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INTRODUCTION

  1. PROBLEMATIQUE

D’une superficie de 60 km2, la ville de Bukavu n’est pas restée statique mais plutôt dynamique.[1]Elle a évolué assez rapidement du point de vue de la densité démographique sans que la planification urbaine ne suive son évolution ou du moins ne prenne en charge cette dynamique des populations. Les outils d’accompagnement de la politique foncière en R.D.C. en l’occurrence le plan d’aménagement, ne sont plus adaptés à la réalité actuelle, violant ainsi les prescrits du point a de l’article 17 du décret sur l’urbanisme du 20 juin 1957, qui dispose que « Les plans d’aménagement sont revus et éventuellement modifiés ou complétés tous les quinze ans à dater de leur entrée en vigueur ».[2]

La ville de Bukavu a été créée en 1958 par l’ordonnance n0 12/357 du 06 septembre 1958 créant les villes de Bukavu, Stanleyville, Coquilathville et Jadoville.[3] Peu avant cela, un plan d’ensemble de Bukavu avait déjà été dressé le 20 novembre 1956 et qui avait été mis à jour le 01 février 1958, avec un plan régional général d’aménagement de 1958.

Conçu par l’aménageur colonial, pour recevoir 300.000 habitants, ce plan d’aménagement se trouve aujourd’hui dépassé voire débordé par une population qui est vite passée, de 18 850 habitants avant 1958, 142 181 habitants en 1970,[4] puis 450 000 en 2002, jusqu’à 619. 916 en 2008 et 668. 033 en 2010.[5] Aujourd’hui cette même population est estimée à environ 1.000.000 d’habitants.6 Il convient de noter ici que,  cette augmentation de la population se réalise sur une même superficie, de 60 km2, dans une zone sujette aux aléas et contraintes naturels,[6] qui s’explique par le contexte tectonique de la région, d’où le séisme et les effondrements.

Le constat est que la ville de Bukavu présente actuellement une organisation spatiale désarticulée, en pagaille, incohérente, bref un développement urbain anarchique.

Ce développement anarchique est lié, entre autres, à la croissance démographique accélérée en R.D.C. et qui s’explique ces cinq dernières décennies par la situation sécuritaire instable observée sur toute l’étendue du territoire national, et particulièrement dans sa partie orientale et plus précisément dans la ville de Bukavu, où la tendance est d’habiter en ville, étant donné l’insécurité généralisée dans les villages.

Toutefois, il est à signaler que la structure de la population de Bukavu et de son espace urbain sont deux réalités qu’on ne peut pas appréhender avec précision ou exactitude ; cela à cause de la défaillance des services administratifs habilités (le ministère du plan, le ministère de l’intérieur, ministère de l’urbanisme et de l’habitat, travaux publics et de l’aménagement du territoire, le ministère des affaires foncières, le ministère de l’environnement, la mairie, etc.) qui s’illustrent par une désorganisation flagrante qui les conduit à l’anarchie, au clientélisme et à la corruption.

Le constat majeur est qu’il est devenu difficile aux autorités administratives compétentes, dans le contexte du Congo actuel, rongé par plusieurs maux dont la « maladministration[7] », de suggérer la création ou l’adaptation des plans d’aménagements (le plan général, le plan régional et le plan local et particulier). « Les problèmes sont tels que les moyens d’action de l’administration, et parmi les plus élémentaires font souvent défaut, [8]les méthodes de travail sont inadéquates, les missions essentielles des services publics sont loin d’être réalisées à la satisfaction des citoyens, la corruption et la complaisance s’installent dans tous les rouages des prestations de l’administration et paralysent ainsi les mécanismes de contrôle et de la sanction. »[9]

La conséquence la plus évidente, c’est le gaspillage inutile de terres du domaine privé de l’Etat, dans l’organisation de leur répartition et dans la procédure allant de l’octroi du permis de construire à la construction des maisons dans la ville de Bukavu.

