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INTRODUCTION

  • Problématique

Le plus souvent, la responsabilité de l’Etat congolais est invoquée en vue de voir condamner au paiement  des dommages et intérêts dus aux victimes ou à leurs ayants droit en cas de commission d’infractions par les préposés.

Pour motiver leur décision, les juges invoquent dans la grande majorité des cas l’article 260, alinéa 3, du Code Civil des obligations aux termes duquel « les maîtres et commettants sont responsables du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions  auxquelles ils sont employés ».

Ce raisonnement, selon la doctrine congolaise et la jurisprudence rendu en matière civile, se fonde sur le fait que l’Etat congolais est le commettant puis qu’employeur  des personnes condamnées à travers son administration et ses institutions publiques  (l’armée ou la police nationale)et lorsque le service public qu’il est censé délivrer n’a pas, ou mal, ou tardivement, fonctionné[1].

Il se trouve souvent que, pour garantir la restauration des parties lésées dans leurs droits, la juridiction répressive condamne  solidairement l’auteur du fait préjudiciable avec son commettant ou autre ascendant, appelé pour la circonstance « partie civilement responsable » dès lorsqu’il ressort du lien juridique existant entre eux que celle-là est tenu d’assurer l’exécution des condamnations pécuniaires prononcées à l’encontre de celui-ci.[2]

A cet égard, le droit actuel s’avère être dominé par une double tendance : d’une part, il tente de sauvegarder les intérêts de la victime et d’autre part, il tente d’amorcer une responsabilité pécuniaire des agents publics envers l’administration, en ouvrant un jeu d’actions récursoires entre la puissance publique et le fonctionnaire.

Ainsi le service, condamné à la place du fonctionnaire peut se faire rembourser  par ce dernier lorsqu’il est l’auteur d’une faute personnelle, et  symétriquement, à l’agent public, qui a dû indemniser intégralement la victime, d’intenter un recours contre l’administration au cas du dommage partiellement causé par une faute de service.[3]

Mais bien que la protection des intérêts  de la victime reste une préoccupation dominante de juridictions administratives, nous constatons que cette réalité semble avoir des difficultés dans son exercice en droit congolais car bon nombre des victimes ne parviennent pas à obtenir réparation de la part de l’Etat congolais puisque jadis le commettant des personnes condamnées à travers son administration et ses institutions publiques (l’armée ou la police nationale) et lorsque le service public qu’il est censé délivrer n’a pas, ou mal, ou tardivement, fonctionné.

Dans le cas échéant, le problème ne devrait pas en principe se poser parce que  la loi a tranché « on est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son  propre fait mais encore celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre … ». Les maîtres et les commettants, du dommage causé par leur domestique et préposé dans leur  fonctions auxquelles ils sont employés … » [4].

En droit congolais, la réalité est tout autre lorsqu’un policier a été reconnu coupable. N’ayant pas assez des moyens pouvant garantir une réparation effective du préjudice causé, la victime est souvent abandonnée et les autorités judiciaires ne font que prononcer des décisions qui condamnent le policier à une peine d’emprisonnement et au paiement des dommages et intérêts tout  simplement. Comble paradoxe, en parcourant les décisions rendues en l’encontre de policiers, le juge prononce dans la plupart des cas un montant allant de dix milles dollars à cent mille dollars en termes des DI. L’exécution d’une telle peine peut paraître difficile voire même impossible dans la mesure où en RDC le policier a un faible revenu évaluable à nonante mille francs congolais pour le moins gradé et cent soixante-six mille neuf cents vingt et un francs congolais pour le plus gradé[5].

Conscient des difficultés dues à la matérialisation de cette logique, le législateur congolais semble avoir remédié au problème. Avec la réforme de juin 2013, le policier répond de  la faute lourde personnelle détachable du service selon le droit commun.

