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CHAP I. NOTIONS DE DROIT D’AUTEUR ET DE DROIT VOISIN

Dans ce chapitre, nous examinerons tour à tour le cadre conceptuel (section 1)et celui théorique (section 2)

Section 1. Cadre conceptuel

Dans ce point, nous essayerons de définir certains concepts comme le droit d’auteur, le droit voisin, la contrefaçon et nous donnerons les différentes sortes d’œuvres musicales existantes en RDC

§1. Le droit d’auteur

1.1.Droit

Le droit est l’ensemble des principes qui régissent les rapports des hommes entre eux et qui servent à définir les lois. C’est aussi, dans un sens plus ou moins large, l’ensemble des règles juridiques en vigueur dans une société (exemple: droit rwandais, droit congolais,...). C’est celui qu’on appelle le droit positif[1].

Le droit est une faculté reconnue d’agir de telle façon de jouir de tel avantage, c’est ce que donne une autorité morale, une influence, un pouvoir, c’est un ensemble de lois et dispositions qui règlent les rapports entre les membres d’une société[2].

Le droit est aussi un ensemble des prérogatives reconnues à un sujet de droit, c’est ce qu’on appelle le droit subjectif[3]

1.2.Auteur

C’est aussi un concept compris sous plusieurs points de vue. En un premier sens, le mot auteur désigne un écrivain qui a écrit un ou plusieurs ouvrages littéraires. Et en un sens général, le même mot désigne toute personne ou collectivité qui a créé une œuvre ou est responsable de son contenu intellectuel, de son arrangement ou de sa forme.

Du point de vue  musical, l’auteur est celui (celle) qui écrit le texte d’une chanson, impliquant donc en même temps le compositeur[4].

Le mot auteur peut également être défini comme la personne qui crée une œuvre protégée par le droit d’auteur ou employeur d’une personne qui crée une œuvre protégée par le droit d’auteur dans le cadre de son emploi. Le mot « auteur » concerne non seulement les écrivains, mais aussi ceux qui créent des logiciels, qui établissent des annuaires, qui font la chorégraphie de ballets, qui prennent des photographies, qui sculptent la pierre, qui peignent des fresques, qui écrivent des chansons, qui enregistrent des sons et qui traduisent des livres d’une langue dans une autre[5].

Les droits de l’auteur, vise aussi la personne qui a créé l’œuvre artistique, son auteur, soulignant ainsi le fait, reconnu par de nombreuses législations, que l’auteur détient certains droits spécifiques sur son œuvre, tel que le droit d’empêcher une reproduction déformée, qu’il est le seul à pouvoir exercer, tandis que d’autres droits, comme le droit de réaliser des copies, peuvent être exercés par des tiers, par exemple un éditeur auquel il a concédé une licence à cet effet[6].

Parlant du droit d’auteur, A.LUCAS dit que  le droit d’auteur est un droit très structuré et très protégé. C’est un droit retenu car il peut être cédé selon des modalités très précises. Une œuvre peut être cédée en totalité, démembrée, concédée et gagée. Et si le contrat de cession est mal rédigé, il s’interprète toujours en faveur de l’auteur. C’est une cession retenue[7]. »

Et Pollaud-DULLIAND renchérit, dans son œuvre « Le droit d’auteur », en définissant le droit d’auteur comme «l’ensemble des prérogatives exclusives dont dispose un créateur sur son œuvre de l’esprit originale[8]. »

La législation congolaise,  quant à elle, ne donne pas une définition exacte des droits d’auteurs mais donne cependant les attributs d’ordre moral et intellectuel, ainsi que les attributs d’ordre patrimonial que comporte le droit d’auteur, les prérogatives de l’auteur ainsi que le champ d’application du droit de l’auteur et les limitations qui y sont rattachées.

§2. Droits voisins

Selon la législation congolaise, les droits voisins peuvent s’entendre comme les droits reconnus à tout exécutant d’une œuvre. Ces prérogatives que la loi reconnaît aux artistes interprètes ou exécutants, aux producteurs de phonogrammes, et tout autre support sonore et audiovisuel et aux organismes de radiodiffusion, d’autoriser ou d’interdire la diffusion de leurs  prestations et de percevoir une rémunération lors de chaque exécution publique[9].

