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Chapitre I. STATUT DE LA PROVINCE AU REGARD DE LA CONSTITUTION DU 18 FEVRIER 2006

 

            Aujourd’hui la centralisation du pouvoir de l’Etat est devenue impopulaire et inadaptée. On parle de plus en plus de la bonne gouvernance, d’une gouvernance au service du développement, de la performance bureaucratique d’un gouvernement et des processus de légitimation de l’autorité politique. La bonne foi d’un gouvernement à instaurer un Etat de droit   démocratique se mesure désormais non seulement par sa capacité de faire participer les citoyens aux décisions  politiques mais aussi  par son habilité à rapprocher le plus possible l’administration des administrés et ainsi donner une impulsion au développement.[1] Le Professeur Felix Vunduawe te Pemako écrit que la nouvelle Constitution promulguée le 18 février 2006 a innové l’organisation d’un Etat unitaire caractérisé par le régionalisme politique au niveau des provinces, d’une part, et par la décentralisation administrative, d’autre part, à l’échelon inférieur des entités territoriales de base.[2]  

Pour bien esquissé le statut de la province dans la Constitution du 18 février 2006, nous allons d’abord aborder la forme de l’Etat et le statut de la province à l’aune de cette constitution (section I) avant d’aborder la répartition des compétences entre les organes

politiques provinciaux (section II).

Section I. LA FORME DE L'ETAT ET LE STATUT DE LA PROVINCE INSTAURES PAR LA CONSTITUTION DU 18 FEVRIER 2006

§1. De la forme de l’Etat mis en place par la constitution du 18 février 2006 en RDC

Dans l'étude de la forme de l'Etat, nous sommes appelés à analyser la manière selon laquelle le pouvoir est divisé verticalement. Cette division verticale du pouvoir nous permet d'identifier le type de relation qui existe entre l'Etat central et les entités territoriales. Ce qui nous permettra d'ores et déjà de comprendre la forme type de l'Etat instituée par la Constitution du 18 février 2006.

D'entrée de jeu, remarquons qu'après une lecture intégrale du texte de la Constitution du 18 février 2006, il n'est indiqué nulle part la forme de l'Etat. C'est ce qui nous obligera de voir alors quel type des relations unies le pouvoir central des collectivités territoriales.

En effet à l'Etat central, il existe les institutions suivantes : le Président de la République ; le Parlement ; le Gouvernement et les Cours et tribunaux. Le Président de la République est le Chef de l'Etat, il représente la Nation et est le symbole de l'unité national, veille au respect de la Constitution, assure par son arbitrage le fonctionnement régulier des institutions et des services publics, ainsi que la continuité de l'Etat. Il est en outre le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité territoriale, de la souveraineté nationale et du respect des traités et accords internationaux. Selon article 69 de la Constitution le Gouvernement quant à lui est composé du 1er Ministre, des ministres, des vices ministres et les cas échéants des vices 1er ministres, de ministres d'état et des ministres délégués .Il est dit à l'article 90 al. 1er que le 1er ministre dirige le gouvernement. Celui ci requiert l'aval de l'Assemblée Nationale avant d'entrer en fonction. Il définit de concert avec le Président de la République la politique de la nation et en assume la responsabilité. Le pouvoir législatif est composé de deux chambres : la chambre des représentants appelée l'Assemblée Nationale et le Sénat.

L'Assemblée Nationale est composée des députés élus au suffrage universel direct dans leurs circonscriptions électorales respectives et ils représentent le peuple. Le Sénat quant à lui est composé des sénateurs élus au suffrage universel indirect au sein des Assemblée Provinciales et ils représentent les Provinces. Le Parlement vote les lois cependant il n'a pas le monopole de la loi car le Gouvernement peut, pour l'exécution urgente de son programme d'action, demander à l'Assemblée Nationale ou au Sénat l'autorisation de prendre, par ordonnance-lois, pendant un délais limité et sur des matières déterminées, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi.[3]

Le pouvoir provincial est composé de l'Assemblée provinciale et du Gouvernement provincial. L'Assemblée provinciale est composée des députes provinciaux élus au suffrage universel direct par le peuple tandis que le Gouvernement provincial est constitué du Gouverneur de province, du Vice Gouverneur et des ministres provinciaux. L'Assemblée provinciale est l'organe délibérant de la Province. Elle légifère par voie d'édit  sur les matières réservées uniquement aux provinces et les cas échéant les matières prévues pour le Parlement après que celui-ci ait accordé une dérogation spéciale à l'assemblée provinciale. Le Gouverneur et son Vice-Gouverneur sont élus par l'Assemblée provinciale. Ils sont investis par le Président de la République (art.198, alinéa 2). Le Gouvernement provincial conduit la Politique de la Province qui devra s'inscrire dans la politique générale de la Nation.

