Arrow Table de matières
2124770

CHAPITRE II. MATERIELS ET METHODES

2.1. Site d’étude

2.1.1. Situation administrative et géographique

La réserve forestière de Yoko (0° 17’ latitude N et 25° 17’ longitude E) est située en RDC, Province Orientale, territoire d’Ubundu, Collectivité de Bakumu-Mangongo, district de la Tshopo, ville de kisangani, à 32 km au Sud-Ouest de la ville sur la route Kisangani – Ubundu.

Elle est délimitée au Nord par la ville de Kisangani,  au Sud et à l’Est par la rivière Yoko, à l’Ouest par la voie ferrée et la route le long de laquelle elle se prolonge des points kilométriques 21 à 38 (Lomba & Ndjele, 1998).

Figure 3. Carte de localisation de la réserve forestière de Yoko, où la rivière Yoko (Kahindo,

2011)

Elle est baignée par la rivière Yoko qui la subdivise en deux blocs dont le bloc Nord avec

3370 ha et le bloc Sud avec 3605 ha, soit une superficie globale de 6975 ha. L’altitude de la zone oscille autour de 400 m et la topographie du terrain est généralement plate.

2.1.2. Cadre phytogéographique

Du point de vue phytogéographique, la réserve de Yoko est située dans la Région GuinéoCongolaise (White, 1983) entre le District Centro-oriental de la Maïko et celui de la Tshopo (Ndjele, 1988), Domaine Congolais (White, 1979), Secteur Forestier Central (Dewildman, 1913). 

Les forêts sont réparties sur l’ensemble du territoire de la RDC. Elles englobent divers faciès écologiques : forêt dense sempervirente et semi décidue (surtout sur la cuvette centrale) ; forêts édaphiques ; forêt de montagne (surtout à l’Est), forêt claire et savane arborée (surtout dans le Sud) (Nshimba, 2008).

 Les études menées par Lebrun & Gilbert (1954) définissent deux types de forêts dans la province orientale et précisément dans la région de Kisangani. Il s’agit des forêts denses sur sols hydromorphes généralement le long du réseau hydrographique et les forêts denses de terre ferme.

La forêt de la province orientale renferme de nombreuses espèces caractéristiques et endémiques. Etant à cheval sur l’équateur, elle occupe une position stratégique du point de vue de la biodiversité. 

2.1.3.  Le climat

La réserve de Yoko bénéficie globalement du climat régional de la ville de Kisangani du type Af (pas de mois sec – mois où le double de la température est supérieur ou égal aux précipitations), dans la classification de Köppen.

La température du mois le plus froid est supérieure à 18°C, la hauteur mensuelle des pluies du mois le plus sec oscille autour de 60 mm et la température moyenne est autour de 25°C. Les précipitations moyennes annuelles sont de l’ordre de 1750 mm avec deux maxima

équinoxiaux autour des mois d’octobre et d’avril, et deux minima solsticiaux autour de janvier et juillet. La moyenne annuelle du nombre de jours de pluies se situe autour de 155 (Lomba, 2011).  

2.1.4. Les sols

La réserve de Yoko a des sols ferrallitiques des plateaux du type Yangambi caractérisés par la présence ou non d’un horizon B (d’environ 30 cm d’épaisseur), une texture argileuse (environ 20%), une faible capacité d’échanges cationiques (moins de 16 méq/100 g d’argile), une composition d’au moins 90% de Kaolinite, des traces (moins de 1%) de minéraux altérables tels que feldspaths ou micas, moins de 5% de pierres (SYS, 1960 in Kombele 2004 ; Calembert, 1995 in Kombele, 2004). Ces sols sont acides, généralement sablo-argileux et renferment des combinaisons à la base des sables. Ils sont pauvres en humus et en éléments assimilables par les plantes (Nyakabwa, 1982).

2.1.5. Actions anthropiques

 La réserve forestière de Yoko est fortement menacée par les populations riveraines. Il est important aussi de signaler que l’instabilité politique liée aux guerres dites de libération, depuis 1996 en RDC en général et dans la Province Orientale en particulier, a donné lieu à l’exploitation illicite et non rationnelle de ressources naturelles (bois d’œuvre, …) de la Province Orientale et la réserve forestière de Yoko n’a pas été épargnée. Les populations riveraines y pratiquent, en plus de l’agriculture itinérante sur brûlis, l’élevage familial extensif, la carbonisation, la chasse, la pêche et la récolte des Produits Forestiers Non Ligneux (PFNL).

2.2. Collecte des données

2.2.1. Inventaire des arbres vivants

Un dispositif permanent de 400 ha en forme de L  a été délimité dans la réserve forestière de Yoko, segmenté par des layons N-S positionnés tous les 50 m. Le dispositif comporte deux blocs rectangulaires de 200 ha chacun. Les deux blocs sont contigus et dénommés « bloc nord » et « bloc sud » (Figure 4). 

