Dans le présent chapitre, il sera question pour nous de donner tout d’abord la définition, les caractéristiques et les sortes du pouvoir de tutelle (section 1) et nous continuerons à parler des mécanismes de contrôle de tutelle (section 2).
La définition de la tutelle (§1) s’imposent avant de décortiquer les sortes de pouvoirs de contrôle de la tutelle (§2).
Jacques Dembour, définit la tutelle comme l’ensemble des pouvoirs limites accorder par la loi où averti de celle-ci à une autorité supérieure aux fin d’assurer le respect du droit et la sauvegarde de l’intérêt général contre l’inertie préjudiciable, les excès et les empiètements des agents des entités décentralisées (1).
Selon Gustave Peiser, c’est l’ensemble des pouvoirs de contrôle accordes par la loi à une autorité supérieure sur les agents des collectivités décentralisées et sur leurs actes dans un but de protection de l’intérêt général[1].
La définition donnée par Jacques Dembour appelle certaines précisons :
Diverse qualifications sont possibles notamment : La tutelle spéciale, la tutelle générale, la tutelle répressive, la tutelle facultative et la tutelle supplétive ou coercitive.
Dans le cadre de ce travail nous aurons à se focaliser sur la tutelle préventive(A), la tutelle répressive(B) et la tutelle supplétive ou coercitive (C).
La définition s’impose avant d’aborder les modalités de la tutelle préventive
A.1. Définition
André définit la tutelle préventive comme une action de protection contre les diverses sortes de sinistres se conduit d’abord par les mesures de prévention, parmi lesquelles on peut distinguer les mesures de police et les mesures d’aménagements matérielles.[4] En d’autres termes, il s’agit des mesures protectrices des citoyens contre les sinistres, séismes, calamités publiques, au moyen de précaution et secours suscitant une intervention de l’Etat dont les caractères ont donné lieu à une certaine évolution.
A.2. Modalité
Celle-ci se résume en 3 modalités : L’avis préalable ; L’autorisation et l’approbation.
Souvent l’autorité de tutelle ne peut statuer qu’après avis préalable d’une autorité de tutelle inferieure, c’est ainsi que certaines décisions des conseils communaux sont soumises a l’approbation du gouverneur après avis de la députation permanente[5]
C’est un certificat de légalité et de conformité à l’intérêt général, préalable à la décision que comme se propose de prendre l’organe décentralisé.
Sans doute, comme l’approbation, elle suppose nécessairement l’existence déjà d’une délibération, mais celle-ci porte sur un projet de décision ou sur un acte à accomplir, et non pas sur une décision définitive dont seule l’exécution serait soumise à la survenance d’une condition suspensive.[6]
Ainsi, estime Jacqueline, une autorisation peut être conditionnelle et son défaut peut même être couvert par une approbation ultérieure. Elle termine en disant que, le conseil d’Etat peut évidemment contrôler les décisions d’autorisation ou de refus d’autorisation[7].
C’est une déclaration que telle décision (adoption du budget communal par exemple) peut sortir ses effets, parce qu’elle ne viole aucune règle de droit et ne blesse pas l’intérêt général.
Quoiqu’émise après la décision de l’autorité contrôlée elle n’en demeure pas moins une modalité de la tutelle préventive, puisqu’elle joue le rôle d’une condition suspensive, en ce sens que tout en ne constituant pas une condition de validité de l’acte, elle vient comme une sorte d’exécution de la décision.
Ainsi, estime Prof Verdelet Del volve qu’il en résulte les conséquences suivantes :
CORNU définit la tutelle répressive comme est une mesure destinée à sanctionner la légalité des actes des autorités décentralisées[9].
L’annulation par le chef de ‘Etat ou par le gouverneur, ou encore annulation par la volonté du législateur, pour illégalité ou pour contrariété à l’intérêt général est le procédé type de tutelle générale s’appliquant à tous les actes de l’autorité décentralisée[10].
Pour « répressive » qu’elle soit ; la tutelle générale d’annulation est la moins oppressive et donc la plus libérale. C’est ce qu’explique fort bien l’arrêt VERBIEST du 13 juillet 1977.