Les droits voisins ont donc pour objectif de protéger des personnes qui sont associées à la création, à la diffusion et à l’interprétation d’une œuvre, sans pourtant qu’elles puissent se voir reconnaitre la qualité d’auteur de cette œuvre. Ces personnes sont parfois désignées comme des « auxiliaires » de la création.

Il s’agit plus précisément de (s):

  1. a) «artistes interprètes ou exécutants», les acteurs, chanteurs, musiciens, danseurs et autres personnes qui représentent, chantent, récitent, déclament, jouent ou exécutent sous quelque forme que ce soit les œuvres littéraires ou artistiques;
  2. b) «phonogramme», toute fixation exclusivement sonore;
  3. c) «publication», la mise à la disposition du public des exemplaires d’un phonogramme;
  4. d) «producteur de phonogramme», personne physique ou morale qui, la première, fixe les sons;
  5. e) «vidéogramme», fixation de sons et d’images;
  6. f) «producteur de vidéogramme», personne physique ou morale qui, la première, fixe les sons ou les images;
  7. g) «radiodiffusion», la diffusion de sons ou d’images et de sons par le moyen des ondes radioélectriques, aux fins de réception par le public;
  8. h) «reproduction», la réalisation d’un ou de plusieurs exemplaires d’une fixation ou d’une partie substantielle de cette fixation;
  9. i) «réémission», l’émission simultanée par un organisme de radiodiffusion d’une émission d’un autre organisme de radiodiffusion;
  10. j) «fixation», l’incorporation de sons ou d’images ou de sons et d’images dans un support matériel suffisamment permanent ou stable pour permettre leur perception, reproduction ou communication.

§3. Les différentes sortes d’œuvres[10]

-          Œuvre originale : Une œuvre originale est celle présentée sous sa forme primitive de création. Le critère de l’originalité de l’œuvre comporte généralement deux volets. Premièrement l’œuvre doit être le fruit de l’auteur, c’est à dire qu’elle doit avoir été créée indépendamment par lui et non copiée sur elle d’un autre. Deuxièmement, elle doit contenir une mesure suffisante de créativité pour s’élever au-dessus du commun.

-          Œuvre dérivée : C’est celle qui résulte de l’adaptation, de la transformation d’une œuvre originale de manière qu’elle constitue une œuvre autonome[11].

Sur base de la définition donnée par la loi, on peut déduire en disant qu’une œuvre dérivée est une œuvre basée sur une ou plusieurs œuvres préexistantes, comme une traduction, un arrangement musical, la dramatisation, fonctionnalisation, une version cinématographique, un enregistrement sonore, une reproduction artistique, résumé, condensation, ou toute autre forme de laquelle une œuvre peut être refondue, transformée ou adaptée. Un travail composé de révisions éditoriales, les annotations, des élaborations ou toutes autres modifications, qui, dans son ensemble, constituent une œuvre originale d’auteur, est une «œuvre dérivée».

  • Œuvre piratée (contrefaçon) :Selon les différents codes pénaux, la piraterie est sanctionnée au même titre que la contrefaçon. Définir la notion de piraterie, revient alors à faire ressortir la notion de contrefaçon qui est le terme juridique consacré utilisé par la plupart des législations. Ce sont deux notions identiques car elles portent toutes atteintes aux droits des titulaires de droits d’auteur et droits voisins. Ce faisant, il convient de définir la piraterie et de montrer les différentes formes qu’elle revêt. Selon COLOMBET Claude, « l’infraction au droit d’auteur est généralement baptisée de contrefaçon.»[12].Cette infraction se manifeste par l’atteinte aux droits d’auteur, et surtout à ses droits patrimoniaux. Il ajoute que la contrefaçon « sera donc constituée par toute édition, reproduction, représentation ou diffusion quelconque d’une œuvre sans l’autorisation de l’auteur.»[13].Selon la loi congolaise, la contrefaçon est définie comme toute atteinte méchante ou frauduleuse portée en connaissance de cause aux droits d’auteurs[14].

Le code pénal congolais reste muet quant à la définition exacte de la contrefaçon. Le code pénal congolais cite une liste d’infractions de toute personne qui aurait contrefait ou falsifié les sceaux, timbres, poinceaux, et marques[15].

