Le manioc, originaire de l’Amérique du Sud, comprend plusieurs espèces dont Manihot glaziovii (Céare), plante à caoutchouc et surtout M. utilisima (manioc) qui est la plante vivrière la plus importante de la zone tropicale humide par sa productivité et sa plasticité .Son aire s’étend même à la zone tropicale sèche car il est extrêmement rustique.
Le manioc fut amené en Afrique à la fin du 16ème siècle par les navigateurs portugais. Il s’est rapidement répandu principalement dans l’Afrique de l’Ouest, l’Afrique centrale et les pays riverains du Golfe de Guinée et pénétra plus à l’intérieur par le bassin du fleuve Congo en Afrique orientale ; la progression du manioc se situa plus tardivement, à la fin du 17ème siècle, via les iles de la Région, de Madagascar et de Zanzibar (JANSSENS, 2001).
Le manioc appartient à la famille des Euphorbiacées, tribu des Manihoteae, genre Manihot. Les différentes variétés rencontrées appartiennent toutes à l’espèce M.esculenta CRANTZ .Cette dernière est originaire du Brésil. Le genre Manihot est relativement large ; il comprend un grand nombre d’espèces (près de 100 espèces réparties en 17 sections).Toutes les espèces du genre possèdent 2n= 36 chromosomes (DEMOL ,2001).
Le manioc est une plante arbustive, semi-ligneuse, atteignant en culture 2 à 3 m de hauteur. Elle est pluriannuelle, mais généralement cultivée comme une plante annuelle et bisannuelle. Comme toutes les Euphorbiacées, ses diverses parties contiennent du latex.
Le système racinaire du manioc est bien développé et lui confère une bonne tolérance à la sécheresse. Les racines principales ont tendance à se tubériser. Ces racines riches en fécule, sont disposées en faisceaux et mesurent 30 à 80 cm de longueur et de 5 à 10 cm de diamètre. Elles ont une écorce brunâtre ou rougeâtre.
Les tiges, dont le diamètre ne dépasse pas 2 à 4 cm, sont en grande partie remplies de moelle et de ce fait fort fragiles tant que l’aoûtement est incomplet. Les feuilles sont disposées en spirale selon une phyllotaxie de 2 ∕5 et caractérisées par de multiples lobes foliaires. La couleur des feuilles, quelques fois pourpre dans le jeune âge, est vert clair à vert foncé. Les feuilles sont portées par les pétioles de 5 à 30 cm de longueur, plus longs que le limbe. Les pétioles, de même que les nervures foliaires, sont de couleur verte ou rouge à pourpre, plus rarement blanchâtre (JANSSENS, 2001).
Les inflorescences sont monoïque, rarement dioïques, en racèmes ou en panicules terminales ou à l’aisselle des feuilles supérieures, généralement composées de une à plusieurs fleurs femelles basilaires longuement pédicellée et de nombreuses fleurs males à pédicelle plus court. Les fleurs males sont relativement petites, à calice campanulé ou tubuleux, pétales nuls, 10 étamines disposées en deux verticilles libres à déhiscence longitudinale. Les fleurs femelles sont relativement grandes, à calice identique à celui des fleurs males, pétales nuls, ovaire triloculaire, un ovule par loge, styles lobés. Les fruits sont des capsules déhiscentes à trois loges comprenant chacune une graine. Les graines sont ovales et grossièrement triangulaires en coupe transversale. Elles portent une caroncule, croissance apicale du tégument (DEMOL, 2001). Poids varie en général de 1 à 4kg. Dans certaines circonstances, elles peuvent atteindre 1 mètre de longueur et peser 20 à 25kg.
La longueur des entre-nœuds est décroissante du sommet vers la base et varie avec les variétés et les conditions de culture. Les feuilles sont alternées, palmatilobées et caduques.
Les inflorescences apparaissent au point de ramification de la tige et des branches. Ce sont des grappes, avortant souvent, ce qui restreint la multiplication du manioc par graine et favorise son bouturage (JANSSENS, 2001).
Les superficies totales emblavées de manioc dans sept pays des régions tropicales d’altitude d’Afrique Centrale et Orientale étaient estimées à 3,36 millions d’hectares en 2001-2002, tandis que les productions s’élevaient à 29,0 millions de tonnes, ce qui représente 35,5% des superficies et 34,7% de la production Africaine, comme le montre le tableau 1.
