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Chapitre IV : DISCUSSION DES RESULTATS

. Profil sociodémographique et caractéristiques des parturientes admises au sein de deux HGR

Dans cette étude, les évacuations/références représentaient une fréquence de 34,7%. Cette fréquence était supérieure à celle de Sengeyi [52] à l’hôpital Saint Joseph de Kinshasa 4,78%, de Aïssata[16] à Sikasso au Mali qui avait enregistré seulement une fréquence de 11,4%,de Sepou [31] à Bangui 12% ; de Diakalia [27] au Mali 8,45% ; de Diarra [3] en Côte d’Ivoire30% et de Adisso à Cotonou [5] qui avait trouvé 23,08% d’évacuation. Cependant, la fréquence trouvée au sein de l’hôpital de Walungu (24,7%) (en milieu rural) était inférieure à celle trouvée par Thiam[12] en zone rurale sénégalaise (31,2%).

De manière générale, les fréquences d’évacuations/références sont largement variables en fonction des milieux, mais dans la majorité de pays en développement, les fréquences rapportées montrent  que les évacuations obstétricales restent en général un problème de santé publique témoignant la précarité du système sanitaire dans ces pays. Mais, elles s’expliqueraient également par le fait  que la plupart de femmes veulent accoucher à domicile ou au niveau des centres de santé, et que la décision de référer vers les hôpitaux généraux de référence se fait tardivement. Ceci pourrait résulter de l’ignorance et de manque de moyens financiers pour accéder aux soins. Par ailleurs, le fait du mauvais état des routes et de la distance reliant certaines formations sanitaires aux HGR, la majorité des femmes préfèrent s’orienter vers les pistes les moins contraignantes.

Les parturientes étaient de profession ménagère dans la majorité de cas au sein de ces deux HGR. SEPOU A.[31] et Moussa dit Balla DIARRA[8] dans leurs études ont trouvé la même profession dans respectivement plus 52% et 84% des cas. Cela s’explique par le fait que la majeure partie des parturientes étaient non scolarisées et subissaient le mariage de façon précoce.

On remarque que les tranches d’âge des parturientes, inférieures à 19 ans et entre 25 à 29 ans étaient les plus représentées dans plus de 55% des cas avec des extrêmes de 14 ans et 41 ans. Sengeyi[52] dans son étude, a trouvé presque les mêmes extrêmes d’âges. Ceci se justifie par le fait que c’est la tranche d’âge où l’activité génitale est la plus accrue. Le jeune âge de la majorité de nos parturientes pourrait être en rapport avec le mariage précoce entraînant la survenue des grossesses précoces dans un contexte d’immaturité physique, mais aussi par la recrudescence des cas de violence sexuelle dans notre milieu. Toute chose jouant un rôle certain dans les dystocies osseuses.

Il a été constaté dans cette étude plus de 23% d’évacuation chez les adolescentes contrairement à celles de Abdoul Aziz TOURE[14] 27,6% et de S. Diarra[35] 36,9%. Ceci s’explique par le fait qu’il y a recrudescence des cas de violence sexuelle dans la région et que les adolescentes éprouvent la honte de se rendre aux CPN. D’après ces auteurs, il existe une corrélation entre adolescence et dystocie osseuse. Sangaret M.[30] de la Côte d’Ivoire pense également que la prévention de la dystocie du jeune âge sera difficile tant que le mariage précoce demeurera en Afrique. A cela s’ajoute encore le fait que la précocité et l'activité sexuelle intense constituent des facteurs non négligeables qui contribuent à rendre le couple mère-enfant plus fragile dans nos régions. Et, c’est dans ce groupe qu’il est observé, une fréquence élevée de syndromes vasculo-rénaux et de dystocies mécaniques[3].

S’agissant du statut matrimonial, les femmes mariées viennent au premier rang avec plus de 88% cas. Ce résultat est presque similaire de celui trouvé par Abdoulfatahi SALIHOU[1] 88,7 % et Zézouma Philippe Sanou[51] 84,5%. Ceci par le fait qu’il y a recrudescence de mariages dans la région par rapport au reste du pays. Toutefois, Il est à noter qu'une situation conjugale instable augmente le risque de décès car ce sont des femmes stressées, angoissées, cachant leur grossesse et ne consultant qu'au dernier trimestre de la grossesse ou ayant recours à l'avortement provoqué clandestin.

