Arrow Table de matières
9853871

Chapitre II. MECANISMES JURIDIQUES DE RATIONALISATION DU PARLEMENTARISME AU NIVEAU DE LA PROVINCE EN RDC.

 

Nous avons, dans le premier chapitre de la présente étude, ébauché le statut de la province au regard de la constitution du 18 février 2006 en RDC dite constitution de la troisième république. Nous avons démontré que le constituant a fait -sans déterminer expressis verbis la forme que revêt l’Etat congolais- de la province une entité politique autonome à la lecture de la lettre et à l’aune de l’esprit de la constitution. La province se trouve ainsi au milieu de la division du pouvoir entre trois échelons, c’est-à-dire qu’elle se situe entre le pouvoir central et les entités territoriales décentralisées. En faisant un rapprochement de l'article 3 des autres articles de la Constitution, notamment les articles 2, 4 et surtout les articles 195 à 206 qui se rapportent aux institutions politiques provinciales, nous nous sommes rendus compte que la province est une entité territoriale politique régionalisée, relevant de l'Etat unitaire. Nous avons démontré que le constituant a doté la province d’une autonomie à la fois fonctionnelle et organique. Cette dernière est mis en œuvre par la gestion de la province par des organes élus localement ; il s’agit de l’Assemblée provinciale et de l’Exécutif provincial. Le législateur a, dans la loi relative à la libre administration des provinces promulguée en 2008, doté à chaque organe des compétences propres ainsi que les mécanismes de collaboration entre les deux organes. A la lecture des prérogatives dévolues à l’Assemblée provinciale, représentante des populations de la province, nous nous sommes rendu compte que cet organe est prépondérant par rapport à l’Exécutif provincial. Si on fait le rapprochement entre les relations entre ces deux organes et celles qui existent entre le gouvernent et le parlement dans un Etat, nous estimons que la Province serait géré sur le modèle du régime parlementaire. Néanmoins, les prescrits normatifs relatifs à cette organisation entre les deux organes politiques provinciaux, bien qu’ils font de l’Assemblée provinciale l’organe prépondérant avec des prérogatives exorbitantes par rapport à l’Exécutif provincial, ont mis en place des mécanismes de limitation ou de rationalisation des pouvoirs de l’Assemblée provinciale. L’étude de ces mécanismes fera l’objet du présent chapitre.

Ainsi, allons-nous d’abord esquissé la justification des limitations des pouvoirs d’un organe délibérante tout en prenant pour modèle la rationalisation du parlementarisme dans un Etat (section I). Ensuite, nous aborderons les mécanismes proprement dits de rationalisation des pouvoirs de l’Assemblée provinciale en RDC. C’est ainsi que nous aborderons les limitations des prérogatives législatives de l’Assemblée provinciale (section II). Cette limitation et réduction des prérogatives de l’Assemblée provinciale ont pour finalité le renforcement de l’Exécutif provincial par l’accroissement de ses  pouvoirs et de ses fonctions en vue d’assurer la stabilisation organique de l’Exécutif provincial (section III).

SECTION I. JUSTIFICATION DE LA RATIONALISATION DES PREROGATIVES DE L’ASSEMBLEE PROVINCIALE.

Le constituant ainsi que le législateur le relayant ont fait de la province une entité politique régionalisée comme nous l’avons vu. Ils l’ont doté des institutions politiques de gestion, il s’agit de l’Assemblée provinciale et de l’Exécutif provincial.  Le constituant et le législateur, fidèle à l’article 5 de la constitution selon laquelle tout pouvoir émane du peuple et que celui-ci peut l’exercer soit directement ou indirectement à travers ses représentants, ont donné à l’Assemblée provinciale -d’émanation populaire- des prérogatives très élevés par rapport à l’Exécutif provincial. Cependant, nous aurons à démontrer dans les lignes qui suivent comment le constituant et le législateur ont limités, rationalisés l’exercice de ces compétences. Il se pose maintenant la question de savoir les raisons justificatifs de cette limitation et de cet encadrement. Nous inspirant de l’analyse  des Professeurs Jean-Michel Kumbu, Bob Kabamba et du Chef des travaux Jean-Louis Essambo Kangashe[1], nous nous rendons compte que les grands axes de la constitution tendent vers la recherche d’une certaine stabilité politique et d’un équilibre aussi bien organique que fonctionnel des institutions. Le nouvel ordre politique appelle avant tout la mise en place d’un régime démocratique fondé sur un ordonnancement constitutionnel assurant la séparation effective des pouvoirs en même temps que leur collaboration afin d’éviter que d’une part toute concentration du pouvoir entre les mains d’un seul organe et d’autre part, d’aménager une judicieuse collaboration entre ces pouvoirs sans laquelle le fonctionnement du régime risque de connaître des blocages préjudiciables. Dans leurs analyses, ces chercheurs ont beaucoup eu à l’esprit le fonctionnement du pouvoir central. Néanmoins, nous pensons que le même raisonnement peut être transposé aux institutions provinciales. C’est ainsi que les mécanismes porteurs de conflits potentiels sont rationnalisés, continuent-ils, dans un sens qui puisse permettre aux institutions non seulement de collaborer mais aussi de s’équilibrer et de se contrôler réciproquement. 

