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CHAPITRE PREMIER : LE CONTROLE PARLEMENTAIRE EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO DANS LA CONSTITUTION DU 18 FEVRIER 2006

L’article 100 al.2 de la constitution congolaise du 18 février 2006 stipule ce qui suit : « le parlement contrôle le gouvernement, les entreprises publiques ainsi que les établissements et services publics »6

      Aussi, le règlement intérieur de l’Assemblée nationale impose aux membres du gouvernement l’obligation s’ils en font requis d’assister aux séances de l’Assemblée nationale, d’y prendre la parole et de donner aux députés des éclaircissements que ces derniers jugent utiles sur les affaires relevant de leur compétence. En principe, l’objectif du contrôle parlementaire est de promouvoir l’efficience et l’efficacité dans la gestion des affaires publiques, de réunir des éléments objectifs pour toute sanction éventuelle, de produire un impact sur le développement économique et humain et par voie de conséquence, de contribuer au bien être de la population.

La réalisation ou l’efficacité du contrôle parlementaire sur l’action du gouvernement est de l’essence de la démocratie parlementaire. Ce contrôle sur le gouvernement comporte un droit à l’information indispensable, non seulement pour le travail législatif en l’occurrence dans le domaine de l’élaboration du budget, mais aussi pour l’utilisation de la modalité du contrôle la plus absolue ; la mise en cause de la responsabilité du gouvernement7.

Le contrôle parlementaire débouche sur certaines sanctions. Pour mieux aborder les sanctions issues des mécanismes du contrôle parlementaire (section deuxième), il convient d’abord de voir dans un premier temps ces mécanismes de contrôle tels que prévus par la constitution congolaise (section première).

Section première : LES MECANISMES DE CONTROLE PARLEMENTAIRE.

      De prime abord, le parlement dispose d’un droit à l’information. Ce droit, en notant que le gouvernement est pleinement responsable de la question de l’Etat devant l’Assemblée nationale, nécessite des mécanismes pour sa mise en œuvre.

La constitution du 18 févier 2006 fixe ces mécanismes à son article 138 en ce terme : « … les moyens d’information et de contrôle de l’Assemblée nationale et/ou du sénat, sur le gouvernement, les entreprises publiques, les établissements et services publics sont : la question orale ou écrite avec ou sans débat non suivi de vote ; la question d’actualité ; l’interpellation ; la commission d’enquête, et l’audition par les commissions »8

C’est ainsi que nous en ferons étude tout en confrontant ces derniers à la réalité vécue pendant la première et la deuxième législature de cette troisième République.

§1. LES QUESTIONS PARLEMENTAIRES

      En vue de mieux contrôler le gouvernement, les parlementaires doivent nécessairement s’informer sur la conduite des affaires de l’Etat par l’exécutif. Les questions écrites ou orales(A) constituent pour les députés un procédé traditionnel d’information. Cependant, ils peuvent aussi recourir aux questions d’actualité et aux interpellations(B).

A.     LES QUESTIONS ECRITES ET ORALES

L’article 153 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale dispose que les questions orales ou écrites constituent des moyens d’information de l’Assemblée nationale dont les députés use à titre strictement individuel. Elles sont sommairement rédigées, leur objet clairement défini et bien circonscrit.

Selon P. Avril et J. Gicquel, dans « Droit parlementaire », les questions écrites constituent une exception à la règle selon laquelle : la procédure écrite n’est pas d’essence parlementaire, car cette dernière est essentiellement traitée en dehors de la tribune9

Les questions sont des demandes de renseignement ou d’explications adressées par les parlementaires aux membres du gouvernement. A la question orale(a), d’ailleurs diversifiée, s’ajoute la question écrite(b).

a.      Les questions orales.

Indépendamment de l’affectation de séance prévue par la constitution, la procédure en est régie par les règlements des Assemblées. C’est ainsi l’article 160 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale stipule que la question orale ne peut être posée qu’en session ordinaire. L’auteur précise dans sa lettre si sa question donne lieu ou non à un débat. Les questions orales sont posées par un député ou un sénateur à un ministre et si, elles portent sur la politique générale du gouvernement, au premier ministre, elles doivent être sommairement rédigées et sont remises au président de l’Assemblée où elles sont posées qui les notifie au gouvernement[1]. L’article 162 du règlement intérieur nous montre que le membre du gouvernement ou le gestionnaire de l’Entreprise publique, de l’établissement ou du service public répond oralement à la question posée en séance plénière de l’Assemblée nationale à la date fixée par le bureau et, dans tous les cas, au plus tard dans quinze jours qui suivent la réception du texte par le destinataire.  On distingue :

1.     Les questions orales sans débat :

Elles sont exposées sommairement par leurs auteurs ou exceptionnellement par les suppléants qu’ils ont désignés. Le ministre compétent y répond. Les auteurs disposent ensuite de la parole pendant cinq minutes. A l’Assemblée nationale, le ministre peut répliquer. Aucune autre intervention n’est permise.