Les parturientes étaient non scolarisées dans la majorité de cas 86,42%. Diakalia Siaka BERTHE[27] dans son étude avait trouvé 90,1% des cas. Par contre pour Sengeyi[52] la majorité de référées (60,4%) avaient un niveau d’études secondaires. Cela peut s’expliquer par le faible taux de scolarisation féminine en RDC qui est de 75 % de femmes sans niveau d’instruction selon l’EDS[2], et, peut-être aussi un facteur déterminant à la faible fréquentation des services de santé de reproduction(SR) des centres de santé périphériques.

4.2.Les modalités et motifs d’admission des parturientes au sein des HGR

Le nombre de personnel exerçant dans nos formations sanitaires est loin d’être satisfaisant tout comme leur qualification. Les centres de santé qui évacuent les patientes comptent en moyenne un médecin ou un infirmier chef de poste médical, une sage-femme, deux ou trois matrones intervenant dans les références/évacuations obstétricales. La majorité de parturientes étaient  évacuées  dans plus de 64% des cas. Cela pourrait s’explique par le fait que 8,2% d’évacuations étaient décidées par le médecin, 15,1% par les infirmiers chef de poste médical (ICPM), les sages-femmes dans 17,0% et les matrones dans 59,7% (à Walungu) contre 17% par les sages-femmes (à Panzi). Nous avons constaté que l’autoréférence/évacuation est le type de référence le plus retrouvé et que la référence au cours de consultations prénatales est faible. Cette situation pourrait s'expliquer par le fait que les parturientes ignorent le circuit sanitaire habituel ou qu'elles sont soit à la recherche de soins de qualité en se rendant directement au centre de santé

Ce résultat n’était pas de loin inférieur de ceux d’EYOKO HEBA ANNE SANDRINE[53] qui avait trouvé 68,1% d’autoréférences et inférieurs à ceux trouvés par Boubacar SANOGO[54] et Abdoul Aziz Touré[14] dans respectivement 76,5% et 97,93% des parturientes évacuées, mais pour Sengeyi[52], les infirmiers ont décidé plus de référence dans 39,6% des cas.

Kouakou P. [55]  avait trouvé dans son étude que les patientes transférées vers le CHU de Bouaké, représentaient 91,5 % de cas de ruptures utérines. Les patientes qui avaient été transférées, avaient effectué un travail prolongé depuis plusieurs heures. Ce taux élevé des références montre que les grossesses à risque sont initialement suivies dans les centres périphériques et ne sont référées que lorsque surviennent des complications contrairement à l’organisation du système de santé qui recommande que la prise en charge des grossesses à risque doit se faire dans les centres appropriés de référence. Ce constat pose le problème de la redynamisation du système de référence et de contre-référence dans nos régions. Car l’identification à temps des signes de danger de la grossesse par le personnel soignant bien recyclé des centres périphériques, permettrait de prévenir ces évacuations tardives.

Abdoul Aziz Touré[14] et Sylla Aissata Keita[16]  au Mali, ont constaté que les matrones avaient décidé l’évacuation dans respectivement 64,8% et 68,3%. Par conséquent pour DiakaliaSiaka Berthe[27] et Diarra M[8] avaient trouvé que les médecins avaient décidé les évacuations dans respectivement 34,50% et 41,20%.

La prise de décision d’évacuation en grande partie par les matrones et sages-femmes dans cette étude peut s’expliquer par leur nombre très suffisant et leur  niveau d’implication dans le service de garde ainsi que dans les animations des séances des CPN. Les matrones étant  majoritaires en milieu rural, car pour la plupart du temps ce sont elles qui gèrent les maternités périphériques. Cette différence pourrait s’expliquer également par la présence permanente de médecins  uniquement dans les HGR, ces derniers étant absents dans les centres de santé où  les parturientes consultent en premier lieu.

  • Dans notre étude, le taux de létalité maternelle était de 4 décès maternels soit 0,8% parmi les évacuées tandis que le taux de létalité fœtale était de plus de 15% chez les évacuées contre plus de 9% chez les référées.
  • EKOUNDZOLA en 2003[19] a montré qu’au CHU de Brazaville le taux de létalité maternelle était de 5% chez les patientes référées contre 0,2% chez les non référées (p = 0,000008). Le taux de létalité fœtale au sein des référées était de 23,5% contre  4% dans le groupe témoin.
  • Pour KABORE en 2007 au CHU Yalgado O.[19,34], le taux de mortalité maternelle était 4 fois plus important chez les patientes référées en urgence que chez leurs  homologues venues d’elles-mêmes.
  • En 2001, DOLO dans son étude sur les facteurs de risque de mortinatalité dans le service de Gynécologie–Obstétrique de l’Hôpital du Point G à Bamako a trouvé que le risque de mortinatalité était 4 fois plus élevé chez les patientes référées en urgence que chez les patientes référées dans un contexte non urgent et 2 fois plus élevé chez ces dernières que chez celles venues d’elles-mêmes. [35,34]
  • EBENYE cité par SAMAKE[1] suivant le même ordre d’idées relevait que la mortinatalité était particulièrement élevée au sein des enfants nés de mères évacuées.

