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CHAPITRE I : LE CONTROLE DE TUTELLE SUR LES ENTITES TERRITORIALES DECENTRALISEES

Dans le présent chapitre, il sera question pour nous de donner tout d’abord la définition, les caractéristiques et les sortes du pouvoir de tutelle (section 1) et nous continuerons à parler des mécanismes de contrôle de tutelle (section 2).

Section 1 : Définition et sortes des pouvoirs de contrôle de la tutelle

La définition de la tutelle (§1) s’imposent avant de décortiquer les sortes de pouvoirs de contrôle de la tutelle (§2).

§1.  Définition

Jacques Dembour, définit la tutelle comme l’ensemble des pouvoirs limites accorder par la loi où averti de celle-ci à une autorité supérieure aux fin d’assurer le respect du droit et la sauvegarde de l’intérêt général contre l’inertie préjudiciable, les excès et les empiètements des agents des entités décentralisées (1).

Selon Gustave Peiser, c’est l’ensemble des pouvoirs de contrôle accordes par la loi à une autorité supérieure sur les agents des collectivités décentralisées et sur leurs actes dans un but de protection de l’intérêt général[1].

La définition donnée par Jacques Dembour appelle certaines précisons :

  • Les pouvoirs des autorités de tutelle sont limités car ils visent à assurer le respect de la légalité des actes des autorités des ETD dans le cas prévus par la loi. C’est le cas en RDC, ces pouvoirs sont limités par la Constitution et par la loi sur les ETD de 2008. En effet, le recours au procédé de la décentralisation serait inutile si le pouvoir central pouvait s’immiscer dans la gestion des services décentralisés, substituer ses décisions à celles des leurs agents. Ainsi, dans le domaine de la compétence propre des services publics décentralisés, les instructions, les injonctions, les ordres sont interdits, le pouvoir central doit laisser l’initiative et la responsabilité aux agents décentralisés, se borner censurer leurs éventuels.
  • l’autonomie des organes décentralises est-elle la règle et la tutelle l’exception. Le respect de l’autonomie locale s’explique, ici dans trois principes selon Jacqueline : premièrement, les collectivités locales peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions  de toutes natures ; deuxièmement, les recettes fiscales et les autres ressources propres de collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivité, une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources ; troisièmes, tout transfert de compétence entre l’Etat et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes[2]. Les  pouvoirs de tutelle n’existent que dans les cas expressément prévus par la loi ou les règlements et les dispositions qui les établissent sont de stricte interprétation. La tutelle vise le respect de la légalité dans la prise de décision  des autorités des ETD.
  • la tutelle a pour fin le respect de la légalité et la protection de l’intérêt général. Il sied de préciser que, la tutelle administrative n’a en effet rien de commun avec la tutelle des droit prive, en ce sens que loin de se justifier par le souci de protéger certaines catégories d’incapables en l’occurrence des agents décentralisés qui serait considérés comme frapper d’incapacités ou de débilité, elle cherche à assurer la protection de l’Etat contre la volonté trop forte des corps administratifs autonomes qu’il s’agit d’empêcher de compromettre, par leur activités ou leur abstentions délibérées , l’unité du droit ou l’intérêt général du pays. Cela prouve que la tutelle de droit administratif est non pas une béquille, mais un frein[3].

§2. Sortes  de la tutelle

Diverse qualifications sont possibles notamment : La tutelle spéciale, la tutelle générale, la tutelle répressive, la tutelle facultative et la tutelle supplétive ou coercitive.

Dans le cadre de ce travail nous aurons à se focaliser sur la tutelle préventive(A), la tutelle répressive(B) et la tutelle supplétive ou coercitive (C).

  1. La tutelle Préventive

La définition s’impose avant d’aborder  les modalités de la tutelle préventive

            A.1. Définition

André définit la tutelle préventive comme une action de protection contre les diverses sortes de sinistres se conduit d’abord par les mesures   de prévention, parmi lesquelles on peut distinguer les mesures de police et les mesures d’aménagements matérielles.[4] En d’autres termes, il s’agit des mesures protectrices des citoyens contre les sinistres, séismes, calamités publiques, au moyen de précaution et secours suscitant une intervention de l’Etat dont les caractères ont donné lieu à une certaine évolution.

A.2. Modalité

Celle-ci se résume en 3 modalités : L’avis préalable ;  L’autorisation  et  l’approbation.

