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Chapitre III : CONTRIBUTION DES SFD SUR LE FINANCEMENT DU DEVELOPPEMENT

Memoire Online - L'impact des Systèmes Financiers Décentralisés sur l'Economie du Sénégal - Chérif Assane SAGNA

Le développement rapide de la microfinance, l'espoir qu'elle suscite comme outil de lutte contre la pauvreté, mais aussi l'ampleur des ressources investies, ont conduit très tôt à s'interroger sur l'impact de la microfinance.

Même si l'impact de la microfinance reste globalement limité, des études et recherches montrent qu'elle représente un outil important de lutte contre la pauvreté et doit être considérée comme une des stratégies en vue d'atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) notamment la réduction de moitié de la pauvreté d'ici à 2015.

Par le biais des services financiers durables qu'elle fournit aux pauvres, la microfinance contribue à l'atteinte de ces objectifs. En effet, l'accès aux services financiers constitue une base à partir de laquelle d'autres besoins peuvent être satisfaits : santé, éducation, conseils de nutrition, autonomisation des femmes.

I/ Evolution comparative

1) Situation du secteur bancaire classique

Les mesures de restructuration prises à la fin des années 80 ont permis d'assainir lesecteur financier et bancaire sénégalais. Ce dernier compte aujourd'hui 12 banques et 2établissements financiers avec 103 agences et environ 1800 employés.

Depuis 2001, la stabilité du secteur financier s'est renforcée. Le gouvernement du Sénégal, la BCEAO et les principaux acteurs institutionnels des banques et établissements financiers conduisent régulièrement des réflexions visant le renforcement de la contribution des institutions financières au financement de l'économie. Les réflexions menées dans le cadre du Programme d'Evaluation du Secteur financier (PESF) ont mis en exergue les atouts suivants du secteur financier et bancaire :

ü rentabilité structurelle du système bancaire : les opérations de crédit représentent environ 75% du produit net bancaire ;

ü diminution des créances en souffrance brutes au cours de ces dernières années ;

ü importance des crédits à l'économie passant de 486 milliards FCFA en 1999 à 784 milliards FCFA en décembre 2003 ;

ü bancarisation de la population la plus élevée de la sous région UEMOA avec un taux de 2,55% et un ratio dépôts sur masse monétaire de près de 76% considéré également comme le plus élevé de la zone UEMOA ;

ü élargissement par les banques commerciales de leur clientèle par l'ouverture des guichets PME et des réflexions visant à la constitution des départements ou filiales de microfinance.

Cependant, le secteur financier et bancaire doit relever un certain nombre de défis parmi lesquels :

ü le coût élevé des crédits au PME par rapport aux conditions offertes aux grandes entreprises ;

ü les difficultés à satisfaire certaines normes prudentielles.

2) Situation du secteur de la Microfinance

Bien que difficile à mesurer avec précision, la population « pauvre » du Sénégal est estimée à 9,7 millions ou environ 1 616 667 ménages qui constituent un marché potentiel pour les services de micro financement. Les chiffres officiels indiqués par la Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'ouest (BCEAO) indiquent une croissance du taux de pénétration du marché qui est passé de 18.2% en 1999 à 25.5% en 2001. Ces chiffres sont corroborés par ceux communiqués par l'Agence sénégalaise de la Banque centrale qui indique que le Sénégal a l'un des secteurs les plus vastes de la micro finance dans l'Union économique et monétaire de l'Afrique de l'ouest (UEMOA). Sur la base de ces statistiques sur le taux de pénétration du marché, on peut indiquer que l'accès aux services financiers n'affecte pas seulement les pauvres, mais aussi le pays tout entier.

Un autre trait de la demande locale pour les services financiers est que la plupart des Sénégalais vivent dans de petites communautés rurales, ce qui limite la capacité des institutions micro finance (IMF) et autres organisations à fournir des services financiers de manière efficiente.

Selon les estimations, le marché de la micro finance au Sénégal est compris entre 446 000 et 700 000 clients avec un montant total d'épargne de $56,2 millions et un encours de crédit de $56,8 millions. Cette variation dans le nombre de clients s'explique par la manière dont les groupements d'épargne et de crédit sont comptabilisés, soit comme une unité ou soit par nombre de membres individuels. Par conséquent, le taux de pénétration varie entre 26% (si les GEC sont comptés comme une unité) et 42% (si les membres sont comptés individuellement).

