Arrow Table de matières
9028252

CHAPITRE I. GENERALITES SUR LE PALUDISME

  • DEFINITION

Le paludisme (du latin Paludis =  « Marrais » en français) encore appelé malaria (anglo-saxons) est la maladie infectieuse à transmission vectorielle la plus rependue et dans les régions chaudes tropicales d'Afrique, d'Amérique latine et d'Asie où les conditions climatiques et environnementales sont favorables au développement des moustiques, notamment les anophèles femelles, uniques vecteurs du Plasmodium. C'est avant tout une affection humaine. Cependant, les Plasmodium infectent également les oiseaux, les reptiles, les singes, les chimpanzés et les rongeurs (animaux à sang chaud)

  • HISTORIQUE

La cause de la maladie a été découverte en 1880 à Constantine (Algérie) par un médecin de l'armée française, Alphonse Laveran, qui reçut le prix Nobel de médecine et de physiologie en 1907[1]. L'anglais Ronald Ross prouva en 1897 que les moustiques anophèles étaient les vecteurs de la malaria (jusqu'à cette date, le mauvais air émanant des marécages était tenu responsable de la propagation de la maladie)

En 2010, une étude a révélé que le principal agent du paludisme chez l’homme, du nom de Plasmodium falciparum, a pour origine le gorille. Aujourd’hui, le vecteur qui aurait permis le transfert du parasite du grand singe aux humains vient d’être identifié. Un consortium de recherche franco-gabonais a déterminé quelles espèces de moustiques anophèles véhiculent la maladie chez les singes. Parmi elles, Anophèles mouchetis, connue pour piquer l’homme ! Cesserait donc elle qui nous aurait infectés à l’origine depuis nos cousins. Et celle-ci pourrait récidiver de nos jours.[2]

Des chercheurs de l’IRD, du CNRS et leurs partenaires gabonais ont voulu déterminer l’identité des moustiques qui transmettent le paludisme chez les grands singes. Pour ce faire, ils ont capturé un millier de moustiques du genre Anophèles, à proximité de groupes de primates sauvages ou semi-captifs. Ils ont alors effectué des analyses sur les insectes collectés, appartenant à quinze espèces différentes, afin de détecter lesquelles sont infectées par les parasites du paludisme, les Plasmodium. Deux espèces de moustiques se sont ainsi révélées contaminées par ces agents pathogènes. Parmi elles, Anophèles mouchetis, un vecteur majeur pour l’homme en Afrique centrale.

Celle-ci est donc à la fois primatophile et anthropophile. Le gorille étant à l’origine de la maladie chez l’homme, ce serait cette espèce qui aurait permis le transfert de l’infection du singe vers l’homme il y a des milliers d’années.

1.3 EPIDEMIOLOGIE

Le paludisme touche une centaine de pays dans le monde, particulièrement les zones tropicales défavorisées d’Afrique, d’Asie et d’Amérique Latine. L’Afrique est, de loin, le continent le plus touché avec 90% des cas de paludisme recensés dans ses zones tropicales. Des épidémies peuvent survenir lors de mouvements de populations peu exposées au paludisme vers des zones hautement endémiques.

L’Europe connait des cas de paludisme dits d’importation. En France, en 2011, 3560 cas d’importation ont été rapportés.

  • LES DIFFERENTES ESPECES DU PARASITE PLASMODIUM IMPLIQUEES

Quatre espèces de parasites du genre Plasmodium sont responsables de la maladie chez l’homme :

  • Plasmodium falciparum est l’espèce la plus pathogène et responsable des cas mortels. Elle est présente dans les zones tropicales d’Afrique, d’Amérique Latine et d’Asie, et elle est dominante en Afrique ;
  • Plasmodium vivax coexiste avec Plasmodium falciparum dans de nombreuses parties du monde, et est présente dans certaines régions tempérées ;
  • Plasmodium ovale, principalement trouvée en Afrique de l’ouest, ne tue pas mais peut entraîner des rechutes 4 à 5 ans après la primo infection ;
  • Plasmodium malariae a une distribution mondiale mais très inégale. Elle n’est pas meurtrière mais peut entraîner des rechutes jusqu’à 20 ans après la primo infection.
    • TRANSMISSION

Le paludisme est transmis à l’homme par la piqûre d’un moustique femelle, du genre Anophèles, lui-même infecté après avoir piqué un homme impaludé : la femelle, en prenant le repas de sang nécessaire à sa ponte, injecte le parasite à son hôte. Les mâles ne piquent pas.

La transmission de Plasmodium d’un homme à un autre se fait donc par l’intermédiaire du moustique, le principal en cause étant Anopheles gambiae sur le continent africain. Il existe un seul cas de contamination interhumaine directe, lorsqu’une femme enceinte infectée contamine son enfant par voie transplacentaire.

