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CHAPITRE TROISIEME : STRATEGIE D’ECRITURE ET ENONCIATION STYLISTIQUE DANS « ENFER MON CIEL » ET « ET VOICI LE SORCIER »

Contrairement au deuxième chapitre qui a examiné les traces interculturelles, celui-ci se propose d’étudier l’itinéraire suivi par l’auteur (procédés) pour exprimer l’interculturel dans ces œuvres en étude. Cette étude se borne donc à l’écriture de l’auteur pour appréhender de manière formelle l’expression des cultures. C’est pourquoi nous nous proposons d’analyser et d’interpréter ces textes selon la dimension syntaxique et lexicale sans oublier l’aspect stylistique.

3.1.  LES STRATEGIES SCRIPTURALES

3.1.1.  Du lexique

              Selon (http://www.wikipédia/lexique/Ed.fr), « le lexique d’une langue constitue en linguistique, l’ensemble de ses lemmes, ou d’une manière plus courante mais moins précise, l’ensemble de mots d’une langue. Dans les usages courants, on utilise plus facilement le terme vocabulaire. »                                                       

              Dans le cadre qui nous concerne, il ne s’agira pas de recenser tous les mots appartenant dans une langue ou dans ces textes en étude, mais plutôt d’étudier l’usage des mots dans les propos des personnages parce que les mots (vocabulaire) apparaissent principalement pour répondre à un besoin déterminé : quand il faut un signifiant pour représenter un signifié, c’est-à-dire, quand il faut des mots pour communiquer sa pensée. Et pour communiquer, les mots doivent respecter une certaine classification selon le niveau ou registre de langue.

  • Les niveaux de langue

Selon Wikipéria, le niveau de langue ou registre de langue « est conçu non seulement comme étant une utilisation sélective, mais aussi comme une cohérence des procédés d’une langue afin d’adapter l’expression à l’auditoire particulier à base de certain choix lexicaux et syntaxiques, d’un certain ton et une liberté plus ou moins grande par rapport à la norme linguistique de cette langue ; permettant d’ajuster la communication à une situation énonciative donnée (contexte). On s’exprime de façon différente selon que l’on s’adresse à un familier ou à un-inconnu, à un enfant, à un supérieur hiérarchique, à un vieux, et selon le milieu, le moment de l’énonciation, sans oublier aussi le niveau (culturel, intellectuel, de l’énonciateur ». Consulté le 23 juillet 2017.

En d’autres termes, le niveau de langue est un jeu sur les structures énonciatives auxquelles se livre le locuteur selon le contexte dans lequel il se trouve. Etant donné qu’on ne parle pas toujours de la même façon, on adapte sa manière de s’exprimer aux circonstances, cette adaptation et cette variation  se réalise avec une certaine souplesse, en se basant sur : le choix du vocabulaire, la construction des phrases, le respect ou non-respect de la norme de la langue (règles de grammaire), etc.

Cependant, on distingue habituellement en français trois niveaux de langue difficiles à caractériser et il n’existe pas de frontière précise entre eux parce que, un mot peut être perçu comme de niveau x dans une région ou dans un pays, et y dans une ou dans un autre. Mais aussi il peut changer le niveau de langue par rapport à des périodes. Par exemple :

Le mot bouquin dans Enfer mon ciel à la page 76 est perçu comme de niveau familier en France, alors qu’il est généralement de niveau recherché ou correct au Canada.

Signalons aussi que l’emploi des termes inacceptables du langage oral dans le langage écrit peut être toléré même s’il est généralement considéré comme une faute de style. Dans ce cas, cela peut être fait dans le but de créer ou de rendre un effet particulier. C’est le cas de l’interjection : « -Oh làlà ! » dans Et voici le sorcier à la page 60, lorsque Ludoviko apprend de la bouche du docteur qu’il avait attrapé le diabète. Cette interjection est généralement employée dans le langage oral, mais une faute de style tolérée dans le langage écrit pour seulement rendre le regret le plus profond possible que ressent Ludoviko. Le cas le plus récurrent de ce procédé d’écriture dans les textes en étude est celui d’allongement de la syllabe finale qui se veut aussi l’un des cas d’onomatopée. Par exemple dans ces textes :

             « Mbongo’ee, mbongo’oo » que l’auteur traduit en « L’argent, l’argent »     EMC.  P.11.

              « -Mon chien, mon chien Milou, (…)

              « Mon chien, mon chien, ramenez-moi mon chien je vous en prie »  EMC P.11

         « Et encore » EMC. p.91.

         « J’ai  prié que Dieu les confonde, Il les a confondus, ils sont confondus » Et V.S.p.32

                « NIZAZYA numba lubilo nu kibuga bu swelele…», traduit en (Et voici le salon plein craquer…) Et.v.c. p.33.

              « Dites carrément la facture » Et V.S. p.7

              « Yo na yo mpe…» traduit en (Toi aussi) Et V.S. p.97

« Etc. »

Dans ces extraits, le style oral que puise le langage écrit, avons-nous dit, est celui d’allongement de la syllabe finale. L’objectif de ce style est de rendre le plus fidèlement possible le message tel qu’il est véhiculé par la société, surtout marqué l’oralité et par les langues locales. A l’oral, le rythme et le ton jouent un rôle très important dans la communication parce qu’elle varie selon les contextes du message à véhiculer. Tandis qu’à l’écrit, il est difficile de les noter de manière à rendre le même message. C’est pourquoi l’auteur de ces textes s’efforce d’adapter son écrit au langage de sa société qui véhicule les réalités qu’il décrit. L’allongement de la syllabe finale (quantité) est rendu par les points de suspension et ils incarnent toute la charge émotionnelle du message véhiculé.