Retenons qu’à ce point que l’illégalité est évidemment celui de deux motifs valables d’annulation qui parait susceptible d’ouvrir le plus aisément un recours juridictionnel devant le conseil d’Etat, lequel n’hésite pas à annuler l’arrêter d’annulation si l’illégalité roguée par celui-ci est reconnue inexistante. En revanche, la notion d’intérêt général pourrait à premier vue paraitre une question d’appréciation politique étrangère à la compétence du conseil d’Etat, puisqu’il s’agit ici de vérifier si les faits sont susceptibles avec un ensemble de circonstances dont l’autorité de tutelle a le choix, et qui varient non seulement avec les caractères particuliers à chaque personne publique décentralisée mais aussi avec la conception de l’intérêt général que se font chaque gouvernement. Cependant, le conseil d’Etat est passé outre à cette objection.
Certes, laisse –t-il à l’autorité de tutelle un très large pouvoir d’appréciation se refusant notamment à substituer sa conception d’intérêt général à celle de l’autorité de tutelle. Mais puisque l’autorité de tutelle n’exerce son pouvoir qu’en vertu de la loi, il n’a pas hésité à vérifier l’exacte application de celle-ci dans l’usage qu’en fait ladite autorité[11]. Ainsi, l’autorité de tutelle (Gouverneur de Province du Sud-Kivu) de la commune d’Ibanda n’a jamais eu à vérifier l’exacte application de la loi dans la décision du Bourgmestre de la commune d’Ibanda.
Elle est définit comme tutelle administrative destinée à subordonner l’accord des autorités de tutelle la perfection juridique des décisions des autorités sous tutelle[12].
Cette tutelle est exclusivement de légalité, elle consiste à pallier la carence ou la mauvaise volonté d’un service décentralisé en agissant en ses lieu et place et par des mesures d’office ou par l’envoi d’un commissaire spécial[13].
En effet, les mesures d’office sont celles que prend l’autorité supérieure à la place d’une autorité décentralisée ayant refusé après mise en demeure d’accomplir une de ses obligations légales[14]
Un commissaire spécial peut être envoyé après deux avertissements à l’autorité subordonnée avec mission de la contraindre en cas de négligence ou de défaillance grave à l’exécution de ses obligations légales ; au besoin, il peut même se substituer à elle[15].
Dans cette section, nous allons montrer comment s’exerce la tutelle par l’autorité habilitée et les motifs du contrôle de la tutelle (§1) et nous terminerons à analyser les différentes modalités de contrôle (§2).
Le gouverneur de province exerce dans les conditions prescrites par la loi, la tutelle sur les actes des entités territoriales décentralisées. Il peut déléguer cette compétence à l’administrateur du territoire[16].
Le contrôle sur les actes administratifs des entités territoriales décentralisées peut être exercé a priori et le contrôle a posteriori[17].
La loi donne les différents actes qui sont soumis au contrôle a priori à savoir :
En effet, ces actes sont transmis au gouverneur de province avant d’être soumis à délibération ou à exécution. L’autorité de tutelle dispose de 20 jours à compter de la réception du projet d’acte concerné pour faire connaitre ses avis. Passé ce délai, le projet d’acte est soumis à délibération ou à exécution[18].
La décision négative de l’autorité de tutelle est motivée. Elle est susceptible de recours administratif et/ou juridictionnel[19].
Le silence de l’autorité de tutelle endéans 30 jours constitue une décision implicite de rejet. Dans ce cas, l’entité territoriale décentralisée peut former un recours devant la cour administrative d’Appel du ressort[20].
Il faut dire que la tutelle ne soit pas une institution de totale liberté ressort de la distribution qu’il importerait d’établir entre deux catégories :
D’une part, les pouvoirs dont l’exercice est soumis exclusivement à des conditions de droit (contrôle de légalité) et à propos desquels seuls on pourrait vraiment parler de décentralisation et de liberté puisqu’en ce cas, le pouvoir de décision appartient bien à l’autorité de décentralisée uniquement l’assentiment ne constituant qu’un jugement sur la légalité ou illégalité de l’acte contrôlé et l’autorité de tutelle ne participant pas à la décision.
D’autre part, les pouvoirs dont l’exercice est soumis à des considérations de valeur économique, technique voire politique, auquel cas, les décisions de l’autorité de tutelle représentaient un véritable consentement qui serait une participation à peine déguisée au pouvoir de décision, de sorte que de deux acteurs en présence pourraient être considérés comme des Coauteurs juridiques[21]. Comme nous l’avons déjà dit que l’autonomie des autorités décentralisées est la règle et la tutelle est l’exception. Il serait mieux de préciser que la tutelle est le contrôle qui pèse sur les agents ou autorités décentralisées dans le cadre de limiter leurs pouvoirs qui leur sont connus par la loi. Voilà le fondement de la tutelle.