Tableau 1 : Production annuelle de manioc dans sept pays des régions tropicales d’altitude d’Afrique pour les années 2001-2002 (FAO, cité par NYABYENDA 2005).:
Pays |
Superficie (ha) |
Production (tonnes) |
Rendement (kg/ha) |
Burundi |
62.000 |
525.000 |
8.466 |
Rwanda |
40.000 |
200.000 |
5.000 |
Ouganda |
352.000 |
2.637.500 |
7.492 |
Kenya |
95.500 |
850.000 |
8.900 |
Tanzanie |
582.500 |
5.940.000 |
10.200 |
Cameroun |
80.000 |
1.350.000 |
16.875 |
RDC |
2.150.000 |
17.750.000 |
8.257 |
Les 7 pays des RTA |
3.362.000 |
29.253.000 |
8.701 |
Nigeria |
2.945.000 |
31.452.000 |
10.680 |
Afrique |
10.013.500 |
84.121.000 |
8.400 |
La RDC est le plus grand producteur de manioc parmi les pays des régions tropicales d’ altitude d’Afrique Centrale et Orientale, suivi de loin par la Tanzanie, l’Ouganda et le Cameroun (NYABYENDA,2005). On remarque que le Nigeria occupe la première position en Afrique bien qu’il ne fait pas parti des pays des RTA.
La production du Sud-Kivu est estimée à 8.327,184 tonnes (ANONYME, 2015). Le tableau 2 fournit la production de manioc dans quelques territoires de la province du Sud-Kivu.
Tableau 2: Production annuelle de manioc dans cinq territoires du Sud-Kivu montagneux pour les années allant de 2012-2015 (ANONYME, 2015)
Année |
IDJWI |
KABARE |
KALEHE |
UVIRA |
WALUNGU |
|||||
SUP |
P |
SUP |
P |
SUP |
P |
SUP |
P |
SUP |
P |
|
2012 |
25574 |
221140 |
1115 |
46847 |
74970 |
1345711 |
31824 |
381888 |
78671 |
472026 |
2013 |
20580 |
248686 |
14269 |
47320 |
75013 |
1353985 |
45498 |
582722 |
83246 |
6080968 |
2014 |
24195 |
279030 |
11312 |
47510 |
79718 |
1438910 |
49137 |
540507 |
102838 |
719026 |
2015 |
27390 |
280995 |
11452 |
48098 |
80179 |
14229787 |
47607 |
433310 |
104754 |
680901 |
Sup : Superficie en hectares
P : Production en tonnes
On remarque que le territoire d’ UVIRA possède une production relativement considérable bien qu’il ne soit pas à la première position au niveau provincial.
D‘introduction récente et malgré ses carences au point de vue composition en éléments nutritifs, le manioc est en train de se répandre. Cette progression est occasionnée par des qualités agricoles particulières à cette plante. Le manioc présente une bonne plasticité écologique, il résiste à la sècheresse, valorise les sols pauvres et produit jusqu’à 1800m d’altitude. Ses racines tubéreuses se conservent bien dans le sol, ce qui favorise une récolte prolongée et échelonnée sur toute l’année (PYNAERT, 1982).
Le manioc est peu attaqué par les maladies et insectes. Cette plante étouffe les mauvaises herbes, ainsi les travaux d’entretien sont restreints et faciles, il se cultive sans souffrir en association avec d’autres cultures pérennes ou annuelles (ONWENE, 1978).
Le manioc est une plante dont on consomme les feuilles et les racines tubéreuses, ses racines tubéreuses riches en amidon servent de nourriture pour plus de 70% de la population congolaise. Les produits de manioc sont consommés sous diverses formes et fournissent près de 60% de calories de la ration. La farine sèche est la forme la plus consommée et commercialisée en milieu rural comme en milieu urbain dans le Kivu montagneux. Ce commerce est principalement exercé par des femmes et même par de jeunes gens. En Province du Sud-Kivu 20 à 60% de manioc produit sont vendus sur le marché local. Il est important que d’avantages efforts soient consentis entre différents acteurs afin de promouvoir la culture de manioc qui est en baisse alors que la population augmente autour de 20% (FAO, 2000).
Le manioc, qui constitue l’aliment de base pour plus de 80 millions d’habitants dans le monde, est consommé sous diverses formes. Non seulement les racines sont consommées sous diverses formes, mais aussi les feuilles représentent le légume le plus consommé en RDC (ANONYME, 1990).
Le manioc est un aliment essentiellement énergétique, ses tubercules contiennent 30 à 40% de matières sèches, où l’amidon et les sucres sont prédominants ; il contient également d’importantes quantités de vitamine C, environ 35mg∕100g de produit frais (ASSIEDU, 1991).