Dans ces textes en étude, le recours à l’oralité n’est pas gratuit. D’abord parce que la société dans laquelle évolue leur auteur est caractérisée par l’oralité, ensuite parce que le texte puise dans les réalités sociales qui sont aussi orales, et enfin parce que le texte est destiné à la société marquée par l’oral avant de l’être à la société marquée par l’écrit.

              Au regard de ces occurrences, il se lit des traits culturels liés à la tonalité de la langue première de l’auteur (le Kilega) en particulier, et en général des langues africaines dont il est locuteur. Les deux textes sous examen attestent ce procédé d’écriture pour rendre les réalités sociales de la société du texte. Il s’agit bel et bien du peuple congolais qui en réalité est la société de l’auteur et des personnages principaux. Le contexte et le message véhiculé sont similaires de ceux vécus dans la  réalité. Qu’en est-il de ces niveaux de langue précités ? Il se remarque dans la société une gradation descendante, les gens qui recourent à ces trois principaux registres de langue. Observons comment cela est aussi employé dans ces textes :

  1. Registre soutenu ou recherché

Ce registre de langue est habituellement employé dans les textes littéraires ainsi que dans les lettres officielles. Dans ce registre, les mots (vocabulaire) sont choisis en fonction de leur valeur évocatrice, de leur rareté ou de leur pouvoir de suggestion et les phrases sont complexes, métaphoriques et rythmées. Dans Enfer mon ciel, en voici l’exemple.

« Vers huit heures, nous traversâmes la rivière. Il me dit de me débarbouiller le visage tout en me signifiant que nous avions presqu’une heure de retard à cause de ma paresse. » EMC p.41

Dans cet extrait, Adolphe explique la situation dans laquelle il a effectué son voyage vers Makela. Il recourt dans son propos à un style recherché, celui du choix de temps des verbes. Il s’agit donc ici du verbe traverser, conjugué au passé simple « traversâmes » et de « débarbouiller » à l’infinitif. L’emploi du premier relève du niveau recherché parce que le passé simple au jour d’aujourd’hui est un temps abandonné par la plupart de jeune, parce que dit-on, il est réservé aux vieux parce qu’il situe l’action dans un passé très lointain, il rend donc vieux. Il est aussi réservé aux gens disposant des connaissances fouillées de langue. Le second puise dans un vocabulaire recherché. Il est employé en réalité lorsqu’on veut dire à quelqu’un (bleu, non éveillé) de voir la lumière, d’être éveillé. Cet autre extrait d’Adolphe regorge bien des mots dans le même niveau de langue :

« Quant aux deux jeunes, Levalois et Lebourbon, ils étaient encore dans le couloir en train de haranguer la foule devant l’huissier blanc : « Ordre de Paris, ordre de Paris… C’est Paris maintenant qui donne des ordres chez nous ? Attend le prochain pillages » EMC. p25  

Les deux jeunes qui sont allés à la recherche du visa pouvant leur permettre d’entreprendre le voyage pour l’Europe, sont renvoyée du bureau du chancelier parce qu’ils n’ont pas rempli les conditions fixées par Paris dans leur ambassade. Au lieu de rentrer chez eux, ils trainent dans le couloir en train de dénoncer le mal qu’ils ont observé. Le syntagme verbal « haranguer la foule devant l’huissier blanc »nous met en face d’une réalité vécu en Afrique, spécialement en RDC lors de la déclaration de l’indépendance par certains patriotes du pays. Haranguer un peuple devant son oppresseur relève d’une certaine détermination et d’un patriotisme parce que c’est mettre sa vie en danger. Par contre le syntagme « donner des ordres » confronté à Paris et chez nous dans ce passage, retrace la réalité actuelle de la dépendance de l’Afrique à l’Occident, c’est-à-dire que l’Afrique ne peut rien faire d’elle-même sans faire recours à l’occident. Par ces deux syntagmes, nous remarquons que Sébastien Muyengo, par le biais de ses personnages, dénonce bec et ongle les maux qui rongent sa société sans peur de toute répercussion que celle-ci pouvait entrainer à sa suite.

Dans Et voici le sorcier, Sébastien Muyengo recourt également au niveau de langue recherché pour exprimer, par le biais de ses personnages, les valeurs et les antivaleurs liées à sa culture afin de tracer une voie de sorti de son peuple considérée digne et acceptable comme l’est sa mission. Dans ce texte, il fonde toute sa pensée sur la croyance en Dieu en opposant toutefois deux réalités culturelles à base de deux forces : la force surnaturelle, c’est-à-dire la croyance en cette force qui se solde par la trahison, le mensonge, le désespoir, le malheur, etc. et la force divine, c’est-à-dire la croyance en cette force, qui se solde par une finalité heureuse ; tout cela, pour montrer la grandeur de Dieu et de ceux qui croient en lui. Nous remarquons dans le propos d’une voisine à Mansanga une phrase complexe dont le vocabulaire puise du registre recherché comme suit :

« Je connais un pasteur dont la prière est puissante. Il fait concevoir des femmes stériles, il fait procurer du travail aux chômeurs, et fait voyager ceux qui ont du mal à trouver des visas dans des ambassades. »  Et. V.S. p.9.

