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CHAP I : REVUE DE LA LITTERATURE

Ce chapitre est articulé autour de deux sections. La revue de la littérature théorique est abordée en premier lieu et les études empiriques suivent en second lieu. La première section, présente, tour à tour, l’approche conceptuelle, une discussion sur la mesure de la croissance économique où un accent particulier est mis sur la théorie du capital humain santé, une confrontation entre l’approche macroéconomique et l’approche microéconomique et enfin, l’hétérogénéité géographique des politiques sociales. La seconde section traite succinctement des méthodologies empruntées par les chercheurs antérieurs ainsi que les résultats auxquels ils sont aboutis.

                                      I.1. REVUE THEORIQUE

I .1. Approche conceptuelle

I.1.1. La croissance économique

D’après Bezbackh et Gherardi (2000) la croissance économique désigne « un processus essentiellement quantitatif qui se traduit par une augmentation de la quantité des biens et des services produite dans un secteur d’activité ou sur le plan national ». Ce concept se distingue du « progrès économique » impliquant un jugement de valeur sur la nature ou les effets de l’évolution économique. A cet effet, ces auteurs estiment qu’il y a croissance sans progrès si elle est très inégalitaire sur le plan social c’est-à-dire qu’elle n’améliore pas directement le sort des populations, ou si elle ne repose que sur l’essor de certaines branches (industries d’armement, extractions minières destinées à l’exportation,…).

La croissance se distingue également du « développent économique » dans la mesure où elle se produit dans le cadre d’une structure économique donnée, alors que le développent évoque une transformation des infrastructures une diversification de la production et une amélioration de la qualité de vie, de la santé, de l’éducation, etc.

Echaudemaison (2009) considèrent la croissance économique comme  étant « une augmentation soutenue pendant une longue période, d’un indicateur de la production à l’échelle de la nation, le produit global en termes réel.

Ces deux définitions ne permettent pas de saisir les changements qualitatifs. Cependant, d’autres auteurs, à l’exemple de Terleckyj (1984) et BIS (2011) fournissent des définitions de la croissance qui prennent en compte l’aspect bien-être. D’après le premier, la croissance économique est entendue comme « la capacité à soutenir des effectifs de population en augmentation rapide avec un maintien ou un léger accroissement seulement du niveau de vie ».

Le second  qualifie de croissance économique d’« une amélioration continue dans la capacité à satisfaire la demande des biens et services résultant d’un accroissement de l’échelle de production en longue période, d’une élévation de la qualité des inputs ou de l’efficience avec laquelle les inputs sont transformés en outputs ».

De ce point de vue, la définition qui intègre tous ces aspects est celle de Balde (2003) concevant la croissance économique comme « une augmentation soutenue du produit réel par tête d’une économie pendant une longue période de façon à améliorer, si infime soit-il, le niveau de vie des membres de l’économie ».

I.1.2. La Santé

Goldberg (1976) classe l’ensemble des définitions de la santé selon les modes d’abords perceptuel, fonctionnel et celles qui s’articule sur la notion d’adaptation.

Suivant l’abord perceptuel, l’OMS (2001) définit la santé comme « un état de bien-être total, physique, mental et social », ce qui va très nettement au-delà de la signification normalement donnée à la santé, le considérant comme une absence de maladie ou d’infirmité. Cette définition pose un problème pratique du moment où l’état d’infection, de parasitisme intestinal ou de malnutrition, par exemple ; jugé pathologique dans les pays aux normes sanitaires élevés, peut dans ceux où les normes sont inférieures, n’être même pas perçu comme anormal, tant qu’il est courant. Il devient alors difficile de formuler une définition précise du concept « santé » dans les pays pauvres [Gillis et al., 1998].

