Arrow Table de matières
7521496

INTRODUCTION

 

0.1. PROBLEMATIQUE.

Depuis son accession à l'indépendance le 30 juin 1960 la République Démocratique du Congo connait des multiples crises politiques récurrentes dont l'une des causes est la contestation de la légitimité des institutions et de leurs animateurs[1]. Ce problème s’est posé quelques jours après l’indépendance du 30 juin 1960 avec la sécession du Katanga le 11 juillet 1960 conduite par Moïse Tshombe et celle du Sud Kasaï conduite par Albert Kalondji en août de la même année. Après la stabilisation du pays intervenue après le coup d’Etat militaire opéré le 24 novembre 1965 par Joseph-Désiré Mobutu, ce dernier instaura un régime totalitaire et un Parti-Etat durant trois décennies jusqu’à sa chute en 1997 chassé par L’AFDL conduit par Laurent-Désiré Kabila avec l’appui du Rwanda, de l’Ouganda, du Burundi avec la bénédiction de certains pays occidentaux. Une année après sa prise du pouvoir, le régime de l’AFDL éclata et les alliées d’hier devinrent des ennemis. Des rebellions internes naquirent et furent parrainées par certains pays voisins (Rwanda, Burundi et Ouganda notamment) et partitionnèrent l’Etat, et le gouvernement perdit le contrôle de presque ¾ du territoire national.[2]

Après plusieurs années de guerres qui comptent parmi les plus meurtrières de l’histoire de l’humanité, les acteurs politiques congolais ont eu la sagesse de rechercher une sortie concertée à la crise en organisant un dialogue inter-congolais sous l’égide de la communauté internationale. L’Accord Global et Inclusif, conclu à Pretoria le 17 décembre 2002, a sanctionné la fin de ce dialogue et institué une période de transition qui devrait prendre fin avec l’organisation des élections libres, démocratiques et transparentes et la mise en place d’un nouvel ordre politique. C’est ainsi que fut instauré un gouvernement de transition dit 1+4 en  2003.

Le parlement bicaméral issu de l'Accord Global et Inclusif précité et mis en place par la Constitution de la Transition du 1er avril 2003 avait respectivement reçu entre autre comme mission d'élaborer un avant-projet de la nouvelle Constitution et de l'adopter sous forme de projet de Constitution soumis au référendum populaire afin de baliser la voie vers l'instauration effective de l'Etat de droit et de garantir la bonne gouvernance. Le peuple congolais, lors du référendum organisé du 18 au 19 décembre 2005, avait approuvé cette constitution et le Président de la République l'avait promulgué le 18 février 2006. Ainsi furent organisées les premières élections libres, démocratiques, transparentes du pays qui dota au pays des institutions légitimes et démocratiques qui ouvrirent la porte à la troisième République.

Avec l’adoption de cette constitution promulguée le 16 février 2006 et l’organisation des élections présidentielles, législatives en 2006 et sénatoriales en 2007, la RDC a mis fin à une très longue période d’instabilité politique et réalisé l’un des objectifs principaux de la transition, à savoir la mise en place des nouvelles institutions démocratiques et d’un nouvel ordre politique.[3] Dans toute cette période de l’histoire de la RDC, le souverain primaire était écarté dans la gestion de la res publica par la classe au pouvoir. L’accord de Pretoria de 2002 et les élections de 2006 sont des étapes très importantes dans le processus de démocratisation et de refondation de l'Etat congolais, car grâce à eux, la RDC s’est dotée des institutions démocratiques qui ont été mises en place avec la participation du peuple. 

Dans le but, d'une part, de consolider l'unité nationale mise à mal par des guerres successives et, d'autre part, de créer des centres d'impulsion et de développement à la base, le constituant a structuré administrativement l'Etat congolais en vingt-cinq provinces plus la ville de Kinshasa dotées de la personnalité juridique et exerçant des compétences de proximité énumérées directement par la Constitution. Ces provinces sont dotées de la personnalité juridique et jouissent de l’autonomie de gestion et de la libre administration  par des institutions politiques dont les membres sont élus localement.[4]

La  Constitution du 18 février 2006  a si profondément bouleversé l’échiquier politique de l’Etat congolais que les constitutionnalistes n’hésitent pas de parler d’un changement de république.[5] Cette constitution prévoit les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire formant les trois pouvoirs d'un Etat moderne. En RDC au regard de l'article 68 de la Constitution, ces pouvoirs sont exercés par le biais des quatre institutions politiques nationales suivantes : le Président de la République, le Parlement, le Gouvernement et les Cours et tribunaux. En province, la Constitution prévoit deux institutions politiques : une Assemblée Provinciale et un Gouvernement Provincial (art 195).