  1. L’avis préalable

Souvent l’autorité de tutelle ne peut statuer qu’après avis  préalable d’une autorité de tutelle inferieure, c’est ainsi que certaines décisions des conseils communaux sont soumises a l’approbation du gouverneur après avis de la députation permanente[5]

  1. L’autorisation

C’est un certificat de légalité et de conformité à l’intérêt général, préalable à la décision que comme se propose de prendre l’organe décentralisé.

Sans doute, comme l’approbation, elle suppose nécessairement l’existence déjà d’une délibération, mais celle-ci porte sur un projet de décision ou sur un acte à accomplir, et non pas sur une décision définitive dont seule l’exécution serait soumise à la survenance d’une condition suspensive.[6]

Ainsi, estime Jacqueline, une autorisation peut être conditionnelle et son défaut peut même être couvert par une approbation ultérieure. Elle termine en disant que, le conseil d’Etat peut évidemment contrôler les décisions d’autorisation ou de refus d’autorisation[7].

  1. L’approbation

C’est une déclaration que telle décision (adoption du budget communal par exemple) peut sortir ses effets, parce qu’elle ne viole aucune règle de droit et ne blesse pas l’intérêt général.

Quoiqu’émise après la décision de l’autorité contrôlée elle n’en demeure pas moins une modalité de la tutelle préventive, puisqu’elle joue le rôle d’une condition suspensive, en ce sens que tout en ne constituant pas une condition de validité de l’acte, elle vient comme une sorte d’exécution de la décision.

Ainsi, estime Prof  Verdelet Del volve qu’il en résulte les conséquences suivantes :

  • L’approbation et l’acte soumis au contrôle sont deux actes distincts l’un de l’autre, mais est irrecevable le recours en annulation dirigé contre l’acte non encore approuvé, celui-ci ne faisant pas immédiatement grief comme serait également irrecevable a défaut d’intérêt, le recours en annulation dirigé exclusivement contre une décision d’approbation liée à un délai déterminer mais intervenant  avant l’expiration du délai, puisque par le simple jeu de cette expiration l’acte serait néanmoins approuver.
  • Pendante conditionne, l’acte soumis au contrôle ne peut valablement sortir ses effets, autrement qu’aux risques et périls des intéressées pour le cas où l’approbation serait ensuite refusée. [8]
  1. La tutelle répressive

CORNU définit la tutelle répressive comme est une mesure  destinée à sanctionner la légalité des actes des autorités décentralisées[9].

L’annulation par le chef de ‘Etat ou par le gouverneur, ou encore annulation par la volonté du législateur, pour illégalité ou pour contrariété à l’intérêt général est le procédé type de tutelle générale s’appliquant à tous les actes de l’autorité décentralisée[10].

 Pour « répressive » qu’elle soit ; la tutelle générale d’annulation est la moins oppressive et donc la plus libérale. C’est ce qu’explique fort bien l’arrêt VERBIEST du 13 juillet 1977.

Retenons qu’à ce point que l’illégalité est évidemment celui de deux motifs valables d’annulation qui parait susceptible d’ouvrir le plus aisément un recours juridictionnel devant le conseil d’Etat, lequel n’hésite pas à annuler l’arrêter d’annulation si l’illégalité roguée par celui-ci est reconnue inexistante. En revanche, la notion d’intérêt général pourrait à premier vue paraitre une question d’appréciation politique étrangère à la compétence du conseil d’Etat, puisqu’il s’agit ici de vérifier si les faits sont susceptibles avec un ensemble de circonstances dont l’autorité de tutelle a le choix, et qui varient non seulement avec les caractères particuliers à chaque personne publique décentralisée mais aussi avec la conception de l’intérêt général que se font chaque gouvernement. Cependant, le conseil d’Etat est passé outre à cette objection.

            Certes, laisse –t-il à l’autorité de tutelle un très large pouvoir d’appréciation se refusant notamment à substituer sa conception d’intérêt général à celle de l’autorité de tutelle. Mais puisque l’autorité de tutelle n’exerce  son pouvoir qu’en vertu de la loi, il n’a pas hésité à vérifier l’exacte application de celle-ci dans l’usage qu’en fait ladite autorité[11]. Ainsi, l’autorité de tutelle (Gouverneur de Province du Sud-Kivu) de la commune d’Ibanda n’a jamais eu à vérifier l’exacte application de la loi dans la décision du Bourgmestre de la commune d’Ibanda. 

  1. La tutelle supplétive ou coercitive

Elle est définit comme tutelle administrative destinée à subordonner l’accord des autorités de tutelle la perfection juridique des décisions des autorités sous tutelle[12].