Ainsi, le taux de pénétration du marché au Sénégal est bien significatif lorsqu'on le compare à celui des autres pays de la région UEMOA. Les principaux acteurs du marché de la micro finance au Sénégal sont les grands réseaux mutualistes qui interviennent étroitement sur le marché et disposent des plus grandes opérations de prêts parmi les institutions de micro finance opérant au Sénégal. Le Crédit Mutuel du Sénégal (CMS) constitue le réseau le plus important avec 40% de la clientèle et 54% des dépôts. Il est suivi de l'Union des mutuelles du partenariat pour la mobilisation de l'épargne et du crédit (PAMECAS), qui regroupe environ 27% des micros entrepreneurs locaux. Femmes Développement Entreprise en Afrique (FDEA) représente le troisième réseau en termes de nombres de clients. Suivent l'Alliance de crédit et d'épargne pour la production (ACEP), l'Union des mutuelles d'épargne et de crédit - Sédhiou (UMEC) et l'Union des mutuelles d'épargne et de crédit d'UNACOIS (UMECU), qui comptent toutes plus de 10,000 membres chacune.

La plupart des grands réseaux offrent à leur clientèle, des services d'épargne et de crédit.

Tous offrent des produits de dépôts à terme et de dépôts à vue. Du coté du crédit, tous les réseaux proposent essentiellement des produits à court terme et de plus en plus des crédits de montant plus élevé, Les plus grands ayant une bonne structuration commencent à intégrer les innovations technologiques telles l'utilisation des guichets automatiques de billets (GAB), même si les initiatives sont bien récentes.

Le tableau suivant présente quelques statistiques relatives aux grands réseaux au Sénégal.

Elles sont compilées à partir des statistiques fournies par la BCEAO et l'AT/CPEC. Il présente le tableau de performances des institutions qui dominent le marché.

 

 

Nombre

%

Encours

%

Encours de

%

 

de

 

d'épargne

 

crédit

 
 

clients

         

CMS

176.763

40%

30.114.112

54%

16. 115.849

28

ACEP

21.653

5%

2.569.957

5%

17.216.588

30%

UM-PAMECAS

119.483

27%

11. 310.532

20%

9. 001.271

16%

UMECU

37.815

8%

6. 393.704

11%

4.318.982

8%

FDEA

63.323

14%

1, 304.627

2%

1.604.549

3%

UMEC

13.156

3%

474.771

1%

555.846

1%

S/total

432.193

97%

52. 167.703

93%

48.813.086

86%

Total secteur

446.023

100%

56.201.538

100%

56.787.692

100%

 

Comme dans d'autres pays de la sous région, les institutions mutualistes sont prédominantes. Même si leur début remonte à bien des années au Sénégal, les institutions mutualistes n'ont réalisé leur véritable percée que récemment grâce au développement de nouvelles technologies en matière de prêts. Le nombre de clients servis a augmenté en moyenne de 21% par an durant la période de mise de 1999 à 2004. Ce changement dramatique indique qu'il existe une forte demande pour les services de micro crédit au Sénégal et que les clients sont désireux et capables de payer des prix relativement élevés pour accéder à ces financements.

La plupart des institutions de micro finance appliquent des taux d'intérêts qui sont au-delà du taux du marché; selon les calculs, les taux effectifs appliqués localement sont compris entre 45 et 60% par an, pour le financement du fonds de roulement La majorité des IMF appuyées devront voir leur taux s'accroître pour ces types de crédit à court et moyen terme.

Compte tenu du niveau actuel du taux de pénétration, il existe d'énormes potentialités pour une croissance et une consolidation du secteur de la micro finance.

La Loi PARMEC a mis en place un système flexible de réglementation qui a engendré une participation massive des groupements d'épargne et de crédit dans le marché de la microfinance. La loi PARMEC privilégie les institutions mutualistes ou les coopératives. Les institutions non mutualistes ou de crédit direct peuvent offrir des services d'intermédiation financière, mais sous le régime de convention cadre de 5 années au terme desquelles elles doivent choisir entre devenir une institution mutualiste ou une institution financière.