Figure 4. Dispositif permanent de 400 ha (en rouge: 9 ha de suivi de la dynamique) (Picard, 2008)

A l’issue du premier inventaire en 2008 dans la parcelle de 9 ha, 4249 arbres à DHP ≥ 10 cm ont été inventoriés, soit une moyenne de 472 arbres par hectare. Chaque hectare a été subdivisé en 100 placeaux de 10 m x 10 m. Dans chaque placeau, les arbres ont été inventoriés, mesurés, marqués à la peinture et positionnés (coordonnées (x, y)) (figure 5). Depuis lors, une base des données a été créée pour loger les informations relatives au dispositif de Yoko. Nous avons suivi la même procédure pour quantifier les processus de la dynamique forestière dans 2 ha (carrés 1 et 2) de la même parcelle cinq ans après les premières mesures.

Figure 5. Numérotation des carrés, des placeaux et des arbres à l'intérieur de la parcelle permanente (Picard et Gourlet-Fleury, 2008)

2.2.2. Positionnement des arbres dans les parcelles

Le positionnement des arbres était déjà effectué lors du premier inventaire. Nous avons repositionné les arbres pour nous rassurer que ce sont les mêmes individus mesurés en 2008 qui ont fait l’objet des remesures en 2013. Pour bien repositionner les arbres, nous  nous sommes appuyés sur un quadrillage intermédiaire qui délimite des placeaux au sein desquels la position des arbres a été déterminée : ce système permet  de limiter la propagation des erreurs. Le quadrillage intermédiaire s’est appuyé sur le quadrillage initial de maille 1 ha (mis en place lors de l’inventaire préliminaire) : il lui superpose une maille plus petite, de 10 m × 10 m au minimum et de 20 m × 20 m au maximum: la taille de la maille (donc des placeaux) dépend de la structure forestière.  Notre maille est ici d’une taille de 10 m x 10 m.

Une méthode classique a été utilisée pour localiser les arbres au sein des placeaux, à l’aide d’une boussole et de pentadécamètres. Deux pentadécamètres ont été positionnés au sol, en x et en y, le long des layons intermédiaires. Une personne A se déplaçait au sein du placeau et passait d’arbre en arbre. Deux personnes B et C se déplaçaient le long de chaque décamètre, avec une boussole. B (ou C) visait l’arbre A0 désigné par A en se déplaçant jusqu’à ce que la droite A0B (ou A0C) soit perpendiculaire à la direction du layon portant le décamètre. La lecture du décamètre donnait la valeur x ou y relativement à l’origine du placeau (Figure 6). 

Cette méthode est simple à mettre en œuvre, fournit directement les coordonnées cartésiennes des arbres, et assure que l’erreur de positionnement est aléatoire (Picard, 2008). 

Figure 6. Positionnement des arbres par la méthode classique utilisant boussoles et pentadécamètres (Picard et Gourlet-Fleury)

Une fois que l’arbre a été bien positionné et identifié, son diamètre a été mesuré, à une  hauteur matérialisée sur le tronc par un trait de peinture : 1,30 m la plupart du temps, ou bien au-dessus des gros défauts et/ou des contreforts, la peinture étant remontée le long du tronc à 4,50 m. Les mesures ont été prises au DHP-mètre. Toutes les anomalies ont fait l’objet d’une codification particulière dans la base de données qu’il s’agisse de peintures remontées ou d’un manque de cylindricité du tronc rendant la donnée de diamètre particulièrement imprécise. La structure diamétrique totale, ou répartition des tiges par classes de diamètre a été établie en prenant en compte tous les individus, toutes les espèces confondues. Elle est porteuse de certaines informations sur la dynamique du peuplement.

2.2.3. Arbres recrutés

Il s’agit des individus non recensés lors de la campagne d’inventaire précédente, qui ont atteint le diamètre de précomptage : ici 10 cm de diamètre à 1,30 m.  La principale difficulté consiste à les repérer dans le peuplement, opération facilitée au sein des parcelles de suivi en plein où tous les arbres de plus de 10 cm de diamètre ont déjà été marqués. Ces « nouveaux » arbres (« recrutés ») ont été  identifiés, marqués, mesurés et, dans les parcelles en plein, localisés géographiquement : l’attribution de coordonnées s’est faite à partir des arbres voisins les plus proches dont les coordonnées étaient déjà connues. 

2.2.4. Inventaire des arbres morts

La détection des individus morts exige une observation fine de chaque individu et notamment de son houppier et de son tronc. Certains individus morts peuvent échapper à la vigilance des opérateurs de terrain ou, inversement, un individu noté mort peut finalement ne pas l’être (Boyemba, 2011). Dans chaque placette de 10 m x 10 m, les individus morts ont été notés par type de mortalité selon qu’il s’agissait d’un mort sur pied ou d’un chablis. 