  1. Les questions orales avec débat :

      Elles sont exposées par leurs auteurs qui disposent à l’Assemblée nationale d’un temps de parole variant suivant la décision du président entre dix et vingt minutes ; au sénat, de trente minutes. Le ministre compétent y répond. Après cette réponse, le président organise le débat en fonction de la liste des orateurs inscrits. L’auteur de la question a toujours priorité pour intervenir. Après l’intervention du dernier orateur, le président passe à la suite de l’ordre du jour. Le débat peut à l’Assemblée nationale, être interrompu par l’annonce pour l’un de deux prochains jours de séance d’une communication du gouvernement avec débat portant sur le même sujet que la question.

  1. Les questions au gouvernement :

      La procédure des questions orales traditionnelles s’étant en pratique révélées relativement décevantes, l’idée s’imposant de l’améliorer. Une nouvelle reforme fut donc entreprise aménageant d’une part la procédure des questions orales et prévoyant d’autre part une nouvelle forme des questions dites « d’actualités ».

  1. Les questions écrites :

Les questions écrites sont rédigées, notifiées et publiées dans les mêmes conditions que les questions orales. L’article 165 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale précise à cet égard que la question écrite peut être déposée pendant ou en dehors des sessions. Le membre du gouvernement, le représentant de l’entreprise publique, de l’établissement ou du service public saisi de la question écrite envoie sa réponse au bureau de l’A.N. endéans quinze jours à dater de la réception de la question.   Les réponses des ministres doivent être publiées dans le délai d’un mois qui suit la publication de la question. Ce délai ne comporte aucune interruption. Les ministres peuvent cependant soit déclarer que l’intérêt public ne leur permet pas de répondre, soit demander à titre exceptionnel un délai supplémentaire qui ne peut excéder un mois pour rassembler les éléments de leur réponse[2]. Si la réponse ne parvient pas au bureau dans ce délai, la question écrite fait l’objet de l’interpellation (article 166 al.2 règlement intérieur).

Non toujours dépourvues d’un certain humour dans leur formulation dont sont exclues toutes imputations d’ordre personnel à l’égard de tiers nommément désignés, les questions écrites donnent lieu de la part des ministres à des réponses qui, bien qu’elles ne soient pas toujours pertinentes, constituent une source précieuse d’information sur la pratique des administrations. La participation des parlementaires à un certain nombre d’organisme constitue également un mode d’information et de contrôle direct.

B. LES QUESTIONS D’ACTUALITES ET INTERPELLATION.

  1. La question d’actualité.

      L’art. 168 du règlement intérieur dispose : « Tout député peut, pendant les sessions, requérir du gouvernement, d’une entreprise publique, d’un établissement  ou d’un service public, des éclaircissements sur certains problèmes de l’heure qu’il juge important ». 

La question d’actualité a la particularité d’interroger le gouvernement ou un de ses membres sur la façon de gérer un dossier concernant un événement touchant la vie nationale et internationale du moment. Elle vise à connaitre la position du gouvernement sur un problème du moment.12

      Etant une prérogative reconnue à chaque parlementaire, la question d’actualité est formulée par écrit et déposée au bureau de la chambre qui en juge la recevabilité, l’auteur entendu, la séance y consacrée est clôturée après les réponses des questionnés.( article 169 du RI).

Cependant, s’il faut confronter les théories à la réalité, la même étude de l’open initiative for southern african et afrimap, rapporte que jusqu’à la date du 15 juin 2009, à la fin de la session de mars 2009, il ya eu qu’onze questions d’actualités auxquelles les membres du gouvernement ont répondu et qui ont été déposées à la chambre basse. Signalons qu’en session ordinaire, l’Assemblée nationale réserve la journée de mercredi aux questions d’actualité à poser aux membres du gouvernement, aux responsables des entreprises publiques, des établissements et services publics. La séance prévue à cet effet est programmée dans l’après midi pour une durée de trois heures au plus[3].

  1. L’interpellation :

« L’interpellation est une demande d’explication adressée au gouvernement ou à ses membres, aux gestionnaires des entreprises publiques, des établissements et services publics les invitant à se justifier, selon le cas, sur l’exercice de leur autorité ou sur la gestion d’une entreprise publique, d’un établissement ou service public ».[4]   

      L’interpellation est un procédé proche de la question.