De ces définitions, on peut retenir que la contrefaçon peut être définie comme l’exploitation d’une œuvre protégée par la loi, sans l’autorisation de l’auteur ou de l’organisme de gestion collective.

  • Œuvre individuelle: L’œuvre dont l’auteur est une seule personne
  • Œuvre collective: Œuvre créée à l’initiative d’une personne physique ou morale qui la publie ou la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs ayant participé à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, de telle manière qu’il n’est pas possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé
  • Œuvre de collaboration: Œuvre à la création de laquelle ont concouru deux  ou plusieurs personnes physiques ou morales
  • Œuvre pseudonyme: Œuvre signée sous un nom d’emprunt
  • Œuvre anonyme: Œuvre non reproduite en plusieurs exemplaires disponibles  au public
  • Œuvre inédite: Œuvre dont l’identité de l’auteur n’est pas connue
  • Œuvre posthume: Œuvre rendue publique après le décès de son auteur
  • Œuvre composite: Œuvre nouvelle à laquelle est incorporée une œuvre préexistante sans la collaboration de l’auteur de cette dernière
  • Le folklore: Œuvre artistique, littéraire ou scientifique transmise de génération en génération et constituant l’un des éléments fondamentaux du patrimoine culturel traditionnel
  • Œuvre dérivée du folklore: Œuvre composée d’éléments empruntés au patrimoine culturel traditionnel

Section 2. Cadre théorique

Il sera question ici de faire un aperçu historique des droits d’auteurs et des droits voisins (Section 1) avant de donner les différents fondements du droit d’auteur (Section 2)

§1. Aperçu historique des droit d’auteur et droit voisin, en général, et en matière musicale, en particulier.

1.1.Historique des droits d’auteurs et droits voisins

La notion de la propriété intellectuelle n’est ni nouvelle ni statique. Le principe de l’octroi aux inventeurs, par l’Etat, de droits exclusifs sous une forme ou une autre pour leurs inventions remonte au début du XVe siècle en Allemagne, en France, au Pays-Bas et en Angleterre.

C’est avec l’apparition de l’imprimerie au XVe siècle que les premiers monopoles d’exploitation sur les œuvres ont été accordés par lettres patentes.

Durant l’Antiquité et le Moyen Age, l’essentiel de la création artistique repose sur l’artisanat, avec de faibles possibilités de production en série. Les œuvres littéraires sont le plus souvent transmises oralement, alors que leur reproduction était réservée aux rares personnes qui maîtrisent l’écrit. C’est pourquoi la majeure partie du corpus artistique reste anonyme jusqu’à la Renaissance[16].

Avec la Renaissance, le concept d’individualisme prend plus d’importance, et les auteurs cherchent à être reconnus pour leur travail créatif, ce qui manifeste l’usage de la signature. L’invention de l’imprimerie par Gutenberg, vers 1440, permet une plus large diffusion des œuvres et la généralisation de l’accès à l’écrit. En contrepartie des investissements réalisés dans l’édition, le pouvoir royal concède aux imprimeurs un monopole d’exploitation sur une œuvre, appelé privilège, et valable pour un territoire et une durée déterminés.

Cependant en Angleterre, les intérêts des éditeurs et des auteurs sont, dès le XVIIe siècle, présentés comme solidaires, et les intermédiaires sont considérés comme incontournables. Cela explique l’écart existant dès l’origine entre les fondements philosophiques du copyright et ceux du droit d’auteur continental. La première véritable législation protectrice des intérêts des auteurs est la loi de la Reine Anne du 10 avril 1710. L’auteur jouit alors d’un monopole de 14 ans renouvelable une fois sur la reproduction de ses créations. Inspirées par le copyright anglais, la constitution des États-Unis d’Amérique de 1787 et la loi fédérale de 1790 accordent des prérogatives aux auteurs[17].

En effet au cours des années 1777, Beaumarchais fonde la première société d’auteurs pour promouvoir la reconnaissance de droits au profit des auteurs. Dans la nuit du 4 août 1789, les révolutionnaires français abolissent l’ensemble des privilèges, puis les lois du 13 et 19 janvier 1791 et du 19 et 24 juillet 1793 accordent aux auteurs le droit exclusif d’autoriser la reproduction de leurs œuvres pour une durée de cinq ans post mortem. A l’issue de ce délai, l’œuvre entre dans le domaine public.