  • CYCLE DU PARASITE

Le cycle de Plasmodium est complexe et comporte deux étapes essentielles : une phase asexuée chez l’homme, et une phase sexuée chez le moustique.

L’anophèle femelle injecte à l’homme le parasite sous forme de "sporozoïte". Celui-ci migre rapidement, via la circulation sanguine, vers le foie. Il pénètre dans la cellule hépatique, où il se divise très activement pour donner naissance, en quelques jours, à des dizaines de milliers de nouveaux parasites : les "mérozoïtes ". La cellule du foie éclate en libérant ces parasites dans le sang : là, ils pénètrent à l’intérieur des globules rouges et se multiplient. Lorsque ces derniers éclatent à leur tour, les mérozoïtes libérés dans la circulation sanguine infectent de nouveaux globules rouges (cycle érythrocytaire).

Après quelques cycles de réplication des mérozoïtes, des parasites sexués mâles et femelles (gamétocytes) sont formés à l’intérieur des globules rouges. Lorsqu’un moustique pique une personne infectée, il ingère ces gamétocytes, qui se transforment en gamètes. Leur fécondation engendre un zygote, qui se différencie en oocyste dans le tube digestif du moustique. Les oocystes produisent des sporozoïtes, qui migrent vers les glandes salivaires du moustique. Un nouveau cycle peut alors commencer.

Les rechutes tardives de paludisme observées lors d’infections par P. vivax et P. ovale sont dues à la possibilité pour ces espèces de subsister sous une forme latente ("hypnozoïte") dans la cellule hépatique de l’homme.

  • L’IMPACT DES FACTEURS CLIMATIQUES SUR LE PALUDISME

Les facteurs climatiques sont un déterminant important de diverses maladies à transmission vectorielle, de grand nombre de maladies entériques et de certaines maladies d’origine hydrique. La relation entre les variations d’année en année du climat et des maladies infectieuses est particulièrement évidente chez les populations vulnérables et lorsque les variations climatiques sont marquées. Le paludisme ne sévit que dans les régions tropicales et subtropicales. La sensibilité de la maladie au climat est illustrée par les zones en bordure de déserts et les hautes terres où des températures plus élevées et (ou) des pluies peuvent augmenter la transmission du paludisme. Dans les zones de paludisme instable des pays en développement, les populations exemptes d’immunité sont plus exposées à des épidémies quand les conditions météorologiques favorisent la transmission[3]. De nombreux chercheurs ont qualifié les changements climatiques de plus grand danger pour la santé auquel le monde ait été confronté. Il est à présent admis que la santé de la planète est liée à celle de sa population. Le réchauffement du climat éprouve les écosystèmes qui semblent supporter difficilement les changements écologiques rapides. L’augmentation des températures a déjà déclenché des changements de météo avec inondations, tempêtes, canicules et sécheresse qui affectent durement la santé des populations partout dans monde. Si les scientifiques s’accordent pour dire que les changements climatiques auront une influence sur les maladies transmises par les insectes, les conséquences exactes restent inconnues. Que des conditions plus chaudes ou plus humides facilitent ou non la multiplication des vecteurs comme les moustiques et la propagation des maladies, dépendra d’une gamme de facteurs écologiques et sociétaux bien plus large que la pluie et le beau temps16. Il est encore impossible d’estimer la façon dont les changements climatiques affectent la transmission du paludisme. Cette transmission dépend de nombreux facteurs comme la population et la dynamique démographique, la résistance aux médicaments et aux insecticides, les activités humaines comme la déforestation, l’irrigation, le drainage des eaux marécageuses, etc. et leur impact sur l’écologie locale. Ceci dit, il n’y a pas de doute que ces modifications du climat peuvent accroître la vulnérabilité au paludisme. L’Organisation mondiale de la santé indique que l’augmentation des températures et des précipitations liée aux changements climatiques fera augmenter le nombre de moustiques présents dans les zones les plus froides où les individus, n’étant pas habitués à ces maladies, y sont très peu résistants. L’étude publiée par l’Institut Lowy de Sydney en Australie indique que la prévalence de la malaria pourrait être 1,8 à 4,8 fois plus importante en 2050 qu’en 1990, selon les prévisions. La part de la population mondiale vivant dans des zones où la malaria est endémique pourrait ainsi passer de 45 % à 60 % d’ici la fin du siècle. Par ailleurs d’ici 2085, environ 52 % de la population mondiale, soit 5,2 milliards d’individus, pourraient vivre dans des zones à risque de dengue17. Les moustiques sont très sensibles aux changements de climat. Les conditions plus chaudes permettent aux moustiques et au parasite de la malaria de se développer plus rapidement, alors que les conditions plus humides leur permettent de vivre plus longtemps et de se reproduire de manière plus importante18. La « piqûre du changement climatique » est un problème de santé publique international auquel les pouvoirs publics devront faire face dans les années à venir