Les principales causes de mortalité retrouvées par ces différents auteurs étaient représentées par l’infection et l’hémorragie. Pendant que dans notre série les décès maternels enregistrés étaient causés par l’hémorragie chez les multipares ayant subi une laparotomie pour rupture utérine, et qui était admises au sein des HGR dans un état de choc hémorragique. Il est à noter également qu'une situation conjugale instable augmente le risque de décès car ce sont des femmes stressées, angoissées, cachant leur grossesse et ne consultant qu'au dernier trimestre de la grossesse ou ayant recours à l'avortement provoqué clandestin[51]Zézouma Philippe SANOU.

Les parturientes ont fait recours à l’ambulance pour se rendre aux HGR dans plus de 47% de cas et dans plus de 22% de cas elles ont marché à pieds pour s’y rendre. En effet, 75 % des décès maternels et 52,7 % des décès périnatals ont été observés parmi les évacuées n’ayant pas fait recours à l’ambulance pour se rendre à l’HGR. Théra T.[56] dans son étude au Mali, a trouvé que 50,6% des patientes référées ou évacuées ont utilisé l’ambulance. O. Thiam[12]  dans son étude au Sénégal a trouvé que l’évacuation était assurée au moyen d’une ambulance dans 69,2%, au moyen d’un transport personnel dans 28,9% et d’un transport en commun  dans 1,5%. Ces conditions de transfert prouvent que les références se font dans de mauvaises conditions tout simplement par le fait que les autorités de tutelle n’interviennent pas forcement dans la dotation des structures de référence en moyens logistiques : ambulance pour les références évacuations, d’où chaque fois elles font recourir à l’ambulance de l’HGR en cas d’évacuation. Le manque de moyens financiers par les parturientes, l’état défectueux des routes rendant impossible l’accessibilité vers les HGR, le problème de communication pour appeler l’ambulance, etc  poussent les autres parturientes à se rende à pieds à l’HGR voir même accoucher en cours de route avec tous les risques, surtout infectieux.

Les supports d’évacuation sont indispensables pour la compréhension de l’histoire d’une évacuation. Ils permettent d’instituer urgemment une prise en charge adaptée.  Dans cette étude, nous avons remarqué que plus de 67% de nos parturientes étaient admises sans support d’évacuation. Ceci se justifie par le fait que  beaucoup de parturientes plus de 40% n’avaient pas fait des CPN (auto-évacuation/référence), les matrones ayant un faible niveau d’instruction ayant décidé  les évacuations dans près de 60% des cas surtout dans le milieu rural ainsi que le système de référence et contre référence non appuyé par l’autorité de tutelle car de fois il y a épuisement des fiches de référence voir même des partogrammes dans les structures sanitaires etc. Dans l’étude de  Moussa dit Balla DIARRA[8], seulement 22,65 % des parturientes avaient reçu un partogramme avant leur évacuation.

Les parturientes étaient venues de leur domicile dans près de 50% des cas, ont parcouru une distance variant entre 11 à 20km dans plus de 73% des cas et n’avaient pas le moyen de communication pour alerter les HGR dans plus de 64% des cas.

Ceci s'explique par le fait que le HGR de Walungu (rural) est l'unique hôpital équipée du milieu et auquel les services de santé de premier échelon transfèrent les cas compliqués ; et que les centres de santé de référence intermédiaires sont sous équipés, éloignés de l’HGR, difficulté d’accès à cause des problèmes financiers, des routes, de insécurité voir même l’ignorance des parturientes. D’où on assiste à des évacuations tardives dans les HGR. Toutefois on peut noter également que nos parturientes n’étaient pas instruites pour la plupart, niveau socio-économique bas pour se procurer du téléphone.

