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CHAPITRE III : CARACTERISATION STRUCTURALE DU SECTEUR DE KILO-MOTO

III.1. INTRODUCTION

Tous les géologues qui ont décrit la structure du continent africain au sud du Sahara soulignent fortement qu’il est constitué par une série de bassins, considérés en général comme des aires de subsidence, séparés par des nervures plissées et faillées. C’est là un trait ancien, permanent et essentiel de l’Afrique et, pouvons-nous ajouter, dans une certaine mesure du continent de Gondwana.

De la comparaison des faciès des formations du Kibali et de leur allure concordante ou discordante, les auteurs ont  conclu qu’il s’agit d’une disposition transgressive en direction Nord-Est, depuis une zone géosynclinale occupant le Kivu vers la dorsale constituée par la crête Congo-Nil. La répartition schématique de ces terrains avant les mouvements tectoniques qui les ont affectés ultérieurement (Legraye, 1940).

Le Kibalien a connu une évolution complexe à divers types de tectonique :

  • La tectonique à plis ouverts apparaissant dans des formations à faible contraste lithologique (surtout volcanique)
  • La tectonique à plis serrés reprenant les structures précitées ainsi que les formations à fort contraste lithosphérique (méta sédiments) de direction NW-SE
  • La tectonique cisaillante ENE-WSW à EW, différente de la précédente et qui se voit surtout dans la partie Sud
  • La tectonique radiale NS à NE-SW mise en évidence par le décalage des bancs repères dans la partie Nord. (Baraka, 2008).

La tectonique des formations du complexe de base est délicate à établir. La difficulté réside dans l’origine imprécise de certaines roches, dans l’absence de niveaux repères et dans l’impossibilité d’observer une sédimentaire possible.

Selon Woodtli, 1954, deux époques nettement distinctes par leur âge et leur style se distingueraient dans les phénomènes tectoniques :

  1. La tectonique ancienne, celle du Kibalien, caractérisée par des déformations tangentielles,
  2. Une tectonique récente, caractérisée par des failles radiales, souvent injectées par la dolérite ; les blocs délimités par ces failles ont joué dans le sens vertical comme les touches d’un gigantesque clavier.

III.2.  LA TECTONIQUE ANCIENNE

Dans le district de l’Ituri, il est possible de distinguer trois pénéplaines principales :

  • P I entre 1700 et 1900 mètres (redéfinies récemment : 1600-1800 m) ;
  • P II entre 1200 et 1450 mètres ;
  • P III entre 800 et 1100 mètres.

Les aplanissements du cycle P I occupent la majeure partie de la région Est. qui domine le lac. Des replats bien individualisés se marquent sur les flancs de certains sommets ; leur âge demeure incertain ; les études détaillées manquent pour permettre de décider s’il s’agit de vestiges de pénéplaines plus anciennes ou de lambeaux de P I décalés par des failles radiales. Des failles radiales d’âge indéterminé limitent certains massifs des régions de Gety, Bogoro et Loyo.

En ce qui concerne l’âge de ces aplanissements, Lepersonne arrive à la conclusion suivante : « ces aplanissements, qui peuvent localement se subdiviser, résultent de trois cycles d’érosion dont les deux récents peuvent être datés grâce aux données géologiques, paléontologiques et préhistoriques locales. Les âges ainsi définis sont ceux de la fin de chaque cycle : mi- Tertiaire, antérieur au Miocène inférieur, pour l’un, fin-Tertiaire, antérieur à la limite Plio-Pléistocène, pour l’autre. ».

L’auteur considère comme extrêmement vraisemblable l’hypothèse d’un charriage du Kibalien sur son substratum dans la région de Senzere.