Selon Catherine Clessis : « une constitution a pour objet d'organiser les pouvoirs, c'est-à-dire de distribuer les compétences entre le législatif, l'exécutif et le judiciaire puis aménager les modalités de leurs relations »[6]. En effet, aux termes de la Constitution du 18 février 2006, les changements les plus importants sont ceux relatifs au régime politique et à la forme de l’Etat. Tirant les leçons négatives du passé, le constituant congolais a choisi un régime politique à mi-chemin entre les régimes présidentiel et parlementaire. De même la forme de l’Etat est à mi-chemin entre l’Etat unitaire et l’Etat fédéral qu’on qualifie de régionalisation politique. En effet, les provinces sont devenues des entités politiquement autonomes, avec leurs assemblées, leurs  gouvernements et des compétences exclusives, sans être pour autant des Etats fédérés.[7]la RDC a ainsi opté pour une décentralisation avec trois paliers de gouvernement : le Gouvernement central, les provinces et les entités territoriales décentralisées (ETD). Chaque palier jouit de la libre administration et de l'autonomie de gestion. Ceci vise le rapprochement des gouvernants et gouvernés dans un grand Etat comme la RDC et la participation du citoyen dans la gestion de l’Etat par une politique de proximité. Quant aux provinces, en dehors de ces attributions, elles disposent à travers leurs organes délibérant, d'un pouvoir législatif et d’un gouvernement provincial ainsi que des compétences propres et d’autres qu’elles partagent avec le pouvoir central.[8]

A la lumière de notre Constitution, nous remarquons qu'elle prévoit des rapports entre les institutions provinciales et que ces relations sont basées sur le contrôle du gouvernement provincial par l'Assemblée provinciale. C'est à l'organe délibérant, « seul » représentant de la volonté populaire que le constituant confie le crible de l'administration de la collectivité provinciale, qui apparaît prédominant et se comporte en véritable détenteur de pouvoir et dès lors, elle dispose de prérogatives distinctes par rapport à l'Exécutif provincial. L'organe délibérant disposeen outre du pouvoir de décision, elle règle par ses délibérations les affaires locales, les affaires propres dont la notion consiste à distinguer des intérêts nationaux des intérêts locaux. Il dispose d'une compétence de droit commun pour résoudre toute question d'intérêt local qui n'a pas été expressément attribuée à une autre autorité et notamment à l'organe exécutif. Il s'agit ici des délibérations qui contiennent des décisions, c'est-à-dire des actes qui produisent des effets de droit (l'édit).

La collaboration entre l'exécutif et le législatif provincial s'observe dans certains domaines comme l'initiative conjointe d'édits[9] mais également dans la bonne gouvernance. Ainsi, les relations entre les deux institutions politiques provinciales, assemblée et exécutif provinciaux, sont déterminé par la constitution et les différentes lois qui la relayent. La constitution dispose en effet que la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce directement par les élections et indirectement par ses représentants.[10] Le constituant a ainsi accordé à l’assemblée provinciale, représentant du peuple au niveau provinciale, -comme à l’assemblée nationale- des pouvoirs de contrôle, de sanction et d’élection sur l’exécutif provincial ainsi que des pouvoirs d’édiction des normes appelé édits pour les distinguer des lois nationales.

A la lecture de cette situation et de la collaboration entre les deux institutions politiques provinciales plusieurs questions méritent d’être posées.

Comment le constituant et le législateur organisent-t-ils les institutions provinciales ainsi que la répartition des compétences entre l’Assemblée provinciale et l’Exécutif provincial ?

Quels sont les mécanismes juridiques qui limitent et rationnalisent les pouvoirs de l’Assemblée provinciale dans l’exercice de ses compétences dans la troisième République en vue d’assurer la stabilité des institutions politiques provinciales? Ces mécanismes sont-ils efficaces ?

Voila les questions auxquelles nous tenterons d’apporter la lumière tout au long de notre réflexion.

0.2.  HYPOTHESES DE TRAVAIL

Le principe de la séparation des pouvoirs est un élément essentiel dans l'aménagement du pouvoir en RDC. Cet aménagement fait l'objet de deux divisions à savoir : la division verticale du pouvoir qui établit la répartition du pouvoir normatif entre l'Etat et les collectivités qui le composent et  la division horizontale du pouvoir qui touche aux problèmes de régime politique mieux à la forme du gouvernement. Cette dernière dépend du nombre des titulaires du pouvoir, de la façon dont sont agencées les fonctions exécutives et législatives, ou encore des relations qui sont établies entre le Parlement et le Gouvernement.[11]

Ainsi pour répondre aux questions de notre problématique, nous pensons que  le constituant aurait organisé la répartition des compétences entre l’Assemblée provinciale et l’Exécutif provincial de manière à éviter tout conflit de compétence. Cet Exécutif ne disposerait d’aucun moyen d’action sur l’Assemblée provinciale, ce qui nous conduit à dire qu’il n’y a pas équilibre et interdépendance entre ces deux institutions comme il l’est au niveau national entre l’Assemblée et l’Exécutif national. L’Assemblée provinciale a ainsi d’une prépondérance sur l’Exécutif provincial.

Certes, face à l’octroi des toutes ces compétences à l’Assemblée provinciale qui fait d’elle l’épine dorsale de la politique provinciale, il est naturel que toute personne ou organe qui détient le pouvoir, est toujours porté à en abuser. Ainsi le législateur national aurait prévu des mécanismes de limitation ou de rationalisation des pouvoirs de l’Assemblée provinciales pour éviter la dérive afin d’assurer la bonne marche de la province et la stabilité organique de l’Exécutif provincial.