Il est institué en RDC une conférence des Gouverneurs. Elle a pour mission d'émettre les avis et de suggestion sur la Politique à mener et sur la législation à éditer par la République. La conférence des Gouverneur est composée outre les Gouverneurs de Province, du Président de la République, du Premier ministre et du ministre de l'intérieur. Tout autre membre du gouvernement peut y être invité (art 220alinea 1,2 et 3).Signalons que les articles 202,203 et 204 donnent respectivement les compétences exclusives du pouvoir central, les compétences concurrentes du pouvoir central et des provinces.

A la lumière de ces différentes caractéristiques de la Constitution du 18 février 2006 que nous venons de relever, les éléments suivants requièrent notre attention :

- Il est garanti le principe de la libre administration des provinces, des entités territoriales décentralisées de leurs compétences et de leurs ressources.[4] Ce principe est une liberté fondamentale dont les bénéficiaires sont les collectivités territoriales. Par ce principe nous observons que l'élection des Assemblées délibérantes pour les collectivités territoriales est la garantie constitutionnelle de cette libre administration. Cette garantie résulte également dans le fait que les collectivités territoriales sont représentées par le Senat. En dehors de cette garantie institutionnelle dont les collectivités territoriales sont bénéficiaires, elles jouissent de l'autonomie financière qui veut dire tout simplement que les collectivités locales doivent avoir la maîtrise suffisante de leurs dépenses.

- Le pouvoir central n'exerce qu'un contrôle a posteriori, il est moins rigoureux et ne se limite qu'à la légalité des actes et non leur opportunité. Ceci se justifie par le fait que la Constitution accorde aux Provinces une compétence exclusive sur certaines matières (article 204 de la constitution), une compétence concurrente avec le pouvoir central (article 203 de la constitution), que le pouvoir central puisse se mêler des affaires de la province en cherchant à savoir l'opportunité de tel ou tel autre acte. Le rôle que devra jouer le pouvoir central ici, se limite au contrôle de la légalité des actes des autorités locales pour se rassurer que leurs actes sont conformes à la Constitution et à la loi et devra ensuite se charger des actes qui rentrent parmi les matières pour lequel il a compétence concurrente avec les provinces.

-Le caractère unitaire de l'Etat est préservé. Ceci se fait sentir dans le principe de l'indivisibilité de la souveraineté, du territoire et du peuple.

Aussi ce principe d'indivisibilité, implique trois aspects principaux correspondant aux trois éléments constitutifs de l'Etat qui sont :

-L'indivisibilité de la souveraineté[5]

-L'indivisibilité du territoire[6]

-L'indivisibilité du peuple10(*).

Après ce premier élément d'indivisibilité nous avons aussi la tutelle de l'Etat sur les entités territoriales décentralisées.

En effet, dans le cadre de la décentralisation, il est toujours indispensable de prévoir des mécanismes de contrôle et de tutelle. Les mécanismes de tutelle sont un ensemble des pouvoirs limités accordés par la loi ou en vertu de celle-ci à une autorité supérieure afin d'assurer le respect du droit et la sauvegarde de l'intérêt général contre l'inertie, les excès et empiétements des entités décentralisées. La tutelle se définit aussi comme un ensemble des pouvoirs limites accordés, soit par la loi ou en vertu de la loi, à des autorités administratives représentant de l'Etat aux fins d'assurer le respect du droit et la sauvegarde de l'intérêt général contre l'inertie préjudiciable ,les excès et les empiétements des agents décentralisés.

En effet, il est à souligner que les pouvoirs des autorités de tutelle sont nécessairement limités, car le recours à la décentralisation serait en effet inutile si le pouvoir central pouvait s'immiscer dans la gestion des entités territoriales décentralisées ou substituer ses propres décisions à celles des autorités décentralisées.

Les pouvoirs de tutelle et de contrôle n'existent que dans les cas expressément prévus par la loi et les dispositions qui les établissent sont de stricte interprétation.  L'autonomie des organes décentralisés constitue donc la règle tandis que les contrôles apparaissent comme l'exception.