Au cours du XIXe siècle, les tribunaux et les juristes, notamment français et allemands, établissent les grands principes de la propriété littéraire et artistique. La formule « droit d’auteur » est pour la première fois utilisée par Augustin-Charles Renouard dans son traité des droits d’auteur dans la littérature, publié en 1838. Elle donne une position centrale à l’auteur, par opposition au copyright anglo-saxon qui a pour objet la protection de l’œuvre elle-même. En 1886, une harmonisation partielle du droit d’auteur est opérée par la Convention de Berne, signée par 164 États.

1.2.Présentation de la musique en RDC[18]

En RDC, il existe une diversité de musiques, classées selon les types ou les genres, les formes et les styles dans lesquelles cette diversité se présente. La multiplicité de traditions que regroupe la RDC du point de vue ethnique et linguistique, fait en sorte que chaque membre de ces catégories possède sa propre musique, une musique comprise uniquement par le groupe ethnique qui la crée ou la produit et qui ne peut être interprétée que par lui, car, il en connait la signification profonde. C’est pourquoi par définition cette musique est appelée musique traditionnelle, une musique liée à une tradition, à une coutume et appartenant à un peuple précis, d’où on parle de la musique mongo, Kongo, Luba, Nande, Mbala, etc. Cette musique est totalement inspirée de la tradition et est produite dans le contexte de la vie humaine.

La musique moderne ou contemporaine congolaise est une expression récente du 20 ième siècle. Elle s’épanouit et rayonne généralement dans les centres urbains en empruntant et en s’adaptant aux différentes techniques modernes. Elle associe des éléments extra musicaux dans sa concession et dans son exécution. Elle est de nos jours, composée et interprétée par tous les congolais débarrassés des préjugés sociaux, en utilisant des instruments modernes venus de l’occident.

Bref, la musique congolaise moderne est un arrangement résultant d’une synthèse de transformation de certains éléments de la musique traditionnelle et de la musique folklorique, adaptée harmonieusement à une orchestration moderne, de pouvoir conserver toute la richesse de l’œuvre originale malgré l’apport d’instrument nouveaux

§2. Fondement du droit d’auteur

2.1. Fondement philosophique[19]

Le droit d’auteur trouve ses fondements dans la pensée naturaliste. Celle-ci se partage en deux courants : d’une part la conception fondée sur le travail, dérivée des travaux de John Locke, et la théorie de la personnalité d’autre part, dérivée des écrits de Kant et de Hegel.

Selon JOHN Locke, l’Homme, en tant qu’être conscient et pensant, est propriétaire de lui-même. Or, l’Homme incorpore dans son travail une partie de sa personne, et devient dès lors propriétaire de l’œuvre originale qui résulte de son effort créatif. L’œuvre originale, incorporant la conscience de son auteur à des données de la nature, est donc soumise à la forme la plus pure de la propriété.

De la part d’Emmanuel KANT la théorie de la personnalité met en relief le rôle de l’auteur. Pour lui le lien qui unit l’auteur et son œuvre doit être compris comme une partie intégrante de la personnalité de son auteur.

Pour HEGEL c’est la manifestation de volonté de ce dernier, dont le fruit constitue l’œuvre, qui fonde le droit. La théorie de la personnalité se présente donc comme un fondement particulièrement adapté aux conceptions française et allemande du droit d’auteur, qui ont les premières consacré le concept de droit moral. À l’inverse, la théorie du droit naturel n’est pas reconnue dans les pays qui appliquent le copyright.

2.2. Fondement économique

Sur le plan économique, l’œuvre de l’esprit est un bien non exclusif, c’est-à-dire qu’il n’est pas possible d’empêcher un agent d’utiliser ce bien, et un bien non rival, c’est-à-dire que son utilité ne décroît pas si le nombre d’utilisateurs augmente. Elle possède donc les qualités d’un bien public. À l’inverse, le support physique par lequel l’œuvre est communiquée est un bien rival et exclusif[20].

De cela nous dirons que le but principal du droit d’auteur est d’apporter une solution séquentielle à la contradiction entre financement des auteurs et libre accès aux œuvres. L’instauration du droit d’auteur vise à rendre l’œuvre de l’esprit exclusive, en octroyant à l’auteur un monopole d’exploitation sur sa découverte.