En outre, au regard de la non exhaustivité des dimensions circonscrites par l’OMS (2001), Naidoo (2004) en ajoute les attributs culturels, psychologiques et économiques ainsi que l’interaction qui existe entre eux. De ce point de vu, l’appréhension de la « santé » ne se limite point au niveau individuel, elle englobe l’échelle collective (et au niveau du ménage) ainsi que l’échelle sociétale qui va au-delà de la somme des capitaux humains individuels par intégration des chocs économiques externes et du risque de contagion [Balde, 2003].

Suivant l’abord fonctionnel, Blum (1974) entend par santé « la capacité d’un individu à maintenir un équilibre approprié à son âge et à ses besoins sociaux, dans lesquels il est raisonnablement indemne de profonds inconforts, insatisfactions, maladie ou incapacité ainsi qu’à se comporter d’une façon qui assure la survie de son espèce aussi bien que sa propre réalisation ».

L’abord relatif au concept adaptation coïncide avec la définition de Dublois (2002). D’après ce dernier, « la notion de santé renvoit seulement à une adaptation de  l’individu à son milieu».

En outre, Canguilhem (2011) et Husain et al. (2013)  proposent des définitions insistant sur la notion de « régulation ». Le premier considère la santé comme étant « la capacité de tomber malade et de guérir, un luxe biologique ». Le second sous-entend par santé « l’habilité pour un individu ou une population à développer son potentiel complet pendant sa vie toute entière ».

En se servant des particularités que présentent chacune de ses définitions, la définition jugée intégrative peut se formuler comme suit : « la santé est un état complet de bien-être physique, mental, social, culturel, psychologique et économique d’un individu en interaction avec sa collectivité qui résulte d’un équilibre par rapport à son âge et à ses besoins sociaux, de son adaptation à son environnement ainsi que de son habilité à guérir une fois malade ».

I.2. Discussion sur la mesure de la croissance économique

I.2.1. Indicateurs de la croissance économique

Deux agrégats sont le plus souvent utilisés pour capturer l’évolution d’une économie à savoir le revenu national - approche par le revenu - et le PIB ou PNB – approche par la production – [Vitry, 2001]. Le premier permet d’estimer la somme des revenus touchés par les résidents d’un pays (salaires, profits d’affaires et autres sources) tandis que le second permet d’apprécier la production effective d’un pays et non sa capacité productive compte tenu de la possibilité du sous-emploi des facteurs de production. Dans la mesure où les  deux approches aboutissent au même résultat et considérant le caractère pratique de la seconde, la plupart des études préfèrent emprunter cette dernière. Il s’obtient en prenant la somme des valeurs ajoutées des unités économiques résidentes et est toujours exprimé à prix constant. La croissance d’une économie sera alors estimée à partir du taux de croissance du PIB ou PNB réel.

I.2.1. Les déterminants de la croissance économique 

I.2.1.1. Généralités

  1. Facteurs socio-économiques

L’investissement est le déterminant le plus important de la croissance économique [Artelaris et al., 2007]. D’après la même source, l’investissement est le plus souvent tributaire de la recherche et développement qui permet d’innover dans le produit et/ou le processus de transformation ainsi que d’améliorer la productivité.

Les dépenses publiques influencent directement et indirectement la croissance économique [Kurt, 2015]. Les effets directs se traduisent par le fait que ces dépenses hissent la demande globale dans le secteur de la santé, qui peut à son tour, booster la production des services relatifs à la santé (les soins, les produits pharmaceutiques, etc.), sous l’approche Keynésienne. Les effets indirects témoignent de la façon dont les autres secteurs sont touchés par les investissements en santé et se justifient sous deux volets. D’une part, les dépenses dans le secteur de la santé constituent une fuite des capitaux pouvant être utilisé dans un secteur plus productif et à valeur ajoutée élevée. D’autre part, la viabilité du marché de soins de santé pousse de l’avant les autres secteurs qui lui sont associés favorisant leur production ainsi que leur commercialisation.