Théoriquement, « dans sa forme et dans ses résultats, elle est beaucoup plus importante que la question. D’abord, le gouvernement est obligé de répondre. C’est la chambre qui fixe le jour de l’interpellation… Ensuite, l’interpellation donne lieu à un débat auquel tous les parlementaires peuvent participer … Enfin, l’interpellation se termine par un vote par lequel l’Assemblée nationale précise son attitude à l’égard du gouvernement »13.

Ainsi, si l’interpellation manifeste un manque de confiance de l’Assemblée nationale envers le gouvernement, celui-ci démissionne14 .

L’interpellation est plus que, les autres questions car elle peut être définie comme « une mise en demeure adressée au gouvernement, à ses ministres, aux membres des entreprises publiques, des établissements et services publics ou leurs représentations. » Les invités s’expliquent selon le cas sur l’exercice de leur autorité ou la gestion de l’entreprise publique, l’établissement ou le service public dont ils ont la charge». C’est ainsi que le député qui se propose les interpeller doit faire connaitre au bureau de l’Assemblée nationale l’objet de son interpellation par une déclaration écrite.   

Pour ce qui est de la réalité, sur trois initiatives introduites par les députés nationaux au cours de la première législature de la 3e République, une seule émanant du député Jean BAMANISA à l’encontre du ministre des hydrocarbures lors de la session extraordinaire de juin 2008, permet à l’Assemblée nationale de prendre une résolution portant création d’une commission d’enquête. Cette commission fut chargée de l’audition de la gestion du domaine des hydrocarbures15. Cependant, la mise sur pied effective de cette commission a été prévue dans le calendrier de la session ordinaire septembre 2009, trois mois après, en décembre 2009, cette commission n’avait pas encore débuté. Ainsi, il ya lieu de se demander si c’est une question de manque de volonté, situation qui informe que l’Assemblée nationale de la RDC sous-utilise les moyens constitutionnels et légaux de contrôle et se caractérise par une léthargie dans l’exécution de ses décisions.

      Signalons qu’en France, la procédure d’interpellation avait existé sous la troisième et la quatrième République où le gouvernement pourrait être renversé à l’issu du débat.

En Belgique, sans que la constitution l’ait prévue, la procédure d’interpellation est dégagée à partir de la prérogative constitutionnelle reconnue aux chambres de requérir ou de solliciter la présence des ministres aux fins d’entendre leur explication16. L’interpellation peut donc donner lieu à des sanctions. Ce qui nous pousse à examiner les commissions.

§2 : LES COMMISSIONS PARLEMENTAIRES :

« Une organisation rationnelle du travail, dans le cadre d’une Assemblée parlementaire, exige que les projets ou propositions des lois ne viennent immédiatement en séance publique. Il est souhaitable qu’ils soient d’abord étudiés et discutés dans des formations les plus restreintes qu’une Assemblée de 500 membres, dans lesquelles se rassembleront éventuellement des spécialistes. L’institution des commissions répond à cette nécessité ; mais il peut arriver que, sous couvert de rationalisation du travail parlementaire, de fâcheux errements politiques s’instaurent »17.L’information du parlement par ses commissions, est une fonction normale des commissions des Assemblées de rechercher, indépendamment des nécessités de la délibération législative, l’information nécessaire à l’exercice du contrôle parlementaire. Mais si ce rôle incombe normalement aux commissions permanentes, il peut également être dévolu à des commissions spécialement constituées à cet effet, les commissions d’enquêtes et de contrôle. Au nombre des commissions parlementaires qu’exerce le contrôle parlementaire, nous devons citer d’abord les commissions d’Enquête(A), ensuite les commissions permanentes(B) qui participent à l’exercice de la fonction informative selon des formes diversifiées notamment à travers la technique d’audition(C).

      A. LES COMMISSIONS D’ENQUETES :

De prime abord, la constitution de la République démocratique du Congo à son article 138 al.1er 4° donne la possibilité de créer une commission d’enquete18.

Elles impliquent une descente sur terrain ayant pour objet de recueillir les éléments d’information, les plus complets sur des faits déterminés par l’Assemblée plénière. Elles sont créées pour obtenir des informations sur un fait déterminé, soit pour étudier la gestion financière et administrative des services publics et entreprises nationales19.

Le parlement peut aussi constituer des commissions d’enquêtes, à propos d’une affaire ou d’un problème déterminé. Il s’agit alors des commissions temporaires ad-hoc, dont le mandat est limité dans le temps et dans l’objet. La création est de l’initiative de tout parlementaire. Cependant, la décision de création est prise en séance plénière.

En droit comparé, la constitution d’une commission d’enquête répond à un double objectif : Elle permet à la chambre intéressée de s’informer sur un sujet et à l’issue de ces travaux, de mettre à jour des responsabilités politiques. Elle permet aussi à l’Assemblée de faire œuvre législative dans le domaine étudié20 .