Le Professeur Télésphore Muhindo Malonga de sa part écrit : « L’importance des pouvoirs accordés aux Parlements conduit parfois à ce qu’on a qualifié de ‘’parlementarisme absolu’’, qui est tout aussi dangereux que la monarchie absolue. Il est en quelque sorte la ‘’la dictature du parlement’’. Un tel système conduit souvent à une instabilité gouvernementale, surtout de notre temps, où les Assemblées sont elles-mêmes traversées par la ‘’particratie’’(…). Le mouvement  de rationalisation du parlementarisme tire aussi ses origines de l’histoire des anciens régimes parlementaires marquée par une trop forte prépondérance des Assemblées parlementaires. La réflexion sur les institutions montre qu’une bonne conduite de la politique nationale suppose que le Gouvernement ne soit pas un  disposer de la durée nécessaire et suffisante pour la mise en œuvre. Pour atteindre cet objectif, on a imaginé des mécanismes d’une gestion rationnelle et non émotionnelle ou impulsive du  Parlement et aussi des procédures et techniques de renforcement de la fonction gouvernementale et de stabilisation de l’organe gouvernemental. Ce sont ces mécanismes et techniques qui caractérisent ce que la doctrine a qualifié de ‘’rationalisation du parlementarisme’’ ».[2]

            Les recherches menées par les doctrinaires congolais et étrangers dans le sens de la rationalisation du parlementarisme ont surtout été consacré au pouvoir central c’est-à-dire aux mécanismes d’encadrement et de limitation des pouvoirs des parlements nationaux. Notre étude  s’inspire de ce même raisonnement mais à un autre échelon de l’organisation du pouvoir. Il s’agit de la province. Une fois le fondement de la rationalisation des prérogatives du parlement esquissé, nous allons dans les lignes infra abordé   ces mécanismes juridiques qui concrétisent cette rationalisation.

SECTION II. LIMITATION DES PREROGATIVES LEGISLATIVES DE L’ASSEMBLEE PROVINCIALE.

La constitution du 18 février 2006, rappelons-le, fait de l’Assemblée provinciale l’organe délibérant de la province. Cet organe ne délibère que dans le domaine des compétences réservées à la province et contrôle le Gouvernement provincial ainsi que les services publics provinciaux et locaux. Elle légifère par voie d’édit.[3]

Cette disposition, bien qu’elle fait de l’Assemblée provinciale l’organe délibérant de la province et le lieu d’expression de la volonté générale de la province, on serait tenté de penser que cet organe peut intervenir dans toutes les matières dévolues à  la province et en tout temps sans limitation ni condition. Ce raisonnement n’est pas valide étant donné que cette compétente législative dévolue aux assemblées provinciales n’est pas absolue. Elle est limitée par la répartition des compétences entre les provinces et le pouvoir central (§1). Ainsi l’Assemblée provinciale ne peut prendre des édits que dans le domaine des compétences réservées uniquement à la province par le constituant du 18 février 2006 ou exceptionnellement dans le domaine exclusif du pouvoir central sur habilitation du parlement.[4] Autrement dit, tout édit contraire à la règlementation nationale (loi ou règlement) pris par une Assemblée provinciale sera annulé de plein droit pour illégalité conformément aux prescrits des alinéas 4 et 5 de l’article 205 de la constitution. Cette répartition des compétences entre le pouvoir central et les provinces apparaît à la lecture des articles 201, 202, 203, 204 et 205 de la constitution. L’architecture juridique congolaise de la troisième République a également réduit les prérogatives de l’Assemblée provinciale en réduisant le  domaine législatif de celle-ci (§2) mais également dans l’encadrement strict des pouvoirs de celle-ci en matière financière (§3).

§1.  La répartition des compétences entre le pouvoir central et les provinces.

L’article 201 de ladite constitution dispose que les matières sont, soit de la compétence exclusive du pouvoir central, soit de la compétence concurrente du pouvoir central et des provinces, soit de la compétence exclusive du pouvoir central. Nous nous rendons compte que les compétences sont répartis entre la province, l’Etat et les autres sont concurrentes c’est-à-dire partagés entre la province et le pouvoir central.

Nous avons, à la lecture de l’article 197 de la Constitution, dit que l’Assemblée provinciale ne délibère que dans le domaine des compétences réservées à la province. Il s’agit des matières limitativement énumérées à l’article 204 de la constitution.  Cet article stipule : « Sans préjudice des autres dispositions de la présente Constitution, les matières suivantes sont de la compétence exclusive des provinces :