Cet extrait est un conseil, malheureusement mauvais, d’une voisine à Masanga qui lui propose de ne pas suivre ce que les curés lui disent parce qu’ils n’ont pas beaucoup de foi, non plus ce que disent les médecins gynécologues parce qu’ils trompent avec leurs soient disant tests. Masanga s’est mariée à Nzau, il y a de cela six ans après le mariage, mais ils n’ont toujours pas eu d’enfant. Quel gynécologue n’ont-ils pas vu, quel curé n’ont-ils pas contacté, mais tout cela en vain. Les gynécologues disent seulement après tous les tests :    « Vous êtes bien, mais on ne comprend pas pourquoi vous n’arrivez pas à concevoir. » Et V.S. p.9.

Dans cette partie, retenons l’adjectif puissant qualifiant le nom prière avec tous ses effets qui s’énoncent en termes de miracles (fait concevoir, fait procurer le travail, fait voyager). La prière ainsi présentée, s’écarte de la norme (pouvoir surnaturel), prière dont se servent plusieurs pasteurs et hommes de Dieu d’aujourd’hui pour se faire valoriser par ses fidèles. C’est pourquoi la voisine use du langage dominé par les exploits du pasteur, pour que Masanga se rende compte qu’elle n’est pas la première à avoir ce problème lequel trouve solution chez celui-ci. La croyance en cette force relève d’une certaine orientation culturelle.

Nous remarquons aussi dans le même angle d’idée que la présentation du narrateur contient bien une dose des mots du langage (vocabulaire recherché) véhiculant un message culturel en ces termes :

« Vieva se leva à son tour, ferma les yeux, et tout en proférant des paroles inaudibles, il les aspergea de sa salive » Et. V.S. p.14

Le vocabulaire recherché auquel nous faisons allusion dans ce passage est : Proférant, aspergea et l’emploi progressive  du temps passé simple. Dans cet extrait, il se lit en réalité une image culturelle observée lorsqu’une personne âgée (vieux) bénit celui qui lui a rendu un service ou maudit celui qui lui a fait du mal.

Il importe de signaler que le niveau de langue recherché ou soutenu se retrouve dans plusieurs propos des personnages et sur plusieurs pages dans ces deux textes sous examen, mais les exemples cités sont une sélection en raison de leur pertinence et leur fréquence observée.

  1. Registre courant, correct ou standard :

Le registre courant est le niveau de langue auquel on recourt lorsqu’on se trouve en face d’un interlocuteur que l’on ne connait, dont on ignore les compétences et avec lequel on a une certaine distance. On le retrouve habituellement dans les journaux, les communications d’affaires et dans certains textes officiels. A ce niveau, on recherche les mots justes et la clarté du message avant tout. Son vocabulaire est usuel (les mots sont compris sans difficulté), les règles prescrites par la grammaire normative sont respectées, mais sans se fouiller trop à la recherche stylistique. Ce registre est le plus récurrent dans notre corpus parce qu’il est destiné à toutes les couches sociales. Par ce procédé d’écriture, l’auteur vise la réceptivité de ses textes par un grand nombre de lecteur.

« Après réflexion, j’avais décidé de quitter Paris. Jipé m’avait parlé de Tolosa, une grande ville qui se trouve au sud de France. Il semble que là, on engageait facilement des jeunes, même des étrangers, dans une société d’aviation dénommée Aérospatiale. Je m’étais décidé à partir à partir. Je devais partir encore. J’en avais parlé à Amery » EMC p.67.

Dans cette sélection de phrases tirées de EMC, l’auteur recourt au niveau standards, courant comme moyen principal d’expression à travers tout le roman. Le héros l’emploie dans ses correspondances avec sa famille lorsqu’il était déjà en France, les agents s’en servent dans leurs échanges, le curé pour prêcher, le journaliste pour recueillir les informations, le chancelier pour échanger avec ses clients à l’ambassade, etc. Dans le cadre de cet extrait ci-haut noté, Adolphe est navré et sidéré de constater qu’après quelques mois en France, il n’y a toujours pas de changement comme il l’attendait. Pas d’emploi, pas de personnalité, pas quoi que ce soit, il décide d’aller à Tolosa où il aurait appris qu’on engageait des étrangers et des jeunes sans conditions. Selon lui, avant la guerre (au Zadiland) est égal après la guerre (en France).

L’auteur recourt au niveau courant dans Et voici le sorcier, parle biais de ses personnages, pour exprimer de manière lyrique sa vision sur le monde en ce qui concerne la croyance en Dieu. De ce fait, il use d’un langage usuel pour être compris par tout le monde, car son objectif est de changer le monde ; à partir de ce texte il prêche la parole de Dieu.

« Monsieur l’Abbé Bukula n’a jamais cru aux histoires de sorciers mais que voulez-vous ? Pour lui, c’est une question psychologique liée à la peur, à la pauvreté, à la solidarité mal tournée. A qui veut l’entendre, il dit qu’il y a plus d’un siècle, lorsque l’Europe n’était pas encore développée comme aujourd’hui, on y parlait aussi des sorciers, mais qu’aujourd’hui, on en parle moins. Plus les gens sont socialement autonomes et libres, plus ils ont moins peur de soient disant agents extérieurs qui leur envalent. De toutes les façons, affirme-t-il, « si votre sorcellerie existe, mon Dieu, ma foi est plus forte qu’elle » Et. V.S p.28

Dans cet extrait sélectif des phrases contenant un vocabulaire du langage courant, l’auteur, par le biais du narrateur, témoigne le mérite de l’Abbé Bikula reconnu comme un grand exorciste, un grand prêtre de Dieu comme les jeunes l’appellent à la page 28. Ce prêtre ne croit pas aux histoires de sorciers à cause de l’histoire d’une certaine maman Fwatu qui l’avait embarqué dans son affaire, celle de n’avoir pas eu d’enfant malgré tous les mariages contractés.