Juridiquement, ceci prouve que les commissions d’enquêtes servent de base pour le rôle de légiférer et non seulement dans le contrôle.

En France, jusqu’à la loi du 20 juillet 1991, il existait une différence entre les commissions d’enquêtes et les commissions de contrôle. Ces deux catégories ont été unifiées et les commissions d’enquêtes sont chargées de recueillir des éléments d’information soit sur les points déterminés soit sur la gestion des services publics ou des entreprises nationales en vue de soumettre leurs conclusions à l’Assemblée qui les crée21.

      En RDC, pour ce qui est de l’analyse, au 30 novembre 2009, on dénombrait pour la première législature de cette troisième République, 24 commissions d’enquêtes déployées par l’amélioration nationale. Le nombre de ces commissions d’enquêtes apparaît insuffisant face à l’ampleur de la mission de contrôle du parlement. Si la commission d’enquête n’est pas insuffisamment éclairée, elle soumet ses conclusions à la plénière pour une discussion pouvant déboucher sur des plus amples éclaircissements.

Au cours de l’enquête, le président et le chef de la commission disposent des pouvoirs les plus étendus, comme par exemple :

1° La possibilité d’introduire une requête auprès de l’autorité judiciaire et

2° La possibilité de déférer devant la justice les auteurs des faits répréhensibles qui ont été constatés à l’issue de l’enquête. Outre, les travaux de la commission se clôturent par le dépôt d’un rapport. En séance plénière, la chambre tire des conclusions. Les conclusions de la commission d’enquête dument approuvées par la plénière donnent généralement lieu à des sanctions.

  1. LES COMMISSIONS PERMANENTES :

Selon le prescrit de l’article 189 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, en sus de leur attributions législatives, les commissions permanentes assurent, dans les limites de leurs spécialités respectives, l’information de l’Assemblée nationale aux fins de l’exercice de son contrôle sur la politique du gouvernement et la gestion des entreprises publiques, des établissements et des services publics, par l’audition des membres du gouvernement et des gestionnaires de ces organismes[5].   

Le principe est donc la commission « ad-hoc », constituée pour l’examen d’un projet particulier. Mais il faut dire que, dans la pratique, l’exception est devenue la règle et que ce sont les commissions permanentes qui se partagent l’examen des projets ou propositions22. Il s’agit plutôt des commissions d’audition et non celles chargées d’examiner les projets ou propositions des lois.

      En France, le rôle d’information des commissions permanentes est affirmé aussi bien par le règlement de l’Assemblée nationale que par celui du sénat.

La fonction comporte la possibilité de constituer des commissions d’information, de bénéficier de l’assistance de certains fonctionnaires des administrations centrales en qualité d’experts, de demander la comparution des ministres et de se faire communiquer toute pièce utile, spécialement en matière budgétaire et financière23.

      En RDC, les commissions permanentes sont des structures continues du parlement. Leur demande est introduite par le président de la commission concernée auprès du bureau de l’Assemblée nationale qui la transmet à un membre du gouvernement ou au gestionnaire des entreprises publiques, des établissements ou des services publics, avec copie, selon le cas, à la hiérarchie ou à la tutelle. Elles existent pendant toute la législature. D’après l’article 37 du règlement intérieur de l’assemblée nationale (1ère législature), « Il est créé au sein de l’Assemblée nationale les sept commissions permanentes ci-après :

      1° La commission politique, administrative et judiciaire ;

      2° La commission économique et financière ;

      3°La commission sociale et culturelle ;

      4°La commission des relations extérieures,

      5°La commission défense et sécurité ;

      6° La commission environnement et ressources naturelles ; et

      7° La commission aménagement du territoire et infrastructures.

Chaque commission est subdivisée en sous-commissions correspondant chacune à un ou plusieurs ministères du gouvernement. Toute fois, en cas d’opportunité et de nécessité, l’Assemblée nationale peut, sur proposition de son bureau, créer d’autres commissions permanentes ». Chaque commission permanente comprend au moins soixante-dix membres.  Les sous-commissions comprennent un nombre plus ou moins égal de membres. Le président de l’Assemblée nationale est de droit membre de chacune des commissions et sous-commissions. Les autres députés font chacun partie d’une commission et/ou d’une sous-commission.24 Toutefois, un député peut participer, sans voix délibérative, aux travaux d’une commission ou sous-commission autre que celle dont il est membre. (Article 38 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale).

  1. DE L’AUDITION PAR DES COMMISSIONS :

Le parlement peut procéder à l’audition des personnes intéressées par les commissions permanentes qui sont constituées en son sein et qui sont plus ou moins spécialisées dans les différents domaines de l’action du gouvernement25.