Par ailleurs, les pouvoirs de l’Assemblée provinciale, autorité budgétaire provinciale, devraient être limités dans le vote du budget et subordonnerait ce vote à certaines conditions pour éviter des longues délibérations qui risqueraient de laisser la province sans aucun moyen financier.

0.3. INTERET DE LA RECHERCHE ET DELIMITATION DU SUJET.

Ce travail se veut d'une modeste réflexion sur la thématique qui est d'ailleurs d'actualité dans notre pays où les institutions provinciales ont traversé  une période d'instabilité devenue une véritable contagion dans toute la République durant cette première législature. Nous avons vu dans beaucoup de provinces les Assemblées provinciales sanctionner les exécutifs provinciaux par des motions de censure, et nous y avons participé même au Sud-Kivu en qualité de député provincial, ce qui a parfois susciter des conflits entre les deux organes allant jusqu’à la saisine même de la Cour suprême de Justice qui a parfois réhabilité certains gouverneurs. Cette étude va nous permettre de comprendre sur quoi s'articule la collaboration entre l'Assemblée et le Gouvernement provinciaux en RDC dans l’organisation de la province afin de comprendre comment la constituant ainsi que la législateur le relayant  a limité les pouvoirs de l’Assemblée provinciale pour éviter tout abus et toute dérive pour assurer la stabilité des institutions provinciales.

En effet, pour nous permettre de bien mener à bout nos recherches, nous avons délimité nos recherches spatio-temporairement. Dans  l’espace, ce travail porte sur les institutions politiques provinciales, Assemblée et Exécutif provinciaux, telles qu’organisées par la constitution du 18 février 2006. Nous ne prenons pas une province comme champ d’investigation mais toutes les provinces de la RDC étant donné qu’elles sont toutes régies par la même constitution du 18 février 2006  telle que révisée le 20 janvier 2011 et les mêmes textes relatifs à leur administration.

Dans le temps, notre étude va de 2006, année d’entrée en vigueur de la constitution de la IIIème République, jusqu’en 2012, année de la rédaction du présent travail.

0.4. METHODOLOGIE.

Mû par la volonté de mener à bon port cette étude et de rencontrer les préoccupations que nous nous proposons de traiter dans ce travail, nous ferons recours à la seule méthode juridique ou exégétique. Celle-ci nous permettra d'analyser les dispositions constitutionnelles et certaines dispositions légales en vue d'établir le sens du texte à travers son esprit et sa lettre dans le dessein  d’appréhender les mécanismes de rationalisation du pouvoir des Assemblées  provinciales en RDC dans l’exercice de leurs attributions. Cette méthode juridique sera mise en œuvre par le procédé de la technique documentaire qui nous permettra de collecter et d’analyser les données relative à la présente étude.

0.5. PLAN SOMMAIRE.

Cette présente étude, hors mis la partie introductive et celle conclusive, sera articulée autour de deux chapitres. Avant d’aborder le second chapitre portant sur les mécanismes de rationalisation du parlementarisme au  niveau de la province en RDC, nous allons, dans le premier chapitre pour baliser notre étude, aborder le statut de la province au regard de la Constitution du 18 février 2006. 

[1]Constitution de la RDC in Journal officiel  de la RDC, N° spécial, 47ème année, mars 2006, p.3.

[2] Félicien Malanda Nsumbu (S.dir.), La Nouvelle Constitution de la Transition de la RDC : aspects juridiques, politiques, économiques et socioculturelles, Kinshasa, Publication de la Fondation Konrad Adenauer, 2OO3, p.8.

[3]BabacarCissé (S.dir.), Mandats, rôles et fonction des pouvoirs constitués dans le nouveau système politique de la République Démocratique du Congo, Kinshasa, PNUD, 2007, p.10.

[4]Constitution de la RDC du 18 février 2006 in Journal Officiel de la République Démocratique du Congo, Numéro spécial, 47ème année, Art.3 et loi n° 08/012 portant principes relatifs à la libre administration des provinces, art. 2.

[5]BabacarCissé (S.dir.), Op.cit., p.10.

[6]C., CLESSIS et alii, Droit constitutionnel, Paris, Montchrestien, 1997, p.35.

[7]BabacarCissé (S.dir.), Op.cit., p.7.

[8]Sergne-Bamba Gaye, «  Bâtir une vision partagée pour la mise en œuvre de la décentralisation » in MONUC Magazine,  Vol. VI., n° 40, Kinshasa, Janvier-Février 2008, p.13.

[9]Loi n° 08/012 du 31 juillet 2008portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces in Journal officiel de la République Démocratique du Congo, art. 33.

[10]Constitution de la RDC du 18 février 2006 in Journal Officiel de la République Démocratique du Congo, Numéro spécial, 47ème année, Art. 5.

[11]L., FAVOREU et alii, Droit constitutionnel, Paris, Dalloz, 2000, p.419.

Partager ce travail sur :