D’où les différents problèmes sociaux engendrés par cette violation flagrante des prescrits du plan d’aménagement de la ville de Bukavu notamment ; le chômage, l’insécurité, la criminalité, la destruction des sites réservés aux loisirs et aux espaces verts, la dégradation de l’environnement et l’étouffement des populations.

Il ressort de ce qui précède les questions suivantes :

  • La révision du plan d’aménagement de la ville de Bukavu peut-elle permettre la réorganisation de son espace urbain ?
  • Dans l’affirmative, quelles seront les mesures de mise en œuvre du plan révisé ?
  1. HYPOTHESES

Au regard des questions ci-haut posées, nous formulons des hypothèses suivantes :

Pour résoudre les problèmes liés à l’aménagement de la ville de Bukavu, il faut un outil de gestion, afin de reconstituer l’urbanisme de la ville de Bukavu et de garantir un développement harmonieux et cohérent, sans quoi la ville ne saura affronter l’avenir même proche. Les exemples tirés des réalités de Bukavu confirment la nécessité et l’urgence de disposer d’un plan d’aménagement élaboré sur la base des données précises. Bref, il convient de procéder à la révision de l’ancien plan devenu obsolète, conformément aux prévisions du décret sur l’urbanisme de 1957, afin de renforcer la densification du domaine bâti et de préserver les paysages, bref, freiner le gaspillage du sol et la spéculation foncière.[10]

Toutefois, les mécanismes de révision à eux seuls ne suffisent pas, il faut aussi prévoir des mesures de mise en œuvre du plan révisé telles que ; l’expropriation pour cause d’utilité publique, le lotissement, le remembrement, etc.

  1. METHODES ET TECHNIQUES

Dans la présente étude, nous nous sommes servis de la méthode juridique dans son approche exégétique pour dégager une solution par l’analyse des différents instruments juridiques et plus particulièrement, le plan d’aménagement de la ville de Bukavu, en vue du traitement des données recueillies grâce à la technique documentaire et celle d’interview.

Cette méthode nous a permis de rassembler les informations juridiques relatives à l’aménagement de la ville de Bukavu, de relever les éléments du plan d’aménagement, puis d’analyser leur application effective pouvant permettre la révision de celui-ci afin d’en adopter un nouveau répondant aux besoins actuels des populations.

La technique documentaire a consisté à rechercher d’une part, des textes légaux relatifs à notre travail et d’autre part, les éléments de la doctrine relatifs à l’urbanisme et l’aménagement du territoire, en vue d’en tirer le résumé pour répondre valablement aux questions que nous nous sommes posées, il y a lieu de signaler toutefois, que, pour ce qui est de certains documents en l’occurrence, les différents plans particuliers auxquels, ce plan faira allusion des temps en temps, nous avons été dans la difficulté de les analyser car inaccessibles ou tout simplement inexistants, car n’ont jamais fait l’objet

d’une quelconque élaboration.[11]

La technique de l’interview, pour sa part, nous a permis de recueillir certaines données auprès des autorités, notamment ; le Ministre provincial de l’urbanisme, habitat et travaux publics, le Conservateur des titres immobiliers, le Chef de division de l’urbanisme et habitat, le Chef du bureau de la cellule de documentation du cadastre, et le Chef du deuxième bureau de la mairie. Ces personnes nous ont non seulement permis d’avoir accès à certains documents en rapport avec notre travail, mais aussi nous ont fait part de leur point de vue sur la question relative à la révision du plan d’aménagement de la ville de Bukavu.

  1. INTERET DU SUJET

L’intérêt que renferme le présent travail est lié entre autres au fait qu’il va puiser ses matériaux dans l’arsenal juridique national, tout en identifiant les problèmes réels et concrets liés au non-respect du prescrit de l’article 17 du décret sur l’urbanisme de 1957 et de tenter de proposer des solutions, pour la révision du plan d’aménagement de la ville de Bukavu, afin de favoriser sa réorganisation spatiale.