Le choix du vocabulaire (aux histoires, soient disant et votre) dans ce passage, montre l’écartement de l’Abbé, son rejet, son refus vis-à-vis de la croyance au pouvoir surnaturel.  Cette idée est renforcée par l’emploi de la négation absolue contenue dans le syntagme « n’a jamais cru ». En réalité, la prédication que Sébastien M. met à la portée de son public à travers cet extrait est celle de ne pas croire à la sorcellerie, mais plutôt à Dieu et à la foi.

Cet autre passage illustre bien l’usage du vocabulaire courant : « Mais qu’est-ce que tu portes  là ? » Et.V.S.p.36.

Par le choix de ce questionnement, l’Abbé Bikula  montre qu’il existe une certaine distance entre lui et mama Fwatu. Ils s’opposent donc à partir  de la croyance. L’un croit au pouvoir surnaturel tandis que l’autre n’en croit et n’y croit jamais. Dans un style recherché, l’Abbé Bikula aurait dû recourir au questionnement suivant : Que portes-tu-la ?

Les deux textes sous examen sont  entièrement écrits en un langage courant. EMC semble se réduire à un roman épistolaire, c’est-à-dire qu’une partie de ce texte est consacrée aux lettres qui sont une correspondance entre Adolphe et sa famille du temps qu’il s’est décidé d’aller en Europe. Toutes ces lettres sont écrites en langage courant, même si traversées par une dose du niveau familier.

Et voici le sorcier par contre, se solde à des tranches de récits, chacune abordant une réalité sociale comme une matière de prédication que Sébastien Muyengo propose à ses fidèles.

  1. Registre familier et/ou populaire

            Selon Wikipédia, le registre familier est encore appelé « registre des jeunes » ; il est beaucoup employé dans les communications entre les amis, les proches, les intimes etc. Dans ce langage, on recherche les mots les plus communs, relâchés et même abrégés. Les phrases sont souvent simples, mais conformes au bon usage.  On se sert fréquemment des gestes et de l’intonation pour compléter le message que l’on veut véhiculer.

Il existe une nuance entre le registre familier et celui populaire dans le sens où le niveau populaire lui se retrouve souvent dans la communication des personnes peu instruites ou entre les personnes instruites qui emploient volontairement ce niveau. La langue est aussi relâchée, mais non conforme au bon usage où l’on retrouve souvent les expressions argotiques. Il est donc généralement expressif, même s’il y a absence de toute recherche expressive consciente. Mais de toutes les façons, on les emploie habituellement l’un à la place de l’autre.

« Comment ça va y’Ado, (…) T’as fait un bon voyage ? » EMC p.8

Dans cet extrait, Momon, le neveu d’Adolphe lui demande les nouvelles lorsqu’il revient de l’Europe.

Son intervention relève du langage familier parce qu’il recourt au vocabulaire attestant de formes synthétiques en ces termes :

  • Ça: est une forme raccourcie du pronom démonstratif cela  qui s’emploie souvent à l’oral.
  • Y’Ado: est la forme abrégée du nom Adolphe. Cette forme (nom propre précédé d’un augment ya) est beaucoup attestée dans le langage kinois qui exprime une certaine familiarité entre le sujet appelant et le sujet appelé.
  • T’as: est la forme synthétique du verbe avoir, conjugué au présent de ‘indicatif, 2ème personne du singulier  Tu as.

Au regard de ces occurrences observées, nous remarquons que l’auteur, par le biais de Momon (neveu d’Adolphe), recourt au langage familier comme principe d’économie afin de rendre le message entier de toute la phrase en peu de mots. Le choix de ce vocabulaire n’est pas gratuit parce qu’il correspond à la familiarité que Momon entretient avec Adolphe (rapport oncle-neveu). Etant trop rapproché à son oncle, Momon ne pouvait s’adresser à lui qu’en langage familier, sauf que si celui-ci reconnait de son oncle une certaine valeur spécifique ou une supériorité qui l’écarte de lui.

Il existe bien d’autres passages dans lesquels l’auteur recourt au langage familier pour exprimer une familiarité entre les personnages en échange. Par exemple :

  • Le tutoiement dans: « Je te dis et je ne me répéterai plus, (…) » EM p.7

                                         « Tu verras ! » EMC p.7

                                         « Tu rêves » EMC p.8

  • L’utilisation des mots vieillis, familiers dans:

 « Ngouma, clé-com, Ngounda, ndaku ya pwa, je ne comprends rien à votre charabia ! » p.59 EMC.

« Ils s’aiment beaucoup avec monsieur Moffas, il ne peut pas supporter de vivre dans cette baraque sans le voir » EMC p.107

« -Moi, de toute façon, répliqua Lebourbon, un ami m’a filé l’adresse d’un mec qui habite32, avenue Mvoto au quartier bel’air. » EMC. p23

  • L’emploi du déictique familier ça dans :

« Voyons ça. Je pris le vélo, et l’ayant renversé, je remis la chaîne sur le rai. Allez, ça y est, vas-y, il faut attraper Adolphe. » EMC p.75

Au regard de ce qui précède, nous remarquons que le choix du langage familier dans ces œuvres en étude dépend du rapport terre-à-terre entretenu entre deux sujets, il s’emploie selon que l’on se trouve devant tel ou tel autre contexte. Par exemple le jeu, les blagues, fiançailles, famille, etc.