Ces résultats ne sont pas de loin de ceux trouvés par Koni Traoré[57] au Bamako où 57,6% des patientes ont effectué une distance supérieure ou égale à 15km ; de loin de ceux de Fousseïni KONARE au Bamako qui a trouvé que les parturientes 50 cas (89%) ont été évacuées des structures de première référence et 6 cas (11%) sont venus de leur domicile ; et de ceux de  DRABO A. [16] qui a trouvé 94% de patientes évacuées et 16% des patientes venues de leur domicile.

Le décès néonatal était constaté dans la majorité de cas chez les parturientes reçues sur une distance de plus de 20 Km.

Pour Diarra M.[8] la distance parcourue variait en général entre 5 à 15 km avec les extrêmes de 2 à 180 km. Nos résultats sont inférieurs à ceux trouvés par O. Thiam[12] pour qui la distance moyenne parcourue par les patientes était de 48,01km aux extrêmes de un et 200 Km.

Pendant ce temps, M. Kane[15] au Bamako a trouvé que 65,09% des cas ont utilisé le téléphone pour alerter, le temps que Sylla Aïssata KEÏTA[16] à l’hôpital de Sikasso a trouvé 13,94% des patientes ayant utilisé le téléphone pour alerter.

Dans cette série en étude, on remarque qu’au sein de deux HGR les parturientes avaient séjourné plus de 19 à 24h dans les centres de santé ou à domicile avant leur évacuation dans près de 20% des cas. Ce retard de l’évacuation pourrait s’expliquer par plusieurs facteurs au nombre desquels : D’une part, la méconnaissance des prodromes par les patientes et le problème financier posé par ces dernières voir même le manque de moyen de communication ; d’autre part les références tardives occasionnées par l’insuffisance d’agents compétents capables de faire le bon diagnostic et de décider d’une référence à temps, mais aussi le fait de référer une parturiente occasionne un manque à gagner pour la structure, d’où la séquestration ; et enfin le coût élevé des prestations dans les HGR qui constitue un obstacle à leur fréquentation surtout en l’absence d’un système d’assurance maladie universelle. Par contre Abdoul Aziz Touré[14] a trouvé des extrêmes de plus de 4heures 30minutes dans 16,6% des cas de retard d’évacuation. Moussa Dit Balla Diarra[8] a rencontré  des cas de retard d’évacuation  avec des extrêmes de 48 heures dans 1,16 % des cas.

Dans notre étude, les principaux motifs d’évacuation au sein des HGR étaient dominés par les dystocies (dynamiques et mécaniques) dans 36,4% des cas. Ceci s’explique par le fait que d’une part les parturientes avaient un IMC faible dans 25% des cas, plus de 19% d’entre elles avaient l’antécédent de césarienne et d’autre part la plupart de maternités des centres de santé de référence sont gérées par des sages-femmes et des matrones qui n’ont pas suffisamment de notions de référence et de contre-référence pour agir à temps réel; en plus, elles estiment que le transfert constitue un manque à gagner pour leurs  structures.

Notre taux est presqu’identique de celui de Sylla Aïssata KEÏTA[16] au Mali qui a trouvé la dystocie mécanique comme  motif d’évacuation dans 35,5% des cas. Ceci à cause de la ressemblance des réalités vitales entre les régions. Ce taux était inférieur à celui d’Abdoul Aziz TOURE[14] dans 21,4% des cas. Diarra Nama[6] à Bouaflé en Côte d’Ivoire a trouvé que les motifs d’évacuation étaient dominés par les dystocies (56,2% des cas).

4.3.Caractéristiques cliniques des parturientes

4.3.1.      Les antécédents des parturientes: Médicaux et chirurgicaux

Au sein des HGR, les parturientes avaient des antécédents d’HTA et de diabète dans respectivement plus de 10,99% et 6,47% des cas. Elles avaient l’antécédent de césarienne dans plus de 19% des cas. Ceci s’explique par le fait que le diabète et l’HTA demeurent des pathologies chroniques récurrentes dans la région d’étude. La petite taille de nos parturientes surtout celles du milieu rural (HGR Walungu), la dénutrition, la violence sexuelle (jeune âge), la non fréquentation des CPN exposent ces dernières à subir des césariennes. Aïssata BARRY[19] a trouvé que 7,8% des cas  avaient un antécédent de césarienne.

Blaise Adelin Tchaou[58]au CHU de Parakou au Benin a trouvé que les patientes étaient en général jeunes et, plus de 40% d’entre elles avaient des antécédents pathologiques gynéco-obstétricales les prédisposant à des complications au cours de la grossesse.