Il peut paraître séduisant d’étendre la conclusion précédente à l’ensemble du Kibalien schistoïde de Kilo et, de proche en proche, à la majeure partie des formations apparentées du N.E. congolais. On trouverait dans certaines publications (Anthoine, 1936 ; Cahen, 1952 ; Michot, 1932) un lot d’arguments qui permettraient apparemment d’étayer cette thèse. Ce serait une démonstration brillante peut-être, mais fragile, qui devrait infiniment plus à la dialectique qu’à l’observation.

On connaît encore bien d’autres exemples de veines ou de pointements granitiques qui traversent le Kibalien. Parfois, il pourrait s’agir de horsts limités par des failles radiales. Quelquefois, on reconnaît le « granite diffus » ; en d’autres cas, l’aspect du contact suggère un « granite intrusif ». Pour la plupart, ces exemples s’opposent catégoriquement à l’existence de charriages d’ensemble, postérieurs à la mise en place du granite en tout cas.

Avant de créer de vastes nappes de recouvrement, il conviendrait donc d’étudier plus soigneusement la géologie du granite. Des mesures « d’âge absolu » effectuées dans le « batholithe » et dans ses « apophyses » pourraient se révéler utiles (Woodtli 1956).

  • Joints

Les joints, fractures, sont souvent les éléments géométriques les mieux visibles sur un affleurement ; il s’agit de fracturation cassante, sans déplacement (ou avec un déplacement minimal) sur les plans de rupture. Quand les systèmes de fracture sont remplis de minéraux (souvent quartz ou calcite), on parle de veine (Jean-François 2009).

  • Veines

Le kibalien comprend une série amphibolitique à la base et une série sédimentaire à dominante schisto-calcaire au sommet. L’ensemble kibalien–granite intrusif a été affecté par une tectonique tangentielle tardi-kibalienne, dans les structures de laquelle des filons, lentilles et stockwerks de quartz aurifère se sont mis en place. Par la suite, l’ensemble a été affecté par des failles radiales, liées à la tectonique des rifts qui  ont disloqué les filons de quartz aurifère.

Les gîtes filoniens en place renferment une forte proportion d’or libre qui a formé d’importants gîtes détritiques aujourd’hui épuisés.

Le filon de Senzer est encaissé dans la série sédimentaire, entre 20 et 30 m au-dessus de son contact, selon une faille plate, avec la série filon à or visible ; les minéralisations aurifères et sulfurées sont indépendantes. La puissance moyenne du filon est de 2,50m et sa teneur de 12g/t.

On retrouve également des lentilles et des filonnets de quartz aurifère dans les shearzones, au sein des massifs.

Par ailleurs, on relève la présence des filons de quartz subverticaux mis en place dans les séries amphibolitiques ou sédimentaires, souvent assez loin du contact des massifs granitiques.

III.3. LA TECTONIQUE RADIALE

La plupart des auteurs qui ont parcouru la région avoisinant le lac Albert, côté congolais, insistent sur la présence de failles radiales importantes qu’ils mettent en relation avec celles du graben ; mais bien peu d’entre eux ont démontré l’existence réelle de ces cassures et les ont décrites.

À défaut d’arguments stratigraphiques, on est tenté d’utiliser à fond la morphologie, mais, comme le relève justement Lepersonne (1919) ; Une grande prudence est nécessaire dans les interprétations car il n’est pas toujours possible de distinguer entre escarpements de failles récentes limitant des horst et talus séparant des pénéplaines successives. Dans notre région, cette situation tend à s’améliorer ; la zonéographie sommaire rend de grands services et nous permet souvent de découvrir la structure, de préciser le sens et la valeur des rejets, même quand la morphologie ne nous aide pas, dans les régions de savanes principalement.