Les arguments théoriques relatifs aux effets de l’inflation sur la croissance apparaissent ambivalents. Chen (1999) estime que l’inflation anticipée provoque des ajustements du portefeuille favorables au  placement qui font baisser le taux d’intérêt réel et hausser l’investissement ainsi que la croissance.  Stockman (1981) avance un avis contraire et trouve qu’un niveau élevé d’inflation anticipée réduit plutôt les activités économiques, baisse l’investissement et la croissance. De Gregario (1993) suggère que l’effet du niveau d’inflation sur la croissance est négligeable si l’élasticité de substitution inter-temporelle est significativement faible.

Le commerce domestique et international est une source des richesses, dans la pensée mercantiliste. Particulièrement, l’ouverture permet à une économie d’importer les biens dont les coûts de production ou d’opportunité (coût réel) est élevé à l’intérieur étant donnée sa dotation ou les exigences technologiques et d’exporter les biens pour lesquels elle a un avantage comparatif [Ricardo, 1817]. Dans cette logique, la promotion des exportations est considérée comme un instrument important pour la croissance économique. Considérant la détérioration des termes d’échange dont sont victimes les PED, leur balance commerciale en sort déficitaire et l’effet des échanges sur la croissance économique est négatif [Chen et Huang, 2004].

L’Investissement Direct pour Etranger joue un rôle crucial dans l’internationalisation de l’activité économique et comme source primaire du transfert de technologie et de la croissance économique [Ndambiri et al., 2012].

La contribution de l’aide sur la croissance se matérialise par l’entremise d’autres facteurs, entre autre le capital humain et les dépenses publiques [Gyimah-Brempong et Asiedu, 2008]. Par rapport au capital humain, il est possible que l’aide produise des effets attendus dans le domaine de la santé (réduction du taux de mortalité) ou de l’éducation (hausse du taux d’inscription ou d’achèvement, par exemple). Quant aux dépenses publiques, l’effectivité de l’aide dépend des politiques menées par les pays bénéficiaires [Vershoor et Kalivy, 2006  cité par Gyimah-Brempong et Asiedu, 2008]. L’aide en nature peut concurrencer, à la limite, étouffer la production intérieure et le contracter.

Quand bien même plusieurs études suggèrent que l’éducation affecte la croissance économique, la littérature n’est pas claire sur le niveau d’éducation qui contribue significativement à la croissance du revenu. Certains placent l’accent sur  l’éducation avancée (recherche et le développement)[1] ; d’autres[2], par contre estiment que l’éducation primaire est la source majeure, spécialement dans les pays africains. Ces derniers fondent leurs suggestions sur l’importance des rendements privés et sociaux de ceux qui  sont instruits à ce stade comparativement à ceux bénéficiant d’une formation ultérieure.

  1. Facteurs démographiques

La démographie peut affecter la croissance économique au niveau tant microéconomique que macroéconomique.

Sur le plan macroéconomique, Acemoglu et Johnson (2007) se servent de l’effet que produit les innovations dans le domaine de la santé sur la population pour contredire les résultats des études précédentes, d’après lesquelles la santé améliore la croissance économique. Un progrès dans le domaine sanitaire affecterait positivement la population par le bais d’une contraction du taux de mortalité. Il en résulte une réduction du capital ou de la superficie de terre par travailleur et une baisse de la production par tête. En plus, la hausse de la population (croissance démographique) est perçue comme un coût pour la société [Gillis et al., 1998]. Cependant, d’autres études [Cervellati et Sunde, 2011 ; Basu et al., 2013] montrent qu’en présence des effets malthusiens, la baisse de la mortalité  peut à son tour favoriser une chute de la fécondité qui anéantirait l’impact du premier phénomène sur la croissance démographique. Ce scenario constitue les deux étapes extrêmes d’une transition démographique (DT) telles que représentées dans la figure ci-après :

Source : Cervellati et Sunde (2011)

            Figure1 : Mortalité (espérance de vie), Population et croissance

Dans la première phase (DT-FT), la baisse du taux de mortalité élève le taux de croissance de la population, qui à son tour, diminue le taux de croissance du PIB par tête.