Aujourd'hui, l'état de santé général des Systèmes financiers décentralisés (SFD) au Sénégal présente un tableau plutôt reluisant avec un taux d'impayé de 3%. Pendant ce temps, le montant des dépôts dans le système se monte à plus de 56.2 millions de dollars US et continue de croître d'année en année à un taux compris entre 2 et 4%. Bien que les Systèmes financiers décentralisés opérant dans le pays semblent être en bonne santé, il existe encore d'énormes potentialités pour à la fois des consolidations dans le secteur et aussi une meilleure rentabilité dans la fourniture de services financiers au marché des micro, petite et moyenne entreprises.

v Les institutions de microfinance et l'évolution de leur clientèle de 2000 à 2003

Les différentes IMF au Sénégal servent une clientèle très variée. Au niveau communautaire, on observe un spectre de GEC et MEC qui sert une clientèle de base ayant une expérience limitée en affaires. Ces micros entrepreneurs sont prédominants dans les milieux ruraux présentant une densité faible. Au milieu, on retrouve des réseaux en construction ou en consolidation qui ont tendance à servir les micros entreprises plus structurées ayant une plus grande expérience en affaires. De l'autre coté, on retrouve un groupe de réseaux agrées ayant une clientèle plus diversifiée de micro, petites et moyenne entreprises qui se focalisent essentiellement sur le commerce, les services et la production.

A travers leur appui sans cesse croissant, les institutions de microfinance au Sénégal contribuent au développement des entreprises à partir des communautés de base en favorisant la croissance des revenus et la création de nouvelles opportunités d'emplois.

II) Acquis et limites des SFD

1) Acquis

L'apport majeur de ces vingt ans de développement en Afrique de l'Ouest est la création d'un tissu d'institution de microfinance (IMF). En fin 2004, on recensait dans les huit pays de l'UEMOA : Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, guinée Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo 303 institutions offrant 2.778 points d'accès et bénéficiant à 4,3 millions de personnes. Ces institutions mobilisent 116,8 milliards FCFA d'épargne et avaient un encours de 103,4 FCFA de crédit. Même si les institutions mutualistes sont largement dominantes, l'effort d'innovation a permis d'élaborer différents « modèles » de services financiers adaptés à une grande variété de contexte et de population.

La structure sectorielle est un acquis important de cette période. Au Sénégal la microfinance a été reconnue par un cadre légal spécifique, la loi PARMEC élaborée par l'UEMOA et appliquée par la BCEAO. Des associations professionnelles d'IMF se structurent progressivement dans toutes les régions, des politiques sous sectorielles sont définies et des programmes nationaux d'appui au développement de la microfinance commence à être mis en oeuvre.

Par ailleurs, la microfinance réussit à financer des activités rurales telles que le commerce et la transformation agroalimentaire qui génèrent des revenus réguliers et des taux de rentabilité élevés, et qui présentent un risque limité. Mais elle répond avec plus de difficultés et de prudence aux besoins de financement de l'agriculture. Or, même si les ménages ruraux ont souvent plusieurs activités économiques, l'activité agricole reste la base de l'économie rurale au Sénégal.

Il est difficile de quantifier la contribution de la microfinance au financement de l'agriculture : l'information chiffrée disponible est de faible qualité, les systèmes d'information des institutions et de leurs tutelles sont encore défaillants, les concepts utilisés pour collecter l'information ne sont pas stabilisés et la fongibilité du crédit, une difficulté méthodologique majeure, rend l'évaluation de l'utilisation du crédit hasardeuse.

2) Limites

Malgré l'importance et l'adaptabilité au monde rural ce secteur reste encore marginal et ne finance que très peu les activités agricoles. On estime à 3% le volume de crédit distribué par les SFD dans les pays de l'UEMOA. Ce sont toujours les banques commerciales qui continuent à fournir le gros du crédit.

Un certain nombre de problèmes limitent les possibilités d'extension des activités des SFD.

La part des SFD dans le système financier national reste encore relativement faible en termes de flux financiers gérés. Toutefois, ces deux types d'institutions ne ciblant pas les mêmes segments de clientèle, la comparaison ne peut aller au-delà des flux financiers. En effet, en termes d'impact et d'accès à des services financiers adaptés pour des populations non bancarisées, les SFD font preuve d'une bonne performance.

