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Section II : ANALYSE DE LA RESOLUTION 1973

§1 : Les manipulations de la gouvernance

Présenté par la France, avec l'appui de la Grande-Bretagne, le texte de la résolution 1973 du Conseil de Sécurité de l'ONU, voté ce 17 mars, constitue un nouveau pied de nez de la « gouvernance » pour le droit international, c'est-à-dire d'un interventionnisme arbitraire, comme au Kosovo, en Irak, et en Afghanistan.

Cette résolution, en effet, présente un caractère aberrant et constitue un lourd précédent : d'une part, elle transgresse les principes de non-ingérence et de souveraineté des États et, d'autre part, elle normalise un peu plus encore la politique des deux poids et deux mesures, qui caractérise de plus en plus radicalement l'action onusienne.[1]

Basée sur le postulat rhétorique, la résolution appelle la communauté internationale à interdire tout vol dans l'espace aérien libyen et à tout mettre en œuvre pour « protéger la population civile et faire cesser les hostilités », soit un texte relativement vague qui occasionnera certainement bien des exactions de la part des États intéressés...

Or, le postulat de base est biaisé : le gouvernement libyen, au moyen de l'armée régulière, pour dictatorial qu'il soit (la légitimité d'un gouvernement, selon le droit international, ne repose nullement sur le critère démocratique), ne vise en aucun cas à massacrer des civils, mais à réprimer une rébellion, armée, qui tente de renverser par la force l'ordre établi, et ce, en outre, dans un contexte tribal qui oppose le nord-est du pays (Benghazi et Tobrouk) aux tribus, majoritaires, qui soutiennent le clan Kadhafi. Il ne s'agit donc pas d'un « dictateur massacrant son peuple désarmé » : le chef de l'État, commandant des forces armées, combat des troupes rebelles, minoritaires, qui sèment le trouble dans le pays, et ce en parfait accord avec le droit international, qui fonde la légitimé de tout gouvernement à exercer souverainement l'autorité sur son territoire, à l'intérieur de ses frontières.

Une intervention militaire à l'encontre de l'armée gouvernementale libyenne reviendrait ainsi à soutenir une rébellion armée qui tente de renverser un gouvernement légalement établi. [2]

C'est pourquoi plusieurs membres du Conseil de Sécurité de l'ONU -et non des moindres : la Chine, la Russie, le Brésil, l'Inde et l'Allemagne, soutenus par la Turquie- ont refusé d'avaliser cette résolution et se sont abstenus lors du vote.

 §2.  Une résolution à "multiples options

La coalition qui est entrée en action en Libye a-t-elle l'intention de déployer des troupes au sol? Soyons clairs : pour l'instant, tout envoi de soldats sur le terrain est totalement exclu par Paris, Londres et Washington. 

Apparemment, le choix du terme "occupation" a donné lieu à de belles bagarres. Certaines nations voulaient le remplacer par "intervention" mais les pays de la coalition s'y sont opposés,  en justifiant notamment de pouvoir envoyer des équipes de secours au sol pour aller récupérer par exemple des pilotes qui se seraient éjectés sur le territoire libyen après un problème. Un scénario qui s'est déroulé il y a quelques jours avec les deux pilotes américains. [3]

Pour résumer donc, rien dans la résolution de l'ONU n'interdit une intervention au sol en Libye. Et certains pays arabes à l'ONU ne manquent pas de le remarquer, estimant que si "la guerre" continue encore pour plusieurs semaines, la coalition aura alors toute latitude pour envisager "tous les scénarios". 

         La résolution 1973 de l'O.N.U autorise les États Membres qui ont adressé au Secrétaire général une notification à cet effet et agissent à titre national ou dans le cadre d'organismes ou d'arrangements régionaux et en coopération avec le Secrétaire général, à prendre toutes mesures nécessaires, nonobstant le paragraphe 9 de la résolution 1970 (2011), pour protéger les populations et les zones civiles menacées d'attaque en Jamahiriya arabe libyenne, y compris Benghazi, tout en excluant le déploiement d'une force d'occupation étrangère sous quelque forme que ce soit et sur n'importe quelle partie du territoire libyen, et prie les États Membres concernés d'informer immédiatement le Secrétaire général des mesures qu'ils auront prises en vertu des pouvoirs qu'ils tirent du présent paragraphe et qui seront immédiatement portées à l'attention du Conseil de sécurité; » (article 9).