Le contrôle de tutelle peut porter sur les actes ou sur les organes.
S’agissant de la tutelle sur les actes, elle vise les actes des collectivités territoriales demeurent soumis à un contrôle qui, pour être différent dans sa philosophie comme modalités d’exercice, exprime la nécessité d’un droit de regard de l’Etat sur les actes et décisions des autorités locales[22].
CORNU estime pour sa part que la tutelle sur les actes est une tutelle administrative destinée à sanctionner la légalité des actes des autorités décentralisées ou qui subordonne à l’accord des autorités de tutelle la perfection juridiques de décisions des autorités sous tutelle et s’analyse plus exactement en une coopération entre deux catégories d’autorités , partant en une coadministration[23]. C’est le cas de la tutelle de la légalité et la tutelle de l’opportunité.
Les procédés très variés, pouvoir de substitution, d’action lorsqu’une autorité s’abstient d’accomplir un acte entrant dans sa compétence, pouvoir d’approbation, après décision des autorités sous tutelle, pouvoir d’autorisation, avant la décision des autorités sous tutelle, pouvoir d’annulation, de suspension, d’information.
Tous ces contrôles n’existent que lorsqu’un texte les prévoit et strictement dans la limite des textes. Par exemple, il est impossible d’annuler une décision lorsque le texte prévoit qu’un pouvoir de suspension etc.[24]
Quant à la tutelle sur les personnes, est une tutelle individuelle ou collective qui s’apparente au pouvoir disciplinaire. C’est le cas de la révocation d’un maire, démission d’office d’un conseiller municipal, dissolution d’un conseil municipal ou général[25].
Dans le système congolais, le contrôle n’est pas le plus souvent sur la désignation des personnes, mais sur l’exercice de leurs fonctions. Il est moins rigoureux que le contrôle hiérarchique, mais la différence est davantage de degré que de nature. Il s’exerce par exemple dans les assemblées locales (suspension des conseils municipaux), sur les membres des assemblées locales (démission d’office des conseillers municipaux), sur les autorités individuelles des personnes morales (suspension ou révocation du maire…)[26].
[1] G. PEISER, Droit Administratif : les Actes administratifs, organisation administrative, police et service public, responsabilité et contentieux administratif, 19e éd, Paris, Dalloz, 1998, p.100
[2] J. MORRAND-DEVILLER, Cours de Droit Administratif, 9e ed, Paris, Montchrestien, 2005, p.199
[3] M-A, FLAMME, Droit administratif, t.I, Bruxelles, Bruylant, 1989, pp.121-122.
[4] A. DE LOUBADERE, Traite Elémentaire de Droit Administratif, 2 ém éd, paris, L.G.D.J, 1971, P. 205.
[5] Ibidem 70.
[6]IDIDEM, P. 72
[7]MARAND-DEVILLER, cours de droit administrative ,9em éd. Paris, mont chrétien, 2005, pp155-156.
[8]G. Vedel et P. Delve, le système d’administration, Paris, éd. Sirey, 1991, pp201-202.
[9] G.CORNU, Vocabulaire Juridique, 1e ed, Paaris, PUF, 1987, p.881
[10] J. MORAND,op cit, p.155.
[11]M-A. FLAMME, Droit Administratif, tome I, Bruxelles , Bruylant, 1989,p. 143.
[12] G. CORNU, op cit,P.881
[13] M-A. FLAMME, Op Cit, p. 255.
[14] Ibidem p. 157.
[15] Art. 95 de la loi organique n° 08/017 du 07 octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des entités territoriales décentralisées et leurs rapports avec l’Etat et les provinces, in JORDC,
[16] Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008, portant composition, organisation et fonctionnement des entités territoriales décentralisées et leurs rapports avec l’Etat et les provinces, in JORDC, art. 95.
[17] Art. 96 de la Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008, Op cit.
[18] Art. 98 de la Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008, Op cit .
[19] Art. 99 de la Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008, Op cit.
[20]Art. 100 de la Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008, Op cit.
[21] J. DEMBOUR, Op. Cit. p. 12.
[22] J.MORAND-DEVILLER, Op cit,p.199
[23] G. CORNU, Op cit, p.881
[24] G. PEISER, Op. Cit. p. 78.
[25] G. CORNU, Op cit, p.881
[26] T. MUHINDO MALONGA, Cours de droit administratif, UOB, G3 Droit, 2016/2017.