Le partenariat entre les SFD et les banques est encore embryonnaire du fait de la méconnaissance du mode de fonctionnement des SFD, de l'insuffisance de l'information financière et de la faiblesse des garanties. Les relations entre ces deux types d'acteurs financiers se limitent dans la majorité des pays à des opérations de placements des SFD auprès des banques.

Les systèmes de crédit fondés sur la collecte de l'épargne ont souvent tendance à s'adresser à un publique qui peut d'abord atteindre un certain niveau d'épargne avant toute opération d'emprunt.

De ce fait les plus pauvres sont exclut même s'ils sont porteurs de projets pertinents. Il est vrai que les systèmes basés sur le principe de caution solidaire permet de contourner cette difficulté, mais jusque là ils ne permettent pas d'octroyé des volumes de prêts importants.

Les produits financiers offerts par les SFD dans les pays sahéliens se limitent dans la plupart des cas au crédit de court et moyen terme. Il n'y a pas d'autres produits surtout ceux qui peuvent financer à long terme le secteur agricole.

Lorsque certains SFD atteignent une certaine taille des problèmes peuvent surgir à cause du fait que le capital social qui était le ciment de la viabilité du système ne suffit plus pour garantir son développement.

La gestion peut ne plus être transparente et conduire à une crise ou à une faillite éventuelle.

Cette situation fait que les SFD qui arrivent à niveau de croissance appréciable font face à des risques importants du type aléa moral ou sélection adverse. Ils ont tendance alors à se comporter avec la même lourdeur que les banques classiques. Les conditions d'octroient de crédit peuvent devenir difficiles. On assiste alors à une sur liquidité de certains SFD qui les contraints de faire des dépôts importants dans les banques commerciales au lieu du financer le secteur agricole.

A cause de l'analphabétisme de la plupart des clients des SFD dans le milieu rural, beaucoup ne savent pas formuler ou concevoir des projets de développement. Ils sont en outre très averses au risque qui est inhérent à tout projet.

Ils ne peuvent donc pas participer efficacement à la gestion et au contrôle que nécessite l'action collective au sein de SFD.

Malgré ces différentes difficultés les SFD ont fait leur preuve et constituent une alternative crédible pour le financement du secteur agricole. Il faut donc trouver des moyens pour renforcer leurs actions.

III) Impact des SFD sur l'économie sénégalaise

1) Méthodologie d'analyse d'impact

Les premières études d'impact de la microfinance, à la fin des années 80, s'attachaient à essayer de démontrer l'impact (principalement économique) avec des méthodes, des outils et une rigueur scientifiques. Réalisées le plus souvent par des équipes universitaires, ces études nécessitaient des dispositifs d'enquête importants et se sont avérées longues, coûteuses, et peu utilisables par les praticiens de la microfinance.

Une nouvelle approche de l'impact, que l'on peut qualifier de « minimaliste », s'est développée au milieu des années 90, coïncidant avec un sentiment de réussite de la microfinance, en partie justifié par les acquis du secteur et sa croissance rapide. On croyait alors, avec optimisme, en la perspective de toucher rapidement et en masse les populations n'ayant pas accès aux services bancaires: le Sommet du Microcrédit de 1997 n'annonçait-il pas 100 millions de bénéficiaires de services financiers en 2005 ?

Selon cette approche, la meilleure preuve de l'impact était finalement l'existence d'une institution sur la durée, sa performance financière : si les IMF s'avéraient financièrement viables, n'était-ce pas une preuve suffisante de leur capacité à trouver une clientèle, et à répondre aux besoins de cette dernière ? La performance institutionnelle était privilégiée, au détriment d'une réflexion sur l'adéquation des services financiers eux-mêmes et leur impact sur les clients. Les grands critères de succès étaient le nombre de clients atteints, le pourcentage de couverture des coûts, et la fin de la dépendance envers les subventions (permettant de maximiser le rapport entre nombre de clients touchés et apport initial du bailleur). L'idée dominante était que la standardisation des produits financiers permettrait aux IMF de passer à une échelle large, d'atteindre l'équilibre financier, et de se pérenniser. Il semblait implicitement évident que le client serait satisfait de tels services.