Dans la dernière, au niveau microéconomique, les parents peuvent  réduire leur fécondité (FT) car ils ont, en quelque sorte, la garantie que leurs enfants vont vivre longtemps. La baisse de la fécondité rehausse la production par tête.

I.2.1.2. Modèles de croissance endogène 

  1. Généralités

Cette approche est issue de la nouvelle école classique selon laquelle  le produit par tête croît à long terme à un taux positif et constant à partir des facteurs caractéristiques de l’économie. Parmi ces facteurs figurent l’accumulation du capital humain [Becker, 2001]. La théorie de croissance endogène constitue une remise en cause de la théorie traditionnelle dont la principale limite se résume dans le faite de condamner la croissance à un niveau et d’envisager de façon exclusive un choc technologique pour espérer franchir ce niveau.

  1. La théorie du capital humain : la santé

B.1. Généralités

Le capital humain est compris comme étant la somme des capacités (santé, forces physiques, connaissances générales ou techniques) ayant une efficience productive incorporée dans les individus [Balde, 2003].

L’approche du capital humain fut développée par Becker (2001) appréhendant l’individu comme un capital. Cette extension de la théorie du capital aux êtres humains, assigne à la santé, à l’éducation, à l’émigration et au chômage les propriétés dévolues à un capital si bien qu’ils participent tous soit à l’appréciation, soit à la dépréciation de leur constituant, ici, le capital humain [Bezbath et Gherardi, 2000]. Cela est rendu possible grâce à des investissements consentis, au déplacement d’un capital pour en maximiser le rendement et au temps d’inactivité et de recherche des meilleurs opportunités d’emplois respectivement, pour la santé et l’éducation, l’émigration et, enfin le chômage.

S’en tenant à la santé, Grossmann (1998) développe un modèle général de consommation et d’investissement des ménages qui comprend deux modules. Dans la première, la santé est considérée comme une consommation pure qui améliore l’utilité tirée de la vie et des autres consommations. Dans la seconde, elle prend la forme d’un investissement ou d’un bien durable permettant d’augmenter la capacité de production et de gain.

De ce point de vue, la santé peut justifier les disparités de revenus sur le marché de travail au sein d’un même pays ou entre pays. La décision des agents économiques sur l’investissement dans la santé se base sur la comparaison entre les coûts et les avantages qu’il engendre.

Les services sanitaires augmentent la qualité, tant immédiate que future, du capital humain ou d’un autre capital. Les mécanismes ci-après permettent de décrire cette connexion :

  • L’amélioration de l’état de santé des travailleurs peut être directement bénéfique en augmentant la force des travailleurs, leur endurance et leur aptitude à se concentrer au travail [Gillis et al.,1998].
  • Il a été démontré que les enfants sains et bien nourris étaient plus assidus et aptes à une meilleure concentration pendant leur temps de présence à l’école, en dehors de leur régularité [Bhargava, 1997]. De plus, les enfants qui ont bénéficié d’une santé et d’une nutrition meilleures pendant leurs années préscolaires progressent mieux après leur entrée à l’école [Gillis et al., 1998].
  • L’amélioration de la santé peut permettre de réduire les dépenses consacrées aux soins curatifs et, dès lors, de libérer des ressources pour d’autres emplois [Gillis, 1998].