Il est cependant exonéré de toute responsabilité en cas de faute due au mauvais fonctionnement du service.[6]

Le législateur congolais de 2013 semble n’avoir pas s’imprégné de la situation économique de la plupart de policiers congolais ou tout simplement, le  législateur n’a pas voulu que soit établie une réparation effective des préjudices subis par les victimes. Alors qu’il devrait  être animé par l’esprit d’une reforme pouvant garantir une réparation effective des préjudices au profit des victimes, il se montrait indifférent à la situation des victimes et des policiers. La réforme devrait plutôt être équilibrée. C’est cette dernière qui constitue même l’objet de notre recherche.

Eu égard à tout ce qui précède, l’interrogation suivante a été posée :

  1. Peut-on affirmer que l’art.173 de la loi n°13/013 du 1er juin 2013, portant statut du personnel de carrière de la police nationale constitue une limite à la responsabilité civile de l’Etat congolais en cas d’infractions commises par les éléments de la PNC ?
  2. Si oui, quelle réforme pour une garantie effective de réparation des préjudices causés par les policiers ?

0.2. Hypothèses

Pour répondre à notre interrogation, nous émettons les hypothèses suivantes :

  1. Nous estimons que l’article 173 de la loi n°13/03 du 01 juin 2013 constituerait une limite à la responsabilité civile de l’Etat congolais en ce sens que c’est en établissant d’abord la responsabilité civile des auteurs directs des infractions que les juridictions pénales sont en mesure d’établir celle de l’Etat. Or l’Etat congolais n’est pas responsable de la faute lourde personnelle détachable du service commise par le policier
  2. Il faudrait une mise en œuvre d’une responsabilité pouvant aboutir à une réforme pour une réparation effective des préjudices au profit de victimes, laquelle pourrait tenir compte du niveau du patrimoine de chacune de parties.

0.3. Choix et intérêt du sujet

Il est évident que plus d’une personne pourraient se poser la question de savoir à quelle fin, mieux pour quel intérêt a-t-on opté pour le sujet sous examen.

L’intérêt que nous portons à ce sujet est triple :

En effet, du point de vue scientifique, ce sujet nous permet de mettre à la portée de la communauté savante notre contribution scientifique trouvant son soubassement dans les enseignements donnés à l’université et raffinés par les principes méthodologiques stricts octroyés par nos formateurs. L’intérêt scientifique indéniable pour cette étude intervient dans le sens de voir comment la victime peut obtenir réparation du préjudice subi de la part d’un policier au service de l’Etat et en ce moment même où les infractions ne cessent d’être récurrente dans le chef de ces préposés de l’Etat congolais.

Du point de vue pratique et social, l’intérêt de ce sujet est de donner une explication perspicace aux praticiens du Droit ainsi qu’au législateur pour arriver à une réforme pour une réparation effective des préjudices subis par les victimes des infractions commises par les préposés de l’Etat.

Du point de vue personnel, en tant qu’étudiant en Droit et surtout futur praticien du Droit, il nous a été important d’approfondir cette question spéciale du droit administratif et contribuer ainsi à notre formation.

0.4. Méthodologie

Pour bien asseoir notre modeste travail, nous ferons recours à la méthode juridique dans son approche exégétique.

Cette méthode va nous aider à analyser les différents textes des lois mis à notre disposition, en l’occurrence : la Loi n°013/013 du 1er juin 2013 portant Statut du personnel de carrière de la PNC, le Code Civil congolais livre III, la Constitution de la RDC dans sa version révisée ainsi que quelques jurisprudences, …

Néanmoins, cette méthode sera appuyée par la technique documentaire afin de rechercher les documents nécessaires utiles pour analyser la problématique du présent travail.

0.5. Etat de la question

Compte tenu de l’importance de ce sujet au vu de l’instauration de l’Etat de droit et de démocratisation harmonieuse des institutions de sécurité notamment la police nationale congolaise, nous ne sommes pas le seul à avoir parlé de la responsabilité  civile de l’Etat congolais en cas d’infractions commises par les éléments de la police.

C’est ainsi que NEEMA BYAMUNGU dans son mémoire, « la responsabilité civile de l’employeur pour les faits commis par le travailleur en droit congolais », a insisté sur l’application par les cours et tribunaux de ladite responsabilité.