Le manioc est aussi un produit stratégique par ce qu’il se transforme en une gamme variée de sous-produits très demandés et qu’il met en relation un très grand nombre d’acteurs. Ces acteurs sont principalement les producteurs, les transformateurs et les revendeurs (ANONYME, 2000).
Les racines rouies ou la farine qui en provient, sont notamment utilisées pour la préparation des « Chikwange » (pain de manioc) qui constituent l’aliment de base pour une bonne partie des populations des régions forestières de la République Démocratique du Congo. Le manioc sert également de matière première pour la fabrication d’alcool éthylique, de glucose et de dextrine. On peut aussi fabriquer les produits fermentés. Il s’agit de technique d’ensilage de racines réduites en pulpe auxquelles on pourrait ajouter les parties aériennes également déchiquetées afin de réaliser un aliment pour le bétail (RUHAMYA, 2000).
C’est une maladie virale se caractérisant par une panachure vert clair à jaunâtre du limbe foliaire qui se déforme, se boursoufle et croît de manière asymétrique par suite de l’arrêt du développement des parties infectées ; lorsque l’infection est précoce et sévère, le développement de la plante entière est affecté. Les feuilles sont déformées et décolorées, de petite taille, la base de certaines folioles est réduite à la nervure principale bordée d’un peu de parenchyme décoloré, la plante a un port rabougri et touffu (AUTRIQUE et PERREAUX, 1989).
Le virus est transmis par l’utilisation de boutures provenant des plantes virosées et d’autre part, par la mouche blanche ou aleurode Bemisia tabaci. Le moyen de lutte consiste à ne multiplier le manioc qu’au moyen de boutures en provenance de plantes indemnes. En outre le choix des variétés tolérantes est à préférer (DUPRIEZ ,1995).
Appelée aussi feu bactérien, c’est une maladie bactérienne qui se caractérise par des taches foliaires anguleuses, vert foncé, imbibées d’eau, d’abord visibles à la face inférieure des feuilles. En vieillissant, elles se nécrosent et deviennent brun foncé. De nombreuses feuilles montrent souvent des plages d’abord vert clair, puis brun pâle, qui s’étendent rapidement vers l’extrémité de la foliole. Le feuillage prend alors un aspect brûlé.
A partir des taches foliaires, la bactérie envahit le système vasculaire des pétioles et des tiges, entraînant le flétrissement des limbes ; l’infection peut aussi se déclarer sur la tige, souvent suite à des blessures. Les lésions brunâtres et humides progressent longitudinalement et transversalement, entraînant le flétrissement des parties apicales de la plante par étranglement de la tige (AUTRIQUE et PERREAUX 1989).
L’Anthracnose est causée par le champignon Glomerella cingularia f. sp. manihotis dont la forme imparfaite est Colletotricum gloesporoides f.sp. Manihotis .Ce champignon attaque essentiellement les tiges sur les parties encore vertes. Les symptômes débutent par des taches décolorées, ovales à circulaires, nettement délimitées, longues de 1 à 2 cm. Les lésions en extension sont bruns foncés, souvent bordés d’une ligne graisseuse. Elles évoluent en vieillissant en nécroses sèches, de coloration brun clair (AUTRIQUE et PERREAUX ,1989) ; suite à la lignification de la tige, elles se transforment en chancres plus ou moins profonds, l’épiderme dessèche, subsistant sous la forme de lambeaux lacérés couverts de petits points noirs constitués par les fructifications du champignon.
Les lésions sont souvent situées sous le point d’insertion des pétioles où les gouttelettes d’eau plus longtemps après une pluie. Chez les cultivars sensibles, l’anthracnose peut provoquer la mort des extrémités, par l’extension longitudinale des lésions ou leur développement transversal qui aboutit à l’étranglement de la tige. De fortes attaques diminuent la capacité germinative des boutures.
L’anthracnose est une maladie d’importance mineure dans la région des grands lacs ; les attaques sont souvent mineures et consécutives à des dégâts de grêle ou à des piqûres d’insectes. Elle ne requiert pas de mesures de contrôle particulières, sinon l’application de pratiques culturales assurant une bonne vigueur des plantes, (FAO, 2000).
Cassava Brown Streak Virus (CBSV), la striure brune du manioc est actuellement connue sous deux variantes : une variante commune (CBSV) et une variante Ougandaise CBSV, dénommée U-CBSV. Le virus est transmis par la mouche blanche (Bemisia tabaci) à partir du matériel de plantation infecté. Il peut être également transmis par voie mécanique.
La maladie est causée par un virus à ARN (acide ribonucléique). Elle est plus observée dans les zones de production de manioc de l’Afrique de l’Est, et en propagation dans les zones de l’Afrique Centrale. La striure brune du manioc affecte tous les organes de la plante qui développent différents types des symptômes (MAHUNGU et al., 2014).