4.3.2.      La parité et l’âge gestationnel

Les multipares étaient majoritaires dans plus de 59% des cas. Presque le même constant a été fait par Sengeyi[52] avec 57% des multipares. La grossesse était  à terme dans plus de 91% des cas. Pour M. Kane la grossesse était à terme dans 96,86%; Siaka Diarra[35] a trouvé 60,5% des multipares et pour Diakalia Siaka BERTHE[27] la grossesse était à terme dans 66,1% des cas. Le risque chez ces parturientes est dû à la fragilisation de l’utérus par suite à des grossesses multiples et souvent rapprochées. Dans cette étude, il a été constaté que les multipares étaient plus nombreuses à être évacuées par le fait qu’elles négligeaient les CPN et voulaient à tout prix accoucher à domicile. 

4.3.3.      Les caractéristiques des activités liées aux CPN

Selon les recommandations de l’OMS, il faut au moins quatre consultations prénatales pour le bon suivi d’une grossesse (Organisation Mondiale de la Santé, 2006). Si le suivi régulier de la grossesse n’empêche pas la survenue de complications, il permet tout au moins le dépistage précoce des signes d’appel de certaines maladies liées ou survenant au cours de la grossesse, ou évite leur évolution vers les situations cliniques graves. Les consultations prénatales constituent donc un moyen privilégié pour réduire l’issue défavorable des grossesses à risque en particulier et des grossesses en général.

Dans cette étude, il ressort que plus de 40% des parturientes n’ont pas fait les CPN, ces dernières ont été effectuées par les sages-femmes dans plus de 52% des cas pendant que les médecins ne les ont effectuées que dans plus de 6,14% des cas. Les parturientes n’ont pas été informées des particularités de leurs grossesses ni du lieu d’accouchement aux CPN dans respectivement plus de 63% et 48% des cas. Ceci s’explique dans ce contexte par le fait que d’une part nous avons constaté que beaucoup de gestantes venaient aux CPN parce qu’elles sentaient des malaises et non seulement pour le suivi régulier de leurs grossesses. Toutefois, 20% de nos parturientes étaient âgées de moins de 19ans et que la grossesse pour la plupart d’entre elles était issu d’un viol d’où elles manifestaient une certaine résistance de se rendre aux CPN par crainte de stigmatisation. D’autre part, les multipares étaient plus nombreuses à être évacuées par le fait qu’elles négligeaient les CPN, car ces dernières voulaient à tout prix accoucher à domicile. Les sages-femmes ont effectués plus des CPN étant donné qu’elles ont été formées pour cette fin et que ce sont elles qui gèrent les maternités des centres de santé périphériques pendant que les médecins ne sont disponibles que dans les HGR. Elles n’ont pas été informées des particularités de leurs grossesses ni du lieu d’accouchement aux CPN, aux vues du nombre élevé des femmes sollicitant les CPN par séance, le sous équipement limitant l’examen physique, l’ignorance voir la méconnaissance des signes de danger de la grossesse ainsi que les multiples charges auxquelles l’animatrice est appelée à répondre au sein de sa structure sanitaire.

Les CPN irrégulières et l’absence de surveillance de la grossesse dans notre étude s’expliquent par la faible utilisation des services de santé en général et le recours d’une grande partie de la population à la médecine traditionnelle.

Ce résultat était inférieur à celui de Blaise Adelin Tchaou[58] au CHU de Parakou au Benin qui a trouvé que la grossesse n’était pas suivie (absence de consultations prénatales) ou avaient été mal suivies (moins de quatre consultations prénatales) chez près de 70% des patientes. Pour Diakalia Siaka  BERTHE[27] au Mali, 58,4% des parturientes n’ont pas fait les CPN; Par ailleurs, pour O. Thiam[12] au Sénégal, le nombre moyen des consultations prénatales était de deux et une femme sur 3 avait effectué plus de 4 CPN (33,3%). Ce résultat était supérieur de celui trouvé par Sengeyi M.[52] qui a remarqué dans son étude que 11,9% des référées n’avaient pas suivi les CPN.  Koni Traoré[57] a noté que dans 85,9% des cas, les CPN étaient faites par des matrones et infirmières  obstétriciennes, pendant que pour Diakalia Siaka BERTHE[27] dans les 41,6% des cas où les évacuées avaient suivi les CPN, les sages-femmes et les matrones venaient au premier rang des prestataires avec respectivement 41% et 37,3%.