La tutelle a pour objectif le respect de la légalité ainsi que la protection de l'intérêt général. L'autorité de tutelle ne peut donc intervenir que si l'autorité décentralisée lèse un intérêt public supérieur. C'est l'autorité de tutelle qui apprécie ce qui est conforme à l'intérêt général mais cette appréciation peut être soumise au contrôle des juridictions.

Outre l'indivisibilité et la tutelle, l'actuelle Constitution aux articles 183 et 188 prévoit une seule police et une seule armée Républicaine ;

Du point de vue de la forme de l'Etat, la Constitution du 18 février 2006 n'a pas tranché d'une manière claire. Après avoir consacré le découpage, elle se limite à déclarer que les provinces sont autonomes dans les limites fixées par l'article 3 : chaque province a la personnalité juridique. Toutefois, seule la République a la personnalité juridique internationale, dispose l'article 202.al.1.

La décentralisation s'inscrit dans le cadre d'un Etat unitaire. Elle se caractérise par le refus de tout caractère étatique aux collectivités territoriales, qui peuvent bénéficier d'une plus ou moins large autonomie et qui n'ont pas leur propre Constitution, leur propre gouvernement ni leur propre système juridictionnel et qui ne participent pas, en tant que telles à la prise des décisions étatiques[7]. Sur ces deux points elle se différencie profondément du fédéralisme.

Disons que la Constitution du 18fevrier 2006 a fait une symbiose de l'Etat unitaire décentralisé et de l'Etat fédéral pour satisfaire toutes les tendances politiques dans notre pays. Quand nous faisons allusion à l'Etat unitaire décentralisé, nous voulons évoquer l'idée selon laquelle la décentralisation est un mode ou système d'organisation étatique reconnaissant une liberté plus ou moins étendue de décision d'administration, de self gouvernement.[8] comme disent les britanniques et les américains, à différentes collectivités territoriales. Ne comporte sur son territoire qu'une seule organisation juridique et politique dotée des attributs de la souveraineté. Les collectivités territoriales en ce qui concerne la RDC, la Ville, la Commune, le Secteur et la Chefferie, composantes de l'organisation administrative qui justifie un Etat unitaire décentralisé. Elles n'existent que par l'Etat et elles n'apparaissent pas dans l'ordre politique, elles ne disposent d'aucun pouvoir administratif propre contrairement à ces entités des Etats fédéraux ou régionaux.

A la lumière de ce qui précède nous sommes en même de dire que la République Démocratique du Congo est un Etat unitaire régionalisé. Il se rapproche par moment du fédéralisme mais perd les caractères essentiels du fédéralisme (l'autonomie constitutionnelle).Le Professeur Joseph WASSO MISONA dit que « la RDC aménage à la fois la décentralisation et la déconcentration ». Il dit également que la décentralisation consiste à transférer les décisions de l'Etat vers d'autres personnes morales de droit public essentiellement. Les collectivités territoriales, lesquelles sont administrées par des autorités élues et soumises à un simple contrôle de légalité signifie en outre que la décentralisation telle que pratiquée en RDC ne conduit pas à une véritable division des pouvoirs normatifs au sein de l'Etat car l'autonomie des collectivités locales est plutôt administrative et non politique.

Le Professeur NTUMBA LUABA soutient cette position lorsqu'il dit que dans la décentralisation le pouvoir central n'exerce qu'un contrôle de tutelle sur les provinces lequel contrôle ne se limite qu'à la légalité et non l'opportunité des actes.[9]

L’étude comparée des formes d’Etat, écrit le Professeur Félix Vunduawe Te Pemako, nous permet d’affirmer que le nouveau type de la décentralisation territoriale appartient à la catégorie ou à la famille des Etats unitaires décentralisés.[10]

En effet, ce type d’Etat est l’œuvre du constituant dans le cadre d’un Etat unitaire décentralisé qu’on appelle régionalisme politique ou simplement Etat régional.[11] Celui-ci se situe, continue Félix Vunduawe Te Pemako, dans une position intermédiaire entre l’Etat unitaire classique (comme la France avant la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 et  la République Démocratique du Congo sous la Constitution du 24 juin 1967) et l’Etat fédéral (comme les Etats-Unis d’Amérique, la Belgique et l’Allemagne).[12] C’est un modèle que la doctrine a dégagé à partir du système italien, espagnol, portugais et belge (avant la transforlation de la Belgique en Etat fédéral en 1993).[13] C’est aujourd’hui le cas de la République Démocratique du Congo dans la Constitution du 18 février 2006, écrit le Professeur Vunduawa Te Pemako.[14]