  1. le plan d'aménagement de la province ; 2. la coopération inter-provinciale ; 3. la fonction publique provinciale et locale ; 4. l'application des normes régissant l'état civil ; 5. les finances publiques provinciales ; 6. la dette publique provinciale ; 7. les emprunts intérieurs pour les besoins des provinces ; 8. la délivrance et la conservation des titres immobiliers dans le respect de la législation nationale ; 9. l'organisation du petit commerce frontalier ; 10.l'organisation et le fonctionnement des services publics, établissements et entreprises publics provinciaux dans le respect de la législation nationale ; 11. les travaux et marchés publics d'intérêt provincial et local ; 12. l'acquisition des biens pour les besoins de la province ; 13. l'enseignement maternel, primaire, secondaire, professionnel et spécial ainsi que l'alphabétisation des citoyens, conformément aux normes établies par le pouvoir central ; 14.l'établissement des peines d'amende ou de prison pour assurer le respect des édits en conformité avec la législation nationale ; 15. les communications intérieures des provinces ; 16. les impôts, les taxes et les droits provinciaux et locaux, notamment l'impôt foncier, l'impôt sur les revenus locatifs et l'impôt sur les véhicules automoteurs ; 17. La fixation des salaires minima provinciaux, conformément à la législation nationale ; 18. l'affectation du personnel médical, conformément au statut des agents de carrière des services publics de l'Etat, l'élaboration des programmes d'assainissement et de campagne de lutte contre les maladies endémo-épidémiques conformément au plan national: l'organisation des services d'hygiène et de prophylaxie provinciale, l'application et le contrôle de la législation médicale et pharmaceutique nationale ainsi que l'organisation des services de la médecine curative, des services philanthropiques et missionnaires, des laboratoires médicaux et des services pharmaceutiques, l'organisation et la promotion des soins de santé primaires ; 19. l'élaboration des programmes miniers, minéralogiques, industriels, énergétiques d'intérêt provincial et leur exécution conformément aux normes générales du planning national ; 20. l'élaboration des programmes agricoles et forestiers et leur exécution conformément aux normes du planning national, l'affectation du personnel agricole, des cadres conformément aux dispositions du statut des agents de carrière des services publics de l'Etat, l'application de la législation nationale concernant l'agriculture, la forêt, la chasse et la pêche ainsi que l'environnement, la conservation de la nature et la capture des animaux sauvages, l'organisation et le contrôle des campagnes agricoles, la fixation des prix des produits agricoles ; 21. l'affectation en province du personnel vétérinaire, conformément au statut des agents de carrière des services publics de l'Etat ; l'élaboration des programmes de campagne de santé animale et l'application des mesures de police sanitaire vétérinaire, notamment en ce qui concerne les postes frontaliers et de quarantaine ; 22. l'organisation des campagnes de vaccination contre les maladies enzootiques, l'organisation des laboratoires, cliniques et dispensaires de la provenderie ainsi que l'application de la législation nationale en matière vétérinaire, l'organisation de la promotion de santé de base ; 23. le tourisme, le patrimoine historique, les monuments publics et les parcs d'intérêt provincial et local ; 24. l'habitat urbain et rural, la voirie et les équipements collectifs provinciaux et locaux ; 25. l'inspection des activités culturelles et sportives provinciales ; 26. l'exploitation des sources d'énergie non nucléaire et la production de l'eau pour les besoins de la province ; 27. l'exécution des mesures du droit de résidence et d'établissement des étrangers, conformément à la loi ; 28. l'exécution du droit coutumier ; 29. la planification provinciale ».

A la lecture de cette disposition, nous nous rendons compte que le constituant a pris le soin d’énumérer les matières de la compétence de la province. Néanmoins, l’Assemblée provinciale, même dans l’élaboration des édits dans ces matières doit, dans certaines matières, se conformer à la législation nationale. Ainsi, la limitation du champ d’intervention de l’Assemblée provinciale est limitée par  la détermination des matières réservées à la province.

En effet, l’article 201 de la constitution dispose que les matières sont soit de la compétence exclusive du pouvoir central, soit de la compétence concurrente du pouvoir central et des provinces, soit de la compétence exclusive des provinces. C’est sur base de cette disposition que les articles 201 à 205 de la constitution. Apres avoir abordé les matières de la compétence exclusive des provinces, nous allons jeter un regard sur les matières de la compétence concurrente entre les provinces et le pouvoir central. L’article 203 donne une énumération exhaustive  de ces matières. Cet article dispose : « Sans préjudice des autres dispositions de la présente Constitution, les matières suivantes sont de la compétence concurrente du pouvoir central et des provinces : 1. la mise en œuvre des mécanismes de promotion et de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales consacrés dans la présente Constitution ; 2. les droits civils et coutumiers ; 3. les statistiques et les recensements ; 4. la sûreté intérieure ; 5. l'administration des cours et tribunaux, des maisons d'arrêt et de correction et des prisons ; 6. la vie culturelle et sportive ; 7. l'établissement des impôts, y compris les droits d'accise et de consommation, à l'exclusion des impôts visés à l'article 174 ; 8. l'exécution des mesures sur la police des étrangers ; 9. la recherche scientifique et technologique ainsi que les bourses d'études, de perfectionnement et d'encouragement à la recherche ; 10. les institutions médicales et philanthropiques, l'engagement du personnel médical et agricole de commandement ; 11. la mise en œuvre des programmes de la météorologie, de la géologie, de la cartographie et de l'hydrologie ; 12. les calamités naturelles ; 13. la presse, la radio, la télévision, l'industrie cinématographique ; 14. la protection civile ; 15. le tourisme ; 16. les droits fonciers et miniers, l'aménagement du territoire, le régime des eaux et forêts ; 17. la prévention des épidémies et épizooties dangereuses pour la collectivité; 18. la protection de l'environnement, des sites naturels, des paysages et la conservation des sites ; 19. La réglementation sur les régimes énergétiques, agricoles et forestiers, l'élevage, les denrées alimentaires d'origine animale et végétale ; 20. la création des établissements primaires, secondaires, supérieurs et universitaires ; 21. Le trafic routier, la circulation automobile, la construction et l'entretien des routes d'intérêt national, la perception et la répartition des péages pour l'utilisation des routes construites par le pouvoir central et/ou par la province ; 22. Les institutions médicales et philanthropiques ; 23. l'initiative des projets, programmes et accords de coopération économique, culturelle, scientifique et sociale internationale ; 24. la production, le transport, l'utilisation et l'exploitation de l'énergie ; 25. la protection des groupes des personnes vulnérables ».