La précision : "sous quelque forme que ce soit" exclut bien une intervention militaire au sol, et cette précision a permis le vote de la résolution.

On peut se réjouir de cette intervention car :

  1. Le peuple libyen sera débarrassé d'un tyran corrompu qui n'était qu'un rouage de la domination "occidentale".
  2. Une victoire de Kadhafi aurait entraîné des massacres et le maintien d'un système oppressif pour une durée indéterminée, le fils Saïf étant prêt à prendre la relève et ce avec l'appui des Etats-Unis.
  3. Un échec sanglant de l'insurrection libyenne aurait eu un effet délétère sur tous les peuples en quête de liberté et de justice.
  4. La victoire des insurgés libyens sera un encouragement puissant aux autres peuples de la région, notamment au Maroc et en Algérie. Les révoltes dans ces pays entraîneront la dénonciation cinglante des collusions entretenues entre les gouvernements français successifs et les cliques corrompues au pouvoir dans ces pays.

5) C'est tout un système de relations internationales basées sur le soutien que se procurent des classes parasitaires qui se trouve ainsi dénoncé.

6) Ceux qui pensaient se servir de leur intervention pour redorer leur blason aux yeux des peuples ne maîtrisent pas le processus qu'ils croient pouvoir d'autant mieux contrôler qu'ils feignent de l'approuver.

Apres tout si l'Allemagne avait été une dictature dans les années 1930, Hitler aurait-il put prendre le pouvoir et mettre l'Europe a feu et a sang?. Ce n'est pas certain.

La Résolution 1973 du Conseil de sécurité fixe le cadre de l’intervention actuelle en Libye : elle fonde sa légalité internationale. A contrario, son non respect mettrait en cause sa légalité, mais aussi sa légitimité même. La résolution a été adoptée en vertu de l’article 42 de la Charte des Nations Unies, qui prévoit la possibilité d’adopter des mesures coercitives. Elle décide non seulement l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne - qui consiste à interdire tous vols dans l’espace aérien de la Libye, à l’exception des vols dont l’objectif est d’ordre humanitaire - mais « autorise les Etats membres (...) à prendre toutes les mesures nécessaires (...) pour protéger les civils et les zones peuplées par des civils sous la menace d’attaques y compris Benghazi, tout en excluant une force étrangère d’occupation sous quelque forme que ce soit dans n’importe quelle partie du territoire libyen ». La résolution 1973 de l’ONU permet le recours à la force par des frappes aériennes, en vertu de la « responsabilité à protéger » des populations civiles.

Cette résolution  implique la responsabilité de réagir à une catastrophe humanitaire et de la prévenir. Partant, on peut considérer que la résolution présente une base juridique suffisamment large pour permettre des formes d’interventions avec des tirs au sol, mais sans déploiement au sol de forces terrestres. La résolution exclut en effet « toute force étrangère d’occupation ». La coalition a rapidement privilégié une interprétation [4]extensive de la résolution, en menant des attaques aériennes ou par missiles au-delà des « lignes de front » ou zones de combat entre l’armée loyaliste et les rebelles. Toutefois, même si elle ne fixe ni calendrier des opérations, ni objectifs précis, la résolution ne vise nullement le renversement du régime libyen. Autrement dit, les opérations visant la personne même du colonel Kadhafi afin de faire tomber le pouvoir en place à Tripoli ne sont pas couvertes par le mandat onusien. En ne se limitant plus à la protection des civils, mais en voulant la chute du régime, les tenants des valeurs de l’Etat de droit ont franchi les limites de la légalité internationale. Le paradoxe est pleinement assumé sur le plan politique : le primat de la puissance sur la légalité transparaît dans une tribune commune des principaux chefs d’Etats et de gouvernement de la coalition (Nicolas Sarkozy, Barack Obama et David Cameron), qui ont explicitement demandé le départ de Mouammar Kadhafi, ce que la résolution de l’ONU n’exige nullement. La solution propre à rétablir la légalité internationale consisterait « tout simplement » à voter une nouvelle résolution qui adapterait le cadre juridique de l’intervention en Libye à la réalité factuelle. Or, si les Russes - qui s’étaient abstenus lors du vote de la résolution - demandent désormais le départ du « guide » libyen, la Chine demeure prudente, de crainte que la doctrine que charrie ce type d’opération ne lui soit un jour opposée.