Ce type d’Etat se caractérise par la reconnaissance d’une réelle autonomie politique reconnue au profit des entités régionales et notamment d’un pouvoir normatif autonome. Ainsi régionalisme constitutionnel implique nécessairement la régionalisation politique en ce sens que les  provinces, bénéficiant constitutionnellement d’une autonomie politique, disposent d’un Gouvernement provincial et d’une Assemblée provinciale.[15] On peut légitimement se demander s’il s’agit là d’une forme nouvelle d’Etat ou plutôt d’une forme transitoire, d’une étape dans un processus d’évolution vers le fédéralisme. C’est en quelque sorte « l’anti-chambre de l’Etat fédéral ».

Il est cependant intéressant de noter que l’existance des insitituions politiques provinciales ( Gouvenement et Assemblée), portant l’autonomie de la province au-delà du cadre strictement administratif et en dehors de l’exécutif, ne fait nullement de celle-ci un Etat fédéré. La province reste bel et bien une entité autonome au sein de l’Etat unitaire décentralisé. Car, à la différence de l’Etat fédéral, la structure de l’Etat régional reste unitaire, même si elle peut être appelée à évoluer. Le régionalisme politique est donc un système à mi-chemin entre l’Etat unitaire décentralisé et l’Etat fédéral car, il va au-delà d’une simple décentralisation administrative.[16] 

§II. La province prise comme entité territoriale politique régionalisée

Le constituant affirme très clairement, par la tournure qu'il donne à l'alinéa 1 de son article 3, que les provinces ne sont pas des entités territoriales décentralisées au sens de la décentralisation strictement entendue. En rapprochant l'article 3 des autres articles de la Constitution, notamment les articles 2, 4 et surtout les articles 195 à 206 qui se rapportent aux « institutions politiques provinciales », il est clair que « la Province est une entité territoriale politique régionalisée », bien que relevant toujours de l'Etat unitaire.

Selon l'article 1er , alinéa 1er de la Constitution, la République démocratique du Congo est toujours régie par des principes traditionnels d'unité et d'indivisibilité qui se traduisent par une certaine uniformité dans l'organisation institutionnelle d'un Etat unitaire certes mais, désormais, tempéré par de nouveaux principes constitutionnels du régionalisme politique et par ceux de la décentralisation territoriale et administrative des provinces et des entité territoriales de base décentralisée que sont la ville, la commune, le secteur et la chefferie.

Les députés provinciaux sont, pour neuf dixième, élus au suffrage universel direct, et, pour un deuxième au maximum, cooptés par les élus directs. Leur mandat est de cinq ans renouvelable.[17] L'Assemblée Provinciale qu'ils composent est l'organe délibérant de la Province et contrôle le Gouvernement provincial ainsi que les services publics provinciaux et locaux.

Le Gouvernement provincial est composé du Gouverneur, du Vice Gouverneur et d'au plus dix ministres provinciaux. Ceux-ci sont désignés par le Gouverneur, lui-même élu pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois par les députes provinciaux et investi par ordonnance du Président de la République.

La répartition des compétences se présente de manière semblable à celle de la Constitution de 1964 dans une énumération de compétences qui sont ou de la compétence exclusive du pouvoir central, ou de la compétence exclusive des provinces ou de la compétence concurrente du pouvoir central et des provinces.[18]

Cependant une délégation de pouvoir de l'Assemblée Nationale ou du Sénat vers les provinces ou d'une Assemblée Provinciale vers le pouvoir central peut être opérée et elle est valable jusqu'à la révocation de cette délégation par le pouvoir cédant. En ce qui concerne les compétences concurrentes, la législation nationale prime sur la législation provinciale et toute loi provinciale incompatible avec les lois et règlements nationaux est nulle et abrogée de plein droit, dans la mesure où il y a incompatibilité. Cependant la technique législative permet que l'Assemblée Nationale habilite l'organe délibérant provincial à légiférer dans ses matières et vice versa.