Et voici le sorcier atteste l’emploi du niveau familier de la même manière, mais il se démarque du précédent (EMC) en ce qui concerne le contexte dans lequel il s’emploie. Observons-le dans ces passages :

«  - Ça va, ça va, ça vaEst-ce que tu serais d’accord que je te mette un jour face à face avec ton oncle pour que tu lui dises toutes ces accusations ? » Et. V. S. p. 37.

Ces extraits est un échange de Nicky et monsieur le Curé (Abbé) qui portent sur la sorcellerie. Madame Nicky affirme que son oncle Luvumbu est sorcier et qu’il lui en veut parce qu’elle a rêvé une nuit et voit son oncle venir lui tordre le cou. Le matin elle se réveille fatigué et elle a mal partout. Cela étant, elle décide d’aller voir le curé, mais qui hélas ne le croit pas. Le curé lui propose de faire une Neuvaine pour le problème qui lui arrive. Cela étant fait, elle revient chez le curé parce qu’elle n’a trouvé aucune solution. Le curé étant gêné par Nicky, il lui tient un rendez-vous pouvant mettre les deux sujets à problème ensemble. (Op cit. p37)

L’acceptation « ça va, ça va, ça va… », entendue de la bouche du curé, relève du langage familier parce que le curé étant gêné, ne pouvait plus contrôler son langage. Cette forme est surtout attestée dans le langage oral, mais intégrée dans cet écrit pour insister sur le degré d’ennuie du curé. Il aurait dû simplement dire : ok, d’accord, entendu, etc.

Dans ce sens, la phrase « ça va, ça va, ça va,… est-ce que tu serais d’accord que je te mette face à face avec ton oncle pour que tu lui dises (…) serait reformulée en langage accepté comme : « Ok ou d’accord, Serais-tu d’accord que je te mette en face ou face-à-face de ton oncle(…) ». Bien plus, le niveau familier, standard, soutenu sont récurrents dans les deux œuvres, selon que le personnage qui y recourt est en famille, en politique, en face d’un supérieur, entre les amis, en blague dans le  jeu, etc. L’auteur y recourt différemment, chacun passant par différentes constructions littéraires, et traduit de ce fait une marque ou une trace interculturelle. Les extraits textuels que nous avons présentés traduisent et témoignent bien ces propos. Qu’en est-il de la syntaxe ?

3.1.2.  De la syntaxe

Dans la communication, les énoncés ont diverses formes et la phrase est une organisation cohérente que la syntaxe se donne comme objectif de décrire. Dans ce sens, la syntaxe étudie donc « la façon dont les formes des mots s’agencent pour former des phrases, des phrases pour former des paragraphes et des paragraphes pour un texte ». MUHASANYA, Cours de Syntaxe 2016-2017).

On distingue généralement deux niveaux de syntaxe : la syntaxe simple et la syntaxe complexe. La syntaxe simple est constituée des phrases minimales et des phrases simples et celles complexe des phrases complexes. C’est sous l’égide de ces occurrences que nous envisageons examiner l’interculture dans EMC. Et Et voici le sorcier afin de voir ce qui caractérise la plume de Sébastien MUYENGO M.

  1. La syntaxe simple

Elle comprend, avons-nous dit, les phrases minimales ou monorhèmes, les phrases nominales ou morphèmes et les dirhèmes, ainsi que celles dites simples.

  • Phrases minimales ou monorhèmes

Une phrase est dite minimale ou monorhème, lorsqu’elle est réduite à un seul élément, se suffisant à lui-même. Cet élément seul apparait soit comme thème, soit comme prédicat.

« Pleurer ? » p.33

« Raconte ! » p.38

« Niet ! » p.50

« Menteur » p.108

« Choisissez ! » p.123

Etc.

Dans ces textes, ce type de phrases se remarque dans les extraits suivants comme prédicat :         Enfer mon ciel                                                   Et voici le sorcier

« Etudier ? » p.21

« Fermé ! » p.21

« Assez ! » p.83

« Dommage ! » p.113

« Accouche ! » p.113

« Entrez » p.113 Etc.

Ces extraits sont de prédicats parce qu’ils correspondent généralement au verbe, ils sont seuls les noyaux des phrases. Par définition, le prédicat ou rhème est ce qu’on dit de la chose, ce qu’on dit à propos du sujet.

            Dans Enfer mon ciel comme dans Et voici le sorcier, l’auteur recourt au phrases minimales où seul le prédicat est le noyau de phrase lorsque, parlant d’un sujet avec son interlocuteur, il veut montrer son autorité dans la prise des décisions par rapport au sujet en laissant son interlocuteur intervenir beaucoup plus, qu’il apporte son jugement en terme de conclusion de l’échange. Ceci témoignerait le caractère réceptif de Sébastien Muyengo et sa fermeté dans la décision. C’est-à-dire qu’il veut entendre plus pour parler moins et quand il décide, peu de mots suffisent pour le dire comme nous le constatons dans l’extrait cité : Assez !, Niet !, Fermé !, etc.