  A lire cette disposition, il apparait clairement que le constituant a fait de ces matières un champ d’intervention du pouvoir central et des provinces. Dans le dessein d’éviter d’éventuels tiraillements entre les provinces et le pouvoir central, le constituant a prévu des mécanismes d’intervention dans ces domaines. C’est pour cet effet que le constituant dispose que dans les matières relevant de la compétence concurrente du pouvoir central et des provinces, tout édit provincial incompatible avec les lois et règlements d’exécution nationaux est nul et abrogé de plein droit dans la mesure où il y a incompatibilité. En vertu de cette disposition, tout édit qu’il soit antérieur ou postérieur à une loi ou un règlement national doit toujours être conforme à la législation nationale étant donné que celle-ci prime sur l’édit provincial.[5]

§2. Réduction du domaine législatif de l’Assemblée provinciale.

A la lecture des lignes supra, on serait tenté de penser que l’Assemblée provinciale délibère sur toute les matières dévoues constitutionnellement à la province. Loin de là. Pour les motifs que nous avons ébauchés dans la section 1ère de ce chapitre relativement au fondement de la rationalisation des prérogatives de l’Assemblée provinciale, le législateur congolais a partagé ces matières entre les deux organes politiques de la province : l’Assemblée provinciale et l’Exécutif provincial. Pour ainsi dire qu’une chose est de déterminer les matières de la compétence de la province, une autre est de partager ces matières entre l’Assemblée nationale et l’Exécutif provincial. La première a été faite par le constituant à l’article 204 sus-analysé et la deuxième fut l’œuvre du législateur. C’est la loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces qui fit la répartition des matières exclusives de la province entre les organes politiques provinciaux. A la suite de la démarche du constituant du 18 février 2006 de déterminer la réserve législative c’est-à-dire le domaine réservé à la loi aux articles 122 et 123 et de stipuler que les matières autres que celles-ci ont un caractère règlementaire c’est-à-dire que seul le pouvoir exécutif national peut y intervenir par des mesures règlementaires,[6] ainsi le législateur dans la loi n°08/012 sus mentionnée a déterminer la réserve législative de l’Assemblée provinciale aux articles 35 et 36. On pourrait ainsi dire que l’Assemblée provinciale a  une compétence d’attribution tandis que l’Exécutif provincial détient la compétence de principe.

La loi n°08/012 portant principes fondamentaux relatives à la libre administration des provinces stipule : « Sans préjudice des autres dispositions de la présente loi, l'édit fixe les règles concernant:

  1. le plan d'aménagement de la province;
  2. la fonction publique provinciale et locale;
  3. la dette publique provinciale;
  4. les finances publiques provinciales;
  5. les emprunts intérieurs pour les besoins de la province;
  6. les travaux et marchés publics d'intérêt provincial et local;
  7. l'enseignement maternel, primaire, secondaire, professionnel et national ainsi que l'alphabétisation des citoyens conformément aux normes établies par le pouvoir central;
  8. l'établissement des peines d'amende ou de prison pour assurer le respect des édits en conformité avec la législation nationale;
  9. les taxes et les droits provinciaux et locaux, notamment l'impôt foncier, l'impôt sur 'les revenus locatifs et l'impôt sur les véhicules automoteurs;
  10. la production de l'eau pour les besoins de la province;
  11. la planification provinciale ».[7]

L’article 36 de cette même loi ajoute à ces matières d’autres sur lesquels l’Assemblée provinciale peut légiférer. Cet article dispose : « Sous réserve des dispositions de l'article 203 de la Constitution et 33 de la présente loi, l'Assemblée provinciale peut également légiférer sur les matières ci-après:

  1. la mise en œuvre des mécanismes de promotion et de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales consacrés dans la Constitution;
  2. les droits civils et coutumiers;
  3. l'établissement des impôts, y compris les droits d'accise et de consommation, à l'exclusion des impôts visés à l'article 174 de la Constitution;
  4. la recherche scientifique et technologique ainsi que les bourses d'études, de perfectionnement et d'encouragement à la recherche;
  5. la presse, la radio, la télévision, l'industrie cinématographique;
  6. la protection civile;
  7. les droits fonciers et miniers, l'aménagement du territoire, le régime des eaux et forêts;
  8. la réglementation sur les régimes énergétiques, agricoles et forestiers, l'élevage, les denrées alimentaires d'origine animale et végétale;
  9. la création des établissements primaires, secondaires, supérieurs et universitaires;
  10. les institutions médicales et philanthropiques;
  11. la production, le transport, l'utilisation et l'exploitation de l'énergie;
  12. la protection des groupes des personnes vulnérables;
  13. la protection de l'environnement, des sites naturels, des paysages et la conservation des sites;
  14. le trafic routier, la circulation automobile, la construction et l'entretien des routes d'intérêt national, la perception et la répartition des péages pour l'utilisation des routes construites par le pouvoir central et/ou par la province ».