1.8 PHYSIOPATHOLOGIE DU PALUDISME[4]

La physiopathologie du paludisme est encore imparfaitement connue mais les répercussions de l’infection palustre sur certains organes ont été bien décrites. Le sang La phase de schizogonie érythrocytaire entraine une hémolyse responsable d’une anémie d’installation progressive grave chez les jeunes enfants et les femmes enceintes. L’hémoglobine libérée par l’hémolyse provoque une surcharge rénale et est partiellement transformée en bilirubine dans le foie. L’excès est éliminé dans les urines entrainant une hémoglobinurie. D’autre part l’utilisation de l’hémoglobine par le parasite amène la précipitation dans son cytoplasme de granules de pigment (hémozoïne), dont la libération lors de l’éclatement du globule rouge est en partie responsable de la fièvre. Le pigment, accumulé dans le cytoplasme du schizonte, est relargué dans le plasma lors de la libération des mérozoïtes. Il est alors phagocyté par les monocytes-macrophages et les polynucléaires neutrophiles (leucocytes mélanifères).

            Les plaquettes sont séquestrées par des mécanismes, encore mal précisés, probablement immunologiques. La conséquence en est une thrombopénie, perturbation biologique fréquemment et précocement observée au cours d’un accès palustre.

  1. La rate

La rate est hypertrophique, molle et congestive. Sa couleur caractéristique, rouge foncé, parfois brune est due à l’accumulation du pigment internalisé par les phagocytes. L’augmentation de volume est provoquée par l’hypertrophie de la pulpe blanche (lymphocytes, cellules réticulaires, macrophages). L’activité phagocytaire concerne les globules rouges parasités, les débris cellulaires, le pigment parasitaire. Histologiquement, au cours du paludisme viscéral évolutif, la rate est énorme, fibro-congestive et foncée à la coupe avec une hyperplasie lymphoïde et histiocytaire mais les parasites y sont rares.

  1. Le foie

La schizogonie exo-érythrocytaire ne produit aucune lésion inflammatoire. La destruction par les schizontes d’un certain nombre de cellules parenchymateuses passe inaperçue. On observe une hyperplasie des cellules de Küpffer chargées de la phagocytose des débris cellulaires et de l’hémozoïne, associée à des dépôts d’hémosidérine. Ultérieurement les dépôts de pigment envahissent les espaces portes au sein d’infiltrats lympho-histiocytaires.

  1. Physiopathologie de l'accès grave

Le neuropaludisme (accès pernicieux = « cérébral malaria » des anglo-saxons) et l’anémie, sont les complications majeures du paludisme à P. falciparum. Basées au départ sur des études anatomopathologiques post-mortem réalisées chez des patients décédés de neuropaludisme, de très nombreuses recherches ont été développées pour élucider sa physiopathologie. Plusieurs théories, probablement complémentaires sont actuellement retenues, notamment la séquestration d’hématies parasitées par des formes matures de Plasmodium, adhérant aux cellules endothéliales des micros vaisseaux, et l’intervention de cytokines ou autres médiateurs.

I.9. DIAGNOSTIC

  1. anamnèse

Le diagnostic clinique se pose toujours devant toute fièvre après séjour récent. La périodicité est l’unique donnée anamnestique pouvant nous guider avec certitude.Une fièvre tierce ou quarte (avec un minimum de trois crises) est toujours signe de malaria, mais cette caractéristique est rare et intéresse beaucoup plus les infestations à P. Falciparum. Les céphalées, courbatures, frissons, transpirations peuvent aussi nous guider mais ne sont pas spécifiques car sont observables en cas d’une grippe, d’une fièvre typhoïde,  d’abcès amibien du foie,…

  1. examen physique

Les urines du malade souffrant de paludisme ont une couleur foncée (caractéristique de nombreuses maladies fébriles et cause d’une déshydratation.

Le signe clinique de référence reste la fièvre, les autres étant retrouvés dans presque toutes les maladies fébriles. L’examen utile serait la palpation  de la rate dans des rares situations bien précises ; pour la confirmation d’une splénomégalie hyperactive palustre chez l’adulte, une suspicion de paludisme  au début de la saison de transmission en région  de paludisme instable.