Le faible niveau d’information sur la santé de la reproduction explique en partie ce comportement de la population d’où l’intérêt du travail des ONG et des relais communautaires à travers les campagnes de sensibilisation.

Nous constatons que ces données (médecin plus de 6% et sage-femme plus de 52% démontrent l’insuffisance de personnel qualifié dans notre milieu d’étude.

4.3.4.      Examens cliniques

L’état général de nos parturientes était altéré dans plus de 5% de cas; leurs conjonctives étaient  pâles dans 18,8% et la pression artérielle était anormalement élevée (supérieure à 14/9) dans plus de 6% et elle était basse pour 27 de nos patientes soit 5,8% (9/6). Cela était dû au fait que certaines parturientes ont passé plus du temps dans les centres périphériques avant leur évacuation (épuisement maternel, hémorragie génitale) et ont parcouru une longue distance pour atteindre les HGR. Diakalia Siaka BERTHE [27], Koni Traoré [57] et Boubacar SANOGO [54] ont trouvé un mauvais EG à l’admission dans respectivement 8,1%, 13,1% et 32,4%. Pour Abdoulfatahi Salihou [1], les patientes avaient un état général altéré dans 9,4%, la pression artérielle basse dans 1,2% et les conjonctives  pâles dans 12,5%.

Il ressort de ce travail que les parturientes avaient un faible indice de masse corporelle dans 25% des cas. Toutefois on a constaté à 79% un risque accru des dystocies surtout mécanique chez les parturientes avec un IMC ≤ à 19 et ≥ à 25. Cela est dû au fait que dans le territoire de Walungu  où  se trouve l’HGR qui porte le même nom, il y a un taux élevé de malnutrition qui pourrait expliquer d’une manière ou d’une autre le faible poids de nos parturientes. Presque le même constant a été trouvé chez Mr Sissoko[59] au Mali qui a trouvé que la petite taille était associée à un risque accru de césarienne, en particulier lorsque la taille maternelle est inférieure ou égale à 150 cm. M.Kane[15] a trouvé la taille anormale dans 25,50%.

4.3.5.      Examen obstétrical

La hauteur utérine des parturientes était importante dans 20,91% des cas, le BCF était absent dans 9,26% et Ë‚120 battements par minutes dans plus de 22% des cas. Leur bassin était limite/rétréci dans plus de 21% des cas, la PE était rompue dans plus 18% des cas, le liquide amniotique était méconial  dans plus de 54% des cas et la durée de rupture des membranes était supérieure à 6h dans 21,43% des cas. Les parturientes étaient admises en pleine phase active dans plus de 77% des cas et la durée du travail d’accouchement était supérieure ou égale  à 24heures dans plus de 20% des cas. Ceci parce qu’il s’agit de parturientes dont le travail s’est déroulé soit dans ou en dehors d’une structure de santé et dont la dilatation a évolué au cours l’évacuation. Cette absence de surveillance permanente de la parturition est souvent à l’origine des complications materno-fœtales graves qui peuvent passer inaperçues. Ceci explique en partie le fait que plus de 9% des bruits du cœur fœtal n’étaient pas perçus au stéthoscope de Pinard à l’admission. Ce taux élevé de décès anténatal  se voit surtout chez les parturientes évacuées et/ou référées, n’ayant fait aucune consultation prénatale, avec une  poche des eaux déjà rompue depuis plus de 6 heures de temps, un liquide amniotique méconial et une durée du travail trop longue. Pour Koni Traoré[57], la poche des eaux était rompue dans 75,1%, le LA méconial dans 38,2% de cas, les BDCF étaient absents dans 24,2% de cas et pour Diakalia Siaka Berthe[27] à l’admission, la poche des eaux était rompue depuis plus de 6 heures pour 52,2% des gestantes évacuées.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer ces faits, notamment le retard dans la prise de décision par le personnel soignant, le retard dans l’organisation de l’évacuation, l’insuffisance ou l’absence de ressources financières voir même l’ignorance des parturientes des signes de danger de la grossesse, le mauvais état des routes.

4.4.Diagnostic retenu et mode thérapeutique.