Section 3. Les composantes du droit d’auteur et des droits voisins

L’auteur dispose de deux types de droits :

  • Des droits dits « patrimoniaux », qui lui permettent de contrôler et de tirer profit de l’exploitation économique de son œuvre.
  • Des droits dits « moraux », qui lui permettent d’assurer le respect de son œuvre et de sa réputation en tant qu’auteur.

§1. Droits patrimoniaux

1.1.Droit de représentation

C’est l’autorisation donnée par l’auteur d’exécuter publiquement une œuvre. Selon la loi congolaise[21], c’est un droit reconnu à l’auteur de l’œuvre de communiquer l’existence de son œuvre au public  soit par voie de :

  • récitation, exécution ou représentation dramatique : On pourrait prendre l’exemple de l’interprétation d’une chanson par un orchestre
  • diffusion des paroles, des sons ou des images
  • transmission ou projection de l’œuvre radiodiffusée par le moyen d’un haut-parleur et éventuellement d’un écran de radiotélévision placé dans un lieu public

Ce droit de représentation ne doit pas se confondre avec le support matériel sur lequel une œuvre peut être diffusée. Par exemple, l’autorisation donnée à un orchestre de jouer une œuvre ne se confond pas du contrat signé avec un fabriquant de CD.

En France et en Belgique, le droit de représentation est appelé droit de communication au public[22].

1.2.Droit de reproduction

Il s’agit d’une notion proche du droit de représentation. Le droit de reproduction c’est l’intercalation entre l’œuvre incorporelle et son support et le public qui y accèdera de manière indirecte par son intermédiaire.

C’est une fixation matérielle de l’œuvre par tous procédés qui permettent de la communiquer au public d’une manière indirecte[23].

Ici, l’auteur est investi du droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la reproduction directe ou indirecte, provisoire ou permanente, par quelque moyen et sous quelque forme que ce soit, en tout ou en partie, de l’œuvre.

Cette définition s’applique également mutatis mutandis aux droits voisins.

La loi congolaise en termes de droit de reproduction  donne des prérogatives[24] aux producteurs des phonogrammes et des vidéogrammes qui  jouissent du droit d’autoriser ou d’interdire :

  • la reproduction directe ou indirecte de leurs phonogrammes ou vidéogrammes, ou de copies de ceux-ci ;
  • L’exportation ou l’importation de leurs phonogrammes ou vidéogrammes ou des copies de ceux-ci en vue de les vendre ou les distribuer au public

Cette loi reste muette quant à ce qui concerne la définition de la reproduction directe et indirecte des œuvres.

L’inspiration nous vient des droitsfrançais et belge qui définissent la reproduction directe ou indirecte comme étant la reproduction ou la fixation matérielle d’une œuvre qui est communiquée au public de façon immatérielle[25].

Il existe dans ces pays ce qu’on appelle la reproduction provisoire qui vise particulièrement l’univers numérique, où des copies provisoires sont effectuées, notamment dans le cadre de la transmission des œuvres. Ainsi, celui qui surfe sur internet, fait forcément une reproduction provisoire des pages qu’il visite.

1.3.Droit de location et de prêt

Le droit de location et de prêt au public d’exemplaires d’œuvres musicales ne peut être exercé que par les titulaires des droits d’auteurs des dites œuvres, à moins qu’ils aient cédé régulièrement ces droits[26].

En Belgique et en France, l’auteur bénéficie du droit exclusif d’autoriser la location ou le prêt de son œuvre. L’auteur peut donc interdire que son œuvre soit mise en location ou limiter le nombre d’exemplaires loués ou la durée pendant laquelle la location sera autorisée[27].

Toute personne physique ou morale qui souhaite offrir une œuvre en location ou envisage son prêt, ne pourra le faire qu’après avoir obtenu l’autorisation de l’auteur.

1.4.Droit de distribution

Les auteurs se voient reconnaitre un droit exclusif de distribution, défini comme le droit d’interdire toute forme de distribution au public, par la vente. Ce droit permet donc à l’auteur de contrôler la mise sur le marché des exemplaires matériels de son œuvre.

