories peuvent se rapporter à l’accès aux soins de santé prénataux désignant le fait d’une femme d’avoir réalisé les services prénataux pendant la grossesse.
Deux courants de littérature expliquent le recours aux soins de la santé maternelle à savoir : le courant basé sur la littérature anthropologique et celui basé sur la littérature sociodémographique et socio-médicale.
L'approche biomédicale met en avant les aspects liés à l'offre de soins de santé. Elle explique la faible fréquentation des services obstétricaux, surtout dans les pays en émergence par le manque ou l'insuffisance quantitative et qualitative des services de soins de santé, leur faible accessibilité financière (coûts prohibitifs de consultation et traitement) et géographique (éloignement des services). En effet, la rationalité qui sous-tend cette approche est que « l'offre crée sa propre demande ». Autrement dit, l'utilisation des services de santé maternelle dépend d'abord de l'existence de ceux-ci ; ce qui semble ne pas refléter les réalités sur le terrain. Suffitil seulement d'avoir des services obstétricaux pour que l'on ait une très forte fréquentation de ceux-ci ? Ce serait très loin d'être un remède miracle à partir du moment où beaucoup de travaux indiquent qu'en Afrique, la demande des services obstétricaux reste largement influencée par le contexte social. Enfin, l'approche démographique, quant à elle, met en relation l'utilisation des services de santé maternelle avec les caractéristiques sociodémographiques telles que l'âge, la parité atteinte, l'éducation, le niveau de vie, l'affiliation religieuse, la taille et la structure du ménage. Les études démographiques ont l'avantage de mettre en relief les principaux obstacles en matière de recours aux soins pendant et après la grossesse. Ces études démographiques reposent essentiellement sur la demande et présentent parfois des insuffisances liées à la nonprise en compte des facteurs liés à l'offre. De ce fait, l'intégration des facteurs associés à l'offre améliorerait notre compréhension.
Dans le domaine épidémiologique et en économie de la santé, il existe un débat sur les déterminants d’accès et d’utilisation de soins de santé. Un courant estime que le prix des services de santé est fonction importante d’accès et d’utilisation des soins, tandis que l’autre courant estime le contraire. Une étude réalisée au Pérou, trouvent des résultats qui estiment que, si le prix des services publics de santé doublait, les visites pour des soins de santé baisseraient de 3% (Gertler & Ali., 1988). Ces auteurs montrent que le prix est le facteur important. Une autre étude démontre qu’en l’absence de prix monétaire, certains coûts privés, représentés par le temps de déplacement, jouent le rôle du mécanisme des prix. Dans ce travail, les auteurs ont calculé l’élasticité de la demande de soins médicaux par rapport aux coûts d’opportunité du temps et ont trouvé qu’elle se situait entre 0, 34 et – 0,24 (Dor & Van Der, 1988). Pour les auteurs, plus les coûts d’opportunité augmente, la demande ou le recours aux soins de santé varie négativement. Les deux études complétées encore par une rechercher dans le cadre des pays d’Afrique du Sud de Sahara qui prouvent que les facteurs qui bloqueraient l’utilisation de soins de santé seraient d’ordre financier en premier lieu et vient en seconde lieu les facteurs liés à l’absence de qualité (Mathonnet & Ali., 2003). En outre, qu’au-delà des caractéristiques socio-économiques des individus, d’autres comportements peuvent avoir une influence au recours aux soins de santé. Une étude s’intéressant à deux comportements de recours aux soins : avoir ou non un médecin généraliste habituel et consulter des spécialistes plutôt que des généralistes et démontre que, les deux comportements de recours étudiés sont associés au niveau socio-économique du contexte de résidence, un niveau socio-économique élevé réduisant les chances d’avoir un médecin généraliste habituel et accroissant les recours aux spécialistes. La propension à recourir à des spécialistes est également liée aux densités médicales (Chaix & Chauvin, 2005).
En essayant de se maintenir dans les mêmes idées, il existe plusieurs modèles qui analysent les déterminants socioéconomiques, mais ce travail part de celui élaboré par l’OMS. Le modèle distingue trois facteurs importants : Les facteurs socioéconomiques et politiques, Les facteurs structurels liés à la position socioéconomique des individus et enfin, les facteurs intermédiaires.
Source : Potvin et Jones (2010)
Ce modèle montre que les inégalités de santé naissent d’abord du contexte socioéconomique et politique, qui est à la base du raisonnement. Ce contexte divise les individus en classes sociales inégales selon leur genre, leur origine ethnique, leur éducation, leur insertion socioprofessionnelle et leurs revenus. Ce sont les déterminants structurels et sont interdépendants. Par exemple, un faible diplôme va souvent de pair avec un emploi à revenu plus modeste. Les déterminants structurels influencent l’état de santé des individus, ils déterminent les différences de vulnérabilité aux inégalités car ils ont des répercussions sur des facteurs biologiques et comportementaux (pratique de l’activité physique, consommation d’alcool, etc.) et psychologiques (stress, soutien social, etc.), sur les conditions matérielles de vie et de travail (logement, consommation alimentaire, environnement professionnel,…). On appelle ces facteurs les déterminants intermédiaires.
L’hypothèse de base de la demande d’un bien en général et en particulier de soins de santé est la maximisation d’utilité (théorie du consommateur). Le consommateur se trouve en face de plusieurs alternatives de services de soins (Médecine traditionnelle, automédication ou médecine moderne) ou de services praticiens (médecin, infirmier, sage-femme, guérisseur et autres). De tels modèles sont couramment utilisés par les économistes de la santé pour expliquer des choix faits dans l’utilisation des soins de santé (Fuchs, 1994).
L’analyse est appuyée sur le cadre conceptuel proposé par Andersen (1995). Cette approche présente une analyse pour estimer les relations causales entre l’accès aux soins et les facteurs individuels, socioéconomiques et environnementaux (Guend & Tesseron, 2009).
En partant de l’idée philosophique qui considèrent l’accès aux soins comme un droit, l’approche d’Andersen développe un modèle comportemental qui a fourni dans une forme simplifiée un cadre conceptuel permanant d’identifier les déterminants de l’accès aux soins et de l’utilisation des services de santé aux Etats-Unis et au Canada (Karna, 2012).
Ce modèle explique donc la manière dont les individus utilisent les services de santé. Il distingue trois facteurs à savoir : les facteurs démographiques, les facteurs socioéconomiques et les besoins de soins de santé.
L’Anderson a mis au point un modèle permettant de vérifier si un système de santé est équitable. Car les besoins de soins de santé se révèlent comme le facteur important d’utilisation de soins de santé. Dans le cas contraire, lors que l’accès et l’utilisation des services de santé dépendent d’autres facteurs tels que l’âge, le statut-socioéconomique ou l’appartenance à un milieu donné serait jugé non équitable (Karna, 2012).
D’une manière générale, le comportement des individus dans le cadre de l’utilisation des services de santé et ses résultats reste l’élément primordial dans le modèle. Ce modèle est fondé par quatre groupes d’éléments à savoir, les caractéristiques individuelles, les caractéristiques contextuelles ou l’environnement, le comportement de santé et les résultats à l’issue du parcours choisi.