Il ressort de la lecture de ces deux dispositions de la loi portant principes fondamentaux relatives à la libre administration des provinces  que le législateur n’a confié que certaines matières  parmi celles énumérées aux articles 203 et 204 de la constitution à l’Assemblée provinciale. Les autres matières énumérées aux articles 203 et 204 de la constitution mais non reprises par les articles 35 et 36 de la loi sur la libre administration des provinces ont un caractère règlementaire et revient donc de la compétence de l’Exécutif provincial.[8]

Nous nous rendons que la loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatives à la libre administration des provinces notamment en ses articles 35 et 36 fait un tri entre les matières réservées par le constituant à la province. Ces deux dispositions constituent la réserve législative de l’Assemblée provinciale qui ne peut prendre des édits que dans les matières énumérées à ces articles. Cette façon de procéder constitue un encadrement et une rationalisation des pouvoirs de la province étant donné que celle-ci ne peut prendre des édits que dans quelques matières parmi celles dévolues par la constitution à la province. Toute intervention dans les matières autres que celles énumérées aux articles 35 et 36 de la loi n°08/012 constitue une violation de la loi et tout édit allant dans ce sens devra normalement faire objet d’une annulation pour incompétence matérielle.

            Néanmoins, la séparation de la compétence ratione materiae entre le pouvoir central et les provinces n’est pas stricte. Cette situation apparaît à la lecture de l’article 205 qui, tout en stipulant qu’une assemblée provinciale ne peut légiférer sur les matières de la compétence exclusive du pouvoir central et réciproquement, régit les conditions et les mécanismes d’intervention du pouvoir central dans les matières de la compétence exclusive des provinces et vice-versa. En vertu de cette disposition, une assemblée provinciale peut prendre des édits sur des matières de la compétence exclusive du pouvoir central sur habilitation de l’Assemblée nationale et du Sénat. Même à la fin de cette délégation de pouvoir donné par le Parlement, les édits provinciaux promulguées dans ces matières demeurent en vigueur dans la province intéressée jusqu’à l’événement d’une loi nationale régissant les mêmes matières.[9] Cette délégation des pouvoirs est réciproque. Ainsi, une assemblée provinciale peut-il par un édit habiliter le Parlement à légiférer sur des matières de la compétence exclusive des provinces. Egalement, même lorsque l’Assemblée provinciale met fin à cette délégation, les lois nationales prises dans ces matières restent en vigueur jusqu’à l’entrée en vigueur d’un édit provincial réglant ces matières.[10] 

            Nous nous rendons compte, à l’aune des dispositions ci-haut analysées, que le constituant de la 3ème République tout en faisant de l’Assemblée provinciale l’organe délibérant de la province a déterminé et circonscrit le domaine d’intervention de cet organe. Néanmoins, cette limitation n’est pas absolue et connaît ainsi certains tempéraments comme nous l’avons ci-haut expliqué.

§3.  Limitation des prérogatives de l’Assemblée provinciale en matière financière.

Les provinces et les entités territoriales décentralisées de la RDC sont dotées d’une personnalité juridique et sont gérées par les organes locaux (…) Elles jouissent de la libre administration et de l’autonomie de gestion de leurs ressources économiques, humaines, financières et technique, stipule l’article 3  de la constitution. L’article 171 de la même constitution et l’article 43 de la loi relative aux principes fondamentaux relative à la libre administration des provinces précisent que les finances du pouvoir central et celles des provinces sont distinctes. Le budget des recettes et des dépenses de l’Etat, à savoir celui du pouvoir central et des provinces, est arrêté chaque année par une loi. La part des recettes à caractère national allouées aux provinces est établie à 40%. Elle est retenue à la source.[11]

Ces dispositions constitutionnelles visent à garantir l’autonomie fonctionnelle et financière des provinces. A la lecture de l’article 204, point 5 de la constitution, nous rendons compte que le constituant fait des finances publiques provinciales l’une des matières de la compétence exclusive des provinces. C’est pour en fait concrétiser l’autonomie fonctionnelle de la province qui suppose que les personnes publiques régionalisées disposent des moyens juridiques et des moyens matériels et financiers propre. Paraphrasant G. Vedel, nous estimons que le régionalisme politique institué par l’esprit de la constitution du 18 février 2006 –bien que non expressis verbis- cesserait d’être effective si la province se trouvait dans la situation d’un individu théoriquement majeur et capable  mais qui n’aurait pour vivre que les subsides de ses parents.[12]

L’article 35 point 4 de la loi n°08/012 du 31 juillet 2008 susdite fait des finances publiques provinciales l’une des matières de la compétence de l’Assemblée provinciale c’est-à-dire l’une des matières de la réserve législative. Etant donné que chaque province arête son budget chaque année (article 44 de la loi n°08/012 du 31 juillet 2008), lequel budget  intègre les budgets des ETD conformément aux dispositions de la loi financière (article 45 de la loi n°08/012 du 31 juillet 2008). Ceci dit, la loi n°08/012 du 31 juillet 2008 susdite précise que l’édit sanctionnant le vote du budget provincial intègre les budgets des entités territoriales décentralisées.[13] Les dispositions des articles 43 à 59 de la loi sur la libre administration des provinces sont consacrées aux ressources de la province. L’aspect matériel du budget de la province ne nous intéresse pas dans cette section, nous nous intéresserons plutôt à son aspect procédurale pour voir comment le constituant et le législateur ont limité les pouvoirs de l’Assemblée provinciale en matière financière.

La loi n°08/012 sous analyse n’a pas déterminé la procédure législative en générale et celle financière en particulier. Les articles 124 à 137 de la constitution du18 février 2006 s’appliquent mutatis mutandis aux provinces. A la lecture de l’article 126 de la constitution, il apparait que les lois des finances déterminent les ressources et les charges de l’Etat. Ainsi, l’Assemblée provinciale, autorité budgétaire, vote le projet du budget de la province chaque année. La deuxième session de l’Assemblée provinciale qui s’ouvre le 15 juillet et se clôture le 15 octobre est principalement consacré à l’examen du budget et celui-ci est transmis au Gouvernement central par le Gouverneur de province au plus tard le 31 août.[14] Ainsi, bien  que l’Assemblée provinciale soit l’autorité budgétaire de la province, l’initiative de la loi des finances de la province appartient exclusivement à l’Exécutif provincial, d’où le nom de projet de loi de finances (article 126 alinéa 2 de la constitution). Ainsi, une proposition de la loi des finances est inconcevable et ne peut être qu’irrecevable. 