B.2. Les indicateurs sanitaires : limites

L’état sanitaire d’une personne peut se déterminer au moyen d’un examen clinique, effectué par un médecin[3]. Mais il serait coûteux et laborieux d’utiliser cette méthode pour évaluer l’état sanitaire de toute la population, si bien que les auteurs recourent généralement aux statistiques, relatives à la morbidité (maladie) et à la mortalité, construites à partir des avis collectés sur terrain. Il s’agit de l’espérance de vie, du taux de mortalité  des enfants de moins d’1an, du taux de mortalité des enfants de moins de 5ans, du taux brut de décès, du taux de survie pour adulte, du taux de mortalité maternelle et de la prévalence de certaines pathologies ou leur taux d’incidence [Cornia et Mwabu, 1997 ; Bhargava et al., 2001 ; Chakroun, 2000 ; Mwabu, 2001]. A cette liste, Mwabu (1997) adjoint le taux de fertilité que bon nombre d’auteurs placent, par ailleurs, parmi les déterminants de la santé.

Balde (2003) dégage une classification de ces indicateurs en deux composantes : une composante durée qui se mesure soit par la probabilité de mourir à un temps donné, soit par l’espérance de vie à un niveau d’âge donné. Et une composante qualité qui se mesure par un indice compris entre 0 pour la mort et 1 pour une santé parfaite, appelé QALY.

Cependant, il est rare que les statistiques sur la morbidité soient bonnes [Gillis et al.1998]. En dehors de l’absence d’une définition claire de la maladie dans les pays démunis, de nombreux malades ne consultent jamais de médecin, pas plus qu’ils ne pénètrent dans un hôpital, ce qui les laisse en dehors du système statistique [Gillis et al, 1998].

En revanche, les données sur la mortalité sont nettement meilleures. La mort passe rarement inaperçue, et la majorité des pays possèdent aujourd’hui des systèmes d’enregistrement des décès relativement exhaustifs, même si d’importantes lacunes subsistent dans certains cas.

B.2.1. Maladie et croissance économique

Certains auteurs, à l’exemple de Arora (2011),  placent la maladie parmi les indicateurs de l’état sanitaire en utilisant le taux de prévalence d’une maladie endémique ou épidémique et/ou son taux d’incidence. D’autres le confondent avec la santé et  lui attribuent tous les indicateurs sanitaires.

Dans l’un tout comme dans l’autre cas, la littérature discutant du lien entre la maladie et la croissance économique emprunte, pour la plupart,  l’approche par les coûts réels de la maladie. Elle se focalise, soit, sur la contraction de l’offre du travail et  la baisse de la productivité du travailleur malade en service, soit sur la cessation partielle ou totale des activités économiques [Cornia et Mwabu, 1997]. Ainsi, ces interactions peuvent se regrouper dans les rubriques ci-après :

B.2.1.1. Effets sur le cycle de vie

Des épisodes de maladies non mortels survenant à un niveau d’âge peuvent avoir des effets économiques défavorables sur l’ensemble du cycle de vie d’un individu en dehors de la réduction de l’espérance de vie. Les mécanismes justifiant ces effets sont multiples : (1) les coûts de traitement qui peuvent contraindre un individu à contracter des dettes en hypothéquant les facteurs de production, à l’exemple de la terre ou le vendre carrément ; réduisant ainsi la chance d’obtenir un nouveau crédit en cas de défaillance [Bloom et Sachs, 1998]; (2) la perte de capacité de gain de l’adulte résultant des épisodes de maladies d’enfance et responsables d’infirmités tant cognitives que physiques qui durent toute la vie; (3) la perte des gains futurs résultant d’un décès prématuré ; (4) la perte de salaire résultant d’un épisode de maladie.

B.2.1.2. Retombées transgénérationnelles

Nombre d’études [Hlaimi, 2005] analysant la transmission intergénérationnelle du capital humain se focalisent, essentiellement, sur l’éducation. De la même manière que l’éducation des parents affecte le capital humain des enfants. En effet,  une maladie survenant chez un membre de la famille peut avoir des répercussions défavorables sur les autres membres, en l’occurrence, les enfants. La transmission s’effectue de diverses façons, entre autre : (1) la maladie d’un adulte risque d’entrainer chez un enfant précédemment sain une détérioration de sa santé, voir un décès, en raison de la baisse de la qualité des soins dispensés à cet enfant [OMS, 2001] ; (2)  la scolarité des enfants risque d’être prématurément interrompue en raison de la maladie ou du décès d’un parent ; (3) une maladie génétique peut facilement attaquer tous les membres de la familles [Mwabu, 2001].