Plusieurs facteurs ont en quelque sorte inversé cette vision, et remis le client au centre du débat. Parmi ces facteurs, il faut citer notamment la concurrence croissante entre IMF (notamment en Amérique Latine, la Bolivie étant un exemple extrême), la montée des impayés et les premières faillites d'institutions, les abandons massifs de clients. Face à ces difficultés, il est apparu évident que le passage à une échelle large n'est pas simple pour la plupart des IMF et que ces dernières subissent souvent le contrecoup de leur politique de standardisation des produits. Les clients abandonnent un service financier qui ne leur correspond pas (par exemple lorsque l'IMF augmente très rapidement les montants des crédits), privilégient la souplesse des produits. En d'autres termes, ils ne sont pas toujours prêts à tout pour obtenir un prêt. Le succès apparent d'une IMF ayant atteint l'équilibre financier en touchant un grand nombre de clients peut donc être très rapidement remis en cause.

Les premiers travaux et études de cas sur l'impact des IMF ont en parallèle démontré que mesurer l'impact est une tâche beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît. Les tenants des études d'impact "classiques"- critiquées pour être lourdes, chères, n'offrant que peu de débouchés opérationnels (les conclusions peu qualitatives ne permettant pas une analyse débouchant sur des recommandations concrètes pour l'IMF) - se sont d'abord opposés aux partisans d'études légères et bon marché -réputées en général peu rigoureuses. Les difficultés méthodologiques1 étant difficiles à contourner, il est rapidement apparu que des compromis entre l'ambition de rigueur scientifique et les moyens disponibles seraient nécessaires.

2) Des outils d'analyses plus opérationnels

En conséquence de ces difficultés, à la fois bailleurs de fonds, prescripteurs et opérateurs de microfinance portent un intérêt croissant à l'analyse de l'adéquation des services financiers des IMF à leur clientèle cible. Sous cet angle, la question est moins `combien de clients atteindrons nous ? Mais quels clients sont ciblés, et les services offerts ont-ils un sens compte tenu de leurs besoins ?. L'enjeu de l'analyse d'impact évolue en conséquence : il s'agit moins maintenant de prouver que le microcrédit est un outil miracle, à l'échelle micro ou macro-économique, que d'améliorer la pérennité des IMF en les incitant à adapter leurs produits et services à leur clientèle et à l'évolution du marché.

Ces dernières années, la démarche des études d'impact s'est progressivement orientée vers l'amélioration des services (« improve ») plus que vers la volonté de démontrer l'impact (« prove »). L'un des éléments intéressants mis en évidence lors d'un séminaire organisé en juin 2002 a été le fait que l'analyse d'impact est bien souvent réalisée à l'initiative des praticiens eux-mêmes. Cela montre bien que ce type d'études est de plus en plus perçu et utilisé par les IMF non comme un simple élément d'évaluation et de démonstration vis-à-vis des bailleurs de fonds, mais comme un outil de pilotage interne.

En somme, les praticiens semblent avoir en majorité tiré une leçon des limites de l'étude d'impact « classique », pour s'orienter davantage vers des études plus légères, plus opérationnelles, qui sont autant des études d'analyse de la clientèle que d'analyse d'impact.

Ces outils, plus simples à mettre en oeuvre, peuvent être mis en oeuvre par des équipes locales (personnel de l'institution ou chercheurs, consultants nationaux), et être beaucoup plus abordables. Ce qui n'empêche pas, en parallèle, d'évoluer vers plus de rigueur dans ce type d'analyse (sélection de l'échantillon, enquête incluant des groupes témoins de non emprunteurs, analyse plus fine...). Les IMF ressentent un besoin d'outils opérationnels simples; ces derniers sont encore insuffisamment développés et vulgarisés.

Cette tendance s'est traduite concrètement par une série de travaux et de publications. En particulier, le programme AIMS (Assessing the Impact of Microenterprise Services), mené de 1995 à 2001 par USAID (coopération américaine), a eu pour ambition de faire avancer le domaine de l'analyse d'impact microéconomique du microcrédit. Ce programme a choisi d'associer tous types d'intervenants du secteur de la microfinance (chercheurs, praticiens, consultants). AIMS partait du constat que les IMF étaient pour la plupart très orientées vers l'offre, la performance institutionnelle, mais que finalement elles connaissaient relativement mal leurs clients. Le point le plus important du programme a été le travail sur la définition d'outils d'analyse de l'impact et de la clientèle qui répondent à un double objectif : non seulement prouver l'impact, mais aussi améliorer les produits et la capacité des IMF à offrir des services financiers adaptés. Un manuel regroupant une série d'outils pratiques d'enquêtes a été publié en 2001, ainsi que plusieurs études de cas tests.