Ce droit intervient lorsque l’auteur de l’œuvre a placé son œuvre sous le marché de la vente.

Le droit de distribution n’est pas expressément reconnu par la loi congolaise, mais la formulation des articles 36 alinéa 4 et  99 de l’Ordonnance-loi n°86-033 portant protection des droits d’auteurs et des droits voisins a permis à la doctrine et à la jurisprudence de lui donner forme.

L’article 6, al. 1er du Traité de l’OMPI sur le droit d’auteur confirme l’existence du droit de distribution : « les auteurs d’œuvres littéraires et artistiques jouissent du droit exclusif d’autoriser la mise à la disposition du public de l’original et d’exemplaires de leurs œuvres par la vente ou tout autre transfert de propriété ».

Le traité prévoit la notion d’originale et d’exemplaire comme étant d’objets tangibles. Le traité ne reconnait donc pas la distribution d’œuvre sur internet.

1.5.Droit d’exploitation et de cession

L’auteur a le droit d’exploiter lui-même son œuvre ou de céder ses droits d’exploitation de manière à en tirer, s’il y a lieu, un profit pécuniaire.

Les attributs du droit d’auteur mentionnés à l’article 20 de la présente Ordonnance-Loi sont en partie ou en totalité cessibles à titre gratuit ou onéreux et transmissibles par succession.

Les droits patrimoniaux de l’artiste sont cessibles. L’auteur se trouve généralement en position de faiblesse par rapport aux exploitants.

Il faudra noter que la cession globale des œuvres futures est nulle[28].

§2. Droits extra patrimoniaux ou droits moraux

2.1. Droit de divulgation

Du latin vulgus, C’est le droit reconnu à l’auteur de répandre son œuvre dans le public, ce qui était jusque-là ignoré ou mal connu. En d’autre terme, c’est la mise en contact de l’œuvre avec le public décidé par l’auteur et selon les conditions qu’il aura choisies. Ce droit confère à l’auteur la faculté de décider souverainement quand son œuvre est achevée et peut être rendue accessible au public. La loi congolaise reconnait cette divulgation.

Dans cette optique, le droit de divulguer est reconnu à la seule personne qui a réalisé son œuvre et l’a publiée. 

En principe la décision de divulguer l’œuvre ne peut être prise qu’une seule fois. En d’autres termes, une fois que l’auteur a exercé son droit de divulgation, celui-ci est épuisé.

Il existe des controverses quant à la question de savoir si cet épuisement vaut uniquement dans la version prévue par l’auteur[29] ou si cet épuisement a lieu sans réserve, à partir de la première divulgation[30].

Les jurisprudences française et belge sont abondantes à cette question :

Le Tribunal de première Instance de Bruxelles a jugé que l’autorisation qui avait été donnée par l’auteur d’une chanson française inédite, de divulguer la traduction russe de cette chanson, ne valait pas autorisation de divulguer la version inédite de la chanson en français.

Décision du tribunal de première instance de Bruxelles : « Attendu que la défenderesse est titulaire des droits d’auteur, à caractère patrimonial, sur l’œuvre de Jacques Bredel ; qu’elle produit une lettre à la veuve du chanteur-compositeur datée du 9 avril 1980, dans laquelle cette dernière lui rappelle que la chanson « La cathédrale » n’a jamais été publiée et que son défunt mari avait demandé, avant son décès, qu’elle ne soit pas commercialisée (…) Attendu que la défenderesse n’a jamais contesté la sincérité de cet écrit, qui peut donc être considéré comme tel ; Attendu, en conséquence, qu’il est établi que les héritiers de feu Jacques Bredel, titulaires des droits moraux sur son œuvre, n’ont jamais autorisé la divulgation de la chanson « La cathédrale » ; Attendu que le fait que la divulgation de ladite chanson dans des traductions en d’autres langues aient été autorisée, est, évidemment, indifférent, puisque le litige porte sur une divulgation en langue française[31].

Dans cette affaire on opposait la femme de Jacques BREDEL à la défenderesse qui avait le droit d’auteur sur l’œuvre à caractère patrimonial. Or pour qu’une œuvre revête un caractère patrimonial, elle doit être divulguée. Et dans le cas sous examen, l’œuvre avait été interdite de toute sorte de divulgation dans sa version française. La défenderesse quant à elle, voulait la divulguer en version russe, alors que la procédure de divulgation en version française n’avait pas été épuisée.