De par la volonté du constituant, les commissions permanentes, spécialisées, ou ad-hoc peuvent auditionner n’importe quel responsable de l’appareil exécutif de l’Etat. A titre de rappel, les commissions permanentes, voire spéciales du genre, les commissions, auditionnent régulièrement les membres du gouvernement comme les responsables des entreprises, établissements et services publics de l’Etat. En plus de leurs attributions législatives, les commissions permanentes assurent, dans les limites de leurs spécialités respectueuses, l’information de l’Assemblée nationale aux fins de l’exercice de leur contrôle sur la politique du gouvernement et la gestion. A titre d’exemple, durant la session ordinaire du mois de mars 2008, la commission d’ECOFIN a procédé à 9 auditions dont celle du 06 mai 2008 du ministre des mines au sujet de la révisitation et de la renégociation des contrats miniers signés par le gouvernement26. Les rapports d’audition sont rendus publics au niveau des plénières. Toutefois, lorsqu’ils abordent des sujets sensibles, le huis clos peut être prononcé sur demande d’un député ou du président de la chambre après décision de la plénière. La demande d’audition est introduite par le président de la commission concernée au bureau de la chambre (Assemblée nationale) qui la transmet à son tour au concerné avec copie, selon le cas à la hiérarchie ou à sa tutelle.

L’objet de l’audition est purement informatif27. A l’issue des auditions, les remarques et commentaires à l’intention des personnes auditionnées et les recommandations conséquences faites par les commissions à la demande de la plénière lors de l’audition des membres de l’exécutif sont transmises au gouvernement par le biais du bureau de l’Assemblée nationale.

      Après avoir décortiqué les mécanismes de contrôle parlementaire, nous pouvons nous poser la question de savoir, à quoi aboutit le contrôle parlementaire? C’est cette question qui nous plonge directement dans le vif de la seconde section sur les effets ou sanctions issus de ces mécanismes.

SECTION 2 : LES SANCTIONS OU EFFETS ISSUS DU CONTROLE PARLEMENTAIRE.

De prime abord, la sanction du contrôle parlementaire comporte des modalités très différentes par leur nature et par leurs conséquences. Les techniques d’information portent déjà en elles-mêmes une sanction dans la mesure où, à partir des données qu’elles contribuent à révéler et qu’elles obligent à soumettre à la discussion, elles sont susceptibles d’écho dans l’opinion et de prolongement dans les rapports politiques du gouvernement28.

      En effet, si la cour constitutionnelle accorde aux deux chambres réunies en congrès le pouvoir d’exercer le contrôle du gouvernement et de voter la décision de poursuite et de mise en accusation du président de la République et du premier ministre, il apparait que certaines sanctions politiques ne sont prononcées que par l’Assemblée nationale, à savoir le vote de la motion de censure et de défiance contre le gouvernement ou un membre du gouvernement.

      En outre, le vote de la décision de poursuite et de mise en accusation des membres du gouvernement figure comme prérogative de l’Assemblée nationale en vertu de l’article 166 al.2 de la constitution ; disposition considérée par certains comme garantissant l’impunité et par conséquent, encourageant l’immoralité des membres du gouvernement.

Ce qui précède confirme la prépondérance de la chambre basse dans le cadre du contrôle.

      Enfin, les mécanismes de contrôle peuvent déboucher sur la mise en jeu de la responsabilité politique d’un membre du gouvernement, ce qui constitue la motion de défiance (§2) ou sur la responsabilité politique de tout le gouvernement, la motion de censure contre le premier ministre (§1), par l’initiative gouvernementale, ce qui constitue la question de confiance (§3), mais aussi les responsabilités pénales du premier ministre peuvent être  envisagées (§4).

§1. LA MISE EN CAUSE DE LA RESPONSABILITE POLITIQUE DU GOUVERNEMENT PAR L’ASSEMBLEE NATIONALE : LA MOTION DE CENSURE.

La censure est le moyen donné à l’Assemblée nationale de mettre en cause la responsabilité du gouvernement.29 La motion est une proposition émanant de l’Assemblée nationale, un acte de défiance à l’encontre du gouvernement. La motion de censure est l’arme classique de l’Assemblée à l’encontre du gouvernement dans le régime parlementaire. Elle se traduit par une motion réglementée dans des conditions qui donnent à cette rupture un caractère d’extraordinaire gravité.

      La motion étant une conséquence de la responsabilité du gouvernement ou de l’un des ses membres, elle est régie par la constitution en ses articles 146 et 147.