En sus, les pouvoirs financiers de l’Assemblée provinciale sont rationalisés également dans la restriction du pouvoir d’amendement à la loi des finances. L’article 127 de la constitution stipule que les amendements au projet de loi de finances ne sont pas recevables lorsque leur adoption a pour conséquence, soit une diminution des recettes, soit un accroissement des dépenses, à moins qu’ils ne soient assortis de propositions compensatoires. Alors que l’Assemblée provinciale, à l’instar du Parlement, a le droit de modification des projets et propositions des lois sans aucune limitation, l’article 127 sus-indiqué contient une limitation de la compétence législative de l’Assemblée provinciale. Cette limitation est renforcée et étendue par l’article 134 de la constitution. « Les propositions de loi et les amendements formulés par les membres de l'Assemblée nationale ou du Sénat ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique, à moins qu'ils ne soient assortis de propositions dégageant les recettes ou les économies correspondantes ». Le professeur Télésphore Muhindo Malonga estime que le motif de cette restriction serait d’éviter les promesses démagogiques de  la part des parlementaires. Ainsi, ces derniers sont privés de la possibilité de se décharger sur le Gouvernement en lui imposant des programmes non financés.[15] Dans le même ordre d’idée, A. Paysant estime que l’adoption du budget est plus un moyen pour le Parlement de contraindre le Gouvernement à mériter sa confiance, mais de plus en plus un moyen pour le Gouvernement de contraindre le Parlement à lui accorder sa confiance.[16]

SECTION III. RENFORCEMENT DES PREROGATIVES DE L’EXECUTIF PROVINCIAL.

Il ne fait l’ombre d’aucun doute que l’affaiblissement des pouvoirs de l’Assemblée provinciale sus-évoqué est, en réalité, orienté vers un renforcement de l’Exécutif provincial. Ce renforcement des prérogatives de l’Exécutif provincial passe à travers la stabilisation organique (§1) et le renforcement fonctionnel (§2) de l’Exécutif provincial.

§1. Stabilisation organique de l’Exécutif provincial.

            L’Assemblée provinciale est l’organe délibérant de la province. Elle délibère dans le domaine des compétences réservées à la province et contrôle le Gouvernement provincial ainsi que les services publics provinciaux et locaux.[17] Le législateur relayant le constituant dote l’Assemblée provinciale des moyens pour assurer l’effectivité de ce contrôle. Ces moyens sont énumérés à l’article 39 de la loi n°08/012 du 31 juillet 2008 sus mentionnée. « sans préjudice des dispositions de la Constitution et de la présente loi, stipule cette disposition, les moyens d’information et de contrôle de l’Assemblée provinciale sur le Gouvernement provincial, les entreprises publiques provinciales, les établissements et services publics provinciaux sont : 1. la question orale ou écrite avec ou sans débat non suivi de vote ; 2. La question d’actualité ; 3. L’interpellation ;4. La commission d’enquête ; 5. l’audition par les commissions. Ces moyens de contrôle s’exercent dans les conditions déterminées par le Règlement intérieur de l’Assemblée provinciale.  L’article 41 de la loi sus mentionnée précise que l’Assemblée provinciale a le droit d’adopter une motion de censure et ainsi le Gouvernement provincial attaqué est réputé démissionnaire et remet sa démission au Président de la République dans les quarante-huit heures. Cette disposition a également prévu l’adoption de la motion de défiance contre un membre du Gouvernement provincial avec comme conséquence la démission du ministre contre qui la motion a été adoptée. En plus, la motion de défiance adoptée contre le Gouverneur de province conduit à la démission de toute son équipe.

            Cependant, l’adoption des motions de censure et de défiance n’est pas laissé à la libre volonté de l’Assemblée provinciale. Ainsi divers mécanismes ont été mis en place par le constituant et le législateur pour encadrer l’adoption de ces motions. T., Muhindo Malonga écrit à ce sujet : « Afin d’éviter les conséquences qu’entrainerait pour la stabilité du Gouvernement la mis en jeu trop facile et trop fréquente de la responsabilité politique, le constitution congolaise, à l’instar d’autres, a fixé les conditions au dépôt, à la discussion, au vote et à l’adoption d’une motion de censure ou de d’une motion de défiance ».[18]

            Ph. Ardent à son tour écrit à ce sujet : « L’idée qui domine la plus part des nouvelles techniques de rationalisation du parlementarisme est que la décision de renverser le Gouvernement est grave et que ce caractère commande  qu’elle soit prise à l’issue d’une procédure empêchant  les votes hâtifs et inconsidérés »[19].

            Pour cet effet, l’article 41 alinéa 2 et 3 de la loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces stipule : « L’Assemblée provinciale met en cause la responsabilité du Gouvernement provincial ou d’un membre du Gouvernement provincial par le vote d’une motion de censure ou de défiance. La motion de censure contre le Gouvernement provincial n’est recevable que si elle est signée par un quart des membres de l’Assemblée provinciale. La motion de défiance contre un membre du Gouvernement provincial n’est recevable que si elle est signée par un dixième des membres de l’Assemblée provinciale.