2.2. Droit de paternité

Principe : L’auteur a le droit de revendiquer (ou de refuser) la paternité de l’œuvre, c’est-à-dire de décider que son nom (ou un pseudonyme) soit mentionné à l’occasion de l’exploitation de l’œuvre. Lorsqu’on exploite une œuvre (par exemple, en la reproduisant sur internet), il faut donc mentionner le nom de l’auteur.

La loi congolaise spécifie cela en disant que L’auteur d’une œuvre protégée jouit du droit exclusif de revendiquer la paternité de son œuvre et, en particulier, d’exiger que son nom soit indiqué toutes les fois que l’œuvre ou une partie de celle-ci est citée, communiquée ou publiée, reproduite ou transformée de quelque manière que ce soit[32]

2.3. Droit au respect de l’œuvre

Principe : Le droit au respect de l’intégrité de l’œuvre permet à l’auteur de s’opposer à toute modification de son œuvre ainsi qu’à toute atteinte à l’œuvre qui serait susceptible de nuire à son honneur ou à sa réputation. La loi congolaise démontre ce type de droit en soulignant que l’auteur jouit de même du droit exclusif de veiller à l’intégrité de son œuvre. Il peut, à cet effet, s’opposer à toute déformation, mutilation, modification ou, de façon générale à toute atteinte à son œuvre[33].

Et il peut arriver que l’œuvre publiée soit détruite[34].

En France et en Belgique, une controverse existe quant à la question de savoir si le droit au respect ou à l’intégrité permet à l’auteur de s’opposer à la destruction de son œuvre. Certains estiment que « la destruction ne porte pas atteinte au respect de l’œuvre, car l’œuvre étant détruite, elle n’apparaîtra pas modifiée ni mutilée. Elle a tout simplement disparu »[35]

2.4. Droit de repentir ou de retrait

Les lois congolaise et française ont des prescrits identiques quant à ce qui concerne le droit de repentir ou de retrait qu’on reconnait à l’auteur de l’œuvre.

Ces lois prévoient que l’auteur d’une œuvre même après divulgation de celle-ci, jouit d’un droit de repentir ou de retrait vis-à-vis du cessionnaire[36].

Cela veut dire qu’il arrive que l’auteur ne soit plus satisfait de ses précédentes créations et qu’il souhaite soit mettre un terme à l’exploitation de son œuvre, soit la modifier. Ce droit est rarement exercé car il a pour conséquence des risques de litige avec le cocontractant[37].

Une partie sera traitée en ce qui concerne le droit moral : Il est vrai que pour tout musicien, ce qui l’intéresse est plus les revenus afférents à l’exploitation de son œuvre. Mais il ressort d’une analyse doctrinale qui donne force au droit morale tout en soulignant que la force du droit moral se traduit d’abord dans les rapports avec les exploitants de l’œuvre, puisque l’auteur peut parfois mettre en échec le droit commun des contrats et qu’en tout cas, le respect de son droit moral s’impose à ses cocontractants, et dans les rapports avec l’acquéreur du support matériel de l’œuvre[38].

Elle s’appuie sur le principe selon lequel le droit moral ne peut faire l’objet ni des cessions, ni des renonciations.  Enfin, les violations du droit moral font l’objet de sanctions et de réparations effectives.

[1] S. GUINCHARD et T. DEBARD, Lexique des termes juridiques, DALLOZ, Paris, 19ième édition, 2012, p. 338.

[2] J. P. MULUME ZIHALIRWA, Cours d’Introduction Générale à l’Etude du Droit, G1 UCB 2011-2012, inédit.

[3] S. GUINCHARD et T.  DEBARD, op cit, p. 339.

[4]  Cfr lexique des Termes Musicales en Droit, www.wikipedi.com, avril 2016

[5] Association littéraire et artistique, Le droit moral de l’auteur, p. 6.

[6] Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle, Comprendre la propriété industrielle, p. 5.

[7] A. LUCAS, Propriété Littéraire et Artistique, Connaissance du droit, 3ème éd, Dalloz, Paris, 2004, p. 162.