Elle a fait un état de lieu sur la jurisprudence nationale, non seulement en se basant sur les jugements rendus par le Tribunal de Grande Instance de Bukavu, mais aussi elle a parcouru certains Arrêts de la Cour d’Appel de Bukavu concernant la responsabilité de l’employeur pour fait commis par le travail. Cette dernière s’est appesantie sur l’idée selon laquelle l’employeur reste responsable de préjudices commis par son employé à l’égard de tiers si l’on s’en tenait au prescrit de l’art. 260 al.3 du Code Civil Congolais livre III et du Code de travail congolais qui ne reste pas muet au terme de l’art. 55 al.1 et 2. 

Quant à ETEBINGI MUBENGWA Jackson, « La responsabilité de l’Etat en cas de répression des manifestations publiques par la police », a consacré son approche au mode d’intervention de la police dans le maintien de l’ordre public ; les irrégularités qui en découlent, les civilement et pénalement responsables des actes perpétrés par celle-ci. Il a en effet constaté qu’au cours de ses interventions, la police nationale congolaise commet de graves violations des droits de l’homme telles que des arrestations arbitraires, des tortures de sévices corporels, des meurtres, etc. et que ces violations des droits humains seraient attribuables au gouvernement congolais in Solidum avec les groupes de force de la police nationale.  

Ainsi, en vertu de l’art. 28 de la Constitution de 2006 qui dispose que : « nul n’est tenu d’exécuter un ordre manifestement illégal. Tout individu, tout agent de l’Etat est délié du devoir d’obéissance, lorsque l’ordre reçu constitue une atteinte manifeste au respect des droits de l’homme, des libertés publiques, et des bonnes mesures »[7].

Cette disposition lui a ramené au résultat selon lequel les personnes physiques, acteurs, commanditaires et exécutants des violations des droits de l’homme, doivent porter une responsabilité pénale individuelle et personnelle.

Il faut noter que notre approche sera plus consacrée à faire une analyse pour une mise en œuvre de responsabilité civile de l’Etat pouvant amener les victimes à obtenir une réparation effective des préjudices subis en cas d’infractions commises par les éléments de la police nationale congolaise (PNC).

0.6. Délimitation du sujet

Dans le cadre de notre sujet, nous avons focalisé nos recherches en RDC pour voir comment est répartie la réparation en cas de la responsabilité civile de l’Etat pour les faits commis par ses préposés en particulier les éléments de la police nationale. Cela pour la délimitation spatiale.

Quant à la délimitation temporelle, nous prenons l’année 2006 comme notre point de départ puisqu’elle coïncide avec l’avènement de l’Etat de droit, cadre indiqué pour la protection des droits humains.

0.7. Plan sommaire

Hormis l’introduction et la conclusion, ce travail s’articulera autour de deux chapitres.

Le premier chapitre portera sur l’étendue de la responsabilité civile de l’Etat congolais en cas d’infractions commises par éléments de la PNC.

Et le second chapitre portera sur la mise en œuvre de la responsabilité civile de l’Etat congolais en cas des préjudices causés par les éléments de la police : quelle réforme pour une réparation effective au profit des victimes ?

[1] K. MBIKAYI, Responsabilité civile et socialisation des risques en Droit Zaïrois, PUZ, Kinshasa, 1974, p152. Se référer également à l’arrêt de la cour Suprême de justice, RPP 137, 11 octobre 2002 in BA. CSJ Kin 2004, p.200

[2] Idem, p.154

[3] J. MORAND – DEVILLER, Droit administratif, 11e édition, V-fr, Ed. Lutenso, Paris, 2009, p.832

[4] Art.260 al1 et 3 CCL III

[5] Cfr Barème prime PNC, voir Annexes

[6] Art.173 de la loi n°13/013 du 1er juin 2013 portant statut du personnel de carrière de la police nationale congolaise

[7] Art. 28 de la Constitution de la RDC du 18 février 2006, telle que modifiée et complétée à ce jour par la loi n°11/002 du 20 janvier 2011.

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