Dans les pays en développement, notamment la RDC, et aussi dans bien d’autres pays du monde, l’emploi est au cœur du dispositif économique. Cela se comprend dans la mesure où les politiques de l’emploi sont au centre des politiques économiques. Ainsi, plusieurs décennies déjà, le marché du travail se développe dans les pays en développement en général et en RDC en particulier. Par ailleurs, en RDC, les emplois du secteur formel ne représentent que 11.5% des emplois, la majorité des emplois étant concentrée dans le secteur informel 88.5%.
Les emplois du secteur formel sont retrouvés dans le secteur public, parapublic et dans le secteur privé formel ; le degré d’instruction des actifs y étant de 12,9 années, un âge moyen de 42.9ans et une expérience moyenne de 11.9 ans traduisant les avantages en terme de revenu, de protection lié à ces emplois (INS, 2014).
Dans le secteur informel par contre, 59.7% des emplois sont dans l’informel agricoles et 28.9% dans l’informel non agricole. La main d’œuvre y est relativement la plus jeune. En effet, 22% des actifs occupés dans ce secteur ont moins de 25 ans et le niveau d’étude moyen y est de 6,9 années, et composé relativement plus par les femmes, soit 53% des actifs et 55% d’UPI[1] sont dirigées par les femmes. La répartition de la valeur ajoutée aux facteurs de production est très inégalitaire : seulement 6% de la valeur ajoutée vont à la rémunération des salariés, 2,7% aux impôts sur la production et près de 90% affecté à L’EBE[2], ce qui justifie le niveau faible de salaires dans ce secteur INS (2014).
Sur ce marché du travail, le salariat représente 20% des de l’ensemble des emplois. Faute de ses exigences, les travailleurs se refugient dans l’entrepreneuriat, il représente 80% des emplois. Aussi, l’emploi en RDC est essentiellement agricole et le secteur industriel apparait particulièrement peu développé. Plus de 71,2% des actifs occupés sont employés dans l’agriculture.
Deux des changements socio-économiques les plus marquants au cours des dernières décennies sont les progrès remarquables que les femmes ont réalisés en matière d’éducation, un indice de parité de scolarisation primaire et secondaire de 0,96 et 0,85 respectivement en RDC, et de leur participation au marché du travail 49.6% d’actifs occupés[3] en 2012.
For malheureusement, l’avantage des femmes au chapitre de la scolarisation ne se traduit pourtant pas par des gains plus élevés que ceux des hommes Carole (2013).
En dépit de cette féminisation de la population active, progressivement devenue, depuis plusieurs décennies une réalité, la gente féminine perçoit, à l'heure actuelle une rémunération inférieure à celle de son équivalent masculin, suggérant que le sexe joue un rôle déterminant dans le positionnement professionnel Massart & Deprez (2010-2011). L’écart de gain entre les femmes et les hommes en début de carrière se serait rétréci chez les travailleurs gagnant des gains peu élevés ou moyens, mais se serait accru chez les travailleurs à revenus plus élevés au cours de la première décennie du XXIème siècle (Carole, 2013).
La discrimination salariale des femmes serait liée à différents facteurs. Massart et Deprez (2010-2011) citent les choix politiques au cours du temps, le choix d’orientation à l’école et l’interaction entre la sphère domestique et la sphère productive. Relativement aux choix politiques, ces auteurs soulignent qu’au début du 19è siècle les métiers des femmes étaient différents de ceux des hommes. En effet, celles-ci étaient fileuse, boutonnières, dentellières, femme de chambre,…moralité, leurs rémunération constituent un salaire d’appoint au foyer. Pour ce qui est du choix d'orientation à l'école, il a un impact sur la distribution des emplois et donc sur les inégalités. Enfin, l’interaction entre la sphère domestique et la sphère productive est telle que tout au long de leur carrière, les femmes sont amenées à faire des choix en termes d'interruptions de carrière, de régime de travail. Ces choix sont souvent liés à la présence d'enfants dans le ménage et ont un impact sur la rémunération des femmes.