Quant à l’article 146 al.2, l’Assemblée nationale met en cause la responsabilité du gouvernement (…) par le vote d’une motion de censure…30 Pour mieux comprendre les dispositions constitutionnelles des articles 146 et 147, il convient d’abord de s’intéresser sur la procédure applicable(A) et c’est après qu’on verra la signification politique de la motion de censure(B).

A. LA PROCEDURE APPLICABLE :

      Elle est conçue de manière à éviter que l’Assemblée nationale ne puisse renverser trop facilement le gouvernement.

Le dépôt de la motion de censure :

La motion de censure contre le gouvernement n’est recevable que si elle est signée par un quart des membres de l’Assemblée nationale31, ce quart étant calculé sur le nombre de sièges effectivement pourvus. Un même député ne peut signer plusieurs motions de censures à la fois. Les motions sont généralement  motivées.

Il est à rappeler qu’aucune motion de censure ne peut être déposée pendant la durée de l’intérim présidentiel et que pendant la vacance parlementaire, une motion de censure ne peut être déposée que lors des sessions ordinaires32.

  1. Le vote de la motion :

      Aux termes de l’article 146  al.5, le débat et le vote ne peuvent avoir lieu que quarante huit heures après le dépôt de la motion. Aucun retrait de la motion de censure n’est possible après sa mise en discussion qui, une fois engagée, doit être poursuivie jusqu’au vote.

  1. Le calcul de majorité :

      L’article 146 al.6 comporte à cet égard une règle essentielle selon laquelle seuls sont recensés les votes favorables à la motion de censure(…) qui ne peut être adopté qu’à la majorité absolue des membres composant l’Assemblée nationale.

Ce système présente des avantages certains. D’abord, il crédite le gouvernement non seulement des voix de ceux qui, dans un scrutin normal, auraient voté pour lui mais également des voix de ceux qui se seraient abstenus ; de ce fait, les députés n’ont pas d’autres possibilités que de prendre position pour ou contre le maintien en fonction du gouvernement, ce qui parait tout à fait normal dans un scrutin aussi important, requérant de chaque député un engagement clair et complet et non pas une neutralité équivoque. Ensuite, lorsque la motion n’est pas adoptée, il renforce la position du gouvernement, qui se trouverait politiquement diminuer si, dans un scrutin normal, les abstentions dénombrées avaient été considérables.

      Enfin, lorsque la motion de censure est adoptée, elle peut favoriser, en dégageant une majorité nette, la constitution du nouveau gouvernement ; toutefois, le résultat ne sera atteint que si cette majorité est unie et constructive et ne résulte pas de la conjonction occasionnelle d’oppositions contradictoires.

  1. Les suites de la motion :

Si elle est adoptée, elle entraine la démission du premier ministre et du gouvernement. Si elle est rejetée, ses signataires ne peuvent en déposer une autre au cours de la même session33 , à moins que le gouvernement ne prenne lui-même l’initiative d’engager sa responsabilité sur le vote d’un texte.

B. LA SIGNIFICATION POLITIQUE DE LA MOTION DE CENSURE.

                   La motion de censure représente une survivance du régime semi-parlementaire dans le cadre spécifique de la troisième République mais sa signification est entièrement nouvelle34.

  1. La mise en cause du pouvoir.

C’est une mise en cause globale car si, conformément à la tradition, la motion de censure est dirigée contre le premier ministre, on ne doit pas oublier qu’il n’est plus le seul ni même le principal titulaire du pouvoir politique. De lors il est très compréhensible que la motion puisse viser le président de la République tout au tant et même davantage que le premier ministre. Celui-ci en est certes le destinataire nominal mais le président peut être le destinataire réel35. En d’autres termes, le chef du gouvernement est politiquement responsable devant l’Assemblée nationale non seulement pour sa politique et ses décisions mais aussi pour la politique et les décisions prises par le président, notamment dans l’exercice de ses pouvoirs propres quand bien même il n’aurait pas participé et aurait seulement été tenu informé.

  1. La pratique parlementaire en République Démocratique du Congo.

      Rappelons que durant cette deuxième législature de la troisième République, une seule motion de censure a été déjà initiée à l’émis-sicle nationale ; le 16 avril 2013 par l’Honorable Baudouin MAYO de l’UNC de Vital KAMERHE contre le premier ministre Augustin MATATA MPONYO pour motif de violation de la constitution.

      Eu regard du spectacle offert à l’opinion nationale et internationale, par les « honorables » députés, qui se sont caractérisés par une versatilité et une légèreté dans la gestion de la « RES PUBLICA », ces derniers ne sont guidés que par le lucre et les avantages personnels qu’ils peuvent tirer de leur position de député. Ceci s’explique par le fait que les députés signataires de la motion de censure de l’honorable Baudouin MAYO ont commencé les uns après les autres à retirer leurs signatures au bas de la motion MAYO.