4.4.1.      Diagnostic retenu

L’examen des parturientes évacuées admises dans la salle d’accouchement a permis de poser un certain nombre  de diagnostics dont les plus fréquents étaient :

  • Dystocies (mécanique et dynamique) : 29,96%
  • Travail d’accouchement  : 20,26%
  • Souffrance fœtale  : 15,09%

L’analyse des résultats montre qu’il y’a une petite discordance entre le diagnostic retenu et le motif d’évacuation dans au moins 5,6% des cas et dans la plupart de cas les évacuations/références étaient justifiées. Pour Diakalia Siaka BERTHE[27] la discordance entre le diagnostic retenu et le motif d’évacuation était de 15,8%, pour Théra T.[56] les références étaient justifiées dans 78,3% et pour Aïssata BARRY[19] a jugé que la référence en urgence n’était pas pertinente dans 13% des cas.

Ces résultats ne sont pas de loin supérieur de ceux trouvés par Moussa dit Balla DIARRA[8] pour qui parmi les diagnostics retenus après l’examen en salle d’accouchement, a trouvé essentiellement que:

  • dilatation stationnaire 15,10 % ;
  • travail d’accouchement normal 13,9 %.
  • la souffrance fœtale aigue 7,92 % ;

Notre taux de souffrance fœtale 15,09% était presque similaire à celui trouvé par SANOGO Lamine[60] au Bamako 16.54% de souffrance fœtale aigue et de celui trouvé par Abdoul Aziz TOURE[14] dans 16,5% pour la souffrance fœtale aigue et 21,3% pour travail d’accouchement. Cela pourrait s’expliquer par une  insuffisance d’un personnel qualifié et des moyens logistiques adéquats pour assurer les évacuations/références à temps.

4.4.2.      Modalités thérapeutiques

La démarche thérapeutique dépendait du diagnostic retenu et de l’état général de la parturiente. Ainsi la césarienne et l’accouchement spontané étaient le mode thérapeutique courant dans respectivement plus de 49% et 41% des cas. Pour Sengeyi [52] l’ensemble de transférés a subi une césarienne.

Ce taux de césarienne est supérieur à ceux trouvés par Diakalia Siaka Berthe[27] et O. Thiam[12] au Sénégal dans respectivement 45,5% et 33,2% des cas. Et est inférieur à celui de Sekou Amadou C.[3] en Côte d’Ivoire où 73,67% des parturientes ont accouché par césarienne.

Il se fait remarquer que ce taux de césarienne est élevé par rapport aux normes recommandées par l’OMS[61] où le taux de césarienne est de 10 à 15%. Ceci se justifie par le fait que pour la plupart de pays en développement d’une part les gestantes ne font pas régulièrement les CPN, préfèrent accoucher dans les centres de santé ou à domicile, d’autre part la malnutrition et la recrudescence des cas de violence sexuelle dans la région chez les adolescentes avec bassin immature.

Le temps de décision d’intervention était supérieur à 1heure dans 14 cas soit 5,93% et plus de 80% de nos parturientes ont été prises en charge dans moins de 30 minutes. Foumsou L [62] a trouvé que le délai entre le diagnostic et le début de la césarienne était de moins de 30 minutes pour 54,9% des cas et la majorité de retard dans la prise en charge était due à la famille dans 80% des cas. Pour Sylla Aissata KEITA[16] l’extraction du fœtus après la décision de césarienne avant 60 minutes était 61,1% des cas.

Ce temps mis pour la prise en charge était justifié dans cette étude par la disponibilité du bloc opératoire et sa proximité de la maternité dans les deux HGR, la mobilisation et la disponibilité de l’équipe pour l’intervention  chirurgicale (anesthésiste, aide de bloc) et la disponibilité du sang en permanence.

Le retard de 30 minutes à 1 heure après la prise de décision a été constaté dans 13,2% des cas. Ce retard était expliqué d’une part par la non disponibilité du bloc opératoire, car cette dernière était occupée par d’autres interventions soit de la chirurgie ou soit de la gynécologie-obstétrique. D’autre part par l’insuffisance de brancardiers pour amener les parturientes au bloc, une équipe réduite à la garde surtout à Walungu, la difficulté de mobilisation de l’équipe d’intervention  chirurgicale (anesthésiste, aide de bloc) et la non disponibilité du sang compatible en permanence.