Ainsi donc le régionalisme politique instauré par la nouvelle Constitution de la République Démocratique du Congo en faveur des provinces n'est pas à confondre avec la « souveraineté locale » des anciennes provinces sous l'empire successivement de la loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo[19] et de la Constitution de la République Démocratique du Congo du 1er aout 1964, lesquelles, dans un Etat fédéral, étaient de véritables Etats fédérés .Car ceux-ci avaient vocation à se doter de leur Constitutions propres différentes de la Constitution de la République Démocratique du Congo.[20] Ce régionalisme institutionnel apparait dès lors comme une synthèse de la tendance unitariste et fédéraliste. Et le constituant a marqué par là une ambition de pouvoir de réduire sensiblement les options fondamentales d'un Etat unitaire. A dire vrai, le régionalisme politique est une véritable transition vers le fédéralisme. Ainsi, voyons maintenant en quoi consiste la répartition des compétences entre les organes qui gravitent autour du pouvoir provincial.

SECTION II. DE LA REPARTITION DES COMPETENCES ENTRE LES ORGANES PROVINCIAUX

Dans le but d'une part de consolider l'unité nationale mise à mal par des guerres successives et, d'autre part, de créer des centres d'impulsion et de développement à la base, le constituant a structuré administrativement l'Etat congolais en vingt cinq provinces plus la ville de Kinshasa dotées de la personnalité juridique et exerçant des compétences de proximité énumérées directement par la Constitution.

Nous allons succinctement passer au crible lesdites compétences, d'abord de l'Assemblée Provinciale et ensuite de l'Exécutif provincial.

§I. Compétences de l'Organe délibérant

L’Assemblée provinciale exerce un véritable pouvoir législatif provincial. Elle n’est plus ce simple organe délibérant des années 1982 et 1995, mais plutôt un véritable législateur local. [21] L'Assemblée provinciale en tant que législateur provincial est habilitée à délibérer dans les matières qui relèvent de la compétence de la Province en même temps exerce le contrôle sur le Gouvernement provincial, les services provinciaux et locaux.

Cependant le contrôle dont il est tenu d'exercer sur l'exécutif provincial demeure le point poignant à partir duquel il faut apprécier le degré de collaboration entre ces deux institutions. Le pouvoir qui n'est pas contrôlé, c'est comme un chèque en banque qu'on donne à ses dirigeants pour verser dans la mauvaise gouvernance. Mais il doit se faire dans le strict respect des attributions constitutionnelles.

La Constitution du 18fevrier 2006 fixe le cadre d'exercice de la législation provinciale. C'est ainsi que l'Assemblée provinciale délibère dans les matières dévolues à la Province dans l'exercice de sa mission législative.

Certaines matières relèvent de la compétence concurrente de l'Etat et de la Province (art.203), autres sont des prérogatives exclusives réservées soit à l'Etat (Art.202 c), soit à la Province (Art.204 de la Constitution du 18 février 2006.)

Dans l'exercice de sa compétence générale, son action sera bien limitée par la Constitution elle-même ou par la loi qui définit son domaine d'intervention (art.204 de la constitution du 18 février 2006).Il ne peut par conséquent entreprendre dans des domaines interdits tant aux personnes publiques qu'aux personnes privées ou spécialement à la collectivité locale. Il ne peut empiéter sur les affaires relevant de la compétence de l'Etat (art.202), d'une autre collectivité ou d'un établissement public local à moins qu'il soit habilité d'intervenir exceptionnellement dans les affaires nationales (art.205).

L'Assemblée provinciale exerce le pouvoir de contrôle du Gouvernement provincial par les mécanismes de la question orale ou écrite, l'interpellation, la constitution de commission d'enquête jusqu'à la mise en œuvre de la responsabilité politique du Gouvernement ou de l'un de ses membres par le vote d'une motion de défiance ou de censure. Aussi, va-t-il s'immiscer dans tous les secteurs du pouvoir local, qu'il s'agisse de la détermination des politiques ou de leur exécutions par l'organe exécutif. Non seulement avant d'entrer en fonction le chef de l'exécutif doit lui présenter, pour approbation, le programme de son gouvernement. Mais encore l'organe délibérant dispose des moyens d'action.