Le sujet par contre est ce dont on parle, ce qui occupe l’esprit pendant un discours : sujet psychologique, ce à quoi renvoie le discours. Dans ce sens, l’élément central (noyau) de la phrase minimale est un thème, le référent de l’échange. Par exemple dans :

« La honte ! » EMC. p20, « Le parrain ? » EMC. p35, « Le Zadiland ! »EMC. p55, « Des biscuits ? », « La pauvre ! » Et v.s.p29, « La gauche ! » Et v.s.p107,  « Au service ! » Et v.sp114

 Ces phrases consistent à annoncer seulement le sujet du discours, le thème, le sujet dont on parle. Ce type de phrase (minimale) n’est jamais assertive, mais exclamative ou interrogative ou les deux à la fois. Elles ont une forte charge sémantique dans l’examination de l’étonnement du sujet parlant sur une question qui lui tient à cœur, qui préoccupe sa pensée. C’est-à-dire, le sentiment qui l’habite lors du discours. L’auteur recourt à ce type de phrase minimale lorsqu’un sujet dans un échange, n’a pas bien suivi le thème de leur échange lors de son énonciation et qu’il veut alors avoir de précision auprès de l’énonciateur. Il peut s’agir d’une phrase réduite à un seul élément « interjection » qui souligne l’affection du sujet parlant par rapport au sujet dont on parle. Sébastien Muyengo M. emploie cette stratégie dans ces textes toutes les fois qu’il présente les personnages dans un échange au cours duquel chacun se positionne par rapport au sujet de leur échange. Dans ce sens, l’interjection dans les extraits cités ci-haut, est un signe de :

  • Regret: “ Ah !, Oh !, Oh làlà !, Aa!, ô! Eh…! Etc.
  • Colère: « Assez! Oh!, Eh hoop!, etc. »
  • Révolte: « Ah ! Ah mon Dieu !, Ah bon !, bravo !, etc. »
  • Etonnement : « Ah !, Ah mon Dieu !, Ah bon !, etc. »
  • Admiration: « Eh bien !, ça alors ! Voilà !, bravo ! etc. »

Ce type de phrases sont caractérisées par la présence d’une syntaxe expressive « phrase exclamative qui embarque le destinateur et son jugement, sa position marquant l’admiration, l’émerveillement, etc. dans ce dont il parle. (PAGES, A., 2000 : 208).

On peut rapprocher de ce cas, des procédés alignant un groupe de mots sans besoin d’une actualisation par une structure verbale. En général, ces monorhèmes sont des réactions personnelles ne nécessitant aucun destinataire, c’est-à-dire, ne nécessitant la contribution de personne. C’est pourquoi la phrase minimale n’est pas uniformément entendue, elle dépend d’un énonciateur à l’autre.

  • Dirhèmes:

On appelle dirhème, « la phrase à deux membres (sujet et prédicat). DHEDYA V. (2015-2016 : 54), note de cours de Rhétorique.

Contrairement au monorhème, le dirhème propose plus d’explication pour la compréhension du message véhiculé, mais le sujet et le prédicat ne sont pas encore soudés, l’idée de la phrase est exprimée en deux tranches. Dans le dirhème, on exprime les idées brutes, immédiates, telles qu’elles jaillissent spontanément dans l’esprit. Ce type de phrase est l’idéal pour le monologue intérieur. Ces textes attestent ce type de phrase dans les extraits suivants :

« Tous pareils les hommes, tous les mêmes ! »p.29

« Non, mais quand même » p.37

« Surtout pas ça, grand frère » p.64

« Volontiers, madame » p.65

« A votre service, madame » p.56

« Du boulot, Patron. » p.116, etc.

                 Enfer mon ciel                                                   Et voici le sorcier

« Et patati, patata ! » p.23

« Au revoir, monsieur ! » p.24

« Au Portugal, bien sûr. » p.42

« Et oui, mon ami ! » p.55

« Les SDF, encore du Charabia ! » p.59

« Etc. »

Comme on le voit dans ces extraits, la pensée s’y élabore en deux temps. C’est-à-dire, le premier terme de la phrase aborde l’idée et le deuxième le complète. En réalité, l’emploi du procédé dirhémique s’observe souvent dans les discours des gens présentant certaines difficultés pathologiques lié à la langue (bègues) et dans les discours des débutants dans l’apprentissage de la langue. Il se remarque dans leur production des groupes rythmiques, des coupures intempestives, non de manière volontaire. Le recours aux dirhèmes par l’auteur et lié au ton, rythme et à la mélodie de son langage de prêtre quand il prêche la parole de Dieu. 

Dans cette logique, on n’appelle pas dirhème seulement les phrases où manquent les verbes, mais aussi celles où la pensée s’exprime en deux temps. Dans ces œuvres, le dirhème s’observe aussi sous une autre forme dans les structures synthétiques.

De ce fait, il se remarque l’ajout de la préposition « de »  intervenant comme une copule verbale qui unit les deux termes qui constituent le dirhème. Par exemple :

« Drôle de recommandation » EMC p.11

« Gagné d’avance ! » p.170 Et voici le sorcier.

Dans ces extraits, la structure dirhémique est d’ordre normal parce que le substantif caractérisant précède le substantif caractérisé. C’est-à-dire  que le prédicat grammatical devient un sujet psychologique. Dans ce sens, les substantifs caractérisant sont « Drôle et Gagné »et les substantifs caractérisés sont « recommandation et avance »

Au regard de ce qui précède, le dirhème est un procédé d’écriture qui retrace l’interculture du fait que celui-ci relève du caractère spécifique d’un parler. Cette forme est beaucoup attestée dans les langues africaines, et pensons-nous que celle-ci peut être aussi due à une lenteur à exprimer ses idées qu’on les découpe en morceau, en partie.