Carole (2013) identifies quatre grandes hypothèses pour expliquer le fait qu’encore aujourd’hui, le travail des femmes est sous-rémunéré : d’abord elles sont surreprésentées dans les professions et les métiers moins bien payés ; ensuite elles attachent plus d’importance aux attributs non pécuniaires de leur emploi ; puis les responsabilités familiales plus lourdes des femmes les amènent à rechercher des emplois qui leur permettent de mieux équilibrer travail et vie personnelle ; enfin les stéréotypes de genres en milieu de travail tendent à récompenser un modèle de travail qui correspond davantage à celui des hommes. En effet, en RDC, le gain des hommes reste différent de celui des femmes. Ainsi, dans le milieu urbain le gain moyen des femmes représentent 49.7% de celui des hommes et dans le milieu rural ce pourcentage s’établit à 50.7% (INS, 2014). L’enquête 1-2-3 a également révélé les dispersions des gains existant par secteur, par région et par CSP[4]. Se basant sur le secteur, on remarque que le secteur parapublic passe pour celui qui rémunère le mieux possible en RDC. Les travailleurs de la capitale étant les plus avantageux. Le tableau ci-dessous illustre cette situation.
Administration |
Kinshasa |
Autres milieu urbains |
Milieu rural |
113667 CDF |
94407 CDF |
47701 CDF |
|
Secteur parapublic |
249386 CDF |
142395 CDF |
|
Privé formel |
166738 CDF |
172430 CDF |
Source : INS, 2014
Ce tableau montre l’existence des disparités des gains entre milieu et entre secteurs. Les travailleurs ruraux gagnent 50.5% du gain des autres milieux urbains. Les travailleurs du secteur parapublic ont le gain salarial le plus élevé. A Kinshasa les gains de l’administration et du secteur privé représentent respectivement 45.6% et 66.9% du gain du secteur parapublic.
Quant à la CSP, celle-ci joue également sur la rémunération dans tous les secteurs. Ainsi, le gain salarial des employeurs et des cadres est le plus élevé que celui des autres CSP que ce soit dans le secteur privé ou public. Le tableau ci-dessous illustre la situation.
secteur public Secteur privé
Employeurs et cadres |
167281 |
180617 |
Employé ouvriers |
104973 |
140128 |
Manœuvre |
133037 |
|
Travailleurs indépendant |
134799 |
Source : INS, 2014
Les travailleurs du secteur privé ont les gains les plus élevés que ceux du secteur public. Les cadres du secteur public gagnent 92.6% du gain de leurs homologues du secteur privé.
Quant à la région de résidence, il s’observe qu’en milieu rural, les revenus tirés des services, du commerce et de la production industrielle sont plus importants même s’ils restent inferieur à ceux des urbains. Les revenus moyens y sont respectivement de 43623CDF, 47384CDF et 54228CDF contre revenu mensuel moyen en milieu urbain de 83000CDF.
L’enquête 1-2-3 a révélé qu’après le secteur public, le secteur privé formel présente le plus fort taux de salarisation[5] (92,6%). Mais, à bien des égards, il se différencie de l’idée qu’on peut se faire d’un secteur moderne et fortement concentré que l’on rencontre dans les pays plus développés. En effet, les actifs occupés[6] dans ce secteur sont relativement plus nombreux dans les entreprises de 10 personnes ou moins que dans celles de plus de 50 personnes, soient respectivement 40 % et 25 % des emplois. Aussi 21 % des emplois privés formels se trouvent dans des unités d’effectif inférieur à 6 personnes, (INS, 2014).
En effet, entre 2005 et 2012 on note que la rémunération a quadruplé dans tous les secteurs, quels que soient le milieu de résidence et le secteur d’activité. Dans le milieu urbain, il est passé de 18.200 CDF à 85.726 CDF et de 21.400 CDF à 116.953 CDF à Kinshasa en particulier.
Cependant, la transformation en termes réels enregistre une baisse en termes de pouvoir d’achat de la population de 73,7 % entre ces deux périodes (PNUD, 2015).