Le site de Bogoro se trouve dans un col au pied du mont Lagora qui se dresse au N.E. du poste. Vers le Sud, l’étroit plateau granitique se relève lentement et atteint localement une altitude de 1700 m. Au Nord. de Bogora font encore saillie deux crêtes limitées par des dykes et par des escarpements. Puis la montagne s’abaisse rapidement vers la plaine de Bunia. Le col correspond au passage d’un faisceau de dykes doléritiques qui n’a pas son équivalent dans la région de Kilo. Sa direction générale est N30°W ; vers l’ouest, il se soude au réseau de dykes plus ou moins orthogonaux de la plaine de Bunia. Dans le détail, les directions individuelles des intrusions s’écartent considérablement de cette orientation d’ensemble. Certains dykes sont sinueux, d’autres possèdent une orientation E-W. La puissance des intrusions n’excède le plus souvent pas une vingtaine de mètres. L’ouverture des failles qui abritent ces veines semble s’être opérée en plusieurs épisodes ; des dykes déjà consolidés paraissent avoir été rompus, décalés et recoupés par une nouvelle intrusion. En d’autres points, on trouve des dykes en croix dont les branches ne manifestent pas le moindre rejet ; l’intrusion semble être produite simultanément suivant plusieurs directions, la lave s’insinuant dans les craquelures d’une mosaïque en cours d’écartèlement. Pour s’en assurer, il faudrait étudier un de ces carrefours, après avoir décapé la surface, et rechercher si la roche à grain fin, de cristallisation rapide, reste cantonnée à la bordure.

Il a été possible de découvrir d’autres déformations tectoniques, les unes antérieures, les autres postérieures à la mise en place des intrusions.

Sur la rive droite du Bogu, à l’est de la route Bunia-Bogoro, un grand dyke limite le versant W. du Lagora ; il recoupe dans son trajet septentional une bande de mylonite granitique avec laquelle il fait un angle aigu. On observe ce phénomène en bordure de la route et sur les affluents de droite du Bogu, entre le plateau situé au sud de la Niamasole et le Bogu. Le dyke, de direction N30°W dans sa partie méridionale tourne vers le N et devient N10°E ; la mylonite montre une orientation générale générale N20-30°E. Vers le N, le dyke semble injecté dans la zone disloquée.

En plusieurs points, on note un décalage bien apparent dans les dykes ; une bande de mylonite souligne quelquefois la faille. Les quelques lames minces taillées dans la dolérite ne révèlent aucune variation dans la composition ou dans la texture.

Chose remarquable, ce train de dykes se trouve en rapport avec une zone particulièrement tourmentée du graben albertin. Les failles du fossé exhibent dans ce secteur une allure en dents de scie plus accentuée qu’ailleurs. Dans le voisinage immédiat, au N-E de la route de Kasenyi et jusque vers l’escarpement de Kawa, le bord du fossé demeure presque rectiligne. En revanche, entre la faille de Niamavi et la Karugamania, on note plusieurs accidents obliques de direction comprise ente N-S et N30°W. On remarque aussi que plusieurs horst apparaissent dans la plaine précisément dans cette région (Kaiso de Niamavi et Miocène inférieur de la Karugamania) ; en bordure de la grande faille E-W de Kawa, le Kaiso surgit aussi en bordure des formations plus récentes.

Malheureusement, certaines circonstances, le peu de temps disponible et les conditions météorologiques, en particulier, m’ont empêché d’étudier convenablement l’escarpement de Kasenyi au sud de la route (Woodtli, 1956).

En conclusion, l’on a décrit quelques dislocations de type radial qui sont parmi les mieux connues des Mines de Kilo. L’on a montré un accident d’importance régionale comme la plaine de Bunia, et de petits grabens qui, comme ceux de Senzere, n’apparaissent que dans les études de subsurface. L’on a vu comment la morphologie, le levé de la carte, les études pétrographiques, conduisent aux conclusions d’ordre structural. Trois faits se dégagent de ces descriptions :

  • L’importance des failles radiales dans la surface de Kilo ;
  • Le rôle de premier plan joué par les intrusions doléritiques ;
  • L’existence de plusieurs phases tectoniques agissant successivement dans la même région (cassures anté-doléritiques, cassures liées aux intrusions, cassures post-doléritiques).


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