            Le débat et le vote ne peuvent avoir lieu que quarante huit heures après le dépôt de la motion. Seuls sont recensés les votes favorables à la motion de censure ou de défiance qui ne peut être adoptée qu’à la majorité absolue des membres composant l’Assemblée provinciale. Si la motion de censure ou de défiance est rejetée, ses signataires ne peuvent en proposer une nouvelle au cours de la même session ».

Nous nous rendons compte que le législateur a pris le soin de déterminer les conditions de l’adoption des motions de la réception à l’adoption. La première limitation quant à ce se situe au niveau de la réception. La motion de censure, pour être recevable, doit être signée par un quart des députés provinciaux et un dixième des signatures pour  celle de défiance. Une autre limitation se situe au niveau de la condition du délai étant donné qu’il faut 48 heures entre le dépôt de la motion et son débat. Au niveau du vote, le législateur a rendu difficile l’adoption des motions. Ainsi, seuls sont recensés les voix favorables à la motion. Ainsi, les absents, les abstentionnistes, les votes blancs et les bulletins nuls sont présumé défavorable à la motion et a contrario favorable au Gouvernement. L’adoption de la motion  est également rendue difficile grâce à l’obligation de la majorité absolue non pas des votants mais des membres composants l’Assemblée provinciale. Une autre restriction se situe au niveau du droit de dépôt. Si la motion de censure ou de défiance est rejetée, ses signataires   ne peuvent en proposer une nouvelle au cours de la même session. L’adoption de la motion de censure ou celle de défiance contre le Gouverneur de province est limitée par l’article 19 de la loi sus indiquée. En effet, cette disposition relative à la dissolution de l’Assemblée provinciale stipule que celle-ci soit être dissoute de plein droit par  le Président de la République après constat des présidents des deux chambres du Parlement en cas de crise institutionnelle persistante. Le législateur a pris le soin d’énumérer exhaustivement les cas qui peuvent conduire à une crise institutionnelle persistante. Parmi ces trois cas se trouve le renversement du Gouvernement provincial à deux reprises au cours de deux sessions d’une même année. Ainsi, l’Assemblée provincial ne peut renverser le Gouvernement provincial qu’une seule fois par an, si elle adopte deux motions de censure au cours d’une même année, elle est dissoute de plein droit.

Ces dispositions sont cadrées dans  l’idée d’assurer une stabilité de l’équipe gouvernementale en vue de rendre difficile son renversement.

§2. Renforcement fonctionnel de l’Exécutif provincial

Le renforcement des prérogatives de l’Exécutif provincial à la suite de l’affaiblissement de l’Assemblée provinciale est l’un des mécanismes de rationalisation des prérogatives de l’Assemblée provinciale en vue non seulement d’éviter la concentration des pouvoirs entre les mains d’un seul organe mais également d’assurer la stabilité organique de l’Exécutif provincial.

En effet, le renforcement fonctionnel de l’Exécutif provincial se traduit par un accroissement de ses pouvoirs. L’idée qu’on peut se faire du pouvoir exécutif a considérablement variée et évoluée, écrit T. Muhindo Malonga. Dans sa conception classique, la fonction exécutive reste substantiellement subordonnée à la fonction législative. Si l’Exécutif pouvait prendre des règlements, c’était essentiellement pour l’application des lois. Avec la complexification des relations sociales, les besoins de l’interventionnisme et la technicité des problèmes auxquels les pouvoirs publics sont confrontés, le centre de décision et de pouvoir s’est déplacé du Parlement vers l’Exécutif (…). La technicité croissante des projets de loi, la lourdeur et la longueur de la procédure législative alors qu’il est parfois nécessaire d’agir rapidement, les réticences des parlementaires à adopter certaines mesures ou la tendance à se décharger sur  l’Exécutif, les divisions politiques ou les absences des majorité qui font que chaque décision est le résultat des compromis  laborieusement négociés sont autant des facteurs qui placent les parlements en face d’énormes difficultés à assurer la fonction législative. Le remède à ces difficultés, écrit T. Muhindo Malonga, consiste à élargir les compétences et les  pouvoirs de l’Exécutif ».[20]

Ce raisonnement coïncide avec divers techniques mises en place par le législateur lesquelles élargit les compétences et les pouvoirs du Gouvernement provincial. Bien que l’idée de la séparation des pouvoirs a été consacré par divers textes juridiques en RDC, le Gouvernent provincial, à l’instar de celui national, n’est plus une simple machine d’exécution des lois, au contraire, il partage certaines compétences législatives avec l’Assemblée provinciale et dans certains autres cas le législateur a accru ses prérogatives.

Le Gouvernement provincial partage l’initiative des édits avec les députés provinciaux mais également les propositions d’édits sont, avant leur délibération et adoption, notifiées pour information au Gouvernement provincial qui adresse, dans les quinze jours de leur réception ses observations au Bureau de l’Assemblée provinciale.[21] L’article 17 de la même loi relative à la convocation de l’Assemblée provinciale en session extraordinaire partage cette décision entre son Président à la demande de son Bureau, la moitié des députés provinciaux et le Gouvernement provincial.