2.2.5. Analyse des données

Les mesures des arbres ont été stockées dans la base de données. Elles ont servi à l’analyse et à la quantification des différents processus de la dynamique forestière : croissance, recrutement et mortalité, en travaillant à l’échelle de l’individu. Dans ce mémoire, nous analysons les paramètres de la dynamique dans la réserve forestière de Yoko cinq ans après les premières mesures effectuées en 2008 lors de l’installation de la parcelle.  L’accroissement diamétrique ∆d », le taux de recrutement « r » et le taux de mortalité « m » sont calculés. 

  1. Calcul de l’accroissement diamétrique

 La croissance est étudiée par le biais de l’accroissement en taille des individus. D’une manière générale, les arbres avec contreforts ou dont la hauteur de mesure a été remontée entre les différentes périodes d’inventaire ne sont pas pris en compte pour l’étude de l’accroissement, de même que les arbres présentant des blessures ou autres anomalies sur le tronc. L’accroissement en diamètre entre deux inventaires réalisés à t = t1 et t = t2 est exprimé de la façon suivante :

∆d =  

Avec :

∆d = accroissement diamétrique ; dt2 = diamètre au temps t2 ; dt1 = diamètre au temps t1.

Sheil (1995) note cependant que des accroissements négatifs peuvent être obtenus pour plusieurs raisons : perte d’écorce pour les espèces se desquamant, erreur de mesure, arbre mourant, etc. Dans le présent travail, les circonférences mesurées en 2008 et en 2013 ont été utilisées pour le calcul des accroissements. Le DHP est calculé à partir de la circonférence, mais seuls les arbres présents de la campagne de 2008 à celle de 2013 ont été pris en compte (les arbres morts et les nouveaux recrutés n’ont pas été considérés lors des analyses).

  1. Calcul du taux de recrutement

Le taux de recrutement annuel, noté r, se calcule classiquement comme le rapport entre le nombre d'arbres recrutés entre les temps t1 et t2 et le nombre total d'arbres vivants au temps t1 (de diamètre supérieur au diamètre de référence : 10 cm à 1,30 m du sol). Le recrutement, en valeur brute ou en taux annuel, peut être calculé soit en effectif, soit en surface terrière, soit en volume. Le taux de recrutement en effectif se calcule de la manière suivante :

Avec : nt1, t2 = nombre d’arbres recrutés entre les temps t1 et t2 ; Nt1 = nombre total d’arbres vivants au temps t1 (de diamètre supérieur à celui de référence)

  1. Calcul du taux de mortalité

Différentes méthodes de calcul sont utilisables selon les données disponibles. Comme pour le recrutement, la mortalité peut être aussi calculée  en effectif,  en surface terrière, ou en volume. Le calcul du taux de mortalité en effectif s’effectue de la façon qui suit :.

Avec :

 Nt = effectif des survivants de la population de départ après t années. Les arbres recrutés ne sont pas pris en compte ; N0 = effectif de départ; t = durée de la période de calcul.

Un exemple d'utilisation de cette méthode se trouve dans le travail de Primack et al. (1985) et dans celui de Sheil & May (1996).

2.2.6. Traitements statistiques des données

Le logiciel R version 2.10.0 (R Development Core Team, 2009) a permis de faire les analyses statistiques des données récoltées.  L’analyse de la variance (ANOVA), qui est un test paramétrique, a été utilisée pour comparer les moyennes des accroissements diamétriques en fonction des tempéraments des espèces dans les deux carrés étudiés. En cas de différence significative, le test post-hoc de comparaison multiple de Tukey a été appliqué pour identifier les tempéraments responsables des différences.

La comparaison d’effectifs, notamment les effectifs recrutés et les effectifs morts dans différentes classes de diamètre a nécessité l’usage du test de conformité de chi-carré. Différents auteurs notent que le chi-carré doit toujours être appliqué sur des valeurs observées brutes, jamais sur des valeurs transformées (Harvey, 2002 ; Nshimba, 2008). L’utilisation de ce test suppose de respecter une autre condition, pour s’assurer de la validité des résultats : il s’agit de la règle de Cochran (Millot, 2011) qui fixe un effectif minimum dans les classes. Chaque classe doit avoir une fréquence théorique supérieure ou égale à 5. Cependant, il y a possibilité d’avoir certaines classes avec des fréquences théoriques comprises entre 1 et 5%. L’exigence est qu’un minimum de 80% de la totalité des classes ait au moins 5 effectifs théoriques. Si cette condition n’est pas remplie, le test non paramétrique de Kruskal wallis est appliqué.

Partager ce travail sur :