L’intervention en Libye connaît également une dimension juridique interne. En France, l’article 15 de la Constitution reconnaît au président de la République le statut de chef des armées. C’est à ce titre qu’il détient le pouvoir de décision en matière militaire. Ce pouvoir présidentiel est formellement « limité » depuis la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008. Le nouvel article 35 de la Constitution prévoit en effet l’information du Parlement par le gouvernement dans les trois jours qui suivent l’intervention. Outre le fait que l’autorisation du Parlement soit requise quand l’intervention militaire excède quatre mois, l’organisation d’un débat est facultative et ne saurait être accompagnée d’un vote. Ainsi, en application de l’article 35, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a fait le 22 mars 2011 devant l’Assemblée nationale, puis au Sénat, une déclaration sur l’intervention des forces armées en Libye pour la mise en œuvre de la résolution 1973 du Conseil de Sécurité de l’ONU. Cette déclaration a été suivie d’un débat sans vote, qui n’a en rien pesé sur les initiatives et choix présidentiels et gouvernementaux. Se conformant à cet exercice de style, les assemblées parlementaires passent ici pour des chambres d’enregistrement, plutôt que comme des actrices de l’action extérieure française. L’épisode est d’autant plus cruel, que la position française était en partie le produit de l’influence d’une figure du pouvoir « intellectuel » ou médiatique. Preuve que sous la Ve République, le fait majoritaire n’est pas l’unique source de limitation et de neutralisation de la fonction de contrôle du Parlement.

La donne juridique est différente aux Etats-Unis. Conformément à la Constitution et au système de contrôle et d’équilibre (checks and balances) qu’elle instaure, si la fonction de commandant en chef est conférée au président, le Congrès détient des prérogatives constitutionnelles importantes en matière militaire. Le président ne peut engager les forces armées sans le soutien explicite du Congrès, sauf dans l’hypothèse où les Etats-Unis doivent « repousser des attaques soudaines ». C’est au Congrès que revient la charge « de déclarer la guerre », « de lever et d’entretenir des armées », « de créer et d’entretenir une marine de guerre » et « de pourvoir à la défense commune », entre autres prérogatives militaires. Toutefois, depuis la seconde guerre mondiale et le début de la guerre froide, les parlementaires américains hésitent à user de ces moyens de contrôle. [5]

  • 3. L e rapport du secrétaire des Nations Unies

Le Secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a estimé vendredi que la résolution 1973 adoptée jeudi par le Conseil de sécurité de l'ONU était « historique, concrète et pratique ». Le texte autorise les Etats membres à prendre toutes les mesures nécessaires afin de protéger les populations civiles en Libye contre les attaques des forces loyales au dirigeant libyen Mouammar Qadhafi.

 La résolution 1973 affirme clairement et sans équivoque la détermination de la communauté internationale d'assumer sa responsabilité de protéger les civils de la violence perpétrée contre eux par leur propre gouvernement. La résolution autorise l'utilisation de toutes les mesures nécessaires y compris l'établissement d'une zone d'exclusion aérienne afin d'empêcher de plus grandes pertes et la mort d'innocents », a déclaré vendredi Ban Ki-moon à Madrid lors d'une conférence de presse conjointe avec le Premier ministre espagnol, Jose Luis Zapatero.

Ban Ki-moon va se rendre samedi à Paris afin de rencontrer le Président français, Nicolas Sarkozy, et d'autres dirigeants européens, arabes et africains afin de discuter des moyens de la mise en œuvre de la résolution pour protéger les populations de Libye. Le Chef de l'ONU a également précisé qu'il rencontrerait dans les jours à venir son Envoyé spécial pour la Libye, Abdul Ilah Khatib, qui s'est rendu dans le pays plus tôt cette semaine.