Aussi l'organe délibérant peut être consulté ou émettre des avis. L'avis exprime sa position sur une question qui lui est soumise, à titre d'exemple l'érection des Communes rurales et des Villes. Outre les demandes de consultation prévues par la loi, l'organe délibérant peut être consulté par le représentant de l'Etat qui est le Gouverneur de Province. Du contrôle, à la consultation, voila l'imbrication des pouvoirs qui cimente la collaboration des organes provinciaux condamnés à œuvrer ensemble dès lors qu'ils luttent pour la cause commune à savoir le développement intégral et intégré de la province.

§II. Compétences de l'Organe Exécutif

Au niveau provincial particulièrement, le gouverneur et son adjoint ainsi que les ministres provinciaux forment l'organe exécutif ou mieux le gouvernement provincial. Leur statut et leurs fonctions sont liés mais le premier dispose d'une préséance sur ses collaborateurs.

Comme au niveau central, l'organe exécutif local agit en corps mais c'est le chef de l'exécutif qui organise l'administration de la collectivité provinciale et répond au nom de l'Etat. C'est donc lui qui détient l'autorité règlementaire. En sa qualité de chef de l'exécutif provincial, il assure l'exécution des lois, des règlements des autorités supérieures, et des édits de l'Assemblée provinciale.[22]

Le statut du Gouverneur de Province est ressorti du double caractère, il exerce des fonctions politiques et administratives. A la différence de l'organe délibérant qui est l'autorité territoriale disposant d'une compétence générale (art.197 al.1), l'exécutif a une compétence d'attribution. Il a en vertu de la loi[23] :

- Un pouvoir général d'exécution des délibérations prises par l'organe délibérant (des édits) ;

- Un pouvoir de représentation de la collectivité provinciale pour les actes de la vie juridique (action en justice, contrat, marché, ventes, passation des baux, acceptation des dons et de legs...) ;

- Un pouvoir patrimonial : conservation et administration des biens de la collectivité, direction des travaux publics locaux, entretiens des voies ;

- Un pouvoir de surveillance et de contrôle sur les établissements publics locaux.

Le Gouvernement provincial est chargé non seulement de l'exécution des édits, mais c'est lui qui conduit la politique provinciale et les relations interprovinciales.

Le Gouvernement provincial ne peut agir avant que l'organe délibérant ne se soit prononcé, par exemple pour conclure un contrat engageant la collectivité provinciale, il ne peut modifier les dispositions contenues dans les délibérations de l'organe délibérant. La légalité de ses actes d'exécution est conditionnée par la régularité des délibérations qu'il exécute.[24]

Le pouvoir exécutif au sens large consiste à accorder au gouvernement à part l'exécution de lois un pouvoir réglementaire car le législateur est dans l'impossibilité matérielle de produire toutes les règles nécessaires et en temps utile étant donné que les sessions parlementaires ne sont pas tenues chaque jour. Cette fonction exécutive accordée au gouvernement provincial ne signifie cependant pas que le gouvernement provincial soit un simple exécutant d'édits comme s'il était placé dans un lien de subordination dont son chef serait l'organe délibérant, le donneur d'ordre !

Il dispose en revanche d'une marge de liberté et d'initiative qui contourne la division rigoureuse de pouvoir. Il prépare les affaires, les inscrits à l'ordre du jour des réunions de l'organe délibérant, et, c'est lui qui, après la décision de l'organe délibérant, apprécie les modalités de mise en œuvre des délibérations. La plupart d'édits sont d'initiative gouvernementale et là sa fonction exécutive glisse sans vergogne dans le domaine réservé à l'organe délibérant qui en fait agit ici comme pour rendre légitime et exécutoires les projets de l'exécutif.

Mais pour éviter qu'il en abuse, l'organe exécutif est placé sous le contrôle de l'organe délibérant, contrôle qui peut conduire à mettre en cause la responsabilité de l'ensemble du Gouvernement voir de ses membres pris individuellement : c'est là le tempérament à ce pouvoir de fait d'initiatives que dispose l'exécutif. Dans ce cas, il ya effectivement une cogestion, à des niveaux différents, de la chose publique locale.

Section III. LES INCIDENCES DES COMPETENCES SUR LA COLLABORATION ENTRE LES DEUX ORGANES

Il sied de remarquer que la répartition des compétences entre ces deux organes n'est pas assez équilibrée, les rapports de force ne s'équivalent pas, ce qui peut engendrer des conséquences désagréables. Mais le tout est aménagé de façon à encourager la bonne gouvernance et le développement de proximité, tel est le vœu du constituant congolais de 2006.