C’est pourquoi, nous disons que l’intérêt que nous attachons à ce sujet est double en ce qu’il sera scientifique d’une part et social de l’autre.

  • Sur le plan scientifique, nous visons l’approfondissement de nos connaissances intellectuelles en droit administratif des biens, dans la mesure où nous y trouverons l’essentiel des notions sur l’urbanisme et l’aménagement du territoire.
  • Au plan social, l’objet du présent travail porte d’une part, sur la prise de conscience de l’Etat congolais de la nécessité d’un réaménagement immédiat du territoire national, par la révision de différents instruments juridiques règlementant l’aménagement du territoire ainsi que l’urbanisme, et d’autre part, sensibiliser sa population sur les questions se rattachant à l’aménagement du territoire et l’urbanisme.
  1. DELIMITATION DU SUJET

Du point de vue spatial, notre étude s’est focalisée sur la ville de Bukavu qui, comme toutes les villes de la R.D.C., demeure régie par un plan d’aménagement dépassé, freinant ainsi son développement spatial.

Du point de vue temporel, notre étude a fait abstraction de certaines interventions de l’époque du Congo belge, de l’E.I.C. Elle débute à partir de l’année 1958, année cours de laquelle la ville de Bukavu fut créée sur le plan juridique par l’ordonnance n0 12/357 du 06 septembre 1958, créant les villes de Bukavu, Coquilhatville, Luluabourg et Stanleyville, afin de proposer des mesures pouvant permettre de trouver des solutions relatives à nos questions.

  1. SUBDIVISION DU TRAVAIL

Outre l’introduction et la conclusion, ce travail comprend deux chapitres, à savoir :

  • Le premier chapitre porte sur l’analyse du plan d’aménagement de la ville de Bukavu, où nous présentons l’état des lieux de l’aménagement actuel de la ville de Bukavu par rapport aux prévisions de ce plan.
  • Le deuxième chapitre porte à son tour sur les différentes mesures d’amélioration de la situation de la ville de Bukavu, il s’agit des mesures préalables principalement la révision du plan d’aménagement de la ville de Bukavu telle que prévu par l’article 17 du décret sur l’urbanisme, ainsi que d’autres mesures de mise en œuvre de ce plan révisé.

[1] Mairie de Bukavu, histoire de Bukavu, 2015,www.stoipka.com/bukavu/histoire.html, jeudi 1 octobre 2015 à 12h 30.

[2] Le point a de l’article 17 du décret sur l’urbanisme du 20 juin 1957 in les codes  Larcier R.D.C., Tome 6, droit public et administratif, vol 2ed, Larcier, 2003, p. 599.

[3] PIERRE PIRON et JACQUES DEVOS, code et lois du Congo belge, 2eme éd., Léopoldville, édition des codes et lois du Congo belge, 1960, p. 192.

[4] DE SAINT MOULIN Léon, Atlas des collectivités du Zaïre, Cepas, Kinshasa, p. 47, 1987.

[5] www.stoipka.com/bukavu/histoire.html, op. cit. 6Idem.

[6] N. SADIKI, Gestion des risques à Bukavu, mémoire de master complémentaire, inédit, université de Liège, 20082009, p. 08.

[7] Expression de Paul SABOURIN cité par BUSANE W. in Le contrôle du pouvoir discrétionnaire de l’Administration   par le juge administratif congolais, thèse, Bruxelles, Bruylant, 2012, p.21.

[8] Dominique LAGASSE cité par W. BUSANE, op. cit.

[9] BUSANE W., Le contrôle du pouvoir discrétionnaire de l’Administration par le juge administratif congolais, thèse, Bruxelles, Bruylant, 2012, p.21.

[10] Office  Fédéral du Développement, are 2014, www.are.admin.ch, 2014, mercredi 23 décembre 2015 à 11h.

[11] Interview de Me Michel KABOTE ka BABUNGA, Conseiller au ministère provincial d’urbanisme, habitat et infrastructures du 09 mars 2016 à 9h 30.

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