[8] P. DULLIAND, Le droit d’auteur, Economica, Dalloz, Paris 2005, p. 1051.

[9] Article 84 de l’Ordonnance-Loi n°86-033 portant protection des droits d’auteurs et des droits voisins du 5 avril 1986

[10] Art. 6  de l’Ordonnance-Loi n°86-033 portant protection des droits d’auteurs et des droits voisins du 5 avril 1986

[11] Article 6 al. 2 de l’Ordonnance-Loi n°86-033 portant protection des droits d’auteurs et des droits voisins du 5 avril 1986

[12] C. COLOMBET, Grands principes du Droit d’auteur et des droits voisins dans le monde : approche du droit comparé, Litec. UNESCO, 1993, p.108.

[13]Idem.

[14] Article 96 de l’Ordonnance-Loi n°86-033 portant protection des droits d’auteurs et des droits voisins du 5 avril 1986

[15] Articles 121 et 122 du code pénal congolais du  30 janvier 1940 tel que modifié et complété à ce jour, mise à jour au 30 novembre 2004

[16]«  Histoire du droit d’auteur » disponible sur http ://www. Wikipedia.org/.../, consulté le 20/05/2016

[17]«  Histoire du droit d’auteur » disponible sur http ://www. Wikipedia.org/.../, consulté le 20/05/2016

[18]Http://culturecongo.com/histoire-de-la-musique-congolaise/ consulté le  23 mai 2016

[19]«  Histoire du droit d’auteur » disponible sur http ://www. Wikipedia.org/.../, consulté le 20/05/2016

[20] D. Gabiro, disponible sur www.memoireonline.com, problématique de protection de la propriété intellectuelle sur internet en droit rwandais, consulté le 20/05/2016

[21] Art 6 al. 14 de l’Ordonnance-Loi n°86-033 portant protection des droits d’auteurs et des droits voisins du 5 avril 1986

[22] En Belgique : article 1, § 1er, 4 de la loi relative au droit d’auteur ; en France, article L.122-2 du Code de la propriété intellectuelle.

[23] Art 6 al. 15 de l’Ordonnance-Loi n°86-033 portant protection des droits d’auteurs et des droits voisins du 5 avril 1986

[24] Art 90 de l’Ordonnance-Loi n°86-033 portant protection des droits d’auteurs et des droits voisins du 5 avril 1986

[25] M. BUYDENS, Application des droits de la propriété intellectuelle, recueil de jurisprudence, OMPI, Bruxelles,  2014, p. 295.

[26] Art 67 3 de l’Ordonnance-Loi n°86-033 portant protection des droits d’auteurs et des droits voisins du 5 avril 1986

[27] A. BERENBOOM, Le nouveau droit d’auteur et les droits voisins, Bruxelles, Larcier, 4ème éd., 2008, pp. 141-142.

[28] Art. 33  de l’Ordonnance-Loi n°86-033 portant protection des droits d’auteurs et des droits voisins du 5 avril 1986

[29] A.BERENBOOM, op. cit. p.186.

[30] J.-M. BRUGUIERE, De l’épuisement du droit de divulgation, Propr. Intell., avril 2009, n° 31, pp. 164-165.

[31] Tribunal de première instance de Bruxelles, 3 avril 2001

[32] Art 17 de l’Ordonnance-Loi n°86-033 portant protection des droits d’auteurs et des droits voisins du 5 avril 1986

[33] Art 18 de l’Ordonnance-Loi n°86-033 portant protection des droits d’auteurs et des droits voisins du 5 avril 1986

[34] Art. 18 al. 2  de l’Ordonnance-Loi n°86-033 portant protection des droits d’auteurs et des droits voisins du 5 avril 1986

[35]A. BERENBOOM, op cit, p. 195.

[36] Art  35 al. 2  de l’Ordonnance-Loi n°86-033 portant protection des droits d’auteurs et des droits voisins du 5 avril 1986 et l’article L.121-4 du Code la propriété intellectuelle français.

[37] Art 35 al. 2   de l’Ordonnance-Loi n°86-033 portant protection des droits d’auteurs et des droits voisins du 5 avril 1986

[38] Association littéraire et artistique, Le droit moral de l’auteur, congrès d’Anvers, 19 septembre 1993, p. 137.

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