§I. De la primauté de l'Assemblée Provinciale sur l'Exécutif

La transposition du régime parlementaire, ou l'application des articles 146 et 147 de la Constitution au niveau provincial n'ira pas sans impact sur la stabilité du Gouvernement provincial. Car son exécutif n'est point dualiste-division indispensable au jeu des mécanismes d'action réciproque, mais en plus un dispositif majeur pour l'équilibre du régime « parlementaire »fait en pratique défaut au niveau local-Il s'agit de l'exercice du droit de dissolution-il ya sans doute prépondérance de l'organe délibérant sur l'organe exécutif.

La primauté est indéniable quant aux moyens réciproques de mise en cause de l'action de chacun. En effet, l'organe délibérant peut voter une motion de censure ou de défiance contre le gouvernement ou l'un de ses membres selon le cas. Or cet ultime recours est sans pareil à l'exécutif qui n'est à l'abri d'aucun moyen de telle partie.

Il s'en suit qu'un tel mécanisme diffuse le caractère intimidateur pour l'organe chargé de gérer au quotidien les affaires de l'Etat, car la motion en toute logique n'intervient effectivement que pour sanctionner politiquement le gouvernement qui s'est distingué par la me gestion. Et en principe celui qui a le pouvoir de contrôler combiné de celui de sanctionner, ne peut qu'être supérieur à celui qui est chargé d'exécuter.

D'aucuns fustigent d'ailleurs ce déséquilibre des rapports de force sans pour autant pénétrer la ratio legis. A notre sens, le Gouverneur élu au suffrage universel indirect, ne saurait mériter l'incarnation de la légitimité qu'on reconnait au chef de l'Etat pour dissoudre l'organe délibérant. Le mode d'élection de celui-ci empêcherait justement que l'Assemblée provinciale, fière de représenter la population qui l'a mandaté se voit soudainement dissoute par la volonté d'un seul individu qui n'a pas été élu au suffrage universel. Cette décision hautement politique est soustraite des compétences exécutives et si en pareille occurrence le Chef de l'Etat intervenait ce serait nier la philosophie du régionalisme constitutionnel.

Certes, il n'est en fait possible que, grâce au jeu d'alliance politique caractérisé par une certaine discipline au sein des partis politiques, les motions ne soient pas votées parce que l'organe exécutif est l'émanation de la majorité parlementaire qui l'a fait confiance. D'ailleurs les appétits politiques peuvent conduire dans la pratique à fermer les yeux sur les megestions de l'un de leur. Tout comme un usage abusif peut déboucher sur une crise institutionnelle.

§II. Les prérogatives d'exception de l'organe exécutif

L'exécutif dispose aussi des pouvoirs d'exception. L'autorité exécutive est le chef des services publics locaux, elle est aussi l'autorité de police administrative générale et spéciale. Il s'en suit qu'au de là de la prééminence de l'organe délibérant sur l'organe exécutif qui résulte de l'absence d'éléments d'équilibre, l'organe exécutif est en pratique le pouvoir actif de la collectivité provinciale, l'organe délibérant restant bien souvent cantonné dans un rôle d'assentiment de ses propositions. Aussi, sont-ils tous les deux condamnés à aller de concert, c'est-à-dire à coopérer pendant la durée de leur mandat.

En dépit d'absence criante de moyens de dissolution de l'Assemblée provinciale, rien n'est moins douteux que la fonction exécutive provinciale accuse un prestige assorti de quelques rares prérogatives. Bien plus, il est le chef de tous les services publics à intérêt local. Il dispose de manœuvre dans l'exécution du budget quoiqu'il faille suivre les rubriques budgétaires.

A ce propos, il exerce avec allégresse le pouvoir règlementaire. Et sur le plan de l'opinion publique, il bénéficie d'un crédit que nul parlementaire n'aura car les actes par lui posés sont inscrits à son actif personnel alors qu'il ne fait qu'exécuter un plan qui a reçu l'autorisation parlementaire. Il devient à ce titre très actif à tel point que nombre d'édits votés sont d'initiative de l'exécutif qui affronte les réalités de chaque jour alors que l'organe délibérant n'a qu' à s'évertuer pour assurer le contrôle de l'efficacité d'exécution.