La recherche es signes de gravités reste  primordiale si la souspicion est établie : pâleur, manifesté des conjonctives, état de conscience, méningisme, ictères franc, hypotension, polypnée,… (M. Werry et all, paludisme de l’Afrique tropicale, édition biometrix, 1993)

  1. Diagnostic parasitaire

     La mise en évidence du parasite se fait par un examen microscopique de frottis de sang ou d’une goutte épaisse colorée au Giemsa. Les  éléments sont concentrés sur une surface beaucoup plus petite que dans le frottis. Ce qui  accélère la recherche, mais reconnaissance des parasites devient plus difficile à cause de la destruction des hématies. Le frottis peut être coloré et permet  un diagnostic précis.

D’autres techniques peuvent être utilisées ou sont en cours d’évaluation. Il s’agit  notamment de :

  • Recherche d’antigènes circulants en utilisant une technique immunologique et des anticorps monoclonaux anti P. Falciparum par IFI ou ELISA
  • Monofluokit P. falciparum
  • Bandelettes réactives à P. falciparum
  • La polymérase Chain réaction (PCR) (CIMANUKA BATUZEKO, cours de parasitologie, 2015-2016)

A l’HGRB deux tests sont fréquemment utilisés pour le diagnostic du paludisme. Il s’agit  de la goutte épaisse et du TDR.

           Le TDR est fait  dès que le patient arrive à l’hôpital et que l’on suppose qu’il peut être atteint du paludisme avant de faire un traitement d’urgence.

            La goutte épaisse consiste à prélever par piqure au bout du doigt, sur une lame porte-objet, une goutte de sang. Cette goutte est défibrinée immédiatement par un mouvement en spiralé, du centre vers les périphéries à l’aide d’un coin d’une autre lame. Par des mouvements ce sang est étalé sur une surface d’environ 1cm de diamètre. Laisser sécher à fond le prélèvement pus coloré, sans fixation préalable à l’aide d’une solution de Giemsa. On assiste à une hémolyse suivie d’une coloration qui teint le cytoplasme en bleu et le noyau en rouge,

Après lavage à l’eau laisser sécher en position verticale avant d’examiner. Seuls seront restés les leucocytes et les parasites éventuels.  Le séchage se faire sans chauffage pur éviter la fixion d’hématies qui empêcherait leur destruction. ET donc, ne pas sécher la lame au soleil ou en boite fermée.

I.10 PRISE EN CHARGE

            Le paludisme peut être entièrement prévenu et traité, l’objectif  étant de garantir l’élimination complète et rapide des plasmodies dans le sang du patient afin d’éviter qu’un paludisme simple n’évolue vers une forme grave potentiellement mortelle ou vers une infection chronique qui peut provoquer une anémie.

Du point de vue de la santé publique le traitement est destiné à réduire la transmission de l’infection en diminuant le réservoir infectieux et à éviter l’apparition et la propagation  d’une résistance aux antipaludiques (OMS, 2015).

La prise en charge demeure une situation d’urgence. Ainsi, pour une meilleure prise en charge :

  • Les malades doivent recevoir les soins médicaux et infirmiers disponibles, de préférence dans une unité ces soins intensifs ;
  • L’examen microscopique confirmera le diagnostic avant la prise en charge ;
  • Les malades doivent être suivis par les examens de frottis ou autres examens de laboratoire pendant toute la durée de traitement si possible ;
  • Le choix des médicaments doit tenir compte de la prévalence locale de la pharmaco résistance.

Le but principal du traitement est de faire baisser la fièvre, stopper les convulsions, traiter les surinfections, corriger l’hypoglycémie et maintenir un équilibre électrolytique. (Gilles M. , Vade-mecum sur la prise en charge du paludisme grave et compliqué, guide pratique, Genève, 1991).

L’OMS recommande les CTA qui sont les antipaludiques les plus efficaces dont on dispose aujourd’hui. La chloroquine est aussi utilisée dans la plus part de fois dans les zones à P. Vivax. (OMS, traitement du paludisme, tours d’horizon, juin 2016)

            I.11. PROPHYLACTIE

  • Lutte anti vectorielle,
  • Usage des MII et répulsifs,
  • Traitement préventif aux femmes enceintes,
  • Assainissement de l’environnement et destruction des gites larvaires,
  • Prévention chimio prophylactique appropriée et usage d’anti répulsifs chez les voyageurs.


[1]Petithoty et Ardoin-Guidon, 2001

[2] Institut de Recherche pour le Développement (IRD) : http//www.ird.fr/la-mediatheque/fiche-d-actualite-scientifique/427-paludisme

 

[4]« Paludisme » Association Française des Enseignants de Parasitologie et Mycologie (ANOFEL) 2014pg 11

Partager ce travail sur :