Le gain salarial constituant le principal revenu des travailleurs congolais, l’écart de gain entre travailleurs aurait des conséquences non négligeables sur le bien-être. Ortiz et Matthew (2012), dans la synthèse des travaux de certains chercheurs sur les inégalités trouvent que l’inégalité ralentit la croissance économique. Ainsi, elle montre que les pays en développement ayant des forts écarts de revenus tendent à croitre plus lentement. L’inégalité génère l’instabilité politique causée par des conflits résultant de graves abus sociaux à travers la lutte des classes et la perception de l’inégalité entre les groupes ethniques, sociaux ou autres. Wilkinson et pickett (2015) étudient la relation entre l’inégalité du revenu et onze problèmes sanitaires, leurs conclusions montrent que les problèmes sanitaires et sociaux sont plus graves dans les sociétés les plus inégales.
Carole (2013), dans son étude pourquoi les femmes gagnent moins que les hommes, donne une synthèse des résultats trouvés par certains chercheurs sur les inégalités de gain au Canada. Ainsi, Baker et Drolet (2010), Boudarbat et Connelly (2013) trouvent que les différences entre les sexes dans les choix professionnels et le type d’industrie dans lequel œuvrent les personnes contribuent de façon assez importante à la portion expliquée des écarts salariaux. Dans leurs analyses, les choix professionnels ressortent comme un facteur important, mais pas plus que les différences dans les secteurs d’activité. Boudarbat et Connelly (2013) concluent également que les différences entre les sexes dans le choix du domaine d’études expliqueraient environ le quart des écarts salariaux observés. Javier et Arantza(2003), quant à eux ont utilisé la décomposition d’Oaxaca et lseurs conclusions renseignent que les hommes gagnent 21% plus que ce qui devrait être dans un marché non discriminatoire. Gustafsson et Li (2001) ont utilisé la courbe de Lorenz; l’indice de Gini et le MLD[7]. Ces deux indices témoignent qu’il y a inégalité. D’après leur conclusions, l’inégalité s’est accru rapidement et son origine vient de deux composantes : le salaire de base, principale composante, et les subsides.
De ce qui précède, il parait que l’inégalité des gains est liée a plusieurs facteurs tel que présentés ci-haut. Néanmoins ceux qui priment sont relatif au capital humain et au sexe. Les théories explicatives des écarts salariaux conduisent à étudier l’impact des caractéristiques personnelles (diplôme, expérience) sur le salaire, il s’avère que même à niveau de « capital humain » équivalent, des différences subsistent entre les salariés, Aeberhardt & Pouget (2006). Il s’observe que les inégalités de gains existent en RDC. Ainsi, cette étude répond à :
Quel est le niveau des inégalités des gains en RDC et quels en seraient les déterminants ?
L’objectif de ce travail est donc de mesurer le niveau des inégalités de gains en RDC : les inégalités par secteur d’activité, par province, par genre et enfin les éléments explicatifs de ces inégalités.
Pour atteindre l’objectif assigné à ce travail, il est fait recours aux bases 1-2-3 de 2005 et 2012.
La décomposition d’Oaxaca-Blinder (1973) sera utilisée pour expliquer les origines de l’écart de gain. Le logiciel STATA12 sera utilisé pour le traitement des données. L’ossature de ce travail est présentée comme suit : abstraction faite à l’introduction et la conclusion, ce travail compte 3 chapitres. Le premier, revue de littérature, va donner l’essentiel sur cette thématique, le deuxième, méthodologie va exposer les méthodes et techniques qui seront utilisées pour mener à bien cette recherche. Le dernier chapitre, présentation et discussion des résultats, quant à lui va présenter les résultats de la recherche.
[1] Unité de production informelle
[2] Excédent brut d’exploitation
[3] En 2012 on estimait à 27700000 le nombre d’actifs occupés, c'est-à-dire le nombre de personnes avec un emploi.
[4] Catégorie socioprofessionnelle
[5] Rapport du nombre des salariés sur l’effectif total des travailleurs
[6] Nombre de personnes ayant un emploi
[7] The Mean Logarithmic Deviation