Cette tutelle est exclusivement de légalité, elle consiste à pallier la carence ou la mauvaise volonté d’un service décentralisé  en agissant en ses lieu et place et par des mesures d’office ou par l’envoi  d’un commissaire spécial[13].

En effet, les mesures d’office sont celles que prend l’autorité supérieure à la place d’une autorité décentralisée ayant refusé après mise en demeure d’accomplir une de ses obligations légales[14]

Un commissaire spécial peut être envoyé après deux avertissements à l’autorité subordonnée avec mission de la contraindre en cas de négligence ou de défaillance grave à l’exécution de ses obligations légales ; au besoin, il peut même se substituer à elle[15].

Section II. Mécanismes de contrôle de tutelle

Dans cette section, nous allons montrer comment s’exerce la tutelle par l’autorité habilitée et les motifs du contrôle de la tutelle (§1) et nous terminerons à analyser les différentes modalités de contrôle (§2).

§1. L’autorité de  tutelle

Le gouverneur de province exerce dans les conditions prescrites par la loi, la tutelle sur les actes des entités territoriales décentralisées. Il peut déléguer cette compétence à l’administrateur du territoire[16].

 Le contrôle sur les actes administratifs des entités territoriales décentralisées peut être  exercé a priori et le contrôle a posteriori[17].

La loi donne les différents actes qui sont soumis au contrôle a priori à savoir :

  • L’élaboration de l’avant-projet du budget afin de valider la compatibilité avec les hypothèses macroéconomiques retenues dans les prévisions du budget national, les projections de recettes et la prise en compte des dépenses obligatoires
  • La création des textes et l’émission de l’emprunt conformément à la loi sur la nomenclature des taxes,
  • La création d’entreprises industrielles et commerciales, la prise de participation dans les entreprises ;
  • La signature du contrat comportant des engagements financiers sous différentes formes de prise de participation ;
  • Les règlements de police assortie des peines de servitude pénale ;
  • L’exécution des travaux sur les dépenses d’investissement du budget de l’Etat comme d’ouvrage délégué ;
  • Les actes et les actions pouvant entrainer les relations structurées avec les Etats étrangers, les entités territoriales des Etats étrangers quelle qu’en soit la forme ;
  • La décision de recours à la procédure de gré à gré, par dérogation aux règles de seuil et de volume de marchés normalement soumis aux procédures d’appel d’offre dans le respect de la loi portant code de marché public.

En effet, ces actes sont transmis au gouverneur de province avant d’être soumis à délibération ou à exécution. L’autorité de tutelle dispose de 20 jours à compter de la réception du projet d’acte concerné pour faire connaitre ses avis. Passé ce délai, le projet d’acte est soumis à délibération ou à exécution[18].

La décision négative de l’autorité de tutelle est motivée. Elle est susceptible de recours administratif et/ou juridictionnel[19].

Le silence de l’autorité de tutelle endéans 30 jours constitue une décision implicite de rejet. Dans ce cas, l’entité territoriale décentralisée peut former un recours devant la cour administrative d’Appel du ressort[20].

  1. Fondement du contrôle de  tutelle

Il faut dire que la tutelle ne soit pas une institution de totale liberté ressort de la distribution qu’il importerait d’établir entre deux catégories :

D’une part, les pouvoirs dont l’exercice est soumis exclusivement à des conditions de droit (contrôle de légalité) et à propos desquels seuls on pourrait vraiment parler de décentralisation et de liberté puisqu’en ce cas, le pouvoir de décision appartient bien à l’autorité de décentralisée uniquement l’assentiment ne constituant qu’un jugement sur la légalité ou illégalité de l’acte contrôlé et l’autorité de tutelle ne participant pas à la décision.

D’autre part, les pouvoirs dont l’exercice est soumis à des considérations de valeur économique, technique voire politique, auquel cas, les décisions de l’autorité de tutelle représentaient un véritable consentement qui serait une participation à peine déguisée au pouvoir de décision, de sorte que de deux acteurs en présence pourraient être considérés comme des Coauteurs juridiques[21]. Comme nous l’avons déjà dit que l’autonomie des autorités décentralisées est la règle et la tutelle est l’exception. Il serait mieux de préciser que la tutelle est le contrôle qui pèse sur les agents ou autorités décentralisées dans le cadre de limiter leurs pouvoirs qui leur sont connus par la loi. Voilà le fondement de la tutelle.