  • Phrases nominales

            Une phrase est dite nominale lorsque le nom est le noyau de toute la phrase et joue la fonction du verbe. C’est une phrase caractérisée par la prédominance nominale, même s’il y a parfois un verbe. Elle est souvent courte et averbale, réduite aux notations de l’essentiel tout simplement. Les faits dans ce type de phrase sont captés tels qu’ils sont perçus brutalement comme dans ces extraits :

« Ton ticket, monsieur » EMC p.8

Nous remarquons cet extrait dans l’échange d’Adolphe et le convoyeur d’un mini bus. L’élément central de cette phrase est le nom « ticket » autour duquel gravitent les autres éléments secondaires. Dans ce type de phrase, l’énonciateur n’a pas besoin de beaucoup de détails pour faire comprendre son message, seul le contexte génère les sens et la compréhension des éléments non énoncés. L’élément implicite qui se laisse comprendre par le contexte dans ce passage est « le verbe donner ou exhiber).

Ces deux œuvres en étude, attestent le recours aux phrases nominales pour exprimer la même réalité basée sur son principe d’économie en centrant l’idée de la phrase dans un seul élément qu’est le nom.

Dans Enfer mon ciel, ce type de phrase se remarque souvent dans des échanges des personnages lorsque ces derniers se trouvent dans un contexte ne leur permettant pas d’échanger convenablement à cause d’une certaine contrainte, rapidité imposée par celui-ci.  :

« Parole de Yemey Kaponda, le maire de Kibourg ». p.13.

Cet extrait est le propos d’une autorité de la mairie, déléguée pour arrêter la mauvaise tension qui s’observait déjà à la cité (rébellion). A son arrivé, cette autorité tient un meeting afin de dire à la population ce que le maire de la ville lui a chargé comme message. Etant donné que la population était trop agitée par ce mouvement de rébellion, l’autorité de la mairie a passé son discours rapidement de peur que la population ne se lève contre elle. Dans ce contexte-ci elle pratique le principe d’économie en centrant le message de toute la phrase dans une seule  particule qu’est le nom « Parole ».

Un autre contexte dans lequel l’auteur recours à l’économie dans la phrase nominale est celui d’un échange qui se fait entre les personnages en omettant certains éléments de la phrase parce que le locuteur suppose que l’interlocuteur  suite au contexte dans lequel ils se trouvent comprendra le reste de la phrase. Par exemple dans :

« Ton ticket, monsieur » p.8

« La prise en charge » p.24

« L’attestation d’hébergement. » p.24

« Passeport… » p.24 

Dans ces extraits, nous lisons en premier lieu l’échange d’Adolphe et du convoyeur lorsqu’il arrive à sa destination. Avant de descendre du véhicule, le convoyeur lui demande son ticket de voyage. (Extrait n°1). En second lieu, il s’agit d’un échange du chancelier et ceux qui cherchaient le visa à l’ambassade y compris Adolphe. (Extrait 2,3 et 4).

Nous remarquons dans ces extraits une certaine économie de la part de l’énonciateur qui, au lieu de rendre tous les éléments de la phrase, omet certains éléments en centrant le message de toute la phrase dans une particule qu’est le nom. Selon le contexte, ces phrases pouvaient être complétées par les verbes suivants que l’énonciateur n’a pas voulu évoquer : Donne, montre, exhibe, etc. Ces phrases, au-delà d’être minimales, elles sont nominales parce que leur noyau est le nom. Il s’agit donc de : Ticket, prise en charge, attestation, passeport…

Rappelons que l’omission des verbes dans ces phrases n’est pas gratuite, elle est due au contexte dans lequel l’énonciation est intervenue. Cela suppose que l’énonciateur et son récepteur sont tous informés du contexte qui les uni et du sujet de leur échange. Ces phrases correspondent aux calepins, celles réduites aux notations de l’essentiel.

L’auteur recourt aussi à la phase nominale lorsqu’il présente la situation dans laquelle un personnage cherche à convaincre son interlocuteur en utilisant le procédé de renforcement de l’idée, l’énumération, l’explication, le détail… ces phrases nominales sont souvent longues parce qu’elles présentent le détail comme il est le cas de :

« Passeport avec la recommandation du ministre des affaires étrangères du gouvernement du Zadiland ; Attestation de prise en charge ou de bourse d’étude (NB. Nous n’acceptions pas l’attestation de bourse du gouvernement du Zadiland) ; Attestation d’hébergement (obligatoire pour tous, même les boursiers) ; Deux photos d’identité. » EMC p.24.

Cet extrait est un message que le chancelier de l’ambassade avait affiché lorsqu’il avait constaté que beaucoup de clients qui passaient retirer leur visa ne remplissaient pas le critère ; leurs documents étaient souvent incomplets. Ce message permettrait aux clients de s’évaluer selon les critères parce qu’il était inutile de se présenter au bureau si l’un de ces documents manquait.

Dans cet extrait, l’énonciateur recourt à l’énumération suivie d’une explication détaillée des éléments nécessaire pour avoir un visa pour persuader les clients désireux. L’énumération s’explique par des points virgules et l’explication par la mise entre parenthèse et la prédominance des noms confère à cet extrait le titre de la phrase nominale.

Nous remarquons ce type de phrase également lorsqu’Adolphe, étant déçu du ciel qu’il rêvait chaque jour (Europe), se rappelle le onze Novembre, période à laquelle le Zadiland son pays organise une fête nationale en réunissant les Zandilandais de Paris à un endroit appelé Terrain pour jouir ensemble. Il se souvient donc de la manière dont la fête s’était déroulée en ces termes :

« Pour cette année, on avait programmé un match de football entre les Zandilandais de Paris et ceux de Bruxelles, un défilé de mode masculin et féminin, l’élection de miss Europe, suivie des concours du meilleur sapeur, meilleur buveur, meilleur « bureaucrate » (record en nombre de femmes), meilleur danseur, meilleur coiffure… »EMC p.61.