B.2.1.3. Retombées sociales

Une maladie survenant chez un individu avec une occurrence élevée ou caractérisant un milieu donné peut déstabiliser une organisation, une société ou le climat régnant entre travailleurs au sein d’une organisation. Ceci se traduit de différentes manières [OMS, 2001] :

(1) une forte charge de morbidité crée une importante rotation de la main d’œuvre (coûts de licenciement, de recrutement et de formation) et réduit la rentabilité des entreprises ; (2) le capital social que nouent les travailleurs est interrompu par les renouvellement constant du personnel sachant l’effet que cela peut avoir sur les travaux en équipe; (3) les maladies telles que le paludisme et le SIDA constituent un risque pour quiconque pénètre dans une zone où elles sont répandues ; ce qui nuit au tourisme et décourage les nouveaux investissements, en l’occurrence, les investissements étrangers ; (4) un fort taux de prévalence de ce genre des maladies peut conduire à la fuite des travailleurs hautement qualifiés et sains, ce qui laisse la société sans techniciens ou entrepreneur dont elle a besoin, d’une part ; (5) d’autre part, en Afrique du Sud, par exemple, contre un taux de prévalence du SIDA élevé, les institutions internationales sont obligées de recruter trois candidats à un seul poste pour qu’en cas de décès ou d’incapacité, la rentabilité ne puisse être largement affectée.

B.2.2. Espérance de vie et croissance économique

                                                                                   

L’espérance de vie à la naissance est comprise comme le nombre moyen d’années de vie depuis la naissance selon le taux de mortalité par âge espéré [Aguayo-Rico, 2005].

Elle agit sur la croissance à partir de plusieurs canaux : (1) elle stimule l’épargne , l’inscription au primaire et les dépenses en éducation car la perception des rendements futurs est plus au moins certaine [Bratti et al., 2004 ; Ngangue et Manfred, 2013]  ; (2) l’accroissement de l’espérance de vie impose des coûts à la société par l’augmentation de la proportion des âgés au sein de la population (l’investissement dans la sécurité sociale, le ravitaillement des résidences et services de santé pour cette catégorie de personnes) et évince les ressources qui seraient destinées à la production [Bloom et al., 2001]; (3) l’espérance de vie renseigne sur le nombre de fois qu’un agent économique pourrait percevoir son revenu ainsi que les avantages y relatifs. Plus elle est élevée, plus la fréquence est grande et sa contribution dans le PIB s’étend dans le temps [OMS, 2001].

La plupart d’auteurs soulignent le caractère non linéaire de l’interaction entre l’espérance de vie et le revenu.

Preston (1975) met en évidence la forme parabolique (asymptote horizontale) du rapport entre le revenu et l’espérance de vie. Cela signifie que pour tout niveau des revenus plus important, les individus ont tendance à vivre plus longtemps. Cependant, à partir d’un certain niveau d’âge, le revenu ne constitue plus un facteur déterminant et la relation est alors rompue. La courbe dévient plate (fonction logistique).

Hansen (2012) lui s’inspire des phases d’une transition démographique telles que démontrées par  Cervellati et Sunde (2011)  dans la figure n°1. Il aboutit à une forme en U dans la relation entre l’espérance de vie et le revenu par tête. La phase descendante est relative aux étapes primaires de développement et la phase ascendante correspond à des étapes de développement avancées.

Bhargava et al. (2001) suggèrent que l’effet de l’espérance de vie sur le revenu dépend du niveau de PIB (initial) ; dans les pays riches l’impact est amoindri par rapport aux pays pauvres.