§2 Des  modalités du contrôle de tutelle

Le contrôle de tutelle peut porter sur les actes ou sur les organes.

S’agissant de la tutelle sur les  actes, elle  vise les actes des collectivités territoriales demeurent soumis à un contrôle qui, pour être différent dans sa philosophie comme modalités d’exercice, exprime la nécessité d’un droit de regard de l’Etat sur les actes et décisions des autorités locales[22].

CORNU estime pour sa part que la tutelle sur les actes est une tutelle administrative  destinée à sanctionner la légalité des actes des autorités décentralisées ou qui subordonne à l’accord des autorités de tutelle la perfection juridiques de décisions des autorités sous tutelle et s’analyse plus exactement en une coopération entre deux catégories d’autorités , partant en une coadministration[23]. C’est le cas de la tutelle de la légalité et la tutelle de l’opportunité.

Les procédés très variés, pouvoir de substitution, d’action lorsqu’une autorité s’abstient d’accomplir un acte entrant dans sa compétence, pouvoir d’approbation, après décision des autorités sous tutelle, pouvoir d’autorisation, avant la décision des autorités sous tutelle, pouvoir d’annulation, de suspension, d’information.

Tous ces contrôles n’existent que lorsqu’un texte les prévoit et strictement dans la limite des textes. Par exemple, il est impossible d’annuler une décision lorsque le texte prévoit qu’un pouvoir de suspension etc.[24]

Quant  à la tutelle sur les personnes, est une tutelle individuelle ou collective  qui s’apparente  au pouvoir disciplinaire. C’est le cas de la révocation d’un maire, démission d’office d’un conseiller municipal, dissolution d’un conseil municipal ou général[25].

Dans le système congolais, le contrôle n’est pas le plus souvent sur la désignation des personnes, mais sur l’exercice de leurs fonctions. Il est moins rigoureux que le contrôle hiérarchique, mais la différence est davantage de degré que de nature. Il s’exerce par exemple dans les assemblées locales (suspension des conseils municipaux), sur les membres des assemblées locales (démission d’office des conseillers municipaux), sur les autorités individuelles des personnes morales (suspension ou révocation du maire…)[26].

[1] G. PEISER, Droit Administratif : les Actes administratifs, organisation administrative, police  et service public, responsabilité et contentieux administratif, 19e éd, Paris, Dalloz, 1998, p.100

[2] J. MORRAND-DEVILLER, Cours de Droit Administratif, 9e ed, Paris, Montchrestien, 2005, p.199

[3] M-A, FLAMME, Droit administratif, t.I, Bruxelles, Bruylant, 1989, pp.121-122.

[4] A. DE LOUBADERE, Traite Elémentaire de Droit Administratif, 2 ém éd, paris, L.G.D.J, 1971, P. 205.

[5] Ibidem 70.

[6]IDIDEM, P. 72

[7]MARAND-DEVILLER, cours de droit administrative ,9em éd. Paris, mont chrétien, 2005, pp155-156.

[8]G. Vedel et P. Delve, le système d’administration, Paris, éd. Sirey,  1991, pp201-202.

[9] G.CORNU, Vocabulaire Juridique, 1e ed, Paaris, PUF, 1987, p.881

[10] J. MORAND,op cit, p.155.

[11]M-A. FLAMME, Droit Administratif, tome I, Bruxelles , Bruylant, 1989,p. 143.

[12] G. CORNU, op cit,P.881

[13] M-A. FLAMME, Op Cit, p. 255.

[14] Ibidem p. 157.

[15] Art. 95 de la loi organique n° 08/017 du 07 octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des entités territoriales décentralisées et leurs rapports avec l’Etat et les provinces, in JORDC,

[16] Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008, portant composition, organisation et fonctionnement des entités territoriales décentralisées et leurs rapports avec l’Etat et les provinces, in JORDC, art. 95.

[17] Art. 96 de la Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008, Op cit.

[18] Art. 98 de la Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008, Op cit .

[19] Art. 99 de la Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008, Op cit.

[20]Art. 100 de la Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008, Op cit.

[21] J. DEMBOUR, Op. Cit. p. 12.

[22] J.MORAND-DEVILLER, Op cit,p.199

[23] G. CORNU, Op cit, p.881

[24] G. PEISER, Op. Cit. p. 78.

[25] G. CORNU, Op cit, p.881

[26] T. MUHINDO MALONGA, Cours de droit administratif, UOB, G3 Droit, 2016/2017.

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