4.5.Facteurs pronostics

Par souci de conformité, nous considérons comme morbide tout nouveau-né ayant un score d’Apgar inférieur ou égal à 7 comme le décrivent de nombreux auteurs[14]. Un taux de 28,37%  de morbidité fœtale à la première minute et 26,8% à la 5ème minute soit un total de plus de 55% des cas de morbidité fœtale a été retrouvé. Pendant ce temps, 43 cas de mort-né et, 20 cas de décès néonatal précoce soit 13,6% des cas de mortalité périnatale ont été enregistrés. Ce taux élevé de morbi-mortalité fœtale pourrait s’expliquer dans cette étude par le niveau d’éducation, la durée d’évacuation, la distance parcourue ainsi qu’à facteurs cliniques comme la non fréquentation des CPN, la multiparité, la souffrance fœtale aigue dans 31,97%, aux complications hypertensives 6,9%, à d’autres anomalies fœtales et annexielles 7,8%, à l’hémorragie pendant le travail d’accouchement 4,31%.

Abdoul Aziz TOURE[14] a trouvé la morbidité fœtale dans 64% des cas.

Ce taux était inférieur à celui trouvé par Foumsou[62], O. Thiam[12], et Sekou Amadou Cissé[3] qui ont trouvé respectivement 17,02%, 18% et  33,45%.

Ce faible taux est dû  à  une prise en charge  rapide grâce à la disponibilité du service équipé de néonatologie surtout à l’HGR Panzi et des Kits d’urgence de césarienne dans les 2 structures. Ce qui a expliqué que le temps de décision d’intervention était de moins de 30 minutes dans plus de 80%  des cas.

Malgré les conditions de prise en charge, quelques cas de morbidité maternelle ont été enregistrés chez 64 parturientes soit 13,8%. Elles étaient dominées par : l’anémie dans plus de 5%, l’infection et lésions des parties molles dans plus de 4%, l’éclampsie dans plus de 3% des cas. Ce taux de complications est presque similaire à celui de Sekou Amadou Cissé[3] qui a trouvé 14,23% et inférieur à celui de SEPOU A.[31] 43,1% cas, dû surtout à la césarienne. Quatre cas de décès maternels soit 0,86% des cas ont été enregistrés surtout chez les multipares, dont 3 décès maternels soit 1,60% parmi les parturientes n’ayant pas fait les CPN.

Ce taux de morbi-mortalité maternelle était lié d’une part à certains facteurs environnementaux comme le niveau d’éducation, à la la durée d'évacuation (retard  d’évacuation des parturientes en travail au niveau périphérique), à la la distance parcourue par les parturientes (conditions d’hygiène précaires et d’autre part à l’ignorance des parturientes), d’autre part aux autres facteurs cliniques comme l’ hémorragie pendant le travail d’accouchement, les complications hypertensives et le travail d’accouchement ainsi qu’à la mauvaise qualité des CPN.

Le taux de mortalité maternelle trouvé dans cette étude était inférieur à ceux trouvés par SYLLA Aïssata KEÏTA[16], O.Thiam[12],  A.J. Diarra Nama[3], SEPOU A.[31]  et Sekou Amadou Cissé[3] dans respectivement 1,4%, 2%, 3,6%, 6,9%, et 11,03%  pendant que Mounthaka Mamary Kane[15] n’a déploré aucun décès maternel durant sa période d’étude. Les causes de décès  étaient dominées par les hémorragies par choc hypovolémique. La même cause de décès était trouvée par SYLLA Aïssata KEÏTA[16].

Les multipares/grandes multipares ont été considérées pendant longtemps comme étant à haut risque des complications maternelles et néonatales[59]. Abdoulaye Sissoko[59] montre que les grandes multipares ont une tendance plus élevée des taux de complications maternelles notamment l’avortement, la grossesse môlaire, l’anémie, l’accouchement prématuré, le placenta prævia, l’hématome rétroplacentaire, le diabète et le risque d’accouchement par césarienne, et des complications fœtales dont la souffrance fœtale aigue, de mort-né, de macrosomie et de mortalité périnatale comparées aux multipares et primipares après ajustement sur les facteurs de risque.

Un constant a été relevé dans cette étude que dans plus de 75% des cas, le milieu rural a connu plus de cas de morbi-mortalité materno-fœtale. Cela est dû aux facteurs sociaux économique précaires, au sous-équipement voir même  au manque d’infrastructures sanitaires de qualité et du personnel de santé qualifié dans le milieu.

L’état général altéré des parturientes aggravé par les conditions difficiles de l’évacuation et parfois les moyens de réanimation adéquate faisaient défaut en zone  périphérique. Ceci justifie la nécessité de rendre les soins obstétricaux d’urgence accessibles au niveau des districts sanitaires en zones rurales et surtout améliorer  la médicalisation des références par la mise en place d’un service d’accueil médical d’urgence en zone rurale. La durée moyenne d’hospitalisation était de 7 jours.

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