Des expériences intéressantes ont été menées en parallèle pour créer des outils d'analyse des clients à la fois simples, rigoureux et relativement peu coûteux, et qui s'avèrent complémentaires des méthodes développées par AIMS. La méthodologie de MicroSAve Africa repose en particulier sur deux techniques participatives : une série d'instruments de type MARP3 et des groupes de discussion orientés par un guide d'entretien préalablement établi. L'approche permet d'obtenir des informations pertinentes pour analyser des sujets variés (analyse de trésorerie et des principales difficultés financières des ménages, satisfaction des clients...).

3) l'impact des SFD

Au sens strict, l'étude de l'impact d'une action ou d'une activité consiste à comprendre, à mesurer, à évaluer ses effets. Dans le cas des institutions de microfinance (IMF), l'analyse d'impact est l'étude des interactions (relations de cause à effet) entre l'institution et son milieu environnant. Cette question est en réalité complexe : les effets d'une IMF sont directs et indirects, s'exercent à différents niveaux (individus, ménages, institutions diverses, villages, économie locale, régionale, voire nationale) et dans différents champs (impact économique, social, impact sur la santé...) ; les difficultés méthodologiques sont importantes.

Face à cette complexité, les enjeux et des méthodes d'analyse ont évolué.

Le secteur de la microfinance entre aujourd'hui dans une phase de mutation et, ponctuellement, de crises. Alors qu'un certain nombre d'IMF de la première génération atteignent une taille significative, les crises qui ébranlent certaines d'entre elles tendent à fragiliser le consensus large dont la microfinance bénéficie encore et à réduire l'intérêt des décideurs pour cette forme d'appui au développement. La question de l'impact de la microfinance prend dans ce contexte une acuité particulière. Au-delà des crises conjoncturelles, la poursuite de l'expansion des IMF dépend notamment de leur capacité d'adaptation à l'évolution de la demande et des contextes économiques, ainsi que d'une mise en évidence de leur impact sur le développement permettant de préserver la confiance des décideurs et bailleurs de fonds dans la microfinance.

Il nous semble donc particulièrement pertinent, à ce stade, de faire un point sur les avancées des travaux en matière d'analyse d'impact et de souligner quelques pistes pour progresser dans ce domaine.

Cependant, au-delà de leur fonction d'intermédiation financière, de nombreuses institutions de microfinance (IMF) jouent un rôle d'intermédiation sociale à travers notamment les modalités suivantes : groupes de solidarité, formation des clients, renforcement de la confiance en soi, participation à la gestion...

Les études d'impact et les expériences accumulées ont fait évoluer le concept et confirmer un certain nombre de principes et d'acquis parmi lesquels :

- la microfinance constitue un puissant instrument dans la lutte pour la réduction de la pauvreté ;

- l'accès, de manière durable, d'un grand nombre de pauvres à des produits et services financiers, requiert l'atteinte par les IMF de l'autosuffisance financière ;

- l'intégration de la microfinance dans le secteur financier global est une condition de développement de sa portée ;

- les pauvres ont besoin, non seulement de crédit, mais aussi d'une variété d'autres services financiers tels que l'épargne, les services de paiement, l'assurance... ;

- le crédit n'est pas toujours approprié pour toutes les situations : des catégories de personnes qui ne disposent d'aucun revenu, ni de moyens de remboursement de prêts, ont certainement besoin d'autres formes d'appui avant d'être éligibles au crédit ;

- le renforcement des capacités (institutionnelles et humaines) constitue un défi majeur du secteur de la microfinance ;

- les systèmes d'information de gestion constituent des impératifs pour tous les acteurs dans l'optique de la viabilité et de la maîtrise des risques ;

- le rôle des gouvernements est important dans la création d'un environnement favorable au développement du secteur.

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