Le fonctionnement de l’Assemblée provinciale en RDC a été calqué sur le modèle du Sénat et de l’Assemblée nationale. Ainsi certaines dispositions de la constitution relatives à ces deux chambres du Parlement sont applicables mutatis mutandis aux Assemblée provinciale. Ainsi, les membres du Gouvernement peuvent participer aux sessions de l’Assemblée provinciale et aux débats en plénière ou en commission,[22] ils ont même le droit de proposer des amendements aux textes en discussion à l’Assemblée provinciale.[23] Le Gouvernent provincial peut, après délibération en Conseil des ministres, faire inscrire en priorité à l’ordre du jour de l’Assemblée provinciale un projet d’édit, une proposition d’édit ou une déclaration de politique générale.[24] En plus, lorsqu’un projet ou une proposition d’édit est déclaré urgent par le Gouvernement provincial, il est examiné en priorité par  la commission compétente de l’Assemblée provinciale suivant la procédure prévue par le Règlement intérieur de l’Assemblée provinciale.[25]

Les prérogatives du Gouvernement provincial ont été renforcées par le législateur lors de la séparation  du  domaine d’intervention  entre cet organe et l’organe délibérant de la province. Nous avons démontré à la lumière de la loi n°08/012 du 31 juillet 2008 qu’après le partage des compétences entre le pouvoir central et les provinces[26], le législateur a pris le soin de partager les matières de la compétence exclusive des provinces et celles concurrentes entre l’Assemblée provinciale et le Gouvernement. Les articles 35 et 36 de la loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces ont déterminé la réserve législative de l’Assemblée provinciale. Nous avons démontré supra que ces dispositions, en énumérant les matières de la compétence de l’Assemblée provinciale, ont limité le champ d’intervention de cet organe au profit du Gouvernement provincial. Ce renforcement des prérogatives du Gouvernement provincial se lit à l’article 37 de la loi sus-mentionnée. Les matières reprises aux dispositions des articles 203 et 204 de la Constitution, dispose cet article 37, autres que celles énumérées aux articles 35 et 36 de la présente loi ont un caractère règlementaire. Ainsi, après avoir limité le champ d’intervention de l’Assemblée provinciale, le législateur a donné au Gouvernement provincial la compétence de principe en donnant à l’Assemblée provinciale une compétence d’attribution.

En effet, une autre technique dit du vote bloqué a été mis  en place par le législateur pour affermir les compétences du Gouvernement provincial et éviter le retard et les amendements des députés provinciaux. L’article 41 alinéa  1er de la loi n°08/012 du 31 juillet 2008 stipule que le Gouverneur de province peut, après délibération en conseil des ministres, engager devant l’Assemblée  provinciale la responsabilité de son équipe sur son programme, sur une déclaration de politique générale ou sur le vote d’un texte. Ce programme, cette déclaration de politique générale ou ce texte est considéré comme adopté sauf si une motion de censure est votée par l’Assemblée provinciale. Cette technique vise  à forcer  la main de l’Assemblée provinciale sur l’adoption d’un texte ou d’un programme.

[1] Jean-Michel Kumbu, Bob Kabamba et Jean-Louis Essambo Kangashe, « La constitution de la République Démocratique du Congo » in PNUD, Mandants, rôles et fonctions des pouvoirs constitués dans le nouveau système politique de la République Démocratique du Congo, Kinshasa, sine domo, 2007, pp.20-21.

[2] T. Muhindo Malonga, Droit constitutionnel et institutions politiques. Théorie générale et Droit constitutionnel congolais, Butembo, PUG-CRIG, 2010, p.556.

[3] Constitution de la RDC du 18 février 2006, Op.cit., article 197. C’est nous qui soulignons.

[4] Idem, article 205.

[5] Constitution de la RDC du 18 février 2006, Op.cit., article 205 alinéa 4 et 5. Lire aussi article 34 alinéa 2 de la loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatives à la libre administration des provinces in Ministère de la Décentralisation et Aménagement du Territoire, Publication des textes légaux et règlementaires sur la décentralisation en République Démocratique du Congo, volume I, avril 2009.  

[6] Constitution de la RDC du 18 février 2006, Op.cit., article 128.

[7] Loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces, Op.cit., article 35.

[8] Loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatives à la libre administration des provinces, Op.cit., article 37.

[9] Constitution de la RDC du 18 février 2006, Op.cit., article 205 alinéa 2.

[10] Idem, article 205 alinéa 3.

[11] Constitution de la RDC du 18 février 2006, Op.cit., article 175. Dans le même sens, article 44 de la loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces, Op.cit., p.113

[12] G., Vedel, Droit administratif, Paris, PUF, 1958, p.815.

[13] Loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatives à la libre administration des provinces, Op.cit., article 56.

[14] Idem, article 16 alinéa 3.

[15] T., Muhindo Malonga, Op.cit., p.559

[16] A., Paysant, Finances publiques, Paris, Masson, 1988, p.132  cité par T., Muhindo Malonga, Op.cit., p.559.

[17] Loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces, Op.cit., article 7.

[18] T., Muhindo Malonga, Op.cit., p.563.

[19] Ph., Ardent, Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris, LGDJ, 1995, p.236.

[20] T., Muhindo Malonga, Op.cit., p.560.

[21] Loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration  des provinces, Op.cit., article 33.

[22] Constitution de la RDC du 18 février 2006, Op.cit., article 131.

[23]Ibidem,  article 133.

[24] Ibidem, article 118.

[25] Constitution de la RDC du 18 février 2006, Op.cit.,, article 125.

[26] Ibidem, articles 202, 203 et 204.

Partager ce travail sur :