Les symptômes qui sont engendrés varient considérablement suivant les conditions environnementales, le stade de croissance de la culture, la période d’infection et la sensibilité du cultivar. Ils s’observent sur les feuilles, les tiges et les racines tubéreuses du manioc. Sur les feuilles la maladie se manifeste sous forme de marbrures/taches jaune-vert sur les feuilles développées, plutôt que sur les jeunes feuilles comme c’est le cas pour la mosaïque du manioc. Le jaunissement est plus prononcé sur les feuilles basales. Les paternes de colorations jaunâtres dépendent de la variété et/ou de la souche du virus. Aussi, les feuilles endommagées ne se déforment pas comme dans le cas de la mosaïque (MAHUNGU et al., 2014).
Sur les tiges, les symptômes se présentent sous la forme des stries brun foncé et des lésions nécrotiques. Les stries sont plus prononcées sur la partie supérieure verte de la tige. Sur les tubercules, il y a présence des trous de coloration brune à noire ; déchirure de la surface de l’écorce ; développement progressif de la maladie dans tout le tubercule qui se décompose et pourri. La nécrose des racines est la cause majeure de la diminution des récoltes et du préjudice économique qui en résulte.
L’approche idéale de lutte contre la striure brune du manioc est la lutte intégrée c’est-à-dire l’utilisation des variétés résistantes et des matériels de plantation sains. Mais cette méthode n’est efficace que dans le cas où l’on dispose des variétés résistantes. L’état phytosanitaire de matériel dans les parcs à bois nécessite d’être continuellement suivi. Les parcs à bois doivent être isolés des anciens champs. Les plantes infectées doivent être continuellement éliminées.
La cochenille farineuse du manioc, Phenacoccus manihoti, originaire de l’Amérique du Sud a été accidentellement introduite en Afrique vers 1970. Elle vit en colonies sur les parties jeunes et tendres des plantes .En se nourrissant, elle leur inocule une toxine qui induit de sévères perturbations du développement des plantes. Les pousses terminales prennent un aspect buissonnant, la croissance des plantes est ralentie, les entre-nœuds plus courts et les tiges se tordent. En cas d’infestation sévère, les plantes dépérissent complètement en commençant par les sommités.
La multiplication de la cochenille farineuse semble être favorisée par la sécheresse et la chaleur, sa diffusion est en grande partie assurée par le vent. Sa diffusion pourrait également se faire par l’utilisation de boutures prélevées sur des plantes parasitées, des larves pouvant se trouver dans les tissus des bourgeons (JANSSENS, 2001).
Cet acarien de 0,3 mm, originaire d’Amérique du Sud, a été accidentellement introduit en Afrique vers 1970.Il vit à la face inférieure des jeunes feuilles et sur les parties tendres du sommet des tiges. Il s’écoule environ une dizaine de jours entre l’œuf et le stade adulte. Les femelles vivent 3 à 4 semaines et pondent 20 à 90 œufs.
Le vent assure la dissémination des femelles qui se laissent pendre à un fil de soie. Les premiers signes d’attaques se manifestent sous la forme de nombreuses petites taches jaunâtre, irrégulières, qui apparaissent à la face supérieure des feuilles. Si l’infestation est forte, les folioles des feuilles se réduisent à la nervure principale bordée d’un peu de parenchyme chlorotique et déformé.
Les feuilles attaquées tombent et la tige, en partie dégarnie, peut rester coiffée de feuilles rabougries en forme de griffes. La croissance des plantes fortement attaquées est ralentie et les entre-nœuds sont plus courts. Les infestations se développent surtout en saison sèche, et peuvent engendrer des chutes de rendement de 20 à 30% (ANONYME, 2000).
Au moins 45 espèces connues de nématodes sont associées à la culture de manioc. Ces organismes attaquent les racines, les rendant plus sensibles aux agents responsables des pourritures racinaires. Le nématode à gales, Meloidogyne incognita, constitue un problème particulièrement grave dans les régions productrices d’Afrique.
La croissance racinaire des plantes infestées est arrêtée par une véritable « dévitalisation » de l’extrémité de leurs racines. L’attaque de ces organismes se solde par une perte de vigueur de la plante et une baisse de production, comprise entre 17 et 50% (ANONYME, 1990).
Aucune variété résistante n’a pu être identifié jusqu’à ce jour. La plantation de la légumineuse Crotalaria sp pendant les jachères permet de réduire leur nuisance. L’épandage de débris de cabosses de cacao permettrait de réduire l’incidence des nématodes.