Je pense que la communauté internationale doit parler d'une seule voix. C'est une situation difficile. Des milliers de vies sont toujours en jeu », a prévenu le Secrétaire général. « J'assumerai mes responsabilités pour coordonner de près avec les Etats membres une réponse commune, efficace et rapide comme le prévoit le mandat conféré par la résolution du Conseil de sécurité », a-t-il souligné.

Après sa visite à Paris, le Secrétaire général de l'ONU se rendra en Egypte puis en Tunisie. « Les peuples de ces deux pays ont faire preuve d'un immense courage dans leurs efforts pour amener un nouvel ordre démocratique », a-t-il déclaré.

La Haut commissaire aux droits de l'homme, Navi Pillay, a pour sa part estimé que la résolution du Conseil de sécurité sur la Libye était la manifestation de l'engagement de la communauté internationale à appliquer le principe de responsabilité de protection des civils.

         Nous sommes extrêmement inquiets au sujet des représailles contre les militants de l'opposition par les forces pro-gouvernementales et les agents de sécurité en Libye. Personnes n'a pu se rendre dans ces villages qui ont été tenus par l'opposition puis repris par les forces gouvernementales », a dit son porte-parole, Rupert Colville, à Genève. « Nous sommes particulièrement inquiets dans le cas où le gouvernement a décidé de recourir à des sanctions collectives. Nous n'avons aucune illusion sur ce dont ce régime est capable de faire ». .

Selon le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), au 16 mars, 300.706 personnes au total avaient fui la Libye vers les pays voisins, dont 158.721 vers la Tunisie (dont 19.022 Tunisiens, 16.149 Libyens - en partie dans des déplacements transfrontaliers habituels - et 123.550 ressortissants d'autres pays), 128.814 vers l'Egypte (dont 72.302 Egyptiens et 56.512 ressortissants d'autres pays), 4.077 vers le Niger (dont 3.575 du Niger et 502 ressortissants d'autres pays) et l'Algérie (total de 9.094, incluant les personnes évacuées par voie aérienne, terrestre et maritime.

Dans sa résolution, le Conseil rappelle qu'il a pris note de la décision du Conseil de la Ligue des Etats arabes, en date du 12 mars 2011, de demander l'imposition d'une zone d'exclusion aérienne. Il déclare mesurer l'importance du rôle de la Ligue des Etats Arabes dans « le maintien de la paix et de la sécurité régionales ».

Les membres du Conseil de sécurité précisent que cette zone d'exclusion aérienne ne concerne pas les vols à caractère humanitaire dont l'objectif est la distribution de vivres ou de matériel médical ainsi que les vols destinés à l'évacuation d'étrangers.

Le Conseil autorise les Etats membres, « qui ont adressé aux Secrétaires généraux de l'Organisation des Nations Unies et de la Ligue des Etats arabes une notification à cet effet, agissant à titre national ou dans le cadre d'organismes ou d'arrangements régionaux, à prendre au besoin toutes mesures nécessaires pour faire respecter l'interdiction de vol » et « faire en sorte que des aéronefs ne puissent être utilisés pour des attaques aériennes contre la population civile ».

[1] P.PICCININ, Une analyse de la resolution  1973 de l’ONU Libye:Les manipulations de la gouvernance, sur: www.Un. Org/news/fr-press/doc. ,consulté le 02/03/2012

[2] P.PICCININ, Une analyse de la resolution  1973 de l’ONU Libye:Les manipulations de la gouvernance,sur:

www.Un. Org/news/fr-press/doc. ,consulté le 02/03/2012

[3] Idem

[4]BELIGH NABLI, L’intervention en Libye à l’épreuve de légalité, sur :  www.affaires.stratégique.infos ,consulté le 02/03/2012

[5]BELIGH NABLI, L’intervention en Libye à l’épreuve de légalité, sur :  www.affaires.stratégique.infos ,consulté le 02/03/2012

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