Si bien que celle-ci qui avait déjà recueilli 137 signatures n’en comptait plus que 95, largement en deçà du nombre de signatures requis par la constitution, pour inquiéter le premier ministre et son gouvernement36. Les députés en retirant leurs signatures ont invoqué comme motif « des convenances personnelles ». C’est ainsi que la motion sera jugée irrecevable suite au nombre inférieur des signatures requises par la constitution.

Enfin, s’agissant de l’article 147 de la constitution, il sied de rappeler que lorsque l’Assemblée nationale adopte une motion de censure, le gouvernement est réputé démissionnaire. Dans ce cas, le premier ministre remet la démission du gouvernement au président de la République dans les vingt quatre heures.37

§2. LA RESPONSABILITE  POLITIQUE D’UN MEMBRE DU GOUVERNEMENT : LA  MOTION DE DEFIANCE.

      La motion de défiance est une proposition émanant d’un parlementaire ayant pour objectif de mettre en cause la responsabilité politique d’un membre du gouvernement.

L’article 138 al.2, assortit les moyens de contrôle et la possibilité de vote d’une motion de censure ou de défiance, adoptée conformément aux articles 146 et 147 de la constitution. Il en résulte que, sous réserve des conditions d’adoption d’une telle motion, les procédés de contrôle peuvent déboucher sur la démission des membres du gouvernement, soit individuellement, …38 Les moyens de contrôle acquièrent alors une portée politique considérable en dépit de leur caractère apparemment anodin. Nous allons voir d’abord la procédure applicable(A) mais aussi la signification politique(B) afin de mieux comprendre la motion de défiance.

  1. LA PROCEDURE APPLICABLE.
  1. Le dépôt de la motion de défiance.

L’article 146 al. 4 de la constitution stipule ce qui suit : «  la motion de défiance contre un membre du gouvernement n’est recevable que si elle est signée par un dixième de membres composant l’Assemblée nationale »39 Ce dixième doit être calculé sur le nombre de sièges effectivement pourvus. Le signataire d’une motion de défiance ne peut point initier plusieurs au cours de la même session. Elle est généralement motivée.

  1. Le vote de la motion de défiance.

      S’inspirant de l’article 146 al. 5 de la constitution, le débat et le vote ne peuvent avoir lieu que quarante huit heures après le dépôt de la motion.

  1. Le calcul de majorité.

Le constituant congolais donne une norme importante à ce point. L’article 146 al. 6 dispose : « seuls sont recensées les voix favorables à la motion… de défiance, qui ne peut être adoptée qu’à la majorité absolue des membres composant l’Assemblée nationale ».4O

  1. Les suites de la motion.

D’après l’article 147 al. 2, lorsqu’une motion de défiance contre un membre du gouvernement  est adoptée, celui-ci est réputé démissionnaire. Par contre, si elle est rejetée, ses signataires ne peuvent plus en déposer une autre au cours de la même session.

  1. LA SIGNIFICATION POLITIQUE DE LA MOTION DE DEFIANCE.

      De prime abord, il se remarque que la motion de défiance est d’une application capitale en régime mixte.

      En effet, s’agissant de sa mise en cause, conformément à la tradition, la motion de défiance est dirigée contre un ministre.

En outre, le ministre étant  chef d’un département ministériel, est responsable de tous les actes de son ministère.41

      Enfin, lorsque la motion de défiance est adoptée, le ministre concerné doit déposer sa démission au premier ministre.

§3. DE LA QUESTION DE CONFIANCE.

      La mise en cause de la responsabilité de l’exécutif constitue l’apothéose du contrôle parlementaire. Elle permet de constater, avec plus de pertinence, au-delà des apparences, la dépendance politique du gouvernement et de ses membres à l’organe délibérant.

A la manière de qui m’aime me suive, l’alinéa premier de l’article 146 dispose : le premier ministre peut, après délibération du conseil des ministres, engager devant l’Assemblée nationale la responsabilité du gouvernement sur son programme, sur une déclaration de la politique générale ou sur le vote d’un texte.[6]

C’est là, l’énoncé d’une règle constitutionnelle aussi ancienne que le parlementarisme qui, cependant, a donné matière à discussion. Ayant sacrifié au formalisme de la délibération du conseil des ministres, le premier ministre engage l’existence de son gouvernement, soit sur son programme, soit sur une déclaration de politique générale, sachant que ces expressions sont d’une acceptation analogue. Mais, une question essentielle se pose : le premier ministre est-il tenu ou non de solliciter la confiance, au moment de son entrée en fonction?