B.3. Déterminants de la santé

La notion de la santé revêt un caractère multidimensionnel selon les contextes sociaux et culturels ainsi que les caractéristiques individuelles, notamment, le niveau socio-économique des individus.

D’après Balde (2003), la santé dépend des facteurs biologiques ou endogènes (patrimoine génétique et système immunitaire) ; des facteurs liés à l’environnement (pollution de l’air, les déchets liquides et solides) ; des facteurs relatives aux habitudes de vie (comportement, attitudes et pratiques), à la consommation (alcool, tabac) et aux accidents de circulation et enfin, des facteurs reliés au système de soins (offre de soins, financement, politique de santé).

Mwabu (2001) regroupe les facteurs de l’état sanitaire en trois dimensions, à savoir : (1) le niveau individuel qui combine les facteurs biologiques, ceux liés aux habitudes de vie et à la consommation et intègre en supplément le genre et l’éducation ; (2) le niveau du ménage et de la communauté qui comprend les facteurs relatifs au système de soins ainsi que d’autres aspects tels que l’habitat, l’offre certaine de l’eau, l’assainissement et les infrastructures sociales ; (3) le niveau sociétale reprend les facteurs inhérents à l’environnement auxquels s’ajoutent les chocs à caractère économique tels les variations du taux de change ( l’appréciation ou la dépréciation de la monnaie nationale); ceux à caractère politique comme les conflits armés et les flux de réfugiés à l’intérieur.

L’OMS (2001) circonscrit les facteurs de la santé et la manière dont la santé interagit avec la croissance économique à partir de la figure ci-dessous :

Source : OMS (2001)

            Figure2 : les facteurs de la santé et interaction santé- croissance

Cette figure montre que la santé, tout en étant facteur de la croissance, elle est la source de ses autres principaux facteurs, le capital humain et le capital d’entreprise. La santé est elle-même influencée par les politiques et institutions existantes, la valeur du capital humain (l’effet de l’éducation sur la santé, par exemple), le niveau technologique de la société, le revenu par tête et la pauvreté.

Gillis (1998) place un accent sur la malnutrition comme source majeure de morbidité et de mortalité précoce dans les PED.

Dans une étude menée sur les écoliers tanzaniens, il a été démontré que l’état nutritionnel est un facteur prédictif des résultats de tests de la faculté cognitive et du degré d’instruction [Bhargava, 1997], autant qu’il l’est pour la taille à l’état adulte. Cette dernière est en corrélation positive avec le revenu à l’âge adulte [OMS, 2001] ; renseignant alors sur la manière dont les antécédents nutritionnels influent sur la productivité économique tout au long de la vie active.

Becker (2001) part des fondements micro économiques pour signifier qu’au sein d’un ménage relativement pauvre, la faiblesse du budget global le contraint à opérer un arbitrage entre la quantité et la qualité des enfants. Le plus souvent, l’investissement dans la qualité des enfants en termes de santé est évincé par le nombre d’enfant.

Le taux de change réel affecte le statut sanitaire à partir de l’influence qu’il produit sur l’importation des médicaments et/ou la prise des soins de santé à l’étranger [Mwabu, 2001]. La dépréciation de la monnaie nationale pourrait booster les exportations et étouffer les importations des produits sanitaires car le pouvoir d’achat à l’étranger sera plus faible pour un agent détenant la monnaie nationale, mais l’inverse n’est pas vrai.

Les conflits ethniques affectent l’état sanitaire à travers la réduction de l’espérance de vie pour les hommes ainsi que pour les femmes [Mwabu, 2011].

B.4. Problème de mesure

[1]Romer (1990)

[2]Gyimah-Brempong et al. (2006)

[3] Possible pour les études microéconomiques ou à échantillon réduit pouvant utiliser comme mesure de l’état sanitaire : « Body Mass Index(BMI) » en poids (Kg)/taille (m2) , « activity of daily living » (ADL) et/ou capacity to avoid unwanted fertility [Mwabu, 2001].

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