  Il ajoute :

« On avait installé de nombreux stands où l’on vendait les fameux wax zadilandais aux multiples couleurs et sobriquets des différents mets du pays, des bières produites au Zadiland, des disques et des cassettes de la musique Zadilandaise, tant moderne que traditionnelle… » p.61. 

Ces extraits sont des phrases nominales présentant les détails des activités qui s’organisent lors de la fête nationale du Zadiland.

Dans Et voici le sorcier, l’auteur recourt à la phrase nominale lorsqu’il traduit le sentiment de l’un ou l’autre personnage par rapport au sujet d’échange. Dans ce sens, il applique les phrases nominale dans toutes ses diversités formelle (exclamative, interrogative, négative, affirmative…). Mais la pratique la plus récurrente est  celles des phrases nominales affirmatives lorsque le personnage donne la précision sur sujet donné.

Dans ces textes, la phrase nominale exclamative est souvent courte et averbale qui exprime le fort intérieur (sentiment) du personnage comme dans :

« Ah mon Dieu ! » p.63

« Le diable et la bête… ! » p.63

Dans ces passages, nous lisons le regret de Ludoviko lorsqu’il avait appris de la bouche du docteur qu’il était déjà attrapé le diable et la bête, la sale maladie comme l’appelle son petit frère (Diabète) parce qu’elle ne se soigne pas.

Les points d’exclamation et les points de suspension montrent que l’énonciateur se trouve à un plus haut degré d’étonnement. Ces points traduisent la pensée qui traverse l’esprit de l’énonciateur qui n’arrive pas à comprendre comment peut-il attraper cette maladie. Et les noms Dieu, diable et bête sont de noyaux de ces phrases, d’où phrases nominales.

Les phrases nominales interrogatives sont caractérisées par une interrogation bien que le nom soit le noyau de la phrase.  Cette interrogation peut on ne pas susciter la réponse de la part de celui à qui elle est adressée. Dans un monologue par exemple, la question n’a pas besoin de réponse parce qu’elle s’adresse à l’énonciateur lui-même.

Ce type d’interrogation se remarque dans le propos de Fwatu comme suit :

            « De mon défunt mari ? »p.34

            « De sa famille ? » p.34

Ces phrases nominales sont le monologue de maman Fwatu lorsqu’elle se pose beaucoup de questions sur le malheur qui lui arrive, celui de mettre au monde un enfant garçon extraterrestre (monstre) qui la fait souffrir à cause de ses caprices intolérables :

  • Lorsque l’enfant suce, à la place du lait maternel, c’est le sang qui coule ;
  • L’enfant cri comme un animal sauvage ;
  • L’enfant ne tolère pas la présence de son père ;
  • Physiquement, l’enfant ne change pas etc.

La souffrance étant beaucoup accentuée, maman Fwatu ne dort plus la nuit parce qu’elle est devenue trop pensive. Cela étant, elle se pose des questions pour savoir d’où pouvait lui venir ce malheur. Ce type de phrase n’est pas fréquent dans ce texte, il est attesté dans  ce monologue  pour traduire la pensée, la croyance de l’énonciateur vis-à-vis du sujet qui le préoccupe.

Par rapport aux autres formes de phrase nominale, les phrases nominales affirmatives sont les plus attestées dans ce texte traduisant une certaine précision, certitude de la part de l’énonciateur en ce qui concerne le message qu’il rend à son interlocuteur. C’est le cas du renforcement de l’idée déjà énoncée que nous retrouvons dans :

« Ici dans la maison, monsieur l’abbé, dans la douche intérieure » p.39

« La prière, bien sûr, mais surtout la grève, le boycotte de la chambre conjugale. » p.49

« D’accord : Mauvaise longue, mauvaise pensée, mauvais raison, mais raison quand même. » p.74

« Ma fille, désormais voici ton fiancé » p.89. Etc.

Ces phrases nominales, au-delà d’être affirmatives, elles traduisent une insistance de l’énonciateur qui justifie sa force illocutoire (la prise de décision). Cette insistance est rendue par les éléments suivants :

  • Dans la première phrase, la répétition de la préposition dans pour insister sur l’intériorité parce que l’Abbé savait que Luvumbu affirme qu’il s’est cogné à l’intérieur de sa maison, par ailleurs.
  • Dans la deuxième phrase, l’emploi de la conjonction mais suivie de surtout pour insister sur les éléments essentiels pouvant susciter Lusamaki à adhérer dans l’AFDL. Cette phrase est un conseil de La-Générale à Maman Achezake sur les stratégies à appliquer afin d’amener Lusamaki à l’AFDL.
  • Dans la troisième phrase, l’emploie de la conjonction mais suivi de quand même pour insister sur la qualité de la raison.
  • Dans la quatrième phrase, l’emploie de l’adverbe désormais pour insister sur le temps. Ce propos est la décision d’un père Musimbi à sa fille interrompre le nombre de visite des garçons qui venaient chercher sa fille parce qu’il a déjà une tranche de la dot du garçon qu’il lui présente.

            Au regard de ce qui précède, nous remarquons que dans ces textes en étude, les phrases nominales dans toutes ses diversités formelles surtout affirmatives, sont un procédé langagier de Sébastien Muyengo lorsqu’l veut communiquer les sentiments qui lui sont intérieurs qui se démarquent de ceux des autres.

Chez Sébastien Muyengo, la construction des phrases nominales est rendue par la juxtaposition des syntagmes nominaux. Ce procédé langagier justifierait sa précision, son insistance et même sa rigueur à la tenue du discours et à l’accomplissement de ses actes dans sa vie quotidienne.

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