Deux arguments plaident en ce sens : le gouvernement existe juridiquement dès sa nomination indépendamment d’une manifestation de la volonté parlementaire.

Mais,  l’investiture, ce réactif exige la volonté de l’Assemblée nationale. Aucun délai n’est par ailleurs visé par l’alinéa premier.  

      

6 Art. 100, al.2 de la Constitution de la RDC du 18 Février 2006,  in JORDC, Kinshasa, n° spécial, mars, 2006

7 F. Vunduawe, Te PEMAKO, Traite de droit administratif, édition Afrique, larcier, Kinshasa, 2007, p.707

8 Art. 138 de la Constitution de la RDC du 18 Février 2006, in JORDC, Kinshasa, n° spécial, mars, 2006

9 P. Avril et J. Gicquel, Droit parlementaire, 2e éd., Paris, Montchretien, 1996, P.256

10 M. Prélot, et J. Boulouis, Institution politique et droit constitutionnel, 11e éd., Dalloz, Paris, 1990, P.870

11 T. MUHINDO MALONGA, Droit constitutionnel et institutions politiques, Théorie générale et doit constitutionnel congolais, édition P .U.G-CRIG, Butembo, Nord-Kivu, RDC, février, 2010, P.523

12 G. Burdeau, F. Hamon, et M. Troper, Droit constitutionnel, 28e éd., LGDJ, Paris, 2003, P.353

[3] Art. 170 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale de la RDC.

[4] Art. 171 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale de la RDC.

13 IDEM

14 T.MUHINDO MALONGA, Op. Cit. P.524

15 Site du député, J. BAMANISA, http//bamanisajean-unblog.fr/à-propos/. Consulté en date du 17 avril 2013 à 10h 11

16 Art. 100 al.2 de la Constitution Belge.

17 A. Hauriou, Droit constitutionnel et institutions politiques, 4e éd., Montchrestien, Paris, 1970, P.867

18 Art. 138, al. 1er de la Constitution de la RDC du 18 Février 2006, in JORDC, Kinshasa, n° spécial, mars, 2006.

19 D. Touret, Droit constitutionnel, la France depuis 1789, éd. D’organisation, Paris, 1789, P.114

20 F. Delperée et S. Depre, Le droit constitutionnel de la Belgique, Bruyant, Bruxelles-Paris, LGDJ, 2000, P.247

21 G. Burdeau, F. Hanon et M. Tropes, Manuel de droit constitutionnel, 249e éd, LGDJ, Paris, 1998, P.602

[5] Art. 189 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale de la RDC.

22 A. Hauriou, Op. Cit. P.868

23 M. Prélot et J. Boulouis, Institutions politiques et droit constitutionnel, 11e éd., Dalloz, Paris, 1990, P.869

24 T. MUHINDO MALONGA, Op. Cit. , P. 512

25 T. MUHINDO MALONGA, Op. Cit., P.524

26 Module de l’interface exécutif n° de sept. 2008, PP.54-56

27 Art. 189 du règlement  intérieur de l’Assemblée nationale de la RDC.

28 M. Prélot et J. Boulouis, Op. Cit. P.872

29 M. Prélot et J. Boulouis, Op. Cit, P.882

30 Art. 146, al.2 de la Constitution de la RDC du 18 Février 2006, in JORDC, Kinshasa, n° spécial, mars, 2006.

31Art. 146, al.3 de la  Constitution de la RDC du 18 Février 2006, in JORDC, Kinshasa, n° spécial, mars, 2006.

32 P. Pactet, Institutions politiques et droit constitutionnel, 6e éd., édition Masson, Paris, 1983, P.443

33 Art. 146, al.6 de la Constitution de la RDC du 18 Février 2006, in JORDC, Kinshasa,  n° spécial, mars, 2006.

34 P. Pactet, Op. Cit. P.444

35 Idem, P.444

36 Site internet, http://: WWW Google. Com, consulté le 20 Avril 2013 à 10h 30min.

37 Art. 147,  de la Constitution de la RDC du 18 Février 2006, in JORDC, Kinshasa,  n° spécial, mars, 2006.

38 T.MUHINDO MALONGA, Op. Cit., P.524

39 Art. 146, al.4 de la Constitution de la RDC du 18 Février 2006, in JORDC, Kinshasa, n°spécial, mars, 2006.

4O Art. 146 al.6 de la Constitution de la RDC du 18 Février 2006, in JORDC, Kinshasa, n° spécial, mars, 2006.

41 T. MUHINDO  MALONGA, Cours de droit constitutionnel congolais, uob, G2, droit, 2011-2012, inédit

[6] Art. 146, al. 1er de la constitution de la RDC du 18 Févier 2006, in JORDC, Kinshasa, n° spécial, mars, 2006.

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