Toutes ces prérogatives ne sont cependant pas à regarder comme une prime de mérite, c'est une fonction constitutionnelle. Dans cet ordre d'idée, on constate que fine finaltere, les deux institutions ont intérêt à coopérer car la distribution des compétences telles que opérées dans son exercice dès lors qu'il concoure au même but.

[1] Pamphile Mabiala Mantuba-Ngoma et Richard Dion, « Pouvoir central et pouvoirs provinciaux et locaux » in PNUD, Mandats, rôles et fonctions des pouvoirs constitués dans  le nouveau système politique de la République Démocratique du Congo, Kinshasa, sine domo, 2007, p.54.

[2] Félix Vunduawe Te Pemako, « Réflexions sur le régionalisme politique ou la nouvelle décentralisation territoriale » in PNUD, Op.cit., p.77.

[3] Constitution de la RDC du 18 février 2006 in Journal officiel de la RDC, numéro spécial, 47ème année,  article 121 alinéa 1er.

[4] Constitution de la RDC du 18 février 2006, Op.cit., article 3.

[5] La souveraineté est indivisible parce qu'elle réside dans la collectivité étatique envisagée globalement, sans tenir compte de la diversité des aspirations locales ou de la variété des multiples collectivités que forment l'Etat.

[6] Au regard de la jurisprudence constitutionnelle, le principe d'indivisibilité de la République ne signifie pas que le territoire de la République soit intangible. Cela suppose le principe d'intangibilité du territoire national qui exclut toute les possibilités de reconnaissance du droit de sécession. L'indivisibilité du territoire suppose aussi l'uniformité des droits applicables. Les lois doivent donc être uniformes dans leurs applications.

[7] B. BIBOMBE MWAMBA et KIHANGI BINDU, Formes de l'Etat Régimes politiques et Systems Electoraux, 2002. Publications de la faculté de Droit de l'ULPGL, 2002, pp.15-16.

[8] Ibidem, p.26.

[9] NTUMBA LUABA LUMU, Droit constitutionnel général, Kinshasa, Ed. Universitaires africaines, 2005, p.63.

[10] Félix Vunduawe Te Pemako, Op.cit., p.86.

[11] L., Favoreu et allii, Droit constitutionnel, 2ème édition, Paris, Dalloz, 1999, pp.443-458 ; Voir utilement Ch., Debbasch et allii, Droit constitutionnel et institutions politiques, 4ème édition, Paris, Economica, 2001, pp.36-37 ; M., Uyttendaele, Précis de droit constitutionnel belge, Bruxelles, Bruylant, 2001, pp.45-46 ; F., Hanon et M., Troper, Droit constitutionnel, 29ème édition, Paris, LGDJ, 2005, p.82.

[12] F., Vunduawe Te Pemako, Op.cit., p.86.

[13] M., Leroy, De  la Belgique unitaire à la l’Etat fédéral, Collections «   Les Inédits  De Droit Public », Bruxelles, Bruylant, 1996, pp.5 et 44-59. Voir utilement M.A. Lejeune, Introduction au droit et aux institutions de la Belgique fédéral, 4ème édition, Bruxelles, La Charte, 2004, pp.15-18.

[14] F., Vunduawe Te Pemako, Op.cit., p.86.

[15] Ibidem, p.86.

[16] F., Vunduawe Te Pemako, Traité de droit administratif, pp.415-416 et 493-495.

[17] Constitution de la RDC du 18 février 2006 in Op.cit., art.197

[18] Ibidem, article 202 et suivant.

[19] La Loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo et la Loi fondamentale du 17 juin 1960 relatives aux libertés publiques ont formé la « Constitution provisoire de l'Etat du Congo », articles 3,5 et 230 de la Loi Fondamentale du 19 mai 1960.

[20] Voir annexe à la Constitution de la République Démocratique du Congo du 1er aout 1964, M.C. numéro spécial, 5 octobre 1965, pp.128-172.

[21] Félix Vunduawe Te Pemako, « Réflexions sur le régionalisme politique ou la nouvelle décentralisation territoriale » in PNUD, Op.cit., p.95.

[22] J., Wasso Misona, « Les rapports entre l'organe délibérant et l'organe exécutif des collectivités provinciales », in  ULPGL, L'analyste topique, Revue interdisciplinaire des Facultés et Instituts de l'ULPGL, Goma, ULPGL, N°4, 2008, p.161.

[23] Ibidem, p.161.

[24]  J., Wasso Misona, Op.cit., p.161.

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